Chapitre 3 : Attaque aérienne (B-GA-403-000/FP-001, Doctrine aérospatiale des Forces canadiennes Acquisition de l'avantage)

L’application de la force contre des cibles de surface façonne l’espace de combat physique et psychologique en faveur des objectifs des forces amies. Cela comprend les opérations aérospatiales qui appuient directement des forces amies de surface et celles qui prennent à partie des cibles interarmées prioritaires ou stratégiques, indépendamment des forces amies de surface. Tout comme dans le contexte des combats contre le potentiel aérien, la demande de capacités d’attaque aérienne contre des cibles de surface dépasse presque toujours ce que peuvent offrir les ressources disponibles. La centralisation du commandement, de la coordination, de l’attribution des missions et du contrôle est essentielle pour répondre aux nombreuses priorités de combat en concurrence les unes avec les autres.

De par leur nature, les opérations aérospatiales d’acquisition de l’avantage contribuent aux tirs interarmées, façonnent l’espace de combat en faveur de la réalisation des objectifs militaires et se situent normalement aux niveaux opérationnel et tactique de la guerre. Quand elles visent délibérément les centres de gravité (CG) ennemis, les missions d’attaque aérienne peuvent avoir un important effet stratégique et elles comportent en général les actions suivantes :

  1. détruire les forces de surface ennemies et leur infrastructure de soutien;
  2. limiter l’interférence de la part des forces de surface ennemies;
  3. gêner la capacité de l’adversaire d’opérer des manoeuvres;
  4. priver l’adversaire de la possibilité de concentrer ses forces;
  5. perturber les capacités de commandement, de contrôle et de communications de l’adversaire.

Les paramètres de la puissance aérospatiale que sont la vitesse, la portée, l’altitude, la charge utile et la précision façonnent l’espace de combat de manières dont les forces de surface sont incapables. Les opérations interarmées appuyant directement des forces maritimes, terrestres ou d’opérations spéciales nécessitent une planification et une synchronisation détaillées aux niveaux opérationnel et tactique. Les opérations indépendantes supposent un degré égal de planification, mais elles sont synchronisées à un niveau opérationnel et menées contre des cibles prioritaires à l’appui de l’intention du commandant de la force opérationnelle interarmées (cmdt FOI) et du résultat final recherché par lui.

Pour les opérations d’attaque aérienne, il faut un soutien dynamisant de la part d’autres ressources aériennes, en particulier des capacités de ravitaillement air-air (RAA), de commandement et contrôle (C2), de guerre électronique (GE) et de renseignement, surveillance et reconnaissance (RSR). Ces opérations dépendent grandement des conditions et elles exigent un degré acceptable de maîtrise de l’espace aérien. Si l’adversaire possède des moyens crédibles de lutte contre le potentiel aérien, l’ampleur et l’efficacité de ces opérations risquent d’être restreintes.

Le présent chapitre donne un aperçu général des capacités des forces aérospatiales menant les attaques aériennes, capacités qui comprennent les rôles suivants : la lutte contre le potentiel maritime, la lutte contre le potentiel terrestre, les opérations aériennes spéciales[1] et l’attaque stratégique[2]. Ces rôles et les missions aérospatiales connexes, énumérées dans la figure 3-1, sont décrits davantage tout au long du chapitre.

Figure 3 1. Capacités des forces aérospatiales menant les attaques aériennes

Les opérations aérospatiales de supériorité maritime ont pour objet d’atteindre et de conserver le degré voulu de supériorité maritime en détruisant, perturbant, retardant, détournant ou neutralisant les capacités ennemies dans les airs, à la surface et sous la surface, dans le domaine maritime. Les opérations aériennes qui ne sont pas menées pour appuyer directement les objectifs maritimes, mais dont les exécutants survolent des forces maritimes ou circulent à proximité de celles-ci nécessitent tout de même beaucoup de coordination.

Les forces maritimes sont organisées et déployées en fonction des concepts généraux de l’endiguement, de la défense en profondeur et de l’initiative, et la puissance maritime est bien adaptée pour relever les défis inhérents à chacun d’eux; toutefois, en s’associant aux éléments cinétiques et non cinétiques de la puissance aérospatiale, il lui est possible de réduire ou de surmonter les limites dues à la ligne de visée et à la vitesse relativement lente des navires. La puissance aérospatiale dans l’environnement maritime accroît la portée des opérations maritimes, facilite les manoeuvres et renforce la connaissance de la situation, grâce aux caractéristiques suivantes des forces aérospatiales :

  1. Altitude. Un aéronef accroît considérablement la portée des détecteurs des systèmes navals traditionnels qui sont, à toutes fins utiles, près de la surface. En se reliant à un aéronef volant à 30 000 pieds (9 145 mètres) d’altitude, la Marine se dote d’un RMP (tableau de la situation maritime)/horizon radar de plus de 200 milles marins [370 kilomètres (km)], ce qui améliore ses efforts de défense en profondeur et d’endiguement. En outre, la capacité qu’a l’aéronef de manoeuvrer en altitude lui facilite l’identification des combattants, la désignation d’objectifs transhorizon (DOTH) et l’attaque indépendante, et il peut malgré tout rester relativement à l’abri des contacts avec l’ennemi, ce qui donne au commandant une initiative accrue.
  2. Vitesse et portée. Les aéronefs peuvent rapidement aller analyser de nombreux secteurs d’intérêt; on peut leur attribuer une nouvelle mission pendant qu’ils sont en vol et les déplacer vers des zones de vulnérabilité en devenir ou des points de rupture plus rapidement qu’un navire de surface. Les aéronefs peuvent détecter, atteindre et prendre à partie des cibles à des distances que les navires mettraient des heures, voire des jours, à atteindre. Par conséquent, avec la capacité de se rendre plus loin, de réagir plus rapidement et de passer plus vite de la défensive à l’offensive, les forces aérospatiales peuvent renforcer considérablement la capacité de la Marine de concrétiser les concepts de l’endiguement, de la défense en profondeur et de l’initiative.

Du point de vue du C2, les forces aéroportées peuvent participer à des opérations dans le domaine maritime soit indépendamment, soit en s’intégrant dans une force maritime (interarmées) :

  1. Les opérations indépendantes font intervenir des aéronefs qui circulent loin de la force de surface et sous le contrôle d’une autorité à terre. Elles sont normalement exécutées par des aéronefs de patrouille à long rayon d’action (APLRA), qui peuvent tout de même agir de concert avec des éléments maritimes mais qui évoluent souvent au-delà de la distance de détection et sans devoir maintenir des communications directes. D’habitude, les opérations indépendantes sont planifiées et coordonnées par le quartier général à terre, mais elles sont synchronisées avec les efforts du commandant de la force maritime. L’équipage aérien est chargé de la navigation et de l’évitement des collisions et il dispose de la liberté tactique voulue pour accomplir sa tâche.
  2. Les opérations interarmées font appel à des aéronefs qui travaillent non loin d’une force de surface, sous le contrôle d’un commandant embarqué, appelé officier exerçant le commandement tactique (OTC)[3]. Les APLRA et les aéronefs embarqués (les forces aériennes organiques) peuvent fonctionner en tant qu’éléments intégrés de la force maritime; ils poursuivent des cibles et exécutent des tâches en fonction des besoins tactiques et opérationnels de la force.

Opérations aérospatiales dans le domaine maritime. Dans le domaine maritime, on définit plus précisément les opérations aérospatiales indépendantes et interarmées en employant les expressions « soutien direct » (SD), « soutien associé » (AS) et « opération de zone » (OZ)[4]. Les opérations de SD sont interarmées, les opérations de zone sont menées indépendamment de la force maritime, et les opérations de AS intègrent ces deux aspects :

  1. Soutien direct. Les aéronefs qui assurent le SD à une force maritime sont placés sous le contrôle tactique (TACON) de l’OTC. Le contrôle opérationnel (OPCON) demeure le fait de l’autorité responsable, et le commandement tactique (TACOM) est normalement confié au commandant de mission des aéronefs. Le C2 exercé sur les ressources organiques est quelque peu différent en ce sens que celles-ci relèvent de l’OPCON du commandant (cmdt) de leur navire. Ces ressources reçoivent leurs missions en fonction des instructions de l’OTC ou du commandant des combats navals[5] par l’intermédiaire du cmdt du navire. Les opérations de SD ont normalement lieu dans le voisinage immédiat de la force maritime. Le rayon de la zone des opérations de soutien direct autour de la force est établi par l’OTC et il varie en fonction de ce qui suit :
    1. la menace;
    2. les ressources aérospatiales disponibles;
    3. la couverture de zone souhaitée.
  2. Soutien associé. Les aéronefs chargés du AS fonctionnent indépendamment des forces maritimes et aérospatiales; toutefois, ils le font à l’appui d’une force maritime particulière et de la mission du commandant de la force. Les équipages aériens communiquent avec la force maritime, ils reçoivent et fournissent des renseignements et définissent toutes les mesures nécessaires de déconflictualisation de zone. En général, les aéronefs assurant le AS circulent à une certaine distance de la force maritime appuyée, mais à distance de détection et à portée des systèmes de communication. L’OTC de la force appuyée ne peut assumer le contrôle tactique (TACON) des aéronefs à moins d’avoir été autorisé à le faire par l’autorité responsable des aéronefs, laquelle conserve le contrôle opérationnel (OPCON).
  3. Les opérations de zone ont lieu dans les secteurs où l’on sait que des forces ennemies se trouvent, à travers desquels elles sont susceptibles de passer, ou dans lesquels il est souhaitable de les priver de la liberté d’action. Ces opérations peuvent avoir pour objet de protéger des forces maritimes devant entrer dans le secteur dans l’avenir, ou d’assurer une défense en profondeur à des forces éloignées. Les aéronefs basés au sol et exécutant des opérations de zone relèvent de le contrôle opérationnel (OPCON) d’une autorité à terre [c’est souvent le commandant de la composante maritime (MCC)]. Le commandement tactique (TACOM) des aéronefs remplissant la mission est normalement délégué au commandant de mission de ces derniers par l’autorité responsable. Les commandants de mission d’aéronef sont mis au courant de l’emplacement des forces maritimes amies, et on leur fait savoir s’ils peuvent répondre à une demande d’aide de ces forces poursuivant des contacts dans la zone d’opérations des aéronefs.

Dans le contexte des opérations aérospatiales maritimes, les aéronefs basés à terre et embarqués travaillent en étroite coopération avec les forces navales de surface et sous-marines pour garantir l’emploi le plus efficace des ressources disponibles. Ils ont pour objectif de détecter, surveiller, neutraliser ou détruire l’adversaire, de réaliser la défense en profondeur ainsi que de saisir et de conserver l’initiative. Sous-tendant tous ces efforts, il y a la création exacte et à point nommé du tableau de la situation maritime (RMP) (tableau de la situation maritime) qui est mis en commun par des moyens électroniques et qui vise à présenter des renseignements exacts sur la position et le vecteur de toutes les unités, amies ou non, dans un espace de combat défini. Les calculs faits à cet égard reposent sur le travail des détecteurs et sur les renseignements produits par toutes les plates-formes participantes, qu’elles soient terrestres, maritimes, aériennes ou spatiales. Le RMP peut être élaboré au niveau tactique, s’il s’agit, par exemple, d’un seul groupe naval opérationnel, ou au niveau stratégique et national. Un RMP exact permet au commandant des forces maritimes de manoeuvrer et de s’attaquer aux menaces avec efficience et efficacité. Avec ses caractéristiques, la puissance aérospatiale offre des avantages évidents par rapport aux ressources de surface lorsqu’il s’agit d’élaborer le RMP.

Les combats livrés par les forces maritimes entrent dans trois catégories distinctes : la lutte antinavire (LAN), la lutte antiaérienne (LAA) et la lutte anti-sous-marine (LASM), cette dernière comportant deux subdivisions : la LASM et la lutte contre les mines (LCM). Afin d’utiliser plus efficacement les systèmes et les ressources de combat disponibles contre les menaces, l’OTC peut créer des sous-groupes de C2 en fonction de ces catégories, en nommant des commandants des combats navals chargés de la LAN, de la LAA et de la LASM pour la flotte et un coordonnateur de la lutte contre les mines (LCM). Cette division des responsabilités varie en fonction de la complexité de la situation tactique et elle est détaillée dans les messages échangés au sujet de la mission. Les aéronefs appuyant la force maritime relèvent d’un de ces commandants et ils sont utilisés en conséquence. Cette affectation est souvent précisée par l’autorité responsable, mais elle peut aussi être assouplie de manière qu’une réaffectation soit possible pendant une mission donnée. Dans tous les cas, l’exécution de ces opérations nécessite des mesures de déconflictualisation, en particulier dans les eaux littorales[6]. Ces mesures sont essentielles pour éviter les affrontements fratricides dans un environnement opérationnel complexe.

Les forces maritimes peuvent être affectées dans des secteurs opérationnels qui se situent sous des aires ou des corridors aériens civils, ou à proximité de ceux-ci. La situation risque d’être encore plus compliquée si la force se trouve à portée des tirs d’une force aérienne ou maritime ennemie. En pareil cas, les forces maritimes doivent se conformer aux procédures régionales de contrôle de l’espace aérien, être reliées à tout réseau ami de défense aérienne et connaître le plan de défense contre le potentiel aérien (DCA) ennemi. C’est là une situation où l’OTC pourrait nommer un commandant distinct de la lutte anti-aérienne qui serait chargé de la défense aérienne des forces de surface.

On peut définir de bien des façons le mot « littoral », mais la plus simple consiste à dire qu’il désigne les zones côtières. La Marine royale canadienne (MRC) fournit la définition suivante : « Zones côtières et terrestres susceptibles à être influencées de la mer. On entend généralement par zone littorale la zone qui couvre 100 km à terre et 200 milles marins (NM) en mer et qui, sur le plan vertical, s’étend de l’espace au sol et au fond de l’océan[7]. » Cela équivaut en gros à la zone sublittorale où les navires de guerre munis d’armes conventionnelles peuvent exercer une influence. Les aéronefs embarqués, les hélicoptères et les missiles d’attaque au sol à lanceur naval changent cette dynamique en accroissant considérablement la portée d’une force navale et l’effet qu’elle exerce sur le combat terrestre. L’espace de combat littoral est particulièrement complexe en ce sens que les opérations y étant menées nécessitent une coordination étroite des capacités des trois environnements air, terre et mer. On associe souvent les opérations littorales à une forme quelconque d’attaque coordonnée depuis la mer dans le cadre de laquelle des forces amies exécutent une opération amphibie ou un assaut aéronaval, mais la catégorie comprendrait également l’établissement d’une position amie de défense côtière ou la progression d’une force terrestre amie – accompagnée de forces aériennes tactiques intégrées – le long de la côte, avec le soutien de capacités navales et aériennes. Chacun de ces exemples fait voir un chevauchement important des capacités et des zones d’opérations, en particulier de celles des forces aérospatiales désignées. Par ailleurs, l’espace de combat littoral offre à un adversaire des possibilités s’il veut exploiter le terrain et les eaux peu profondes pour dissimuler des attaques avec tirs terrestres, mines, aéronefs, navires de patrouille rapides et sous-marins. Les forces aérospatiales amies contribuent grandement à la neutralisation de ces menaces. Afin de garantir l’utilisation la plus efficace et la déconflictualisation concrète des ressources et des effets aérospatiaux dans cet environnement complexe, il faut une doctrine interarmées rigoureuse et la synchronisation étroite des TTP.

Les ressources aériennes embarquées présentent des défis particuliers au chapitre du C2, peu importe que ce soit des aéronefs à voilure fixe ou tournante ou des aéronef sans pilote (ASP). On décrit souvent ces ressources comme étant des « forces aériennes organiques » pour mettre en évidence leur relation étroite avec leur navire respectif. Dans de nombreuses marines du monde, on emploie l’expression « aéronavale » pour décrire les ressources aériennes embarquées. Cela les distingue de l’aviation maritime, expression qui désigne les aéronefs remplissant un rôle maritime mais sous le commandement de forces non navales. À l’heure actuelle, les seules forces aériennes organiques du Canada sont ses hélicoptères maritimes (HM) qui sont détachés par l’ARC à la MRC à bord de navires de combat ou de soutien[8]. En dépit de ces liens étroits, dans les Forces canadiennes (FC), les HM et les APLRA sont encore considérés comme appartenant à l’aviation maritime plutôt qu’à l’aéronavale. Pendant qu’elles opèrent depuis un navire dans les zones littorales ou dans des secteurs d’opérations interarmées, les forces organiques doivent néanmoins se conformer à la structure des forces aérospatiales externes. La plus grande faiblesse de ces ressources réside dans leur sensibilité aux conditions environnementales en mer. Les forces aérospatiales sont en général sensibles au mauvais temps, mais en mer, cet état de choses risque d’être aggravé. Les HM peuvent bien fonctionner par très faible visibilité et quand le plafond est bas, mais le manque d’aides à la navigation de précision risque de limiter grandement les opérations aériennes depuis un porte-avions, tout comme une forte mer.

Les HM et les APLRA possèdent des capacités semblables et assument des rôles similaires, en particulier les versions plus modernes de ces deux catégories d’appareils, par exemple le CH148 Cyclone et le CP140/A Bloc III Aurora. Chaque type d’aéronef procure à une force maritime une vaste gamme de détecteurs, y compris des capteurs acoustiques, des bouées sonores, des radars et des systèmes de GE et des caméras électro-optiques / à infrarouge (EO/IR). Les HM ont un avantage résidant dans leur capacité de se maintenir en vol stationnaire et dans leur haut degré d’intégration dans la force appuyée. Les APLRA ont eux aussi un avantage : leur vitesse, leur rayon d’action, leur endurance et leur enveloppe opérationnelle leur procurent une grande souplesse sur les plans de l’adaptabilité globale et de la capacité de remplir des missions très diverses.

L’appui aérien tactique aux opérations maritimes (TASMO)[9] est celui que les chasseurs basés à terre fournissent aux forces maritimes. Bien que les chasseurs ne soient normalement pas considérés comme faisant partie de l’aviation maritime, ils peuvent, s’ils sont bien armés, constituer d’importants multiplicateurs de la force, surtout s’ils appuient une force maritime non munie d’aéronefs embarqués. Les TASMO peuvent être de nature offensive ou défensive et remplir les missions de LAN et de LAA évoquées dans les paragraphes précédents; pour ce qui est de l’envergure, elles s’apparentent aux missions d’interdiction aérienne menées pour écraser le potentiel terrestre ennemi et à la maîtrise de l’espace aérien assuré par la DCA. Des tactiques, techniques et procédures (TTP) détaillées régissent et guident l’emploi des chasseurs pendant ces opérations, en rationalisant les défis relatifs au C2 et en réduisant les risques d’incidents fratricides.

Aux fins de la LAN, on emploie des ressources aéroportées, sous-marines et de surface pour repérer, suivre, détruire des cibles maritimes de surface (navires de guerre, navires marchands et installations côtières) ou pour en décourager l’utilisation. On peut placer des capacités aérospatiales de différents types et assumant divers rôles sous le contrôle d’un seul commandant pour en maximiser les effets, réduire au minimum les pertes amies et optimiser le soutien mutuel, tout en infligeant les dommages maximums aux défenses aériennes ennemies et en les saturant le plus possible en route et dans la zone ciblée. Les forces aérospatiales armées lançant des engins de précision à distance de sécurité (surtout si ceux-ci sont munis d’armes antinavire spéciales) se prêtent idéalement à la LAN.

Outre qu’elles peuvent frapper directement les bâtiments ennemis, les ressources aérospatiales peuvent servir à restreindre la liberté de mouvement de l’adversaire en posant des mines du haut des airs.

La LAN a pour but d’empêcher l’adversaire d’employer avec efficacité ses forces de surface et ses systèmes d’armes. Les aéronefs à voilure fixe ou tournante, les sous-marins et les navires de surface peuvent remplir cette tâche indépendamment, mais il vaut mieux qu’ils le fassent dans le cadre d’une attaque coordonnée. Les ressources aérospatiales projettent les capacités des bâtiments de surface bien au-delà de la ligne de visée. La désignation d’objectifs transhorizon, dont se chargent les APLRA et les hélicoptères maritimes, accroît sensiblement l’efficacité offensive du navire et lui permet de prendre l’ennemi à partie avec ses armes à grande portée, tout en restant relativement dissimulé et à l’abri de la riposte ennemie. Dans le passé, les données servant à désigner les objectifs étaient transmises par des communications vocales, mais l’introduction de systèmes modernes de partage des données tels que les Links 11, 16 et 22 simplifient désormais beaucoup les engagements dans le cadre de la LAN, en fournissant à tous les combattants branchés au réseau des renseignements précis sur les cibles. La LAN atteint son point culminant quand on vise et attaque les navires ennemis, ce dont peuvent se charger des forces de surface basées tant à terre qu’en mer ou d’autres ressources aéroportées (songeons, par exemple, aux missions de TASMO mentionnées plus haut). Ces opérations peuvent revêtir un caractère offensif ou défensif :

  1. Intervention offensive de surface. Détruire ou neutraliser les forces ennemies, ou les dissuader d’attaquer, afin de conserver la maîtrise de la mer dans le secteur maritime dont il s’agit.
  2. Intervention défensive de surface. Empêcher des forces de surface ennemies de repérer, poursuivre ou prendre à partie des forces de surface, des unités ou des convois amis de grande valeur.

La LAA comprend des opérations dont l’objet est de détruire une menace aérienne ennemie, ce qui peut comprendre des missiles, ou d’en réduire l’ampleur. Du point de vue naval, il s’agit d’une position défensive, plutôt qu’offensive; par conséquent, toutes les missions de LAA exécutées par des ressources aérospatiales sont des missions DCA visant à protéger la flotte. Toutefois, on pourrait demander à la puissance maritime prenant la forme de ressources aériennes embarquées, de tirs navals de surface et de tirs de MSS (missiles surface-surface) de participer à la campagne OCA ou d’adhérer à un réseau de défense aérienne plus vaste.

Les opérations de LAA protègent les forces maritimes, les unités de grande valeur ou d’autres ressources vitales contre les attaques aériennes. Les menaces que représentent les aéronefs armés et les missiles antinavire se manifestent rapidement, en général; ces derniers, en particulier, peuvent provenir des airs, d’un bâtiment de surface ou d’un sous-marin et présenter un grave danger pour les navires de surface. Afin d’intégrer les ressources aéroportées dans les défenses anti-aériennes navales, il faut un degré important de coordination et de contrôle, en raison de la nature de ces menaces. Les formations navales possèdent souvent de grandes capacités anti-aériennes prenant la forme d’armes de défense ponctuelle et de zone. Les forces aérospatiales peuvent contribuer aux missions de défense aérienne en perturbant, en détruisant la plate-forme de lancement (navire, sous-marin, aéronef ou ASP), ou en en retardant l’installation, avant le lancement d’un engin. Il faut circonscrire des zones de déconflictualisation autour de la flotte, afin de désigner un point de transition entre la défense aéroportée et la défense embarquée. De cette façon, on obtient l’efficacité maximale de tous les systèmes d’armes défensifs et l’on évite les incidents fratricides. Ces zones sont normalement établies en fonction de l’arme embarquée anti-aérienne ayant la plus longue portée. Les secteurs d’opérations DCA sont situés à une distance appropriée au-delà de ces zones le long de l’axe suivi par la menace. On peut aussi placer, à bonne distance de la force, des navires radar qui serviront de déclencheurs passifs ou actifs face à la menace. Il s’agit d’habitude d’unités plus petites (des frégates, par exemple) munies de bons systèmes de défense ponctuelle et de radars, mais non d’armes de défense de zone. Ce dispositif de défense aérienne par niveaux accroît le temps de réaction dont la force maritime dispose et réduit la capacité de l’ennemi d’élaborer un plan de désignation d’objectifs ou de parvenir à une position de tir.

La LASM empêche l’adversaire d’utiliser ses sous-marins efficacement. La protection d’une force contre les sous-marins dépend de la défense en profondeur et de la coordination étroite entre les navires, les ressources aérospatiales, les installations à terre et les sous-marins amis. Les sous-marins constituent une menace stratégique importante pour les bâtiments de tous les types; pour leur faire échec, il faut une vaste gamme de capacités spécialisées qui permettront de les repérer et de les suivre, puis de les attaquer[10]. Les tactiques de LASM dépendent de la question de savoir si l’objectif principal consiste à détecter les sous-marins ou tout simplement à les dissuader de mener leurs opérations dans un secteur donné. Bloquer des voies d’approche sous-marines clés (opérations de barrage), assainir un secteur vital en y menant des patrouilles constantes et poursuivre les sous-marins repérés par des détecteurs sous-marins, voilà autant d’exemples d’opérations de LASM.

Les HM et les APLRA sont expressément équipés pour la LASM : ils emportent des radars de veille en surface, des mesures de soutien électroniques, des détecteurs d’anomalie magnétique, des systèmes optoélectronique/infrarouge (EO/IR) et des bouées acoustiques passives et actives. Dans le contexte canadien, l’hélicoptère maritime est la seule ressource aérienne organique du navire. Profitant de la vitesse, du rayon d’action, des détecteurs de bord et des armes de cet appareil, le commandant de la LASM peut saisir l’initiative en fouillant de vastes zones, en assainissant la route que la flotte doit emprunter, ou en dressant des barrières pour protéger la force maritime. Il peut exécuter ces opérations indépendamment ou en coopération avec d’autres ressources aériennes, sous-marines et de surface; l’équipe la plus efficace de LASM comprend en fait un HM, un APLRA et des sous-marins. On peut confier à l’APLRA des opérations de LASM indépendantes par lesquelles il bloquera les lignes de communications stratégiques (par exemple, le passage Groënland – Islande – Royaume-Uni dans l’Atlantique Nord), ou l’on peut donner suite à des renseignements produits par les détecteurs sous-marins. Le long rayon d’action et l’autonomie d’un APLRA lui sont essentiels à l’exécution de ces missions. Une coordination étroite entre les ressources maritimes et aériennes et une rigoureuse gestion de l’espace marin et aérien, grâce à des mesures efficaces de déconflictualisation, sont essentielles à la LASM.

Les opérations de supériorité terrestre ont lieu dans le domaine terrestre et visent des objectifs terrestres, le but étant de réaliser l’intention du cmdt FOI. On peut les exécuter indépendamment des opérations de la composante terrestre, ou avec elles. Les opérations aérospatiales de supériorité terrestre produisent des effets à court, moyen et long terme en retardant, détournant, perturbant ou détruisant les forces ennemies à proximité immédiate des forces amies, ou les forces de remplacement avant qu’elles puissent entrer en action. Ces efforts diminuent la capacité globale de l’adversaire de mener une campagne terrestre cohérente. Quand elles sont exécutées indépendamment des objectifs tactiques ou qu’aucune force terrestre amie n’est présente, ces interventions visent des objectifs opérationnels et stratégiques tels que les lignes de communication de l’ennemi, ses noeuds de commandement, de contrôle et de communication (C3) et ses éléments de soutien situés profondément dans la zone de combat[11].

Les opérations aérospatiales de supériorité terrestre confèrent aux forces amies la liberté de manoeuvre voulue pour attaquer l’adversaire, tout en le privant du même avantage. Ces opérations peuvent avoir lieu dans tout l’espace de bataille, depuis la zone des combats jusqu’à la zone de bataille en profondeur, dans les secteurs stratégiques ennemis. En général, les forces aérospatiales ne sont pas gênées par les limites de l’espace de combat et par les obstacles topographiques qui entravent les manoeuvres et les détecteurs des forces terrestres. Les missions aérospatiales de supériorité terrestre peuvent être exécutées par toute une gamme de plates-formes aérospatiales; certaines sont construites expressément pour ces missions (par exemple, l’A-10 Thunderbolt II ou le Su-25 Frogfoot), mais on peut utiliser pour cela presque n’importe quelle ressource aérienne (aéronefs à voilure fixe ou tournante, véhicules avec ou sans pilote) dotée d’une capacité d’application de la force contre le potentiel terrestre ennemi.

La puissance aérospatiale est essentielle au succès de la bataille terrestre; quand les capacités aérospatiales et terrestres sont véritablement intégrées, la mission a de fortes chances de réussir. Dans l’espace de combat littoral ou côtier, il faut aussi intégrer les capacités navales telles que les ressources aériennes embarquées, les tirs navals de surface et les MSS. Il est capital de poster des spécialistes de l’espace aérien et de l’aviation au quartier général et dans les éléments opérationnels des forces terrestres appuyées, pour créer une synergie et concrétiser l’intégration. Le niveau de coordination nécessaire pour réussir l’intégration et exécuter la mission détermine en grande partie le genre de mission de lutte contre le potentiel terrestre qui est entreprise. Le commandant de la composante aérospatiale doit être intimement au courant des opérations de surface en cours et de leur motif.

La réussite des opérations interarmées air-terre dépend fondamentalement de la compréhension mutuelle. Pour la force aérospatiale d’appui, cela signifie qu’elle doit comprendre à fond les buts, l’intention, les plans et les objectifs du commandant de la force terrestre appuyée. Pour celle-ci, cela signifie que son commandant doit connaître dans le détail les atouts, les contraintes, les limites et les capacités de la force aérospatiale qui l’appuie. Cette compréhension mutuelle est favorisée par une liaison intégrée, une planification interarmées détaillée et des communications efficaces.

Dans l’Aviation royale canadienne (ARC), les principaux éléments de coordination air-terre sont l’élément de contrôle aérien tactique (ECAT) et les détachements du G3 Aviation (G3 Avn) ou de l’officier de liaison des forces aériennes (OLFA). L’ECAT est une unité de la Force aérienne qui ne constitue qu’une seule composante du système global de contrôle aérien tactique (SCAT)[12]. Le SCAT comprend divers éléments de C2 de l’ARC, chacun d’eux étant décrit plus à fond dans la publication B-GA-401-000/FP-001, Doctrine aérospatiale des Forces canadiennes – Commandement et dans les publications connexes. Le personnel d’un ECAT de l’ARC est formé de spécialistes, et l’unité est intégrée dans le quartier général (QG) des sous-unités de la formation appuyée[13]. Dans le contexte de l’Armée canadienne (AC), un ECAT et un détachement du G3 Avn ou de l’OLFA, ou des deux, sont normalement établis au niveau de la brigade ou à un niveau supérieur, mais ils peuvent l’être à un niveau inférieur, là où cela est faisable et efficace et quand ça l’est. Chaque palier relève, sur le plan opérationnel, d’un détachement de niveau supérieur.

L’ECAT relève du commandant de la composante aérienne (CCA), mais il répond aux besoins du commandant appuyé désigné. Il joue deux rôles principaux :

  1. auprès du commandant appuyé : fournir des conseils sur les questions aérospatiales et favoriser l’intégration sûre, efficace et efficiente des capacités aérospatiales dans les forces de surface pour accomplir les tâches et les missions et réaliser l’intention et le résultat final escompté;
  2. auprès du CCA : fournir une capacité intermédiaire de C2 des ressources aériennes et aérospatiales et favoriser l’exécution sûre, efficace et efficiente des opérations aérospatiales au niveau tactique.

Les détachements du G3 Avn assument des responsabilités semblables à celles de l’ECAT; toutefois, ils se préoccupent surtout de fournir des conseils et une aide en matière de C2 à l’égard des hélicoptères (aviation tactique de l’ARC). Les OLFA peuvent représenter n’importe quelle ressource ou capacité aérospatiale particulière qui n’est peut-être pas bien représentée par l’ECAT ou le détachement du G3 Avn; dans certains cas, un ou plusieurs OLFA peuvent constituer le seul élément aérospatial de coordination fourni à une formation ou à une unité terrestre donnée.

De nombreuses armées alliées possèdent des forces aérospatiales composées surtout d’hélicoptères, mais aussi, dans certains cas, de petits appareils à voilure fixe, ou d’ASP, ou des deux, qui font partie intégrante de leur organisation afin de leur procurer des capacités exclusives d’application de la force, de transport et de reconnaissance. Les hélicoptères d’attaque sont des exemples de ressources d’aviation qui appartiennent normalement à une armée. Dans le contexte canadien et un peu comme c’est le cas de la flotte d’HM de l’ARC qui est considérée comme étant une ressource aérienne organique de la MRC, la force d’aviation tactique de la 1re Escadre[14] est l’élément de l’ARC dont la fonction première consiste « à appuyer les opérations des forces terrestres par sa puissance de feu, ses opérations de reconnaissance et sa mobilité »[15]. Par conséquent, elle est étroitement associée à l’Armée canadienne, on lui confie normalement des tâches qu’elle exécute sous l’OPCON de la force terrestre pendant les opérations, et elle fournit une fonction clé d’intégration air-terre au nom de l’ARC.

Certaines opérations de l’aviation tactique font intervenir des éléments des fonctions Acquisition de l’avantage et Projection. Les opérations d’assaut aérien[16], définies comme étant des opérations aéromobiles au cours desquelles des forces de combat atterrissent à portée de tir direct de l’objectif pour donner l’assaut, supposent l’utilisation d’une gamme de ressources aériennes et elles font normalement appel à des hélicoptères de transport soutenus par des hélicoptères armés ou d’autres moyens d’appui-feu aériens. Bien que ces opérations interarmées façonnent le champ de bataille, l’opération aéromobile[17] et l’opération connexe d’assaut aérien sont examinées plus en détail dans la publication B-GA-404-000/FP-001, Doctrine aérospatiale des Forces canadiennes – Projection.

En termes généraux et dans le contexte de la sous-fonction Acquisition de l’avantage, les forces aérospatiales remplissent quatre missions aux fins de la lutte contre le potentiel terrestre ennemi : l’interdiction aérienne (IA); l’appui-feu aérien; la sécurité tactique; la conduite et le contrôle des tirs. L’IA est à part, en ce sens qu’elle nécessite un degré sensiblement moindre d’intégration dans les forces terrestres amies que les autres missions. Celles-ci sont accomplies à proximité plus immédiate des forces terrestres et elles exigent donc divers degrés d’intégration, des procédures spéciales, des équipages compétents et un personnel spécialement entraîné au sol.

Certaines conditions essentielles tendent à produire des résultats plus favorables quand on mène des missions de supériorité terrestre :

  1. un contrôle considérable de l’espace aérien, soit à l’échelle du théâtre, soit localement (une OCA intensive);
  2. l’existence d’objectifs essentiels à l’adversaire et vulnérables à une attaque (après un effort intensif de la part des services de renseignement);
  3. une pression soutenue exercée par les troupes de combat au sol et une attaque aérienne continuelle (nécessité de synchroniser les effets et de concentrer les tirs);
  4. des conditions environnementales favorables.

Les missions menées contre le potentiel terrestre nécessitent beaucoup de planification et de coordination aux niveaux opérationnel et tactique et un soutien important de la part de ressources habilitantes telles que les unités de C2 (Air) et de RAA et d’autres encore. Comme dans le cas des opérations OCA et DCA contre le potentiel aérien, les mêmes plates-formes peuvent remplir des missions différentes contre le potentiel terrestre et utiliser des ressources communes. Cependant, les quatre missions sont distinctes pour ce qui concerne le processus de désignation des objectifs, les TTP et le degré d’intégration dans les forces de surface.

Par interdiction aérienne (IA), on entend des « opérations aériennes menées pour détourner, perturber, retarder, affaiblir ou détruire le potentiel militaire de [l’adversaire], avant qu’il puisse s’en servir efficacement, à une distance telle que l’harmonisation détaillée de chaque mission aérienne avec les tirs et les manoeuvres des forces [terrestres] amies n’est pas nécessaire[18]. » L’IA a pour but d’attaquer les moyens de combat de l’adversaire; les cibles peuvent comprendre des capacités de combat et des éléments de manoeuvre sur le terrain, ou encore des éléments d’appui tels que des noeuds opérationnels de C2, des réseaux de communications, des systèmes de transport, des noeuds logistiques, des approvisionnements et d’autres infrastructures vitales. L’aviation intégrée dans les forces terrestres emploie l’expression « attaque d’interdiction » pour décrire ses missions et ses tâches d’IA[19].

La mission d’IA fait voir la nature souple et meurtrière des forces aérospatiales. Pour être efficace, la campagne d’IA doit être dirigée par un seul commandant qui peut exploiter et coordonner toutes les forces concernées. Cela peut se faire à l’appui d’opérations de surface ou en tant qu’effort principal contre un ennemi sans la présence de forces terrestres amies. Quand l’IA est intégrée dans une campagne terrestre, elle sert à canaliser les mouvements, à perturber la logistique et les communications et à empêcher l’accès au terrain. L’IA peut avoir un effet profond sur le moral de l’adversaire et réduire la nécessité d’engager le combat au sol. Diverses plates-formes aérospatiales peuvent exécuter la mission d’IA, y compris des aéronefs à voilure fixe ou tournante et des véhicules aériens sans pilotes.

Dans la bataille interarmées contre le potentiel terrestre, les commandants au sol[20] désignent les objectifs particuliers à frapper, soit individuellement soit en groupe, pour chaque stade distinct de la campagne. Une fois approuvés, ces objectifs sont inclus dans une liste interarmées des objectifs prioritaires (LIOP), et ils sont attribués expressément aux ressources d’IA disponibles. On peut aussi situer les missions d’IA dans une zone géographique donnée où l’on sait qu’existent des cibles avantageuses, ou encore où l’on soupçonne qu’il y en a. La zone peut être délimitée par des frontières géographiques ou par d’autres éléments spatiaux. En pareil cas, des équipages aériens sont chargés de repérer, d’identifier et d’attaquer des objectifs inopinés valides dans la zone attribuée[21]. Enfin, on peut charger les ressources d’IA de mener des missions d’interdiction aérienne à la demande (XINT) sans qu’un objectif ou une zone opérationnelle aient été désignés. Dans ce cas, on attribue des objectifs précis en appliquant des procédures dynamiques axées sur le temps disponible pour désigner les objectifs. La XINT risque de donner lieu à une utilisation inefficace des ressources, à moins que celles-ci soient abondantes et qu’il n’y ait qu’un petit nombre d’objectifs planifiés délibérément. Cette situation se présente d’habitude aux derniers stades d’une campagne d’IA agressive et couronnée de succès. Comme la demande dépasse presque toujours les capacités, le cmdt FOI dresse un ordre de priorité en ce qui concerne le déploiement global des efforts d’IA.

L’appui-feu aérien comprend deux principaux sous-ensembles de missions : l’AAR, qui est d’habitude confié à des aéronefs à voilure fixe, et l’attaque rapprochée (AR), qui est exécutée par des hélicoptères et s’apparente beaucoup à l’AAR quant aux effets mais qui en diffère sensiblement quant à l’exécution[22]. La différence entre l’appui-feu aérien et l’IA réside dans la proximité de l’intervention par rapport aux forces terrestres amies et dans le niveau d’harmonisation nécessaire avec ces dernières[23].

Vignette 8 : Broken Arrow. La bataille de la Drang a été le premier combat entre les forces régulières de l’Armée américaine et l’Armée populaire du Vietnam (APV, l’armée régulière du Nord-Vietnam); elle a eu lieu en novembre 1965 dans la vallée de la rivière Drang, au Vietnam du Sud.

La force américaine, soit le 1er Bataillon de la 7e Division de cavalerie (le 1/7e), était une unité d’infanterie à effectifs réduits comptant environ 450 soldats munis d’armes légères de soutien de peloton; toute la force avait été hélitransportée avec son armement. Le 1/7e était en déploiement pour exécuter ce qui s’est avéré être une « reconnaissance offensive » dont l’objet était de confirmer le dispositif des forces de l’APV, le long de la frontière cambodgienne. À l’insu des services de renseignement américains, l’APV avait établi une base d’opérations avancée (entièrement sous terre) dans le secteur; elle abritait plus de 1 600 soldats. Les belligérants ont été surpris par la présence les uns des autres; les combats ont éclaté dès le premier contact le long d’une ligne de front irrégulière qui s’est créée très vite. Le matin du deuxième jour, après une journée et une nuit complètes de combats, la situation du 1/7e était désespérée; ses munitions s’épuisant et ses pertes grandissant sans cesse, un peloton (dont il ne restait plus que huit hommes) était complètement isolé et encerclé; les autres unités s’étaient retranchées et faisaient face à un périmètre de 360 degrés. Pendant toute la matinée, les forces de l’APV ont harcelé les lignes américaines, pendant que le gros de leurs combattants allait prendre position; l’assaut général contre les positions américaines a commencé à 7 h 30. Les tirs ennemis étaient intenses, et l’évacuation ou le ravitaillement par hélicoptères, impossible. Alors que les combats s’intensifiaient, il est devenu clair que le périmètre risquait de s’effondrer. Le commandant du bataillon, le lieutenant-colonel Hal Moore (son poste de commandement essuyant désormais des tirs directs), a transmis l’expression code « Broken Arrow » pour signifier qu’une unité américaine était sur le point d’être submergée.

Toutes les forces aérospatiales (déjà dans les airs ou sur un pied d’alerte au sol) disponibles dans le secteur ont immédiatement été envoyées dans la zone des combats. Cela comprenait des bombardiers, des chasseurs et des hélicoptères de combat et d’attaque, ce qui représentait une puissance de feu considérable. Le lieutenant Charlie Hastings, contrôleur aérien avancé de l’Aviation américaine (USAF) intégré dans le 1/7e, a dirigé les aéronefs qui exécutaient en série des attaques avec des canons, des roquettes, des bombes et du napalm (les projectiles tombant, dans certains cas, à 20 mètres au plus devant les troupes américaines); les attaques ont permis de tenir les forces de l’APV en échec pendant toute la matinée.

Leur attaque s’étant enlisée et le nombre de leurs tués et blessés augmentant sans cesse, les forces vietnamiennes se sont repliées à 10 h, après deux heures et demie de combats acharnés; des centaines de cadavres vietnamiens jonchaient le champ de bataille. On estime que plus de 60 p. 100 des pertes vietnamiennes subies au cours de cette bataille l’ont été pendant cet engagement. À la fin du troisième jour de combat, la position américaine était hors de danger, et le 1/7e a finalement été relevé. En tout, 234 de ses hommes avaient été blessés ou tués au combat (B/TAC), soit la moitié des effectifs originaux. L’APV a compté plus de 1 300 B/TAC, soit 80 p. 100 de la force initiale. L’apport de l’appui-feu aérospatial a permis d’éviter au 1/7e la capture par une force ennemie considérablement plus grande et aux forces américaines, une défaite certaine dans la vallée[24].

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Une mission d’artillerie antiaérienne (AAR) est une « action aérienne contre des objectifs ennemis qui sont à proximité immédiate des forces amies et qui exigent une intégration détaillée de chaque mission aérienne avec le feu et le mouvement de ces forces »[25]. Il est généralement entendu qu’il s’agit d’une action exécutée par des plates-formes à voilure fixe. Le mot « rapproché » n’évoque pas strictement une distance physique, mais plutôt une situation : le mot « proximité » peut renvoyer aux notions de temps, d’espace ou d’effet. Par conséquent, le facteur déterminant à prendre en compte pour établir si les techniques et les protocoles propres à l’AAR doivent être utilisés, c’est la nécessité d’une intégration détaillée plutôt que de la proximité[26].

Les missions d’AAR peuvent être de nature défensive ou offensive, ou les deux, mais elles n’ont pas pour objet, dans un cas comme dans l’autre, d’immobiliser, de retarder, de perturber ou de détruire les forces adverses. Elles visent d’habitude des éléments de combat adverses et représentent un des moyens les plus souples et les plus dynamiques d’appliquer la force qui existent sur le champ de bataille moderne. La puissance de feu et la mobilité des aéronefs peuvent apporter une contribution immédiate et directe à la bataille terrestre, surtout contre des objectifs qui sont soit inaccessibles, soit invulnérables aux armes de surface dont on dispose. On peut recourir à l’AAR pour masser rapidement une capacité meurtrière en des points décisifs, afin d’obtenir ainsi la supériorité sur le terrain local, ou pour constituer une réserve souple qui permettra au commandant de profiter des occasions qui s’offriront sur le champ de bataille. Les effets de l’AAR peuvent être cinétiques ou non[27], et c’est pourquoi il ne faut pas y voir uniquement un autre type d’artillerie. Les missions d’AAR peuvent servir à nier à l’ennemi l’accès à un terrain clé, à influer sur ses opérations (c’est particulièrement le cas si ses troupes sont peu évoluées ou inexpérimentées) et à aider des forces amies au chapitre de la navigation ou du marquage des objectifs. L’AAR peut servir dans toute la gamme des opérations terrestres, y compris les opérations offensives et défensives, les opérations de stabilité et les opérations habilitantes.

La réussite de la mission d’AAR dépend principalement de l’intégration détaillée de chaque mission aérienne ainsi que des tirs et des mouvements des forces de surface appuyées. Cela réduit au minimum le risque d’incidents fratricides, tout en produisant l’effet maximum. Le contrôle de l’AAR nécessite un personnel au sol expérimenté ayant reçu une instruction spéciale; ce personnel est accrédité par le commandant de la composante aérienne et autorisé par lui à intégrer les tirs aérospatiaux. Il peut être détaché auprès des formations de surface, en tant qu’ECAT, ou faire partie intégrante de l’unité terrestre, comme c’est le cas d’un contrôleur aérien avancé (CAA)[28]. Pour être efficace, l’AAR exige un rigoureux respect des TTP établies, des équipages aériens et des contrôleurs très disciplinés et compétents et un haut degré de maîtrise de l’espace aérien par les forces amies; l’AAR est beaucoup moins efficace si l’ennemi possède des capacités de lutte contre le potentiel aérien. On prévoit et planifie les missions d’AAR grâce au processus de planification des ordres d’attribution des missions aériennes (ATO), mais on doit toujours alors prendre en compte la situation dynamique sur le terrain. Les ressources d’AAR se tiennent souvent en état d’alerte au sol ou se déploient dans les airs pour intervenir à la demande (XCAS), ce qui leur permet de mieux répondre aux besoins du commandant.

L’attaque rapprochée (AR) est une mission confiée aux hélicoptères et elle se définit comme étant une « attaque coordonnée menée par l’aviation armée contre des objectifs à proximité de forces amies »[29]. Elle fournit une puissance de feu qui sert à détruire, neutraliser, supprimer ou harceler l’ennemi. Selon la terminologie des forces terrestres, la puissance de feu correspond à un concept interarmées qui englobe l’utilisation collective et coordonnée des données sur l’acquisition des objectifs provenant de toutes les sources, l’emploi d’armes à tir direct et indirect, les attaques menées par des aéronefs armés de tous les types et l’emploi de moyens meurtriers et non meurtriers. Les ressources de l’aviation tactique peuvent contribuer à la puissance de feu en tant qu’éléments de manoeuvre indépendants, ou ajouter leurs tirs à ceux produits par le commandant des forces terrestres. Les unités de l’aviation tactique renforcent la fonction « puissance de feu » en acquérant et en désignant des objectifs, en réglant les tirs indirects et en prenant directement des objectifs à partie.

L’AAR et l’AR sont essentiellement synonymes en ce sens qu’ils appliquent tous deux une force cinétique et non cinétique pour appuyer des forces terrestres amies dans toute la gamme des opérations terrestres. Les deux exigent une intégration détaillée avec les forces amies et ils ont lieu à proximité immédiate de ces dernières. Les procédures de l’AR diffèrent de celles étant propres à l’AAR quant aux méthodes de contrôle et au processus d’attribution des missions aux ressources. N’importe quelle plate-forme à voilure tournante peut exécuter la mission d’AR. Les plates-formes de ce genre peuvent avoir une relation de commandement direct avec l’unité terrestre appuyée, et l’exécution d’une AR ne peut être qu’une des tâches d’appui-feu attribuées. Pour ce qui est de l’attribution des missions, une mission d’AR ne sera pas mentionnée comme telle dans l’ATO; la mission confiée aux hélicoptères sera normalement beaucoup plus générique, ce qui conférera au commandant appuyé une liberté tactique plus grande. Quant au contrôle, l’équipage chargé de l’AR se voit attribuer un objectif, puis il exécute l’attaque relativement indépendamment du contrôleur. En revanche, les missions d’AAR accomplies par les aéronefs à voilure fixe sont contrôlées assez rigoureusement.

Les missions de sécurité tactique comprennent l’observation supérieure armée et l’escorte aérienne. La collecte de renseignements sur un adversaire est principalement un élément de la fonction Détection, mais les missions susmentionnées procurent à la force principale une alerte avancée, un espace de manoeuvre et une protection, autant d’éléments des fonctions Protection et Acquisition de l’avantage. Une mission de sécurité tactique est une opération de RSR dont l’objet premier est d’assurer la protection d’une force désignée. La mise en service de nouveaux détecteurs – en particulier les appareils électro-optiques conjugués aux liaisons vidéo descendantes – a renforcé les moyens de RSR et leur application dans l’espace de combat. Les missions de sécurité tactique font appel aux TTP relatives au RSR, mais elles demeurent suffisamment distinctes des opérations de RSR; par conséquent, il est encore utile de les définir séparément. Des ressources aérospatiales très variées peuvent être chargées de ces missions, depuis les hélicoptères jusqu’aux ASP (armés ou non), aux APLRA et aux chasseurs.

On peut considérer que la mission d’observation supérieure armée fait partie de la fonction aérospatiale Protection, mais comme elle peut comporter souvent des actions offensives et défensives, on considère ici qu’elle fait partie de la sous-fonction aérospatiale Acquisition de l’avantage. Le principal objectif d’une mission d’observation supérieure armée remplie par une force aérospatiale[30] consiste à dissuader l’adversaire d’attaquer et à l’empêcher de gêner les mouvements d’une unité amie (patrouilles à pied ou convois terrestres) ou la défense d’un endroit fixe. Les missions de ce genre peuvent être exécutées au-dessus de n’importe quel terrain et par tous les temps; toutefois, celles qui ont lieu à la verticale de centres urbains comportent des dangers particuliers et des défis de taille. Normalement, dans les régions construites, les obstructions sont plus nombreuses, et il y a moins d’endroits où les hélicoptères peuvent se poser. Les communications entre les forces terrestres et aérospatiales risquent d’être entravées par des immeubles ou l’élévation du terrain. La circulation aérienne présente des dangers imprévisibles et peut voiler des menaces qui seraient prévisibles autrement. Le recours à la force dans les zones urbaines s’accompagne lui aussi de difficultés considérables se rapportant aux dommages collatéraux et aux RE. L’escorte aérienne de convois – un genre particulier d’observation supérieure armée – se fait à proximité immédiate de l’axe de progression et du convoi lui-même et elle nécessite une coordination étroite entre les unités d’escorte et le convoi au sol. Les missions d’observation supérieure armée exigent ordinairement l’emploi très dynamique de l’espace aérien et d’éléments aériens de C2, des renseignements solides et une surveillance exhaustive.

Vignette 9 : L’observation supérieure armée avec des Griffon. Avec l’ajout de la mitrailleuse Dillon Aero M134 et du détecteur WESCAM MX-15, l’observation supérieure armée à l’appui de troupes au sol est devenue une mission possible pour l’hélicoptère CH146 Griffon. Avec sa précision et sa cadence de tir élevée, la M134 est une arme antipersonnel idéale dans une lutte anti-insurrectionnelle comme celle menée en Afghanistan, où l’ennemi est à pied et souvent à proximité immédiate des civils. L’emploi de la M134 avec le MX-15 permet à l’équipage du Griffon d’identifier les contacts avec certitude depuis une position située à distance de sécurité, puis de manoeuvrer en conséquence pour les prendre à partie. Les vols armés d’observation supérieure se classent dans deux grandes catégories : les missions délibérées, que les équipages de Griffon planifient d’avance avec les forces terrestres appuyées et aux fins desquelles ils acquièrent une compréhension commune du terrain, de la menace et du schème de manoeuvre au sol, et les missions improvisées, au cours desquelles les équipages réagissent à une situation en évolution – par exemple, une attaque avec engins explosifs improvisés (EEI) qui entraînent un contact avec l’ennemi – et sont désavantagés au départ par leur connaissance limitée de la situation (CS).

En 2010, pendant l’opération Athena, une section de deux Griffon CH146 armés décollait en général pour exécuter une mission d’observation supérieure armée à l’appui d’un groupement tactique canadien. D’habitude, chaque aéronef était muni d’un détecteur et de deux mitrailleuses avec munitions. En outre, un des aéronefs était équipé d’une liaison de données commune tactique (LDCT) et pouvait donc transmettre ses vidéos à une station ROVER (récepteur perfectionné de vidéo en mode réception seulement). Pendant que l’aéronef observe un secteur où une patrouille a été prise en embuscade par des insurgés plus tôt au cours de la journée, le message « contact, attendez, terminer! » se fait entendre à la radio : un CATI a surveillé les transmissions du système MX-15 installé à bord du Griffon grâce à son ordinateur portable jouant le rôle de ROVER, au centre des opérations de combat, et il pourra donc observer l’engagement au complet.

Le chef de section demande aussitôt des coordonnées, et l’unité au sol répond. L’équipage aérien peut entendre le craquement de l’explosion d’une grenade propulsée par roquette et le tir des armes automatiques en arrière-plan à la radio. Chaque opérateur du MX-15 charge les coordonnées immédiatement dans son système de détection, fait pivoter le détecteur vers l’endroit défini par les coordonnées et commence à enregistrer la vidéo aux fins de l’analyse ultérieure du renseignement et des opérations. On peut apercevoir les troupes qui forment une ligne et tirent, en se tenant derrière un muret de boue, à quelques kilomètres au sud de la position des Griffon. La patrouille fait feu vers l’ouest, et la section de Griffon armés peut apercevoir le point d’impact de ses balles, près de l’orée du bois d’où l’ennemi tire sur nos troupes. La section, en route vers le lieu où celles-ci sont en contact avec l’adversaire, appelle la patrouille et demande de faire marquer la position de l’ennemi avec des grenades fumigènes. En chemin, le chef de la section de Griffon observe rapidement l’orée du bois : il constate que le champ séparant l’ennemi de nos troupes est vide et il confirme qu’aucun habitant n’est pris entre deux feux. Quelques secondes plus tard, une grenade fumigène M203 atterrit juste devant la limite du bois et, avec quelques brefs appels radios, la section de Griffon confirme la position exacte des insurgés.

Les mêmes conversations ont lieu à bord du deuxième hélicoptère, ce qui permet de confirmer que tous les membres d’équipage ont la même connaissance de la situation. Le chef de section fait un rapide breffage sur l’attaque au moyen de la liaison commune de communications, puis il se place à la verticale de la position de la patrouille pour permettre aux troupes de continuer à faire feu sans risquer de mettre son aéronef en danger. Les Griffon déclenchent une rafale de 20 secondes qui envoie des milliers de balles de 7,62 millimètres dans le bois. L’ennemi est maintenant pris à partie depuis le sol et les airs. Pendant que le chef de section effectue un virage serré de 180 degrés pour préparer une attaque avec les systèmes d’armes du côté gauche, le mitrailleur de gauche aperçoit deux insurgés armés se dirigeant vers une hutte à la course. L’opérateur du système MX-15 fait pivoter la tourelle vers ce nouvel endroit, repère les insurgés et, après avoir été autorisé à faire feu, le mitrailleur déclenche une autre rafale de dix secondes. Cela met fin au combat.

Pendant que le chef de section continue de survoler la patrouille afin de repérer toute autre menace éventuelle, le rapport de situation est envoyé, et les hélicoptères se tiennent en attente pour continuer à appuyer la patrouille.[31]

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Ici encore, l’escorte exécutée par l’aviation tactique chevauche les fonctions aérospatiales Protection et Acquisition de l’avantage. Elle s’apparente en principe à l’escorte OCA ou aux missions DCA de protection des HVAA, sauf que les plates-formes d’escorte cherchent surtout à protéger les ressources escortées contre l’activité au sol. Si l’adversaire possède des moyens crédibles de lutte contre le potentiel aérien, il faut charger des chasseurs d’attaquer ces moyens pour protéger toute la force aérienne, ce qui équivaut à une mission de protection des HVAA et de lutte contre le potentiel aérien ennemi. Des missions d’escorte aérienne sont exécutées pour protéger des aéronefs quand, selon les commandants, la menace est telle qu’une protection rapprochée doit être fournie aux aéronefs utilitaires et de transport. La force escortée est dite « force protégée », et il peut s’agir d’un seul appareil ou d’une grande formation. L’escorte aérienne a pour objet de faciliter le passage sûr de la force protégée et de lui permettre de mener à bien sa mission en détectant, supprimant et dissuadant les menaces terrestres. Dans la doctrine de l’aviation tactique, il existe trois techniques fondamentales d’escorte aérienne : l’escorte rapprochée, l’escorte avancée et l’escorte mixte[32]. Peu importe la technique particulière employée, le plan d’escorte doit être souple et fluide et il doit permettre à l’escorte de modifier sa couverture en fonction des impératifs de la situation.

La conduite et le contrôle des tirs sont une autre mission de supériorité terrestre qui a grandement évolué avec l’arrivée de nouvelles technologies. Dans le contexte canadien, cette mission a uniquement incombé à l’aviation tactique dans le passé, mais elle est maintenant accomplie également par les APLRA et les chasseurs. Parmi les tâches connexes nécessitant une instruction spécialisée ou des membres d’équipage supplémentaires, mentionnons l’établissement de postes d’observation aériens (PO Air)[33], la fonction de contrôleur aérien avancé aéroporté[34] et la fonction de coordonnateur – coordination des attaques et reconnaissance (C-CAR). Le réglage des tirs par des éléments aéroportés, qu’il s’agisse de tirs venant de l’artillerie de campagne, de mortiers, de forces navales, d’hélicoptères armés, d’ASP ou d’avions de chasse, constitue un important multiplicateur de la force qui améliore considérablement la capacité de réaction et l’exactitude des tirs dans leur ensemble.

On peut décrire les opérations spéciales comme étant des « activités militaires menées par des forces spécialement désignées, organisées, entraînées et équipées qui appliquent des tactiques, techniques et modes d’emploi opérationnels n’étant pas le fait courant des forces conventionnelles[35]. » On exécute ces activités dans toute la gamme des conflits, indépendamment des opérations des forces conventionnelles pour atteindre des objectifs politiques, militaires, informationnels ou économiques, et elles sont harmonisées ou coordonnées avec ces opérations. Des considérations politico-militaires peuvent nécessiter le recours à des techniques secrètes ou discrètes ainsi que l’acceptation d’un degré de risque physique et politique n’étant pas le propre des opérations conventionnelles[36].

Dans le contexte canadien, les unités des FOS et leur personnel sont organisés, entraînés et équipés pour accomplir les opérations suivantes[37] :

  1. Opérations de contre-terrorisme (CT). Mesures offensives et défensives prises pour prévenir le terrorisme, dissuader quiconque d’y recourir et réagir à des actes terroristes. Il s’agit surtout de mesures offensives, par exemple le sauvetage d’otages, la récupération de matériel délicat et l’attaque d’infrastructures; elles peuvent aussi comprendre des activités d’atténuation et de dissuasion.
  2. Opérations de contre-terrorisme en mer (CTM). Opérations menées dans le domaine maritime qui sont extrêmement complexes et exigent des compétences élevées et du matériel spécial, autant d’éléments grâce auxquels les FOS peuvent insérer leurs membres dans la zone visée, y exécuter leur attaque et s’en extraire en toute sécurité.
  3. Tâches de grande valeur (TGV). Autres opérations exécutées au Canada ou à l’étranger, que le GC peut confier aux FC. Ce peut être des actions cinétiques ou non pouvant comprendre des tâches à exécuter dans le cadre de n’importe quel conflit de la gamme. Voici des exemples de tâches de ce genre :
    1. Contre-prolifération. Expression qui désigne des mesures prises pour limiter la possession, l’utilisation, l’acquisition ou le transport d’armes à effets de masse (AEM). Cela comprend les dispositions adoptées pour repérer, saisir, capturer et récupérer des AEM et, dans certains cas, dans le cadre de l’Initiative de sécurité contre la prolifération, empêcher l’emploi impropre de matières à double usage.
    2. Reconnaissance spéciale. Tâches dont l’objet est de réunir ou de vérifier des renseignements revêtant une importance stratégique ou opérationnelle. Elles font complément à d’autres méthodes de collecte et elles en améliorent les résultats, mais elles visent normalement des domaines d’intérêt extrêmement importants.
    3. Interventions directes. Attaques brèves et autres actions offensives précises de petite envergure que des forces d’opérations spéciales exécutent pour saisir, détruire, capturer, exploiter, récupérer ou endommager des objectifs désignés. Les interventions directes diffèrent des actions offensives conventionnelles sur plusieurs plans : le degré des risques physiques et politiques; les techniques opérationnelles; le degré du recours sélectif et précis à la force pour atteindre des objectifs bien définis.
    4. Défense, diplomatie et aide militaire. Ces termes désignent des opérations qui contribuent à reconstruire une nation grâce à une aide fournie à des États choisis sous la forme de conseils, d’un entraînement et d’une aide militaires de nature spécialisée. Les contributions du Commandement des forces d’opérations spéciales du Canada (COMFOSCAN) sont gérées dans le contexte de ses domaines de compétence.

Les opérations aériennes spéciales (OAS) sont exécutées par des forces aériennes et des unités d’aviation spécialement organisées, entraînées et équipées pour favoriser la réalisation d’objectifs militaires stratégiques ou opérationnels grâce à des moyens militaires non conventionnels dans des secteurs ennemis, interdits ou délicats du point de vue politique. Les OAS diffèrent des opérations aériennes classiques quant au degré de risque physique et politique, aux techniques opérationnelles, aux méthodes d’emploi et à l’indépendance par rapport aux unités amies de soutien[38]. Un groupe, une force ou une unité opérationnelle d’opérations spéciales (GOOS/FOOS/UOOS) est d’habitude appuyée par une unité opérationnelle aérienne d’opérations spéciales (UOAOS) ou par une formation d’UOAOS au sein d’un groupe opérationnel aérien d’opérations spéciales (GOAOS). Un GOAOS est un groupe de forces d’opérations spéciales, d’éléments aériens et d’unités d’aviation conventionnels qui, au niveau tactique, sont spécialement entraînés et équipés pour exécuter ou appuyer des opérations spéciales[39]. Quand des unités conventionnelles aériennes/d’aviation sont chargées de soutenir des forces d’opérations spéciales (FOS) pendant toute la durée d’une opération ou d’une campagne, on les appelle « unités opérationnelles d’aviation de soutien direct » (UOASD)[40]. Il se peut que certaines OAS nécessitent des techniques discrètes, secrètes ou peu manifestes susceptibles d’inclure l’exécution d’opération aériennes/d’aviation par ou avec des forces locales ou par leur intermédiaire, ce dont une UOAOS est capable, mais d’autres opérations aériennes/d’aviation pourraient n’avoir besoin que des relations habituelles avec les UOOS terrestres ou maritimes; par conséquent, une unité opérationnelle d’aviation de soutien direct suffirait alors[41].

Il existe toute une gamme d’activités opérationnelles fondamentales que les forces aériennes et d’aviation organiques et d’appui direct mènent à l’appui des FOS pour produire des effets opérationnels et stratégiques. La mobilité aérienne spécialisée constitue une des principales missions des forces chargées des OAS, et elle peut être accomplie par des aéronefs à voilure fixe ou tournante ou à rotors basculants. Ces missions peuvent comprendre le ravitaillement air-air (RAA), des opérations concernant les points avancés de réarmement et de ravitaillement (PAAR) et des opérations de récupération de personnel. Parmi les autres missions d’appui des OAS figurent l’AAR, l’AR, l’intégration aéroterrestre (IAT) et le soutien au RSR[42]. D’autres aéronefs assumant un rôle d’appui direct mais n’étant pas homologués comme étant expressément conçus pour les OAS peuvent renforcer le transport par voie aérienne, l’appui-feu ou les moyens de RSR d’une force d’opérations spéciales. Ces ressources offrent un atout supplémentaire important qui aide le commandant des FOS à faire face à toute la gamme de menaces, d’environnements et de besoins[43].

Dans la figure 3-1, les trois missions d’attaque aérienne menées à l’appui des OAS résument la vaste gamme de missions que l’on peut accomplir pour appuyer les FOS :

  1. Opérations spécialisées de mobilité aérienne / de récupération de personnel. Cette catégorie comprend tout l’éventail des missions de mobilité aérienne et les trois genres d’opérations de récupération de personnel, à savoir la récupération au combat (RC), la recherche et le sauvetage au combat (RESCO) et le sauvetage d’otages.
  2. Appui-feu aérien. Cette catégorie comprend l’AAR et l’AR, comme on l’a décrit plus tôt dans les paragraphes sur les opérations de supériorité terrestre.
  3. Observation supérieure (armée ou non). Cela comprend l’observation supérieure par des plates-formes aérospatiales avec ou sans pilote de RSR souvent employées comme éléments intégrants des FOS pendant leurs opérations. Pendant l’étape « Achever » d’une mission d’action directe « Trouver-Immobiliser-Achever », on considère que les véhicules de RSR avec pilote à bord sont essentiels à la réussite[44]. Comme on l’a vu précédemment, cette mission chevauche les fonctions Détection (aspect du RSR) et Protection/Acquisition de l’avantage (sécurité tactique).

L’attaque stratégique aérospatiale fait appel à des forces aérospatiales qui peuvent en général pénétrer plus loin dans le territoire ennemi que d’autres formes de forces militaires, et qui, par conséquent, peuvent menacer, perturber ou détruire les CG de l’adversaire aux niveaux militaire, politique ou économique[45]. Les opérations de ce genre peuvent comporter des actions destructives et non destructives, ou une combinaison des deux, pour produire des effets qui minent la cohésion de l’adversaire et affaiblissent sa volonté ou sa capacité de livrer bataille. Simplement en possédant la capacité d’exécuter de telles opérations, une force aérienne peut décourager une agression, manifester sa détermination et rassurer les alliés. Quand on manifeste, par sa présence ou la détermination implicite à recourir à la force, la volonté d’exécuter des opérations aérospatiales pour produire des effets stratégiques, les effets de dissuasion et de réconfort ainsi engendrés sont renforcés. L’application contrôlée et progressive de la force peut convaincre un agresseur de mettre fin à un comportement indésirable et elle a été utilisée à cette fin. Les forces aérospatiales peuvent accomplir des attaques parallèles coordonnées pour submerger un adversaire ou des segments essentiels bien précis de son système, ce qui provoque la paralysie de l’appareil décisionnel[46]. Une réussite stratégique solide peut aussi éroder le soutien que la population civile manifeste pour le gouvernement, les politiques nationales ou les activités agressives de l’adversaire[47].

L’avantage clé de la puissance aérospatiale réside dans sa capacité de frapper directement au coeur de l’adversaire, tout en évitant les batailles symétriques d’usure entre deux entités et la nécessité d’affronter de façon séquentielle les forces de surface ennemies, niveau après niveau. Les effets attendus, et non un système d’armes particulier, une plate-forme d’exécution ou le genre d’objectifs attaqués, définissent une attaque stratégique.

Les attaques stratégiques peuvent faire partie d’une campagne ou d’une grande opération, ou être menées en tant que missions indépendantes. Dans ce sens-là, le mot « stratégique » ne limite pas l’attaque stratégique au niveau stratégique de la guerre. Les attaques stratégiques peuvent viser les CG stratégiques et opérationnels et les points vulnérables essentiels connexes, tout dépendant de ce qu’est l’objectif global du cmdt FOI. De même, quand on s’en sert au niveau stratégique, on peut, avec ces attaques, atteindre des objectifs stratégiques sans nécessairement devoir réaliser des objectifs opérationnels au préalable. En fin de compte, le point de mire de l’attaque stratégique, c’est le système C2 de l’adversaire et la capacité de celui-ci de prendre des décisions ou de mettre à exécution une stratégie ou un plan opérationnel cohésifs. L’importance stratégique d’un objectif peut résider soit dans son rendement pratique, soit dans l’effet psychologique que l’attaque même de l’objectif produit. La précision et la discrimination des objectifs sont deux exigences fondamentales auxquelles l’attaque stratégique doit satisfaire, car des effets stratégiques non souhaitables risquent de résulter d’opérations aérospatiales mal planifiées ou exécutées, ce qui nuit à la réalisation des objectifs stratégiques des forces amies. L’utilisation débridée de la force et les dommages collatéraux qui en résultent peuvent mobiliser l’opinion publique contre les forces amies et servir à rallier les forces ennemies.

Compte tenu de cette discussion, la seule mission aérospatiale des attaques stratégiques est la frappe de précision[48]. Les caractéristiques de la puissance aérospatiale permettent aux aéronefs de frapper presque n’importe où dans l’espace de combat. Cependant, un élément clé de la guerre moderne réside dans la précision avec laquelle ces frappes peuvent être exécutées. Trop souvent dans le passé récent, des frappes aériennes mal coordonnées ont provoqué des pertes de vie et des dommages collatéraux importants, ce qui a eu des effets négatifs tout aussi graves sur la mission dans son ensemble et sur l’appui de la population à l’égard des forces amies. Les situations de ce genre sont l’équivalent, sur le champ de bataille, d’un but compté dans ses propres filets; il faut les éviter.

En général, les CG sont caractérisés par ce qui suit :

  1. Leadership. L’objet de la guerre pour les forces amies consiste à obliger l’adversaire à agir conformément à leur volonté. Par conséquent, les commandants et les chefs des forces stratégiques de l’adversaire, au niveau national, constituent des cibles attrayantes et naturelles. Les autres CG qui sont visés et dont on parle dans le présent paragraphe influeront indirectement sur le leadership ennemi, mais les chefs individuels et leurs systèmes de C2 pourront eux aussi être la cible d’attaques meurtrières, psychologiques ou électroniques directes. On pourrait dire qu’il s’agit là d’opérations stratégiques anti-C2. L’effet espéré d’une telle opération pourrait être la paralysie stratégique, l’objectif étant de susciter chez l’adversaire un sentiment de futilité et d’isolement.
  2. Production. À cet égard, il existe deux sous-catégories connexes :
    1. Industrie. Sur ce plan, les opérations sont menées contre les principales industries de l’adversaire. En s’en prenant à des complexes industriels bien choisis, on finira par affaiblir la capacité de l’adversaire de faire la guerre. Dans une société industrialisée, les cibles stratégiques attrayantes pourraient comprendre les installations de production et de distribution de l’électricité ainsi que les usines et les raffineries de pétrole.
    2. Économie. Les opérations menées contre le potentiel économique s’apparentent de près à celles qui visent l’industrie, mais elles visent expressément à causer l’effondrement de l’économie de l’ennemi. Comme les pays industrialisés dépendent de plus en plus des technologies de l’information pour faire toutes leurs opérations économiques, elles constituent une cible possible attrayante si l’on cherche à enrayer l’application offensive de tous les éléments du commandement et du contrôle pour faire la guerre.
  3. Transports. Le ciblage stratégique des centres et des moyens de transport vitaux de l’adversaire, qu’ils soient civils ou militaires, peut avoir un effet décisif sur sa capacité globale de faire la guerre.
  4. Population civile. Le droit humanitaire international interdit à quiconque d’attaquer les civils et les biens civils ou de menacer de recourir à la violence contre eux. Toutefois, l’opinion de la population civile risque d’influer sur la volonté des forces ennemies, de sorte qu’elle demeure un CG clé. Les opérations d’information, qui sont conformes aux dispositions du droit international, peuvent être dirigées vers les civils dans le territoire ennemi. La force aérienne a les moyens d’appuyer les opérations de ce genre.
  5. Forces armées. Les opérations stratégiques contre le potentiel militaire sont dirigées contre les forces armées et les systèmes d’armes ennemis qui, s’ils sont utilisés, peuvent produire des effets stratégiques et menacer directement nos propres CG stratégiques. Comme les CG d’un pays en définissent la force et la volonté de combattre, pareille menace confère automatiquement aux opérations contre le potentiel militaire ennemi un haut degré de priorité. Par exemple, on peut diriger les opérations stratégiques de ce genre contre les armes de destruction massive de l’ennemi afin de le priver de la capacité de s’en servir[49].

Le but des opérations comportant des attaques aériennes consiste à réaliser l’intention du cmdt FOI et à atteindre l’objectif final souhaité en dominant du haut des airs l’espace de combat en surface. Les forces aérospatiales se prêtent particulièrement bien aux missions menées contre le potentiel de surface ennemi, en ce sens que les caractéristiques de la puissance aérospatiale (vitesse, portée, surprise, manoeuvrabilité et létalité) lui procurent d’importants avantages par rapport aux forces de surface. Pour que les opérations de lutte contre le potentiel de surface soient efficaces, il faut que les forces amies acquièrent la maîtrise de l’espace aérien à un haut degré.

Les opérations comportant des attaques aériennes peuvent être intégrées (grâce à un appui direct fourni à une formation ou à une composante de surface) ou indépendantes (opérations dirigées contre un objectif interarmées priorisé). Toute mission d’acquisition de l’avantage menée contre le potentiel de surface ennemi a pour objet de trouver, d’immobiliser, de retarder, de perturber ou de détruire les forces de l’adversaire à la surface ou sous elle; les missions de ce genre peuvent avoir lieu sur terre ou sur mer. Les missions exécutées pour appuyer directement une force de surface nécessitent une coopération étroite, une planification détaillée et l’intégration des systèmes et des processus de C2. Le CCA conserve le contrôle global des ressources aérospatiales, mais le contrôle tactique doit appartenir au commandant appuyé pour que l’intégration soit couronnée de succès. Les missions de lutte contre le potentiel de surface nécessitent une énergique contribution des services de renseignements et une désignation très précise des cibles. Il leur faut aussi l’appui d’éléments qui permettent les combats aériens, par exemple les systèmes de C2, le RAA, les moyens de GE et les ressources de RSR. Les opérations comportant des attaques aériennes comprennent les interventions contre le potentiel maritime et l’appui aux forces maritimes, les interventions contre le potentiel terrestre et l’appui aux forces terrestres, les OAS et l’attaque stratégique.

Les opérations de supériorité maritime ont pour objet de procurer aux forces amies le degré voulu de supériorité maritime en trouvant, immobilisant, retardant, perturbant ou détruisant les forces ennemies dans le domaine maritime, et d’empêcher l’adversaire de faire de même contre les forces amies. Les aéronefs chargés des missions de lutte contre le potentiel maritime peuvent faire partie intégrante d’une force navale ou lui être attachés depuis un aérodrome terrestre. Les missions peuvent être exécutées à proximité immédiate d’une force maritime ou viser principalement des secteurs en haute mer, des lignes de communications maritimes ou des points stratégiques de passage obligé (par exemple, le détroit d’Hormuz). Les opérations de supériorité maritime menées près de la terre, le long du littoral, sont compliquées par la présence de systèmes d’armements terrestres, par la circulation civile (aérienne et maritime) intense et par les avantages défensifs que les eaux côtières et la topographie peuvent conférer à l’adversaire. Ces opérations sont particulièrement complexes et nécessitent une solide doctrine interarmées et la synchronisation étroite des TTP. Les trois catégories de missions de lutte contre le potentiel maritime sont la lutte antinavires (LAN), la lutte anti-aérienne (LAA) et la lutte anti-sous-marine (LASM).

Les opérations de supériorité terrestre ont pour but d’employer les capacités aérospatiales d’acquisition de l’avantage contre des objectifs terrestres pour réaliser l’intention stratégique, opérationnelle ou tactique du cmdt FOI. Ces opérations permettent aux forces amies de manoeuvrer et leur confèrent la liberté d’attaquer, tout en empêchant l’adversaire de faire de même. Les forces aérospatiales ont l’avantage de pouvoir prendre à partie des forces de surface ennemies partout dans le champ de bataille et de le faire en général sans être obstruées par les lignes de démarcation et les obstacles topographiques risquant de gêner les manoeuvres et les détecteurs de la force terrestre. Les opérations aérospatiales peuvent être menées en mode rapproché ou profondément en territoire ennemi et jusque dans les zones arrière de l’adversaire. La puissance aérospatiale est essentielle à la réussite des combats terrestres et, quand les capacités aérospatiales et terrestres sont véritablement intégrées, la mission est couronnée de succès. Les quatre missions de lutte contre le potentiel terrestre sont l’IA, l’appui-feu aérien, la sécurité tactique ainsi que la conduite et le contrôle des tirs.

Les opérations aériennes spéciales et l’appui aux FOS ont les caractéristiques à la fois des missions de supériorité maritime et de celles de supériorité terrestre. Les unités ont d’habitude besoin d’avoir subi un entraînement spécialisé relatif aux techniques et aux procédures des FOS; c’est pourquoi ces opérations risquent de ne pouvoir être confiées qu’à des unités aérospatiales désignées dotées d’un équipement bien particulier. L’exécution nécessite des manoeuvres clandestines et une grande précision et elle a lieu dans des contextes où la maîtrise de l’espace aérien est réduit et où le degré de risque est élevé. Néanmoins, des aéronefs supplémentaires assumant un rôle d’appui direct mais non conçus pour faire partie intégrante des OAS peuvent être offerts et acceptés pour accroître les capacités de transport par voie aérienne, d’appui-feu et de RSR d’une force d’opérations spéciales. Les missions d’acquisition de l’avantage menées dans le cadre des OAS sont : les missions spécialisées de mobilité aérienne / de récupération de personnel; l’appui-feu aérien; l’observation supérieure (armée ou non)

Les attaques stratégiques visent les CG ennemis, et les objectifs sont choisis avec soin, non pas pour leur valeur tactique, mais pour l’effet stratégique éventuel de l’attaque. Ces attaques affaiblissent la capacité ou la volonté de l’adversaire de livrer bataille ou de poursuivre une action. N’importe quelle plate-forme peut mener de telles attaques, et les objectifs peuvent comprendre une installation, une personne ou une plate-forme dont on pense que l’élimination produira l’effet stratégique souhaité. La frappe de précision est la seule mission accomplie dans le cadre des attaques aérospatiales stratégiques d’acquisition de l’avantage.

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1. Dans la fonction Projection, les « opérations aériennes spéciales » sont considérées comme des missions propres au rôle « transport par voie aérienne ». Les missions de ce genre comprennent l’insertion, l’extraction et le ravitaillement des forces d’opérations spéciales, souvent avec des moyens clandestins. Dans la fonction Acquisition de l’avantage, l’importance et l’envergure des missions aériennes spéciales éventuelles en élèvent le profil à celui d’un rôle au sein de la capacité « attaque aérienne ». Dans le cadre de ce rôle (missions aériennes spéciales), les missions spécialisées de transport par voie aérienne / de récupération du personnel s’apparentent aux opérations aériennes spéciales définies dans le manuel de doctrine de la fonction Projection. (retourner)

2. On a séparé les opérations aériennes spéciales et les attaques stratégiques des missions de lutte contre le potentiel maritime et terrestre afin d’en mettre l’importance en évidence au sein de la capacité « attaque aérienne ». (retourner)

3. Voir la BTD fiche 4961. (retourner)

4. Publication interalliée interarmées 3.3.3 de l’OTAN, Air-Maritime Co-ordination, 2005, 0503. (retourner)

5. L’OTC peut déléguer à un commandant subalterne la responsabilité d’une zone particulière ou des combats maritimes. Les trois principales catégories de combats maritimes sont la lutte antinavire (LAN), la lutte antiaérienne (LAA) et la lutte anti-sous-marine (LASM). (retourner)

6. Les mesures de déconflictualisation visent notamment à assurer la sécurité des aéronefs circulant dans la même zone d’opérations générale. Elles peuvent comprendre des restrictions géographiques et l’établissement de restrictions relatives à l’altitude ou de blocs d’altitudes, et elles dictent des procédures de ralliement standards, des horaires, des routes, des altitudes et des vitesses à observer quand les aéronefs se dirigent vers la force à appuyer et quand ils reviennent après avoir accompli la mission. En outre, quand il s’agit d’une force navale, les mesures de déconflictualisation régissent l’emploi des armes anti-sous-marines en particulier, en en restreignant l’utilisation dans des secteurs géographiques où des sous-marins amis risquent de se trouver. C’est ce que l’on appelle « procédures de gestion de l’espace marin ». (retourner)

7. Cette définition se trouve dans le document stratégique de la MRC intitulé Point de mire : stratégie de la marine pour 2020 (PDF, 4.79 MB), p. 3, (consulté le 20 août 2013). (retourner)

8. On est en train de mettre divers ASP à l’essai dans un rôle maritime; l’un d’eux est le Scan Eagle de Boeing. La question de savoir s’il s’agit là d’une ressource maritime ou aéronavale est purement spéculative, bien que l’on considère à coup sûr que ce soit des engins organiques. (retourner)

9. L’abréviation TASMO n’est plus employée par les alliés des FC au sein de l’OTAN qui ont commencé à utiliser les concepts plus généraux de coordination air-mer (CAM) et de procédures de coordination air-mer (PCAM) afin d’inclure tous les rapports entre les forces aérospatiales et maritimes. Voir la Publication interalliée interarmées 3.3.3. de l’OTAN intitulée Air-Maritime Co-ordination et les ATP connexes pour en lire davantage sur l’ensemble de ce sujet. (retourner)

10. Les cinq stades de la LASM sont les suivantes : la recherche, le repérage, le pistage, l’attaque et la seconde attaque. (retourner)

11. Des missions de ces genres-là ont souvent été menées pendant les opérations Desert Storm (en Irak et au Koweït) et Allied Force (Kosovo). (retourner)

12. La fiche 1430 de la BTD définit le SCAT (système de contrôle aérien tactique) comme suit : « Organisation, équipements et matériels nécessaires à la planification, à la direction, au contrôle des opérations aériennes tactiques et à la coordination d’opérations aériennes avec celles d’autres forces. Ce système comprend les organismes de contrôle, les moyens de transmissions et les équipements électroniques nécessaires à un contrôle centralisé et à une exécution décentralisée des missions. » (retourner)

13. Le commandant de la composante terrestre a toujours été le commandant recevant l’appui; néanmoins, l’ECAT travaille également avec toute force appuyée, y compris les unités de la composante maritime, de la composante des opérations spéciales ou des forces alliées. L’ECAT peut aussi être détaché auprès d’autres ministères de l’État ou de l’autorité civile, voire auprès d’ONG qui ont reçu un soutien militaire. (retourner)

14. Cette force d’aviation tactique comprend les hélicoptères, le personnel, les véhicules et l’équipement faisant partie intégrante du QG de la 1re Escadre et de ses unités subalternes. (retourner)

15. B-GA-440-000/AF-000 Opérations tactiques des hélicoptères (http://trenton.mil.ca/lodger/CFAWC/CDD/Doctrine/Pubs/Tactical/440_Series/B-GA-440-000-AF-000.pdf) (PDF, 1.26 MB), Modificatif 1, 24 février 1999, p. 1, (consulté le 20 août 2013). (retourner)

16. BTD fiche 43604. (retourner)

17. Il existe deux définitions acceptées de l’expression « opération aéromobile », selon la fiche 196 de la BTD : « Opération exécutée à l’appui d’objectifs tactiques au sol au cours de laquelle des forces militaires et leur équipement sont transportés par aéronef sur le champ de bataille et posés au sol » (Groupe d’experts en terminologie de l’Armée de terre); « Opération dans laquelle des unités combattantes et leur équipement effectuent un mouvement en aéronef sur le champ de bataille pour être engagées dans un combat terrestre » (OTAN). Elles sont toutes les deux acceptables, mais la définition récente donnée par l’Armée est la plus applicable du point de vue de la doctrine de l’ARC sur la fonction « Action ». (retourner)

18. Il n’est pas absolument nécessaire de déconflictualiser en détail l’IA et les mouvements et opérations des forces amies, mais la nécessité existe toujours d’harmoniser toutes les missions anti-surface avec les objectifs du commandant de la force interarmées. BTD fiche 3343. (retourner)

19. On considère qu’IA est synonyme de l’expression « attaque d’interdiction » (AI) que l’OTAN utilise quand elle parle des opérations menées par les hélicoptères d’attaque à l’appui d’opérations terrestres. Voir la publication ATP-49(F) de l’OTAN intitulée Use of Helicopters in Land Operations Doctrine et datée du 15 octobre 2012. (retourner)

20. N’importe quel commandant de composante (CC) peut désigner des objectifs pour les missions d’IA, mais le LCC prend normalement la direction des choses à cet égard. Les processus de désignation des objectifs sont examinés plus en détail dans le chapitre 5 du présent manuel. (retourner)

21. La majorité des missions d’IA visent des objectifs choisis délibérément. Les missions d’IA de nature dynamique comprennent les tâches connexes que sont la reconnaissance armée (RA), la coordination des attaques et la reconnaissance (CAR) et la XINT. Les vols de RA sont uniquement dynamiques en ce sens que les aéronefs cherchent et prennent à partie des objectifs inopinés. Bien que la CAR s’apparente principalement à la conduite et au contrôle des tirs, les aéronefs identifiant des objectifs valides et les confiant ensuite aux aéronefs exécutant les missions de RA, les aéronefs chargés de la CAR peuvent aussi exécuter des attaques (s’ils sont équipés à cette fin), car c’est là pour eux un rôle secondaire. (retourner)

22. La doctrine actuelle sur l’aviation tactique de l’ARC (voir B-GA-440-000/AF-000, Opérations des hélicoptères tactiques et les publications connexes) présente différemment les missions de supériorité terrestre, comparativement au présent manuel, en partie en raison des liens directs qui existent entre l’aviation tactique et l’Armée canadienne. Par exemple, l’appui-feu fourni par les hélicoptères est défini comme étant une mission bien précise, et les acronymes IA et attaque rapprochée (CCA) close combat attack en anglais n’y sont ni inclus ni définis. Cela met en exergue la nature évolutive de la doctrine et l’effort que l’ARC déploie actuellement pour moins axer sa doctrine sur les plates-formes que dans le passé. Les deux démarches sont valables, mais elles servent des fins différentes, la doctrine de l’ARC s’intéressant au niveau opérationnel, et celle de l’aviation tactique, au domaine tactique. (retourner)

23. La mission de CAR est une mission de RSR en évolution qui sous-tend l’appui-feu aérien et l’IA; on en parle plus en détail dans le chapitre 5 du présent manuel. (retourner)

24. Afin d’en savoir plus, voir l’ouvrage de Harold G. Moore et de J. Galloway, We Were Soldiers Once ... and Young: la Drang - the Battle That Changed the War in Vietnam, San Francisco, Presidio Press, 2004. (retourner)

25. BTD fiche 23335. (retourner)

26. La proximité ne correspond pas nécessairement à une distance linéaire entre les effets d’une mission et les forces amies. Elle peut aussi désigner les effets de la mission sur des opérations amies et sur l’accomplissement de la mission des forces amies en question. Une mission d’application de la force menée loin des forces amies peut avoir des effets immédiats sur leurs opérations, dans un contexte d’exécution de missions, et nécessiter par conséquent une intégration détaillée, ou une déconflictualisation, ou les deux. (retourner)

27. Un exemple de mission d’AAR non cinétique est une manifestation de force à basse altitude. C’est aussi une forme d’opérations d’information, et l’on en parle plus en détail dans le chapitre 4 du présent manuel. (retourner)

28. L’expression « contrôleur aérien tactique interarmées » (CATI) peut servir de synonyme à CCA. Dans le contexte canadien, ce dernier acronyme désigne en général un membre de la composante terrestre qui a reçu une instruction sur le volet terrestre des missions d’AAR. Le sigle JTAC (CATI) désigne un membre de l’USAF qui assume le même rôle dans l’Armée américaine. Les forces britanniques emploient elles aussi le sigle JTAC. Quoi qu’il en soit, cette personne fait partie intégrante des forces de manoeuvre au sol et elle se spécialise dans l’intégration des forces aérospatiales dans le champ de bataille. (retourner)

29. BTD fiche 34045. (retourner)

30. La force aérospatiale peut être composée d’hélicoptères ou d’aéronefs à voilure fixe, ou des deux. Les ASP sont d’habitude les aéronefs choisis dans ce cas, tandis que les chasseurs pilotés accomplissant des missions d’observation supérieure de ce genre sont plus souvent considérés comme exécutant une mission de RSR non classique. (retourner)

31. Adaptation d’un texte tiré de Projet LAMINAR STRIKE – La Force aérienne du Canada, après l’opération Athena, Canada, MDN, Ottawa, ministère de la Défense nationale, 2011. (retourner)

32. D’autres renseignements sur ces techniques sont fournis dans la publication B-GA-442-001/FP-002 Tactiques, techniques et procédures de l’aviation tactique (TTP) (http://trenton.mil.ca/lodger/CFAWC/CDD/Doctrine/Pubs/Tactical/440_Series/B-GA-442-001_Change_5_(2010-06-01)/B-GA-442-001-FP-002(Ch5)-ALL_Parts.pdf) (PDF, 888 kB), modificatif 5, (juin 2010), (consulté le 20 août 2013). (retourner)

33. BTD fiche 3351. (retourner)

34. BTD fiche 36620. Bien que les FC aient officiellement adopté l’abréviation CAAA (ABFAC en anglais), l’accréditation des CAA des FC appartient à l’USAF, et, dans la publication interarmées américaine JP 3-09.3, Close Air Support, on utilise le sigle FAC(A) pour désigner le même concept. À l’OTAN, c’est ce dernier sigle qui est employé le plus souvent. (retourner)

35. BTD fiche 18752 modifiée. (retourner)

36. Publication interalliée interarmées 3.5 de l’OTAN, Allied Joint Doctrine for Special Operations, janvier 2009, p. 1-1. (retourner)

37. Canada, MDN, Commandement des forces d’opérations spéciales du Canada (COMFOSCAN), Un aperçu, 2008, p. 9. (retourner)

38. Ibid., p. 2-5. (retourner)

39. Dans l’ARC, le 427e Escadron d’opérations spéciales d’aviation (427 EOSA) est une UOAS qui a été placée sous le commandement opérationnel du COMFOSCOM. (retourner)

40. OTAN, Quartier général des opérations spéciales de l’OTAN, 80-004, Special Air Warfare Manual, mars 2012, p. 1. (retourner)

41. Ibid., p. 3. (retourner)

42. Ibid., p. 5. (retourner)

43. Publication interalliée interarmées 3.5 de l’OTAN, Allied Joint Doctrine for Special Operations, p. 2-5. (retourner)

44. L’expérience acquise par les FOS des FC en Afghanistan montre que les véhicules avec pilote de RSR conservent des avantages particuliers sur les véhicules sans pilote, surtout pendant les derniers stades de la mission d’une FOS. En général, ces avantages sont un délai d’attente réduit (communications, imagerie et analyse), une réduction de la vulnérabilité (au brouillage et aux effets de la météo, surtout) et un renforcement de la confiance (entre les chefs de la FOS et les personnes se servant des ressources; dans le cas des véhicules sans pilote, les opérateurs peuvent se trouver loin du théâtre d’opérations et être dès lors moins conscients de la situation et moins engagés dans le combat). (retourner)

45. Le concept du centre de gravité a son origine dans les écrits de Clausewitz, qui l’a décrit comme étant « le centre de toute puissance ou de tout mouvement, sur lequel s’appuie tout le reste ». Même aujourd’hui, un débat persiste sur la façon dont le concept de Clausewitz devrait être traduit et interprété. Pour lire un résumé de cette discussion, voir Carl von Clausewitz, On War, revu et traduit par Michael Howard et Peter Paret, Princeton, New Jersey, Princeton University Press, 1984, p. 595-596. (retourner)

46. Cette idée a été exprimée dès 1954, mais la compréhension moderne de l’attaque parallèle repose sur les écrits du colonel John Warden. Voir John A. Warden III, « The Enemy as a System », Airpower Journal, vol. 9, no 2, printemps 1995. (retourner)

47. Bien que la puissance aérospatiale puisse avoir des effets considérables sur le moral des populations des pays ennemis, cela n’importe que si la volonté est nécessaire pour assurer la continuité du gouvernement. Au printemps de 1945, le moral de la population japonaise était très bas et celle-ci n’était pas du tout d’accord pour poursuivre la guerre; cependant, le conditionnement psychologique des Japonais était tel qu’ils auraient fait tout ce que l’empereur leur disait de faire (par l’intermédiaire du gouvernement). (retourner)

48. Dans le présent contexte, le mot « frappe » est considéré comme étant synonyme du mot « attaque ». (retourner)

49. K. Noedskov, « Systematizing Effect Based Air Operations », Air&Space Power Journal - Chronicles Online Journal, 24 mai 2000 (anglais seulement), (hyperlien périmé) (consulté le 20 août 2013). (retourner)

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