L’évolution du CP140 Aurora canadien au fil des années (La Revue de l'ARC - HIVER 2016 - Volume 5, Numéro 1)
Par le colonel Iain Huddleston
Note de la rédaction : Le présent article a été publié à l’origine dans la Canadian Naval Review (vol. 11, no 1, 2015).
Note de l’auteur : J’ai écrit le présent article en collaboration avec le major Ray Townsend, membre du 405e Escadron de patrouille maritime et commandant adjoint du Détachement de patrouille à long rayon d’action au cours de l’opération IMPACT (Roto 0).
En octobre 2014, deux des CP140M Aurora du bloc III de l’Aviation royale canadienne (ARC) récemment modifiés ont été déployés au Moyen-Orient pour mener une opération de renseignement, de surveillance et de reconnaissance (RSR) au-dessus de l’Iraq, à l’appui de l’Op IMPACT. Moins de 30 heures après l’arrivée de l’aéronef dans le théâtre, les équipages, les équipes de maintenance et l’équipe de soutien de mission étaient prêts à amorcer leur premier vol : c’était la première mission opérationnelle effectuée par un CP140M au-dessus de la terre ferme. Jusqu’ici, le détachement a accompli plus de 100 missions, seulement deux annulations ayant eu lieu en quatre mois. Le rendement des équipages et celui de l’ensemble de capteurs modernisé équipant l’aéronef ont suscité des éloges nombreux de la part des partenaires membres de la coalition pour la précision et la clarté du produit de RSR final et pour la rapidité avec laquelle il a été livré. La Force de patrouille à long rayon d’action (Force de PLRA) du Canada et le CP140M balisent le chemin qui aboutira à l’établissement d’un solide système de RSR dans les Forces armées canadiennes.
Le paysage désertique du Moyen-Orient n’est pas un environnement opérationnel classique pour le CP140 Aurora, mais au cours des dix dernières années, cet aéronef de patrouille à long rayon d’action a subi une importante transformation et s’est avéré capable de s’adapter à presque toutes les situations. L’aéronef avait d’abord été conçu pour la lutte anti-sous-marine, mais le Programme de modernisation progressive de l’Aurora (PMPA) et le Programme de prolongation de la durée de vie de la structure de l’Aurora (PPDVS) ont procuré à l’ARC une des plates-formes de RSR les plus fiables, les plus polyvalentes et les plus efficaces du monde.
Le PMPA a été proposé en 1998, comme méthode pour mettre graduellement à niveau le CP140 grâce à une série de « blocs » ou d’étapes. L’approche visait à établir un juste équilibre entre la nécessité d’adopter une démarche budgétaire responsable pour mettre à niveau les technologies équipant l’aéronef et celle de réduire au minimum l’effet négatif qu’aurait la réduction de la flotte opérationnelle de PLRA de l’ARC. Une considération supplémentaire visait à réduire les frais de personnel liés à toute instruction de conversion que les membres d’équipage et les techniciens allaient devoir recevoir. Les avantages et les inconvénients du PMPA ont fait l’objet de débats au cours des années, à mesure que les pressions budgétaires augmentaient et que les priorités militaires évoluaient et changeaient. Le programme a en fait été arrêté en 2007, mais il a repris peu de temps après avec une nouvelle orientation. Par suite d’un engagement récent pris par le gouvernement, le nombre final d’aéronefs modernisés a été fixé à 14, ce qui est une amélioration par rapport à l’engagement précédent qui l’avait établi à dix appareils. Les 14 CP140 subiront les modifications prévues par le PMPA et le PPDVS, ce qui permettra à la Force de PLRA de les utiliser pour les opérations jusqu’en 2030 environ. Tous comptes faits, cela équivaut à une réduction du nombre total d’aéronefs CP140 disponibles, car la flotte en comptait 18 auparavant plus trois aéronefs Arcturus, une version du CP140 munie uniquement d’appareils radars et de systèmes de communications. Cette réduction est compensée par un accroissement considérable des capacités de chaque aéronef.
Le PMPA comporte actuellement quatre « blocs » progressifs. Chaque bloc prévoit la modernisation ou le remplacement de systèmes et de capteurs particuliers, le bloc III ayant été celui qui a le plus transformé les capacités opérationnelles de l’aéronef. Dans le cadre du bloc I, on a remplacé divers équipements et sous-systèmes anciens pour remédier surtout à des problèmes fondamentaux de soutenabilité et de conformité. À la faveur du bloc II, on a doté les aéronefs d’un système moderne de gestion des communications en y installant de nouvelles radios à haute fréquence (HF), à très haute fréquence (VHF) et à ultra-haute fréquence (UHF) ainsi que des systèmes de communication par satellite. On a aussi mis à niveau les équipements de navigation et apporté une cabine de pilotage moderne munie d’un nouveau système de pilotage automatique et de gestion de vol automatique. Parallèlement au bloc II, mais indépendamment de lui, on a installé une tourelle de caméra électro-optique à infrarouge (EO/IR) sous le nez de l’aéronef. La tourelle a remplacé le système de détection à infrarouge frontal qui était quasi inefficace dans la gamme traditionnelle des missions. La nouvelle caméra Wescam MX-20 et le système connexe de mission d’équipement terrestre ont représenté la première capacité opérationnelle carrément novatrice dont les équipages de l’Aurora aient été dotés.
Au cours de l’étape actuelle, qui correspond au bloc III, on remplace l’ordinateur de mission, les systèmes acoustiques, le système de guerre électronique, le détecteur d’anomalies magnétiques et le radar à synthèse d’ouverture et l’on fournit à chaque opérateur un écran de visualisation moderne, un pavé tactile et une boule de commande. C’est à ce stade-ci que la lettre « M » (Modernisé) est ajoutée au nom du CP140 et que le nouveau nom de CP140M Aurora est donné à l’aéronef. Dans le cadre du bloc IV, qui en est actuellement au stade de la conception, les CP140M seront dotés d’un système de communication haute vitesse au-delà de la portée optique (BLOS), d’un système moderne de liaison de données tactiques appelé Liaison 16 et d’un équipement d’autodéfense.
Le PPDVS est une démarche parallèle au PMPA et a pour but de rétablir la durée de vie de l’aéronef. Le programme porte sur le remplacement total de la voilure et du stabilisateur et aussi sur d’autres problèmes structuraux. Le PPDVS ajoutera jusqu’à 15 000 heures de vol à la durée de vie utile de l’aéronef pour la porter à 40 000 heures de vol. C’est là un facteur essentiel pour prolonger jusqu’en 2030 la durée de vie de la flotte. Jusqu’à présent, la Force de PLRA a reçu d’IMP Aerospace à Halifax (Nouvelle-Écosse) la moitié des cellules modifiées du bloc III, les autres devant lui être livrées au cours des quatre ou cinq prochaines années. Au cours de cette période aura lieu la mise à niveau des 14 aéronefs selon les normes du bloc IV.
L’Aurora a commencé à jouer un rôle de RSR terrestre en 2006, quand la caméra électro-optique à infrarouge a été installée à son bord. Cet équipement a amélioré immédiatement la capacité de l’équipage d’exécuter des missions maritimes, car il lui a permis d’identifier des navires au-delà de la portée visuelle. Cela a considérablement augmenté l’efficacité des aéronefs dans l’ensemble des missions intérieures traditionnelles, telles que les patrouilles des pêcheries, les patrouilles dans le Nord et les opérations de recherche et de sauvetage. L’entraînement a également commencé avec des unités terrestres et dans des zones côtières ciblées.
Une collaboration approfondie entre les militaires canadiens et leurs homologues américains ayant déjà utilisé des véhicules aériens non habités (UAV) a permis aux équipages de découvrir en quoi consistent les missions terrestres de base, notamment en ce qui concerne la reconnaissance, la surveillance de combat et l’escorte de convois. Le CP140 apporte des capacités considérables pour remplir le rôle terrestre, et l’expérience acquise par les équipages au-dessus de l’eau s’est transposée directement à la nouvelle gamme de missions, leur apprentissage ayant principalement pour objet de comprendre comment les éléments terrestres appuyés pensent, communiquent et fonctionnent. Le CP140 peut être envoyé rapidement en déploiement, et sa grande autonomie lui permet d’aider énormément à comprendre le mode de vie dans les régions d’intérêt. Par rapport à un véhicule aérien non piloté, l’Aurora peut davantage changer son point de mire « en plein vol » et tirer parti de la taille et de l’expérience de son équipage et aussi du fait qu’il est physiquement à la verticale de l’espace de combat et qu’il peut encore y jouer son rôle.
Depuis le début des opérations terrestres en 2006, les équipages des Aurora ont perfectionné leur capacité à utiliser la caméra électro-optique à infrarouge en milieu opérationnel. Les escadrons de patrouille à long rayon d’action ont appuyé diverses opérations de sécurité intérieures très médiatisées dans le passé récent, notamment au cours des Jeux olympiques de Vancouver, en 2010, et pendant les sommets du G8 et du G20 la même année. Les Aurora du bloc II ont connu leur baptême du feu pendant l’opération MOBILE, soit l’intervention du Canada en Libye, en 2011. Ils ont tout d’abord survolé la mer, puis les régions côtières et, enfin, la terre ferme.
Maintenant que l’ensemble de détection du bloc III a été ajouté aux caméras, l’efficacité des aéronefs est encore plus grande. Ceux-ci sont désormais dotés de systèmes de guerre électronique et de radar à ouverture synthétique, ce qui leur permet de parfaire les renseignements qu’ils fournissent aux éléments terrestres et aériens. Cette évolution a fait de l’Aurora une ressource très demandée, de sorte que, près de dix ans plus tard, il est reconnu dans le monde comme étant une plate-forme de choix pour les missions de RSR.
En 2009, le CP140 a été doté d’une caméra cartographique haute résolution Applanix DSS, fabriquée au Canada, dans une baie qui était à l’origine équipée d’un système de caméra à pellicule grand format utilisé pour la reconnaissance maritime. Un détachement de deux aéronefs et de 60 personnes a été chargé de cartographier une grande zone de l’Afghanistan, pour que des cartes exactes soient créées à l’intention des partenaires canadiens et des membres de la coalition. En raison de la grande vitesse et de l’autonomie de l’Aurora, cette mission lui convenait parfaitement. À l’aide des conseils et de l’expertise technique du Service de cartographie, les Aurora et leurs équipages ont accompli la mission en un mois seulement et ont pu dresser une carte détaillée d’une superficie de plus de 100 000 kilomètres carrés.
La capacité de brancher et d’utiliser aussitôt des équipements spécialisés tels que la caméra Applanix et divers systèmes de communication particuliers atteste la polyvalence de l’aéronef. La Flotte de PLRA exploite l’expertise de l’Unité maritime d’essais et d’évaluation (UMEE) pour explorer de nouvelles technologies destinées à renforcer l’ensemble régulier de capteurs et à soutenir ainsi l’exécution de missions particulières. Mis à part l’équipement de l’Aurora, sa taille permet d’en accroître l’équipage de base et d’y ajouter des experts et des officiers de liaison qui peuvent augmenter directement à la valeur de la mission à accomplir. En 2011, l’opération MOBILE a offert l’occasion de mettre cette approche à l’essai, et la coordination de l’équipage renforcé a été couronnée de succès. On a tout d’abord intégré des contrôleurs aériens avancés des Royal Marines britanniques afin d’exécuter des missions d’appui-feu naval le long des côtes de la Libye. Par la suite, des contrôleurs interarmées canadiens de la finale de l’attaque se sont joints à l’équipage du CP140 pour des missions terrestres de coordination des frappes et d’attaque au cours desquelles l’équipage a été chargé de repérer et d’identifier des cibles particulières dans des zones d’opération désignées, avant d’y coordonner l’action des forces de frappe devant les prendre à partie. Au Canada, des représentants d’Environnement Canada ont souvent fait partie de l’équipe du CP140. Cela s’est produit, par exemple, en 2014 quand il a fallu obtenir des évaluations précises sur les inondations dans Winnipeg et autour de la ville.
Quand la Force de PLRA se préparait à participer à l’opération IMPACT, soit la mission du Canada en Iraq qui a commencé à l’automne de 2014, on a tout de suite compris que cette dernière différerait beaucoup de l’opération MOBILE. Les missions de coordination des frappes et d’attaque, au cours de l’Op MOBILE, ont eu lieu à un moment où l’espace de combat était relativement bien défini, où l’ennemi avait été identifié et où une solide structure de commandement et de contrôle de la coalition avait été établie. Cependant, l’Op IMPACT allait débuter avec très peu de préparation, et les aéronefs et leurs équipages allaient immédiatement survoler le territoire ennemi, sans avoir eu le temps de renforcer leur confiance. Le nombre de membres d’équipage qui avaient acquis de l’expérience pendant l’Op MOBILE et qui étaient encore à Greenwood et à Comox était faible, ce qui ajoutait au défi consistant à instruire et à préparer les équipages en vue de ce nouveau vol. Cela allait aussi être le premier déploiement opérationnel du CP140M du bloc III et la première fois où le réseau de soutien connexe nécessaire aux nouveaux systèmes serait mis à l’épreuve dans un milieu hostile.
Les forces de l’État islamique (EI) sont plus dispersées que les forces ennemies en Libye et, étant donné les premiers succès qu’elles ont remportés contre les forces de sécurité irakiennes, elles sont armées et équipées d’une façon qui empêche presque de les distinguer des alliés au sol. En outre, aucun élément terrestre de la coalition occidentale n’appuie l’opération, ce qui réduit la connaissance globale de ce qui se passe en « première ligne ». Par conséquent, les points d’intérêt sont moins évidents, et l’ennemi sait comment utiliser les moyens de défense naturels, notamment l’obscurité et la nébulosité, pour camoufler ses mouvements.
Or, c’est dans un tel environnement que les aéronefs du bloc III font vraiment leurs preuves. Une couche nuageuse et l’obscurité entravent certainement les opérations de RSR. Cependant, le CP140M est muni d’une multitude de capteurs pour recueillir les renseignements essentiels même si les objets d’intérêt sont voilés par les nuages. Le radar à synthèse d’ouverture inverse / à ouverture synthétique permet à l’aéronef et à son équipage de recueillir de grandes quantités de données radar et de repérer les déplacements des véhicules au sol, quand la météo gêne des détecteurs d’autres types. En outre, la méthode éprouvée dite « des yeux vigilants » s’est avérée utile encore une fois, car elle a permis à l’équipage de balayer l’horizon à la recherche de « trous » dans les nuages, ce qui a donné des occasions de recueillir des renseignements vidéo en dépit des conditions météorologiques. L’ajout des lunettes de vision nocturne (NVG) à l’équipement normalisé de l’équipage a également constitué un atout qui a permis aux membres d’équipage de signaler visuellement à l’équipe tactique munis de capteurs des points d’intérêt dans l’espace de combat sous l’aéronef et dans les alentours.
Même si l’aéronef a été décrit comme ayant des caractéristiques semblables à l’équipement qu’aurait James Bond, les habiletés de limier de Sherlock Holmes décriraient mieux le travail qu’effectue son équipage. Même si les pilotes balaient le ciel du regard à la recherche de trous dans les nuages et d’autres aéronefs présentant un risque d’abordage, le navigateur tactique coordonne les activités des spécialistes des communications et des opérateurs de capteurs, en orchestrant la cueillette simultanée des renseignements sous plusieurs formes. L’information est enregistrée, et une corrélation initiale est faite sur-le-champ dans le cadre de la mission continue. L’équipage peut transmettre l’information immédiatement aux stations terrestres dans la ligne de visée de l’aéronef pour qu’elle soit traitée et exploitée plus à fond. Pendant ce temps, des membres d’équipage sont en poste aux hublots d’observation et cherchent à repérer toute activité importante au sol susceptible de mériter une enquête plus détaillée ou d’obliger l’aéronef à exécuter des manœuvres évasives pour des raisons de sécurité. Les observations et les renseignements enregistrés lors de chaque mission de RSR révèlent des indices sur la façon dont l’ennemi mène ses opérations et sur ses plans éventuels. Les CP140M du bloc III et ses équipages recueillent sans relâche des indices depuis octobre 2014 et ils améliorent leurs capacités d’enquête au fil du temps.
Comme nous l’avons déjà dit, le CP140M est actuellement limité en ce sens qu’il ne peut transmettre l’information qu’en temps réel à des stations terrestres dans sa ligne de visée. Cela retarde la transmission de renseignements susceptibles d’être essentiels. Afin de remédier à cette lacune, le commandant de l’ARC a récemment approuvé l’installation provisoire d’un système ArcLight de détection au-delà de la portée optique (BLOS) par satellite (VIASAT) sur trois CP140M. Cette amélioration, qui comporte entre autres l’installation d’une nouvelle antenne satellitaire sur la partie supérieure du fuselage de l’aéronef, a été apportée en un temps record grâce à la collaboration de partenaires clés dans l’industrie, soit IMP Aerospace, L3 Electronic Systems et General Dynamics Canada. Deux de ces aéronefs ont déjà été utilisés dans le théâtre, et la nouvelle capacité s’est avérée utile pour fournir des renseignements en temps quasi réel aux partenaires canadiens et aux membres de la coalition. La capacité BLOS est celle que l’on peut le plus facilement associer à ce que l’on verrait dans un film où James Bond demandait un relais RSR. La capacité du commandant du théâtre de voir ce que l’équipage de l’aéronef voit réduit l’ambiguïté des engagements au combat et accélère le processus de désignation des cibles. Elle assure en outre un processus d’assignation des tâches plus dynamique, de sorte que l’équipage et l’aéronef peuvent utiliser plus efficacement le temps qu’ils passent en station.
Pour la première fois dans l’histoire de la Force de PLRA, une trousse de formation complète axée sur un simulateur et destinée à la préparation au déploiement dans le théâtre d’opérations a été mise au point. Le 404e Escadron de patrouille et d’entraînement maritime et l’Unité maritime d’essais et d’évaluation ont combiné leurs forces pour donner aux équipes de poste de pilotage et aux équipes tactiques un entraînement concernant les missions terrestres, avant leur départ en déploiement. L’entraînement de poste de pilotage a été donné grâce à une simulation visuelle détaillée de l’environnement opérationnel du théâtre dans le simulateur de vol CAE à système de mouvement complet, tandis que l’entraînement tactique a eu lieu dans le nouveau simulateur de procédures de l’équipage (SPE) qui reproduit les postes de l’équipe tactique du CP140M. Le SPE permet de produire des cibles tridimensionnelles, de sorte que les opérateurs de détecteurs électroniques aéroportés peuvent se servir de leurs systèmes, y compris la caméra électro-optique à infrarouge, et appliquer les tactiques, techniques et procédures améliorées de l’équipage. Dans ce contexte, les avantages de la simulation comprennent la capacité du simulateur et des instructeurs de créer des scénarios exigeants pour jauger l’état de préparation de l’équipage, revoir en détail en différé l’exécution de la tâche par ce dernier et faire un compte rendu et une évaluation.
Dans le proche avenir, ces efforts seront renforcés par l’arrivée à Greenwood d’un simulateur de mission opérationnelle (SMO) immersif. Cet appareil est doté de capacités plus grandes que le SPE et reproduit l’apparence du compartiment tactique de l’Aurora, la sensation d’y être et les capacités de ses détecteurs. Il est facile de se perdre dans la mission simulée quand on est dans le SMO : l’équipage a l’impression d’être transporté dans la zone des opérations et il tire d’énormes avantages de l’expérience ainsi acquise.
Le contingent de PLRA s’est rapidement établi dans le théâtre d’opérations grâce à un robuste centre de soutien de mission mobile (CSMM) et à un ensemble exhaustif et autonome de maintien de l’approvisionnement, tous deux acheminés à bord d’un seul CC177 Globemaster. Le CSMM est un moyen de commandement et de contrôle fabriqué au Canada, qui a fait ses preuves pendant l’Op MOBILE et qui s’est avéré essentiel à la réussite des opérations de RSR du CP140M dès le début de l’Op IMPACT. Le CSMM est logé dans deux conteneurs-abris mobiles extensibles et il abrite tout l’équipement de communication, de compte rendu, d’examen en différé et d’exploitation nécessaire pour appuyer les opérations de l’Aurora. Le CSMM est particulier à la flotte d’aéronefs Aurora et il a été conçu pour être prêt à l’emploi dans le cadre de n’importe quelle patrouille à long rayon d’action, au-dessus du sol et de l’eau.
L’ensemble d’approvisionnement autonome pour les PLRA constitue une autre innovation qui favorise l’état de préparation opérationnelle de l’aéronef et l’efficacité des équipes de maintenance en déploiement. En raison du grand nombre de capteurs et de pièces connexes nécessaires au bon fonctionnement de l’aéronef, la préparation de la liste des pièces de rechange en vue d’un déploiement prolongé risque d’être accablante. Les spécialistes de la maintenance des aéronefs de PLRA ont précisé les besoins en matière d’approvisionnement à la faveur de l’Op MOBILE pour les opérations des aéronefs du bloc III; ils ont évalué et classé par ordre de priorité les outils et les pièces de rechange nécessaires pour soutenir ce premier déploiement du CP140M. Comme la chaîne logistique des pièces d’aéronef dans le théâtre peut être lourde, l’ensemble des pièces et du matériel de soutien fournis dans la trousse d’approvisionnement initiale a permis de réduire les retards qu’auraient entraînés les réparations à exécuter sur les aéronefs. À ce jour, le détachement de PLRA n’a perdu qu’une mission à cause de matériel inutilisable, ce qui atteste la qualité de la préparation et de la planification et le professionnalisme de l’équipe au sol.
L’ARC s’est dotée de technologies ultra-modernes sous la forme des CP140M Aurora du bloc III. Le PMPA et le PPDVS ont porté sur tout un éventail de problèmes technologiques et structurels, mais la cellule et bon nombre de ses éléments constitutifs sont des pièces d’origine dont certaines datent maintenant de 35 ans. L’ancien commandant de la 1re Division aérienne du Canada, le Mgén Pierre St-Amand, a souligné que le piètre état de fonctionnement et la disponibilité réduite des pièces constitue des problèmes persistants pour l’Aurora et risquent de miner les avantages acquis grâce aux deux programmes de modernisation. Pour que la Force de PLRA profite pleinement de l’investissement fait jusqu’ici, elle devra améliorer la façon dont elle effectue ses activités de maintenance.
Bien entendu, ces problèmes ne sont pas les seuls auxquels la flotte fait face. Les nouveaux capteurs et systèmes et la gamme grandissante de missions ont rendu nécessaire l’examen et la révision de toutes les tactiques, techniques et procédures; dans bien des cas, il a fallu en créer de toutes pièces. À ce défi déconcertant en soi se sont ajoutées l’ampleur et la gamme des problèmes de maintenance, ce qui a carrément défini une tâche formidable. Dans un effort visant à situer le problème dans un contexte plus positif, les responsables ont décrit ces deux défis dans un plan à long terme qu’ils ont intitulé « Programme d’amélioration des conditions professionnelles militaires pour les PLRA » (PACPM PLRA).
Le PACPM PLRA comporte deux axes internes : 1) opérationnaliser le CP140M Aurora; 2) renouveler la maintenance des aéronefs. Un troisième axe concernant l’établissement de liens entre les milieux de la PLRA et les intervenants de l’extérieur a été intitulé « Mobiliser le leadership ».
Depuis son lancement à la fin de 2013, le PACPM PLRA fait fond sur les premières réussites et sur les succès cumulatifs pour motiver et stimuler l’équipe. Au cours des 18 derniers mois, ces réussites ont été nombreuses. Sur le plan de la maintenance, grâce aux changements apportés au mandat et à la dotation en personnel des unités, à l’adoption de pratiques exemplaires civiles et à une répartition plus efficace des pouvoirs et des responsabilités, l’état de service global de la flotte est passé de 40 p. 100 à presque 55 p. 100.
Au cours de la même période, sur le plan opérationnel, on a révisé et simplifié la façon d’aborder le perfectionnement et l’instruction de la force. Le CP140M a été autorisé à exécuter toute la gamme de ses missions, en dépit des problèmes techniques considérables touchant principalement le radar. Les améliorations progressives ont amené l’aéronef au point où il en est actuellement, c’est-à-dire qu’il est entièrement capable de poursuivre sa mission terrestre en Iraq. Ces efforts ont été caractérisés par un accent renouvelé mis sur la collaboration entre la Force de PLRA, les services techniques d’appui à Winnipeg et à Ottawa et les partenaires de l’industrie. Cette insistance sur la collaboration ouvre aussi la porte à un renforcement des liens opérationnels avec l’ARC et, à l’extérieur de celle-ci, avec l’Armée canadienne et la Marine royale canadienne.
Vu l’accent mis récemment sur les opérations terrestres, il serait facile d’oublier la force traditionnelle du CP140 dans le domaine de la lutte anti-sous-marine. La participation à des exercices internationaux et à des missions locales avec la Marine royale canadienne permet aux équipages de parfaire leurs compétences sur le nouveau système de détection acoustique du bloc III. Avec une capacité de traitement grandement accrue, les nouvelles bouées acoustiques numériques et le système d’affichage et de mappage couleur, les capacités initiales de l’aéronef ont été améliorées grandement. Les équipages sont capables de surveiller plus de canaux de bouées acoustiques et exercent un meilleur contrôle sur elles lorsqu’elles sont larguées et dans l’eau, ce qui améliore l’exactitude et l’utilité des données acoustiques recueillies. Si l’on ajoute à cela les améliorations apportées au simulateur de mission et aux autres dispositifs d’entraînement, la Force de PLRA sera beaucoup mieux préparée pour remplir les missions opérationnelles dans le futur espace de combat sous-marin exigeant et complexe. Les résultats initiaux d’essais menés contre diverses cibles sous-marines actives se sont avérés encourageants, ce qui souligne encore une fois l’impressionnante polyvalence du nouveau CP140M.
Il reste encore des défis technologiques à surmonter, mais, disons-le tout simplement, aucune plate-forme télépilotée de RSR ne possède la souplesse offerte par l’Aurora, et les capacités inhérentes aux nouveaux aéronefs du bloc III se comparent à celles de n’importe quel autre aéronef de RSR piloté. La Force de patrouille à long rayon d’action est bien équipée pour relever les défis à venir. La contribution à l’opération IMPACT a résulté d’un effort conjoint fructueux des équipes de la 14e Escadre Greenwood et de la 19e Escadre Comox, qui est commandée par le colonel Tom Dunne et où un des deux escadrons opérationnels de patrouille maritime est basé. Le CP140M Aurora du bloc III s’établit rapidement comme étant le pilier sur lequel le système global canadien de renseignement, de surveillance et de reconnaissance sera construit. Les Canadiens ont tout lieu d’être fiers en sachant que ces capacités existent pour défendre leur pays et contribuer à l’exécution de ses engagements internationaux.
Le présent article a été publié à l’origine dans la Canadian Naval Review en mars 2015. Depuis, la Force de PLRA a continué de contribuer à l’opération IMPACT et elle a accompli plus de 200 missions terrestres de RSR. Les tactiques, techniques et procédures nécessaires pour recueillir des renseignements sur le champ de bataille sont bien élaborées, mais celles qui concernent la meilleure façon d’utiliser ces renseignements ne le sont pas. Il existe des problèmes difficiles à résoudre, notamment en ce qui concerne les capacités de communication et l’infrastructure informatique, mais il y en a aussi beaucoup d’autres plus faciles à régler et se rapportant à l’amélioration de l’exactitude et de la clarté des comptes rendus, au perfectionnement des méthodes de l’ARC pour désigner les objectifs et à l’approfondissement de la doctrine du RSR. Afin d’amorcer l’élaboration de solutions à ces problèmes dans l’ARC, le commandant de la 1re Division aérienne du Canada a ordonné à l’Équipe d’intégration fonctionnelle (EIF) du RSR, dirigée par le lieutenant-colonel Paul Johnston et moi-même, d’élaborer une directive de l’ARC sur le RSR; la première version en a été publiée en juin 2015 sous le titre « Spirale Zéro ». Cette directive définit un premier cadre dans lequel il est possible de caractériser l’interaction entre les éléments de commandement et de contrôle, les plates-formes de collecte, les organisations d’appui du renseignement et d’autres intervenants dans le domaine du RSR. La directive « Spirale Zéro » est une première mouture : elle a pour objectif d’orienter et de promouvoir la discussion, et l’on s’attend à ce qu’elle évolue à mesure que des leçons seront apprises et retenues. Elle repose essentiellement sur les expériences de la Force de PLRA, et il faudra en élargir la portée au fil du temps pour y prendre en compte la gamme des capacités de RSR de l’ARC. Le colonel Pat Thauberger, nouveau commandant de la 14e Escadre, concentre son attention sur ces questions et sur de nombreuses autres. Il y a beaucoup à faire, mais les choses progressent bien, voire de façons essentielles, pour favoriser l’harmonisation des efforts et l’amélioration de l’intégration dans l’ensemble des Forces armées canadiennes.
Le colonel Iain Huddleston est pilote et il a acquis une vaste expérience aux commandes d’aéronefs CP140 Aurora, Nimrod et CC177 Globemaster, dans ce dernier cas à titre de commandant du 429e Escadron. Il a autrefois commandé la 14e Escadre Greenwood et il fréquente actuellement le Royal College of Defence Studies au Royaume-Uni.
ARC―Aviation royale canadienne
CSSM―Centre de soutien de mission mobile
EI―État islamique
PACPM―Programme d’amélioration des conditions professionnelles militaires
PLRA―patrouille à long rayon d’action
PMPA―Projet de modernisation progressive de l’Aurora
PPDVS―Projet de prolongation de la durée de vie de la structure de l’Aurora
RSR―renseignement, surveillance et reconnaissance
SMO―simulateur de mission opérationnelle
SPE―simulateur de procédures de l’équipage
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