Lieutenant-colonel d’aviation Jean-Paul Joseph Desloges

Biographie / Le 4 août 2015

Par Major William March

1e Escadron de l’Aviation royale canadienne

Jean-Paul Joseph Desloges naît à Gatineau (Québec), le 25 avril 1913, mais il passe une grande partie de sa vie de l’autre côté de la rivière, à Ottawa. C’est un athlète doué, et il donne l’impression d’être né avec des patins aux pieds. Sa passion pour le hockey l’amène à poursuivre ses études à l’Université d’Ottawa, car cela lui permet de jouer dans la ligue universitaire. Une fois son diplôme obtenu, il entreprend une carrière dans la Gendarmerie royale du Canada (au sein de laquelle il joue au hockey), mais comme bon nombre de ses contemporains, il est attiré par l’envoûtant monde de l’aviation. En octobre 1937, par conséquent, à l’âge vénérable de 24 ans, il s’enrôle dans l’Aviation royale du Canada (ARC) à titre de sous-lieutenant d’aviation stagiaire.

Il termine son entraînement avec succès à Borden et à Trenton (Ontario) et il reçoit son brevet de pilote en novembre 1938. Pendant les quelque 18 mois suivants, Desloges vole chaque fois qu’il en a l’occasion, mais en mai 1940, il se retrouve au sein d’un 1er Escadron (de chasse) renforcé (il avait absorbé le personnel du 115e Escadron), à Dartmouth (Nouvelle-Écosse). Il ne demeurera que peu de temps dans les Maritimes, car il s’embarquera le 8 juin 1940 avec ses camarades d’escadron à bord du paquebot à vapeur Duchess of Atholl en partance pour l’Angleterre.

Sous le commandement du commandant d’aviation E.A. McNab, Desloges et le reste des Canadiens s’entraînent avec ardeur pour se préparer à affronter les pilotes beaucoup plus expérimentés de la Luftwaffe. Déclaré prêt aux opérations le 17 août, le 1er Escadron (ARC) [ainsi désigné pour qu’on ne le confonde pas avec le 1er Escadron de la Royal Air Force (RAF)] est transféré à un aérodrome à Northolt, à la périphérie ouest de la région métropolitaine de Londres. Les Canadiens ont alors hâte d’aller au combat.

La bataille d’Angleterre fait alors rage depuis plus d’un mois, et les avions allemands font presque tous les jours des incursions dans le ciel de l’Angleterre. Pendant ce stade de la bataille, l’ennemi attaque les aérodromes de la RAF avec beaucoup de succès. Les Canadiens sont dépêchés à plusieurs reprises pour aller intercepter les appareils ennemis, mais ils ne réussissent pas à s’en rapprocher. On peut facilement imaginer l’impatience mêlée de nervosité qui anime alors les pilotes, conscients des combats acharnés ayant cours partout autour d’eux. Bien entraînés, les Canadiens veulent faire leur part, mais ils savent aussi que des aviateurs alliés sont tués tous les jours, et cela refroidit leur ardeur. L’adrénaline leur brûle les veines et ils ont les nerfs à vif quand ils décollent de nouveau en catastrophe le 24 août, des appareils ennemis ayant été signalés approchant de l’Angleterre.

Ce jour-là, les combats font découvrir à Desloges et au reste de l’escadron les tragiques réalités de la guerre. Alors qu’ils sont en patrouille à 10 000 pieds à la verticale de l’aérodrome de Tangmere, les Canadiens repèrent plus bas trois avions bimoteurs qui se dirigent vers Portsmouth, objectif d’un grand raid allemand. Les Canadiens, répartis en deux sections, amorcent leur piqué pour attaquer. McNab constate que les avions « allemands » sont en fait des bombardiers Blenheim de la RAF, de sorte que sa section interrompt aussitôt son attaque, avant d’ouvrir le feu, mais les autres Hurricane poursuivent la leur. Les lieutenants d’aviation A.D. Nesbitt, A. Yuile et W.P. Sprenger déclareront avoir endommagé un Junkers 88 et les capitaines d’aviation G.R. McGregor et Desloges diront en avoir abattu un autre. Après avoir atterri, leur exultation se transforme très vite en consternation quand ils apprennent qu’ils ont en fait descendu deux avions de la RAF, dont l’un s’est écrasé en mer en entraînant dans la mort les trois membres d’équipage. McNab traduira les sentiments de Desloges et du reste de l’unité quand il décrira la tragédie comme ayant été « le pire moment de ma vie ».

L’intensité grandissante des attaques allemandes prive tout le monde d’une longue période de réflexion sur cette erreur tragique, car le 1er Escadron (ARC), basé désormais à North Weald, est jeté au cœur de la mêlée. Pendant sa deuxième patrouille, le 26 août, l’escadron prend à partie un groupe de bombardiers allemands Dornier 215. Les chasseurs d’escorte ennemis ayant été attirés au loin par un autre escadron de la RAF, les Canadiens foncent sur les avions de la Luftwaffe laissés seuls. Très vite, trois appareils ennemis sont détruits et quatre autres sont endommagés, mais les pertes ne sont pas unilatérales : en effet, des tirs défensifs précis atteignent trois Hurricane canadiens et causent ainsi la mort d’un des pilotes, le lieutenant d’aviation R.L. Edwards. L’avion de Desloges est lourdement endommagé, mais ce dernier réussit à se poser en catastrophe; il s’en tire indemne mais désormais très conscient des ressources mordantes des bombardiers allemands.

Cinq jours plus tard, le 31 août 1940, la bataille d’Angleterre prend abruptement fin pour lui, pendant que l’escadron livre son deuxième combat de la journée. Le premier affrontement a été nettement au désavantage des Canadiens : en effet, des chasseurs allemands les ont durement malmenés en abattant trois des leurs. Fort heureusement, les pilotes s’en tirent, mais sont blessés. Au début de la soirée, Desloges et le reste des pilotes canadiens prennent part, au-dessus de Douvres, à l’interception d’un groupe nombreux de bombardiers allemands escortés par des chasseurs qui refusent de se laisser entraîner au loin. Dans la mêlée qui s’ensuit, les Canadiens détruisent ou endommagent plusieurs appareils allemands. Le chasseur de Desloges est le seul à être abattu : un obus ennemi démolit la verrière de l’appareil et arrache au pilote son casque, ses lunettes et son masque à oxygène. Bien qu’étourdi, alors que son avion est en feu, Desloges réussit à s’extirper du cockpit, mais ce faisant, il subit des brûlures graves, surtout aux mains.

Il lui faut des mois pour se remettre de ses blessures. Après un séjour à l’hôpital, en Angleterre, il retourne au Canada pour y terminer sa réadaptation. Desloges survit à la bataille d’Angleterre, mais comme tant d’autres, il ne survivra pas à la guerre. Le 8 mai 1944, le lieutenant-colonel d’aviation Desloges, qui fait partie d’une délégation canadienne travaillant avec les Français en Afrique, exécute une visite des établissements d’entraînement aérien français quand l’avion à bord duquel il se trouve s’écrase au décollage, à Rabat (Maroc), tuant tous ses occupants. Desloges est enterré au cimetière militaire britannique de Dely Ibrahim, en Algérie.

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