Sous-lieutenant d’aviation John Blandford Latta
Biographie / Le 12 août 2015
Par Major William March
242e Escadron, Royal Air Force
John Blandford Latta est pêcheur de saumon sur la côte Ouest du Canada et il possède même son propre chalutier quand il décide de devenir aviateur dans la Royal Air Force (RAF) en 1939.
La vie militaire ne lui est pas étrangère : en effet, son père est le lieutenant-colonel William S. Latta, un vétéran du Corps expéditionnaire canadien qui a été décoré trois fois de l’Ordre du service distingué pendant la Première Guerre mondiale. Bien qu’il ait servi dans l’ancienne unité de milice de son père, soit le 1er Bataillon, Canadian Scottish Regiment, de 1930 à 1933, c’est l’enivrant monde de l’aviation qui incite le jeune Canadien à répondre à une annonce de recrutement de la RAF. Sur les conseils et avec l’appui du capitaine Henry Symour-Biggs (Royal Navy), qui a pris sa retraite en Colombie-Britannique, M. Latta se retrouve en compagnie de six autres « Bigg’s Boys » à bord d’un navire en partance pour l’Angleterre, en janvier 1939.
Le jeune homme de 24 ans subit ensuite la batterie de tests et les entrevues habituelles avant d’arriver à la 4e École élémentaire de pilotage et école d’entraînement au vol de la Réserve à Brough (Yorkshire), le 6 mars 1939, à titre de sous-lieutenant d’aviation stagiaire. Latta reçoit son brevet de pilote le 12 avril, puis il se rend à la 12e École de pilotage le 13 mai pour bénéficier d’une instruction sur des avions plus perfectionnés. Le destin influe alors sur sa prochaine affectation : le Canada et l’Angleterre viennent de convenir que, pour des fins politiques et afférentes aux relations publiques, un escadron de la RAF sera désigné comme étant « canadien » et doté autant que possible d’équipages du Dominion. Le 242e Escadron « canadien » est formé à Church Fenton (Yorkshire), le 30 octobre 1939, et Latta, y ayant été affecté le 6 novembre, en devient un des premiers membres.
Un escadron nouvellement formé comptant de nombreux pilotes frais sortis des écoles de pilotage passe la majeure partie de son temps à s’entraîner, et c’est alors le cas du 242e. L’unité se sert de divers types d’appareils jusqu’à ce qu’elle reçoive ses premiers chasseurs Hurricane en mars 1940. Cependant, l’entraînement prend fin en mai 1940, quand des éléments de l’escadron sont envoyés en France pour renforcer les défenses alliées. Tandis que les forces allemandes progressent en obligeant les armées alliées à se replier vers Dunkerque, le 242e Escadron est engagé plus à fond dans la bataille. Le 29 mai, Latta remporte sa première victoire quand il abat un Messerschmitt 109 et, au milieu de juin, il descend trois autres chasseurs allemands. Dans une lettre qu’il envoie à sa famille le 1er juin 1940, Latta résume ainsi la situation :
« […] je suis toujours bien en vie, bien qu’assez fatigué, car nous sommes de service depuis l’aube jusqu’à la tombée de la nuit depuis déjà un bon moment. Nous avons fait de notre mieux pour protéger le Corps expéditionnaire britannique [la B.E.F.] pendant son embarquement à Dunkerque, et je peux vous dire que cela n’a pas été de la tarte. L’escadron a environ trente appareils ennemis à son crédit maintenant, et j’ai moi-même enregistré trois victoires confirmées. Naturellement, nous ne nous en sommes pas tirés indemnes, mais nos pertes n’ont pas été terribles. »
En fait, après une trentaine de jours de combat, l’escadron a perdu 11 appareils : trois de ses pilotes ont été tués, deux autres ont été blessés et six ont été portés disparus (on a plus tard appris que l’un d’eux avait été fait prisonnier). Après le retrait de l’escadron à la station de la RAF à Coltishall, le 18 juin, où il se remet en état et se reconstitue, le nouveau commandant de l’unité, le commandant d’aviation de la RAF Douglas Bader, trouve un groupe d’aviateurs épuisés et démoralisés. Faisant preuve d’une détermination farouche et misant sur ses atouts expérimentés tels que Latta, le 242e Escadron absorbera les nouveaux venus, il s’entraînera et il sera prêt à affronter de nouveau les Boches dès le 9 juillet.
Au cours des premiers mois de la bataille d’Angleterre, Latta et le reste du 242e Escadron en viennent aux prises que rarement avec l’ennemi. Malgré tout, il abat un bombardier Heinkel (He 111) le 10 juillet 1940, soit le jour du début « officiel » de cette bataille. Il n’arrivera à ajouter à son palmarès que le 21 août quand, avec l’aide de deux de ses collègues de l’escadron, il descendra un Dornier (Do) 17. Latta écrira ce qui suit à sa famille :
« Trois d’entre nous ont surpris un Allemand hier […], et je pense qu’il n’a jamais su ce qui lui arrivait. Nous avons tous fondus sur lui en même temps, l’un en piqué, l’autre directement par l’arrière et moi-même par en-dessous. Nous avons chacun décoché une salve d’à peine cinq secondes sur lui, mais il a tout simplement explosé. J’ai dû toucher sa soute pleine de bombes. Quant à nous, un de nos appareils a subi une légère écorchure quand un fragment a percuté une de ses ailes. »
Pendant tout le mois de septembre, Latta va régulièrement au combat, alors que les Allemands dirigent leur attention vers Londres et d’autres villes. Il arrive souvent que des centaines d’avions des deux camps s’affrontent dans ces engagements et, dans la mêlée, le risque de collision est presque aussi grand que le danger de se faire abattre par l’ennemi. Latta ajoute alors à son tableau de chasse en abattant un Messerschmitt 109, le 9 septembre, puis un autre, six jours plus tard. Jusque-là, son avion n’a subi que de légers dommages, mais tout cela change le 27 septembre 1940, quand l’escadron décolle en catastrophe pour aller intercepter une formation nombreuse d’appareils ennemis. L’adrénaline le stimule sans doute encore quand Latta écrit ce qui suit :
« Cette fébrilité ne semble pas permettre à quiconque de se concentrer sur l’écriture. J’ai eu beaucoup de chance au cours des derniers engagements du 27 septembre : nous avons rencontré de 40 à 50 M.E. 109 et, quand les choses se sont calmées, pour ainsi dire, j’avais ajouté deux victoires à mon palmarès. J’ai éprouvé de la pitié pour les deux pilotes ennemis, car leurs appareils ont explosé en plein vol. Les réservoirs d’essence du M.E. 109 sont situés juste derrière le pilote. J’ai sans doute tiré des balles incendiaires dans ces derniers, dans les deux cas. Les pauvres types n’ont eu aucune chance de sauter en parachute […] J’ai encaissé une rafale ou quelque chose du genre le long du ventre de mon avion, mais les dommages n’ont pas été terribles : quelques éclats ont volé d’une aile et de mon empennage horizontal. »
Latta accomplira d’autres patrouilles pendant la bataille d’Angleterre, mais aucune autre victoire ne sera portée à son crédit. Il a été promu sous-lieutenant d’aviation le 6 novembre 1940 et s’est vu décerner la Croix du service distingué dans l’Aviation deux jours plus tard, pour ce qu’il avait accompli jusque-là et pour avoir fait preuve d’un « sang-froid incomparable au milieu de combats acharnés ». Malheureusement, le sous-lieutenant d’aviation Latta n’a pas survécu à la guerre. Le pilote de 27 ans a été déclaré disparu au combat le 12 janvier 1941, et son corps n’a jamais été retrouvé. Son nom est gravé sur le monument commémoratif de Runnymede, dans le Surrey (Angleterre).
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