Sous-lieutenant d’aviation Joseph Émile Paul Larichelière

Biographie / Le 15 juillet 2015

Par Major William March

213e Escadron de la Royal Air Force

Si l’on s’en tient aux normes de l’époque, Joseph Émile Paul Larichelière est un « vieil » homme de 26 ans quand il s’enrôle dans l’aviation.

Il naît à Montréal (Québec), le 3 décembre 1912, il obtient son diplôme de l’Université de Montréal en 1933 et, au cours des six années suivantes, il travaille tout en poursuivant ses études. Cependant, préoccupé par la situation qui se détériore en Europe, il présente sa candidature pour devenir pilote dans la Royal Air Force (RAF). Bilingue et détenteur d’un diplôme universitaire, Larichelière est exactement le genre de jeune Canadien que la RAF recherche, de sorte que, très rapidement, il est à bord d’un navire en route vers l’Angleterre.

Il est tout d’abord envoyé à une école de pilotage civile, à Cambridge, où la confusion règne quelque peu, car la RAF, qui s’affaire à se mettre rapidement sur le pied de guerre, est en train de convertir l’aéroclub de Cambridge en ce qui va devenir la 22e École élémentaire de pilotage. En octobre 1940, Larichelière obtient une commission dans la réserve de la RAF et il poursuit son instruction pour obtenir son brevet de pilote tôt dans la nouvelle année. Au début de mai 1940, il est affecté à Sutton Ridge, à la 6e Unité d’entraînement opérationnel qui est dotée d’avions de chasse Hurricane.

Larichelière se qualifie rapidement pour piloter un Hurricane et il est affecté à la 504e Escadron, le 18 mai. Cependant, cette unité est en train de se déployer sur le continent pour prendre part à ce que l’on appellera la bataille de France. Quelqu’un dans la chaîne de commandement estime qu’il n’est pas judicieux de plonger dans des combats intenses un pilote ne comptant que quelques heures d’expérience aux commandes d’un avion de chasse. Par conséquent, une semaine après son arrivée à la 504e Escadron, le jeune Canadien déménage de nouveau, cette fois pour se joindre à la 213e Escadron à Wittering dans le Lincolnshire.

Des éléments de la 213e Escadron participeront aux combats à Dunkerque, mais ce ne sera pas le cas de Larichelière qui passera plutôt son temps à parfaire ses compétences de pilote et à apprendre à maîtriser le Hurricane. En juin 1940, l’escadron déménage à la base de la RAF à Exeter (Sussex), dans le sud-ouest de l’Angleterre, pour se préparer aux attaques massives prévues de la Luftwaffe. Le jeune pilote canadien est aux premières loges quand éclate la bataille d’Angleterre, lui qui exécute de nombreuses patrouilles de combat et missions d’interception tout au long des mois de juillet et d’août, mais il n’arrive pas à se mesurer vraiment à l’ennemi. Tout cela change au cours de la deuxième semaine du mois quand, en quatre jours à peine, le sous-lieutenant d’aviation Larichelière enregistre sa première victoire, devient un « as » et tombe au champ d’honneur.

À ce stade-ci de la bataille d’Angleterre, la Luftwaffe attaque vigoureusement les aérodromes de la RAF. Le 13 août, Larichelière est en patrouille avec son escadron dans le ciel de l’île de Portland, juste au large de la côte sud de l’Angleterre, quand il repère un bombardier allemand Junkers (Ju) 88. Après l’avoir poursuivi en vain dans les nuages pendant 15 minutes, il le surprend dans un espace dégagé et, avec une rafale précise, il met en feu le moteur de bâbord de l’appareil allemand, qui plonge aussitôt et s’abîme en mer.

Pendant qu’il tourne autour de l’épave, il est surpris par un chasseur Messerschmitt (Me) 109 et il bat promptement en retraite en grimpant en flèche dans les nuages. Il décrit des cercles et attend sa chance de fondre sur le chasseur ennemi qu’il prend au dépourvu, car le pilote a les yeux rivés sur l’épave du Junkers, et il le descend. Il enregistre une troisième victoire plus tard dans la journée au cours de sa seconde patrouille au-dessus de Portland, quand, alors qu’il grimpe à travers une épaisse couche de nuages, il émerge par inadvertance au milieu d’une grande formation de chasseurs Me 110. Virevoltant pour plonger et retrouver la sécurité relative des nuages plus bas, il réussit à décocher une rafale sur l’appareil allemand le plus proche qui se désintègre aussitôt.

Deux jours plus tard, le jeudi 15 août, Larichelière se retrouve de nouveau au cœur de la mêlée.

Tard dans l’après-midi et de nouveau à la verticale de Portland, Larichelière attaque un Me 110 et le précipite dans la mer. Son attention se porte ensuite sur un bombardier en piqué « Stuka » (le fameux Ju 87) qui essaie désespérément d’échapper aux avions de la RAF en se servant des nuages. S’approchant à quelques centaines de verges de l’appareil ennemi, Larichelière décoche deux rafales qui en font voler en éclats des parties et le font tomber en vrille dans l’océan. Larichelière remonte aussitôt au combat et prend à partie un autre Me 110. Parvenu à quelques verges de sa proie, il vide ses mitrailleuses sur son moteur de bâbord : l’aile explose, et le Me 110 va s’abîmer dans l’océan. Larichelière est désormais un as, après avoir enregistré six victoires, et, satisfait, il retourne à Exeter.

Moins de 24 heures plus tard, Larichelière est inscrit comme étant « disparu au combat ». Ce vendredi fatidique, l’aube se lève, claire et radieuse, et le mercure est peut-être un peu au-dessus de la normale saisonnière. Une fois de plus, Larichelière et ses compagnons d’escadron décollent en catastrophe pour aller intercepter des avions allemands au-dessus du paysage désormais familier de Portland. Quand les combats prennent fin ce jour-là, Larichelière ne rentre pas à Exeter.

Après quelques semaines (car il faut parfois aux pilotes secourus ou blessés plusieurs jours pour revenir à leur base), Larichelière est porté disparu sur la 44e liste des pertes humaines de la RAF datée du 30 août 1940. Moins d’un an plus tard, les autorités le déclarent disparu et présumé mort.

Le sous-lieutenant d’aviation Joseph Émile Paul Larichelière, un « vieil » homme de 27 ans, a compté parmi plus de 100 Canadiens qui ont combattu dans la RAF pendant la bataille d’Angleterre. Ses exploits lui auraient sans doute valu une décoration, mais il est mort avant qu’on ait pu la lui décerner.

Son nom, tout comme ceux d’environ 20 000 aviateurs alliés sans sépulture connue, est gravé sur le monument commémoratif des forces aériennes de Runnymede (Runnymede Air Forces Memorial), à Surrey, en Angleterre.

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