L'innovation, clé d'une croissance inclusive
Discours
Notes d'allocution
L'honorable Navdeep Bains, C.P., député
Ministre de l'Innovation, des Sciences et du Développement économique
Conseil des affaires canado-américaines
Washington (D.C.)
Le 24 mai 2016
La version prononcée fait foi
Bonjour. Merci de cet accueil chaleureux, et merci de m'avoir invité aujourd'hui.
Et bien entendu, je remercie le Conseil des affaires canado-américaines et The Hill d'avoir organisé l'événement de haut calibre de ce matin.
Je sais fort bien à quel point le Conseil organise des activités exceptionnelles.
En mars, j'ai eu le privilège de participer à un souper d'État en compagnie du premier ministre Trudeau à la Maison-Blanche. Quelle expérience mémorable! Le clou de la soirée a sans contredit été la superbe fête organisée par le Conseil une fois le repas terminé.
Il va sans dire que notre délégation a été très bien accueillie lors de cette dernière visite, et c'est donc avec plaisir que je vous retrouve ici à Washington (D.C.).
Mesdames et Messieurs, depuis l'élection de notre gouvernement, le premier ministre Trudeau fait valoir le même message partout où il va : le gouvernement du Canada a pris un tournant décisif en ce qui a trait à sa vision du monde.
Nous croyons qu'il faut adopter une vision mondiale. Nous devons positionner l'Amérique du Nord en tant que force économique dans un contexte où l'Asie connaît une résurgence et où les pays de l'Union européenne et d'autres régions comme l'Amérique latine cherchent à exercer une plus grande influence économique à l'échelle régionale.
Dans le monde entier, le maillage entre l'économie, la société et la politique est plus serré que jamais. C'est l'une des raisons pour lesquelles des puissances économiques régionales sont en émergence. Les liens mondiaux de plus en plus étroits favorisent l'économie du partage comme l'une des manifestations des possibilités offertes.
Mais ces nouvelles possibilités sont accompagnées de risques, car certaines tranches de notre économie et de notre société pourraient être délaissées. Aujourd'hui, je vous parlerai de la vision canadienne, qui repose sur une croissance inclusive par l'innovation.
L'économie du partage
En fait, l'économie du partage émerge dans un contexte de changements socio-économiques et politiques fondamentaux. Vous avez abordé cette question ce matin. Les possibilités de l'économie du partage sont attrayantes, mais il faut également tenir compte de ses répercussions économiques et sociales.
Les tensions qui en découlent constituent un défi en matière de politiques publiques pour les gouvernements, que ce soit ici en Amérique du Nord ou ailleurs dans le monde.
La relation canado-américaine a toujours été importante pour les deux partenaires. Je crois que nous amorçons une période où une intégration accrue de l'économie nord-américaine sera essentielle si nous voulons livrer concurrence sur la scène mondiale et assurer notre croissance à long terme.
Les forces mondiales : effets et réactions
Le Canada est sorti de la grande récession en meilleur état que la plupart des autres pays, et les États-Unis ont connu une croissance impressionnante au chapitre de l'emploi et de l'économie pendant la période de reprise. Toutefois, de grandes forces sont encore à l'œuvre et nous poussent à adopter de nouvelles façons de faire.
En premier lieu, mentionnons les changements climatiques. L'an dernier, à Paris, et le mois dernier, à New York, la communauté mondiale a résolu d'agir plus fermement pour contrer les changements climatiques.
Notre gouvernement estime que le Canada peut exercer un leadership mondial à cet égard, et qu'il doit le faire. Mais il est impératif d'agir dès maintenant pour accélérer la transition à un monde à faible intensité de carbone.
Au cours de cette transition, l'objectif sera d'attribuer la pleine valeur aux coûts environnementaux associés aux émissions de carbone. Nous voulons que nos entreprises se positionnent afin de tirer parti d'un marché en plein essor, soit celui des technologies propres novatrices.
Tout comme les États-Unis, nous misons beaucoup sur les technologies propres. Nous avons pris l'engagement de doubler l'ampleur des activités de recherche-développement sur les technologies propres aux termes du partenariat Mission Innovation, conclu lors de la conférence de Paris. D'ailleurs, notre plus récent budget fédéral prévoyait plus de 1 milliard de dollars pour favoriser les investissements dans les technologies vertes. Nous coordonnons nos activités de façon efficace pour permettre à l'Amérique du Nord d'accroître son influence.
D'autres facteurs tout aussi impérieux nous poussent à conjuguer nos activités. Je pense à la convergence d'une croissance économique plus lente et d'une population vieillissante en Amérique du Nord et ailleurs dans le monde.
Il s'agit d'un train qui roule à toute vapeur. Les travailleurs seront moins nombreux qu'auparavant et auront un fardeau économique plus lourd à supporter.
Cette réalité pourrait menacer notre contrat social, qui repose sur le travail et la capacité de gagner sa vie et de prendre ensuite une retraite dans la dignité.
Selon les spécialistes, d'ici 35 ans, le monde comptera plus de personnes âgées de plus de 65 ans que de personnes âgées de moins de 14 ans. C'est du jamais vu. Nous devrons faire des choix éclairés en matière de politiques sociales pour réagir à ce changement profond.
Dans un contexte de population vieillissante et de croissance au ralenti, les technologies jouent un rôle d'accélérateur et de multiplicateur. Nous savons que les technologies transforment profondément la manière dont nous vivons et menons des affaires au quotidien, et ce, à tous les égards.
Les entrepreneurs en série qui se trouvent parmi nous comprennent bien à quel point le monde des affaires se transforme rapidement et à grande échelle. Selon McKinsey & Company, depuis 1935, le cycle de vie moyen d'une entreprise est passé de 90 ans à 18 ans.
Les entreprises naissent et s'éteignent donc plus rapidement. Le modèle d'affaires est entièrement différent de celui que nous avons déjà connu, où les grandes entreprises étaient les principaux employeurs.
Aujourd'hui, Google, Facebook et Apple ont une capitalisation boursière de près de 30 fois plus importante que celle enregistrée par les trois grands fabricants automobiles de Detroit en 1990. Mais les trois entreprises de la Silicon Valley ont aujourd'hui à peine 10 % des employés que les trois grands de l'automobile comptaient à l'époque.
Les emplois sont moins nombreux, et ils nécessitent de nouvelles compétences numériques qui sont étrangères à une tranche importante de notre main-d'œuvre.
Lorsque je m'adresse à des auditoires, au Canada ou ailleurs dans le monde, je mentionne souvent mes deux jeunes filles. Depuis que je suis père, je vois le monde à travers leurs yeux et je songe à leur avenir.
Nous vivons plus longtemps et en meilleure santé. Nous avons accès à un univers de connaissances au bout des doigts. La réussite d'une personne se fonde sur son savoir et non plus sur son lieu de naissance.
Je parle à mes filles des compétences dont elles auront besoin, comme celle du codage informatique, pour réussir au sein d'un monde numérique.
Dans l'économie du partage, toute innovation lancée par une entreprise constitue une perturbation pour une autre entreprise. Parfois, ces perturbations touchent des secteurs industriels au grand complet.
Ces dynamiques ont un effet immédiat et profond sur les emplois et sur les gens.
Les experts soulignent que la concentration de la richesse s'accentue. Ce phénomène accroît le problème des inégalités sociales.
La croissance est plus lente, la population vieillit et les changements technologiques sont nombreux. Les gouvernements doivent préparer une réponse cohérente à ces facteurs interreliés.
Cette convergence de facteurs nous donne une occasion exceptionnelle d'agir de concert en tant que voisins et amis ayant les mêmes intérêts économiques, de manière à donner à l'Amérique du Nord les moyens de prospérer sur la scène mondiale.
La course mondiale à l'innovation
Le Canada tient compte de tous les éléments que j'ai mentionnés pour établir son programme de croissance inclusive.
Nous voulons que les familles de la classe moyenne, et celles qui cherchent à accéder à la classe moyenne, puissent décrocher de bons emplois. Il s'agit d'un besoin réel et immédiat, particulièrement à la lumière des tendances mondiales qui se présentent sur tous les fronts.
L'Amérique du Nord affronte une concurrence mondiale incroyablement affûtée, particulièrement en ce qui concerne le soutien à l'innovation.
Nous participons à une course à l'innovation, et les enjeux sont grands.
La Chine investit des milliards de dollars dans les nouvelles technologies. C'est dans ce pays que naîtra la classe moyenne la plus importante et la plus influente au monde, et ce, dans un avenir prévisible.
L'Allemagne, la plus grande économie de l'Union européenne, est une superpuissance en matière d'innovation.
Les petits joueurs ne sont pas en reste, puisqu'ils haussent la barre en effectuant des investissements hautement stratégiques.
Israël en est un très bon exemple. On y retrouve un foisonnement d'entreprises novatrices en démarrage qui reçoivent un appui du gouvernement. Ces paris rapportent gros.
En dépit de sa population peu nombreuse, la Suède réussit constamment à relever l'intensité de la recherche-développement menée par le gouvernement, les entreprises et le secteur privé.
Le rôle du gouvernement
Devant ces constats, que devons-nous faire?
Le premier ministre Trudeau et le gouvernement du Canada agissent rapidement et stratégiquement. Nous avons pris des engagements en campagne électorale, et nous sommes à l'œuvre pour les concrétiser.
Nous préparons notre programme d'innovation. Il s'agit du plan que le gouvernement adoptera pour favoriser l'innovation dans toutes les sphères de l'économie canadienne.
Dans le dernier budget, nous avons commencé à consentir des investissements à cet effet.
À compter de cette année, nous investirons 2 milliards de dollars dans l'infrastructure de recherche de nos établissements postsecondaires. De cette façon, les chercheurs disposeront des outils dont ils ont besoin pour repousser les frontières scientifiques.
Et nous investirons 800 millions de dollars dans les grappes et les réseaux axés sur l'innovation. Nous appuierons ainsi les entreprises canadiennes ayant des visées internationales.
Il y a fort à parier que derrière la réussite d'une entreprise canadienne se trouve un partenaire américain.
De nombreuses entreprises canadiennes et américaines font partie des mêmes chaînes d'approvisionnement ou interagissent dans le cadre de grappes régionales : la chaîne d'approvisionnement de l'automobile à Detroit et à Windsor; la ceinture de fabrication de l'Ontario et de l'Ohio ou le secteur des technologies vertes à Vancouver et à Seattle.
Le meilleur exemple est sans doute celui du corridor de la haute technologie qui s'étend de Toronto à Waterloo. Les entreprises de cette région ont des liens très étroits avec celles de la Silicon Valley.
Dans quelques jours, je pourrai en faire moi-même le constat lorsque je me rendrai dans la Silicon Valley.
Certes, les entreprises de nos deux pays se font concurrence dans certains marchés. Toutefois, nous croyons qu'il existe d'immenses possibilités de collaboration entre nous à l'extérieur de l'Amérique du Nord.
Pour tirer parti de ces possibilités, nous devons faire en sorte que notre réglementation ne soit pas un frein aux activités des entreprises de l'économie du partage et des autres innovateurs.
Nous devons faire preuve de souplesse en adaptant rapidement nos politiques-cadres à la nouvelle réalité pour accélérer la mise en marché des innovations —qu'il s'agisse de véhicules autonomes, de drones ou de nouveaux services comme Uber et Airbnb.
Vous avez abordé cette question. Les technologies commencent à mener une concurrence aux marchés traditionnels, et les consommateurs ne vont pas attendre que les gouvernements fassent du rattrapage. Dans bien des cas, ce sont les consommateurs qui incitent les gouvernements à se pencher sur le fonctionnement de ces marchés.
En d'autres mots, nous devons ouvrir la porte à l'économie du partage, et aux technologies en général, car ce sont des foyers d'innovation et de nouveaux services pour les consommateurs.
Dans le même souffle, nous devons trouver le juste équilibre entre l'économie et le bien commun, et mieux coordonner nos efforts à l'intérieur de nos pays et outre frontière.
Nous cherchons à adopter une réglementation bien adaptée aux nouvelles circonstances. Nous devons favoriser l'expérimentation et la mise à l'essai de nouveautés dans des contextes bien concrets.
Que ce soit dans une perspective nationale ou internationale, je suis d'avis que nous devons oser prendre plus de risques et secouer le statu quo ensemble. Nous devons accepter de subir des échecs parfois pour nous préparer à relever des défis que nous n'entrevoyons même pas encore à l'horizon.
La collaboration, un impératif
Il y a quelques minutes, je vous ai parlé de la grande amitié qui unit le Canada et les États-Unis, et ce, depuis de nombreuses années.
Nous avons la plus longue frontière non défendue au monde. Nous sommes deux des plus anciennes démocraties au monde. Et nous sommes deux des grandes économies au monde. Bien entendu, votre économie a une échelle beaucoup plus grande que la nôtre!
On le dit souvent, et c'est parce que c'est vrai : ce qui nous unit est beaucoup plus fort que ce qui nous divise. Depuis plus de 20 ans, nos pays profitent de la relation commerciale la plus fructueuse au monde, sous les auspices de l'Accord de libre-échange nord-américain (ALENA).
Les observateurs discuteront sans doute éternellement du bien-fondé de l'ALENA, mais on ne peut nier le fait que le commerce et les investissements entre le Canada et les États-Unis représentent 9 millions d'emplois aux États-Unis.
J'ai une formation de comptable et, par conséquent, j'aime les chiffres. En voici donc qui illustrent les effets de l'ALENA. En 1993, le commerce trilatéral en Amérique du Nord s'établissait à 288 milliards de dollars américains. En 2014, les échanges de marchandises entre les trois pays de l'Amérique du Nord atteignaient plus de 1,12 billion de dollars américains. Ainsi, la valeur des échanges a presque quadruplé.
Les données au sujet de la relation commerciale canado-américaine ne vous seront pas étrangères. Il s'agit de la plus importante relation commerciale au monde. Chaque jour, les échanges transfrontaliers atteignent plus de 2 milliards de dollars.
C'est pourquoi notre gouvernement tient résolument à la construction du Pont international Gordie-Howe. Et c'est pourquoi nous continuerons à faciliter ces échanges de 2 milliards de dollars par jour en établissant un régime complet de prédédouanement à la frontière.
Au cours des 20 dernières années, nos économies ont connu une croissance remarquable et profité de grandes possibilités. Pour que ces succès se multiplient et pour accroître notre part des marchés mondiaux, nous devons continuer à travailler ensemble, au sein d'une économie nord-américaine unifiée.
Le Canada est un partenaire prêt à discuter et à collaborer avec vous. Le monde est désormais interconnecté. Un gouvernement ouvert et prêt à collaborer avec ses partenaires est un gouvernement novateur.
Le Canada a beaucoup à offrir. Notre main-d'œuvre qualifiée et instruite constitue une ressource dans laquelle la Silicon Valley puise depuis une vingtaine d'années. Le Canada offre l'un des meilleurs contextes au monde pour les investissements, et les taxes et impôts y sont peu élevés. Les entreprises en démarrage sont nombreuses et elles attirent des sommes record de la part d'investisseurs des deux côtés de la frontière. Et que dire de notre climat froid? En fait, je ne plaisante qu'à moitié. Saviez-vous que les températures froides permettent d'héberger des serveurs informatiques à moindre coût?
Ce qu'il faut retenir, c'est que l'innovation ne connaît aucune frontière. Le Canada est un partenaire clé qui est prêt à collaborer avec les États-Unis, dans une visée commune de réussite sur les marchés mondiaux.
Appel à l'action
Les gouvernements doivent reconnaître qu'ils ne représentent pas la solution à eux seuls. Ils sont une voix parmi d'autres.
Pour réussir, ce projet devra regrouper l'ensemble de la société et s'appuyer sur une transformation fondamentale de notre manière de penser.
Le gouvernement du Canada travaille de concert avec les citoyens, les universitaires, les autres ordres de gouvernement, le secteur privé et les groupes de défense des intérêts pour redéfinir notre pays en tant que carrefour de l'innovation. Nous devons faire de l'innovation une valeur canadienne fondamentale.
Conclusion
Au sein de l'économie moderne, il nous faut innover et redoubler d'efforts pour soutenir la croissance, en Amérique du Nord et ailleurs sur la planète.
Assurément, les enjeux s'annoncent complexes. Les Canadiens croient que l'innovation pavera la voie à une croissance socialement inclusive et à faible teneur en carbone.
Je suis persuadé que l'Amérique du Nord possède le talent, la motivation, le dévouement et les moyens de réussir.
Je termine en faisant une parenthèse sur mon histoire familiale, que je trouve assez incroyable. Mon père a immigré au Canada avec 5 $ en poche. Mais il avait beaucoup d'ambition. Et en l'espace d'une génération, me voilà ministre au gouvernement du Canada. Dans nos pays respectifs, c'est là le genre d'occasions qui existent pour les gens prêts à travailler d'arrache-pied.
L'avenir approche. Je ne veux pas que la génération de mes filles travaille plus fort pour en obtenir moins. Je veux que leur génération travaille de façon plus intelligente pour en obtenir plus.
Rien ne sera facile, mais nous sommes en position de force au point de départ. C'est un défi que je suis impatient de relever.
Merci.
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