Bâtir des ponts pour aider une personne à traverser une période difficile : le programme Sentinelle en pratique
Article de nouvelles / Le 9 décembre 2019
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Par la capitaine Bettina McCulloch-Drake
Il n’y a pas si longtemps, dans une galaxie pas très lointaine, je me suis retrouvée dans un endroit obscur où régnait la solitude.
Un endroit où la colère, le pessimisme et le doute de moi-même ont presque réussi à me faire oublier les raisons pour lesquelles la vie vaut la peine d’être vécue. Pendant des semaines, voire des mois, j’ai fait face à des questionnements chargés de honte et de culpabilité. Je me devais de répondre aux questions suivantes : « Quand cela suffira-t-il? Quand vas-tu sentir que tu es à la hauteur? »
Pendant que je menais une lutte interne pour regagner une certaine maîtrise sur cette voix menaçante, la plupart des gens n’avaient aucune idée de ce que je vivais derrière ma façade : une fière militaire des Forces armées canadiennes (FAC), une bénévole dans sa collectivité, une mère de deux jeunes filles ayant une vie familiale bien remplie et une femme amoureuse d’un homme parmi les plus brillants et drôles que je connaisse.
Les gens ne voyaient probablement pas que je me gardais occupée pour éviter de penser au sentiment grandissant de vide qui s’installait au plus profond de moi-même.
Cependant, malgré ce que j’essayais de me faire croire, mon mari, mes enfants et mes collègues les plus proches savaient que quelque chose clochait.
Ils étaient les premiers à me demander si j’allais bien, à me faire savoir qu’ils étaient là pour m’écouter, à m’offrir d’aller discuter dans un endroit calme.
Ils ont été les premiers à prendre les devants et à m’accompagner pour obtenir l’aide dont j’avais besoin lorsque j’ai finalement cessé de prétendre que tout allait bien : « Je pense que l’aumônier pourrait t’aider. Allons le voir. »
« Je vais te conduire aux Services de santé et attendre avec toi jusqu’à ce que tu obtiennes de l’aide. »
Selon le lieutenant de vaisseau David Godkin, aumônier adjoint du Quartier général de la 1re Division aérienne du Canada, nous sommes très proches des personnes avec qui nous passons beaucoup de temps, comme les membres de notre famille et nos collègues. « Nous percevons souvent ces personnes comme des gens qui ne présentent aucune menace pour nous, et nous avons donc tendance à nous confier à elles sans crainte. »
Je peux dire que sans l’aide de mes collègues, le soutien de ma chaîne de commandement et l’amour inconditionnel de ma famille, je ne serais pas où j’en suis aujourd’hui, un peu plus d’un an après avoir été admise à l’hôpital et traitée pour une dépression.
J’aurais facilement pu faire partie de tristes statistiques, mais j’ai eu de la chance.
De la chance... Pourquoi ai-je choisi ce mot pour décrire ma situation?
Je me considère comme chanceuse, car nous sommes encore loin de vivre dans un monde où chacun peut obtenir l’aide dont il a besoin, lorsqu’il en a besoin. Autrement dit, ce n’est pas tout le monde qui a la chance de pouvoir compter sur des superviseurs, des enseignants, des collègues, des proches ou des amis.
Pouvez-vous imaginer qu’une personne de confiance vous dise que ce que vous ressentez « est seulement dans votre tête » et que vous devriez simplement vous « ressaisir »? C’est tout de même ce qui se produit dans bon nombre de milieux de travail, d’écoles et de foyers, dans toutes les couches de notre société.
Il est facile de comprendre la douleur qu’éprouve une personne qui a subi une fracture ou d’avoir de l’empathie pour une personne qui reçoit des traitements contre le cancer. Il est toutefois difficile de comprendre pourquoi une personne qui semble tout avoir éprouve de la difficulté à établir des liens, à fonctionner ou à ressentir de la joie au quotidien.
Même s’il est impossible de comprendre parfaitement les épreuves que traverse une personne, le fait d’être à son écoute et de lui manifester notre appui peut se révéler d’une grande aide.
Nous pouvons tous nous rendre utiles de cette manière.
« La plupart d’entre nous ont déjà la capacité et le désir d’aider les autres, particulièrement lorsqu’ils vivent des périodes difficiles », affirme le lieutenant de vaisseau Godkin. « Personne n’a besoin d’une formation particulière pour être un bon voisin ou un bon collègue. »
Il n’en demeure pas moins que des militaires des FAC se dévouent corps et âme pour offrir leur réconfort aux personnes en situation de détresse, les écouter sans jugement et les aider à traverser des périodes difficiles en les aiguillant vers l’aide dont elles ont besoin.
Ces personnes sont les sentinelles : elles participent bénévolement à un réseau de soutien par les pairs, sont formées par les aumôniers des FAC, auxquels elles rendent des comptes, et viennent en aide aux militaires canadiens partout où ceux-ci travaillent et participent à des déploiements.
Lancé en 2007 par la 2e Division du Canada de l’Armée canadienne à Valcartier, au Québec, le programme Sentinelle est désormais offert également dans la Marine royale canadienne et l’Aviation royale canadienne.
« Au début, nous avons été grandement surpris du soutien manifesté par la chaîne de commandement », admet le lieutenant-colonel Michel Dion, aumônier principal de la 1re Division aérienne du Canada. « Toutefois, il est rapidement devenu évident que le programme Sentinelle répondait à un besoin dans l’Aviation royale canadienne. La beauté de ce programme simple, mais puissant, réside dans le fait qu’il permet aux gens d’établir des liens les uns avec les autres, ce qui crée par le fait même une unité plus solide, plus soudée et mieux préparée sur le plan opérationnel. »
« Les liens que nous tissons aujourd’hui sont particulièrement importants pour les périodes de l’année où certains d’entre nous souffrent davantage d’isolement ou éprouvent du stress ou de la tristesse, ajoute le lieutenant-colonel Dion. Dans notre collectivité, il est important de nous occuper les uns des autres, de prendre soin les uns des autres. »
Vous faites partie des FAC ou d’une famille militaire et vous souhaitez parler à une personne qui a une bonne écoute ou en apprendre davantage au sujet du programme Sentinelle? Dans ce cas, communiquez avec le bureau de l’aumônier de votre escadre ou de votre base.
La capitaine Bettina McCulloch-Drake travaille au Quartier général de la 1re Division aérienne du Canada à Winnipeg, au Manitoba.
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