L’athlétisme chez les vétérans, troisième article : l’évaluation physique

Article de nouvelles / Le 21 février 2020

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Voici le troisième article d’une série portant sur tous les aspects de l’entraînement et de la nutrition des athlètes vétérans qui participent à des épreuves d’athlétisme. Aujourd’hui, nous allons examiner la question de l’évaluation physique, qui est essentielle avant la planification d’un programme d’entraînement.

Par le major Serge Faucher

Aucun athlète vétéran, quelle que soit sa condition physique, ne devrait se lancer dans un entraînement d’athlétisme (ou dans tout autre sport de haute intensité comme l’entraînement croisé ou le hockey) sans connaître son niveau de base.

En tant qu’athlète vétérane, ma femme est peut-être le meilleur exemple que je puisse vous donner de cette réalité. En 2017, à 43 ans, elle a décidé de passer de la course de distance à l’athlétisme en vue de courir le 400 m et le 800 m à un niveau compétitif. Bien qu’elle ait couru toutes les distances, jusqu’au marathon, avec un certain succès, elle n’était absolument pas préparée à ce qui l’attendait!

Même s’il s’agit dans les deux cas de course, l’athlétisme et la course sur route sont deux sports complètement différents! « Je pensais être en forme jusqu’à ce que je commence mon nouveau programme d’entraînement pour l’athlétisme », dit-elle. Bien qu’elle ait été prudente, qu’elle ait lentement augmenté l’intensité hebdomadaire de son entraînement et qu’elle ait pris de nombreuses autres précautions, elle a presque immédiatement développé une série de lancinantes blessures qui allaient persister tout au long de sa première année d’entraînement : fasciite plantaire, problèmes aux deux tendons d’Achille et problème de quadriceps lié à une faiblesse du fléchisseur de la hanche. Elle a fini par réussir à surmonter ces problèmes, mais elle aurait pu en minimiser la gravité, voire les éviter (je traiterai des blessures et de la manière de les prévenir dans un prochain article; il ne s’agit pas du sujet précis du présent texte).

Bien que tous les coureurs finissent par se blesser, nous aurions pu minimiser les dégâts en maintenant l’intensité et la vitesse à un niveau beaucoup plus bas au cours des premiers mois. De plus, si elle avait fait faire une évaluation appropriée, elle aurait pu d’abord se concentrer sur ses points faibles et s’efforcer de renforcer certains muscles grâce à un programme de musculation ciblé conjugué à des exercices de flexibilité et de mobilité.

Là encore, vous devrez déterminer vos forces et vos faiblesses au moyen de diverses évaluations. Je vous propose de faire appel à un instructeur de conditionnement physique et de sport des Programmes de soutien du personnel (PSP) ou à un physiothérapeute sportif compétent, car ils ont les compétences nécessaires pour effectuer ce type d’évaluation.

Un des outils qui est souvent utilisé lors des évaluations des militaires des FAC est l’évaluation fonctionnelle du mouvement (EFM).

L’EFM permet d’évaluer le niveau de base d’une personne ainsi que de cerner les faiblesses sur le plan des mouvements fonctionnels qui pourraient indiquer un risque accru de blessure. Créé en 1997, l’EFM vise à aider les cliniciens et les professionnels de la santé à repérer les risques de blessures ou les schémas de mouvement dysfonctionnels ou limitant les performances.

Le sympathique personnel des PSP s’efforcera de cerner les déséquilibres en matière de mobilité et de stabilité dans le cadre de sept schémas de mouvement fondamentaux. Ces schémas de mouvement sont conçus pour fournir des performances observables des locomoteurs de base (flexion de jambes, fentes, etc.) en plaçant une personne dans des positions extrêmes où les faiblesses et les déséquilibres deviennent visibles si la mobilité et le contrôle moteur appropriés ne sont pas utilisés.

Les sept schémas de mouvement suivants sont notés de 0 à 3 points, la somme donnant de 0 à 21 points : flexion de jambes complète, franchissement de haie, fente, mobilité des épaules, élévation active de la jambe tendue, stabilité du tronc en position pompes et stabilité du tronc en rotation. Bien que les recherches menées à ce jour ne permettent pas encore de déterminer clairement pour quels sports l’EFM prédit de manière optimale le risque de blessure, on pense que les athlètes qui obtiennent moins de 14 points ont plus de chances de se blesser.

Le 17 octobre 2019, un membre du personnel des PSP m’a fait passer le test; j’ai obtenu une note de 15 sur 21. Bien que je sois en très bonne forme (j’ai obtenu un score de 399 lors de mon dernier test FORCE) et un peu plus mobile que les autres gens de mon groupe d’âge, je m’attendais quand même à cette faible note en raison de certaines limites découlant de blessures antérieures. Le résultat montrait que je devrais travailler plus fort pour améliorer la mobilité et l’équilibre de mes hanches.

Par ailleurs, il semble que j’aie besoin d’une plus grande mobilité globale du côté gauche, ce qui ne m’a pas surpris, car j’ai reçu des traitements en raison de tissus cicatriciels considérables dans la région de ma hanche gauche au cours des 37 dernières années.

À partir de là, c’est à chacun de nous d’entreprendre un programme d’exercices correctifs afin de prévenir les blessures musculo-squelettiques.

En plus de développer vos niveaux généraux de mobilité comme je l'ai mentionné précédemment, vous devez tenir compte des exigences de mobilité précises du sport ou de l’épreuve d’athlétisme précis que vous souhaitez faire. Un entraîneur qualifié peut analyser la technique liée à votre épreuve, dégager les articulations visées et déterminer pour quels mouvements l’amplitude doit être améliorée. Un lanceur, par exemple, peut avoir besoin d’améliorer la mobilité de ses épaules et de sa colonne vertébrale, tandis qu’un coureur de haies peut avoir besoin de plus de mobilité au niveau des hanches. En d’autres termes, il peut être utile d’établir un niveau de base et de mesurer l’amplitude des mouvements pour des articulations données afin de déterminer l’amplitude actuelle et de suivre les améliorations futures au fur et à mesure de votre progression d’une saison à l’autre.

Je recommande à la plupart des athlètes débutants de recourir aux services d’un entraîneur. Cette personne vous demandera peut-être de fournir quelques informations de base telles que l’épreuve à laquelle vous voulez participer, le nombre de fois par semaine où vous prévoyez de vous entraîner, vos objectifs pour la saison, l’année ou les prochaines années, vos heures de travail, les blessures subies, les maladies antérieures, le soutien familial, etc. L’objectif est d’obtenir une évaluation approfondie et de relever à la fois les caractéristiques idéales qui vous permettront d’atteindre vos objectifs et les faiblesses possibles (en rouge dans le tableau 1). Pour combler les lacunes, vous devrez peut-être envisager des années plutôt que des mois, mais à court terme, cela vous aidera à fixer des objectifs réalistes pour commencer l’entraînement et combler vos lacunes de manière intelligente.

Le test de sprint anaérobie basé sur la course (« running-based anaerobic sprint test »), ou RAST, est un test qui peut être utilisé pour les athlètes dont la course à pied est la principale méthode de mouvement. Le RAST est utilisé pour tester la performance anaérobie d’un coureur, cruciale pour le sprinteur du 400 m (environ 48 % de la course). Ce test convient aux athlètes de sprint et d’endurance, et aux adeptes de sports d’endurance tels que le soccer et le hockey. L’évaluation ci-dessous montre les résultats d’un test effectué sur un jeune athlète. Les chiffres en rouge indiquent les domaines sur lesquels il faudra se concentrer.

Élément Idéal Actuel
Endurance VO2Max > 55 ml/kg/min 52
Vitesse 100 m < 13 s 12,4
Endurance anaérobique RAST Puissance maximale 676-1054 946
Puissance minimale 319-674 400
Index de fatigue < 10 12
Force (1RM) Développé-couché 1,25 X poids corporel 1,1
Développé des jambes 2,5 X poids corporel 1,9
Accroupissement 2 X poids corporel 1,6
Flexion des jambes 80 % extension des jambes 85 %
Élasticité de la force Test du saut vertical > 80 cm 75 cm
Stabilité du tronc Test complet de la stabilisation du tronc Test terminé
Composition corporelle Masse adipeuse < 11 % 14 %
IMC de 18,5 à 24,9 20,1
Psychologie Score < 15 au SCAT 18
Équilibre musculaire Gauche Droit %
Tendon du jarret (extension des jambes) 75 85 >10
Quadriceps (flexion des jambes) 60 70 >10
Flexion des avant-bras 17 18 <10
Développé à un bras 18 20 <10
Développé à une jambe 70 75 <10

Tableau 1 – Exemple d’évaluation d’un athlète (incluant le RAST et le SCAT)

Vous êtes peut-être en bonne forme physique, mais êtes-vous mentalement prêt à participer à des compétitions d’athlétisme ou à d’autres sports exigeants? Le test d’anxiété pour les compétitions sportives (SCAT) permet d’établir le niveau d’anxiété d’un athlète en analysant ses réponses à une série de déclarations sur la façon dont il se sent en situation de compétition.

Au cours des dix dernières années, j’ai vu de nombreux athlètes d’athlétisme s’effondrer sous la pression. Le plus triste exemple que j’aie vu est celui des Championnats du monde d’athlétisme en salle des maîtres de 2019 à Torun, en Pologne, où j’ai été témoin de l’effondrement complet d’une jeune sprinteuse de 400 m juste avant les demi-finales. Elle était visiblement en détresse avant que l’officiel ne s’écrie « à vos marques »; elle était en larmes, manifestement pas prête à prendre le départ. Elle a fini par abandonner à la marque de 250 m, en fondant de nouveau en larmes; la pression qu’elle ressentait était tout simplement trop forte.

Ce niveau d’anxiété est tel qu’il empêche les gens de prendre du plaisir à participer aux compétitions et aux rencontres d’athlétisme. J’ai déjà ressenti, moi aussi, une très grande nervosité. Ça nous prend aux tripes, et on voudrait déclarer forfait quelques minutes avant de prendre le départ. Mais il faut se ressaisir et se concentrer sur la tâche à accomplir. L’un des plus grands vétérans canadiens de tous les temps, Earl Fee, m’a dit que le trac ne disparaît jamais complètement. Il participe toujours à des compétitions à 91 ans!

Après ces évaluations (EFM, RAST, SCAT et autres), vous, et votre entraîneur, devriez avoir une bonne idée de vos forces et de vos faiblesses, ainsi que des déséquilibres en matière de mobilité et de stabilité qui nécessitent un peu d’attention.

À ce stade, vous avez obtenu l’évaluation d’un professionnel, vous avez trouvé un entraîneur compétent en qui vous pouvez avoir confiance, vous avez choisi une ou deux épreuves pour lesquelles vous souhaitez vous entraîner et vous avez commencé à vous concentrer sur votre mobilité et d’autres domaines qui nécessitent votre attention. Il est maintenant temps de commencer un programme d’entraînement. Celui-ci doit être élaboré par rapport non seulement à la distance choisie, mais aussi à vos besoins personnels, et tenir compte de plusieurs facteurs tels que le sexe, l’âge, les points forts, les points faibles, les objectifs, les installations d’entraînement auxquelles vous avez accès et plus encore. Puisque tous les athlètes vétérans ont des besoins différents, il est impossible de créer un seul programme adapté à tous les athlètes. Malheureusement, un entraîneur donne souvent le même entraînement à un groupe d’athlètes qui n’ont pas du tout le même âge. En tant qu’athlète plus âgé, faites attention de ne pas trop en faire, sinon vous vous blesserez très rapidement.

À ce stade-ci, je tiendrai pour acquis que vous avez choisi le 400 m comme épreuve principale. De cette façon, je pourrai me concentrer sur une distance tout en expliquant tous les aspects de l’entraînement lié à celle-ci.

Les deux prochains articles porteront sur la planification proprement dite d’un programme d’entraînement. Dans le premier, je me pencherai sur la planification de haut niveau (apprentissage de la périodisation, phases de formation et cycles) et dans le second, je traiterai plus en profondeur de l’entraînement hebdomadaire.

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