Un exemple de courage : Jack Vincent Watts, navigateur

Biographie / Le 13 septembre 2013

par Dominique Boily

Pendant la Seconde Guerre mondiale, les héros de la bataille d’Angleterre ont influé profondément le cours de la guerre en repoussant les forces allemandes qui préparaient une invasion imminente de l’Angleterre.

Après la bataille d’Angleterre, d’autres ont poursuivi la lutte dans les airs. Environ 50 000 Canadiens ont servi dans l’Aviation royale canadienne (ARC) et dans la Royal Air Force (RAF) pour exécuter des opérations de la Force de bombardement (Bomber Command) dans le ciel de l’Europe occupée, tout au long de la Seconde Guerre mondiale.

Un de ces braves Canadiens était un navigateur extrêmement courageux et qualifié : il s’agissait du capitaine d’aviation Jack Vincent Watts.

Le capitaine d’aviation Watts est né en 1920, à Hamilton (Ontario) et il s’est enrôlé dans l’Aviation royale canadienne le 2 juillet 1940. Il a fait la connaissance de sa femme Norma Tilley en Angleterre en 1944 alors qu’elle servait dans la Women’s Auxiliary Air Force (W.A.A.F) au sein de la Force de bombardement (Bomber Command). Ils sont mariés à l’autumne 1944.

Il a exécuté plus de 100 sorties au sein de la Force de bombardement et a servi dans plusieurs unités.

Pendant son remarquable service en temps de guerre, il a mérité l’Ordre du service distingué (DSO) et la Croix du service distingué (DFC) avec agrafe. Il a commandé le contingent de l’ARC lors du couronnement de la Reine Elizabeth II, en 1953, et il a été décoré de la médaille du couronnement par la Reine elle-même. Il était brigadier-général quand il a pris sa retraite en 1975.

Il n’a pas servi pendant la bataille d’Angleterre, mais il s’est rappelé d’un pilote qui s’était distingué pendant cette bataille, et qui avait eu beaucoup de mal à s’adapter à la vie normale après coup.

« C’était une autre victime [de la guerre], un peu comme s’il avait été bléssé au combat », de dire M. Watts. « Aujourd’hui, [on appelle cela] le stress post-traumatique. »

« Il y avait des militaires qui ne se sentaient pas normaux à moins de mener des opérations. C’était un peu comme revenir chez soi, … la familiarité des choses. C’était le fait d’avoir quitté l’enfance et l’adolescence pour devenir un homme. »

Le Capt avn Watts était aux premières loges lors des fameux raids contre le cuirassé allemand Tirpitz, navire frère du Bismarck, mieux connu.

Pendant la majeure partie de son service en temps de guerre, le Tirpitz s’est cantonné dans les fjords norvégiens, à Trondheim. Il constituait une menace permanente pour la Royal Navy, et il faisait constamment l’objet d’attaques britanniques, mais les fjords rendaient toute attaque contre le navire difficile pour les aviateurs alliés.

Cependant, le 27 avril 1942, le Capt avn Watts a guidé d’une main experte et calme le pilote de son bombardier Halifax à travers une embusquade formée de plusieurs chasseurs ennemis, pour faire descendre l’avion à une étonnante altitude de 250 pieds d’où il a largué sa charge sur le navire.

« Je crois que [le raid contre le Tirpitz] a été le plus difficile de tous », a-t-il déclaré.

« Il faisait nuit, et nous transportions des mines au lieu des bombes; les mines devaient couler sous la poupe du Tirpitz et exploser, l’objectif étant d’en endommager l’arrière … Nous avons attaqué à 250 pieds d’altitude, c’est-à-dire tout juste au-dessus de la mâture. Nous ne pouvions descendre plus bas si nous voulions nous en sortir… Nous avons exécuté des sorties deux nuits de suite. La première fois, le navire était complètement enveloppé d’une fumée protectrice. Impossible de voir quoi que ce soit. »

Le sang-froid et le courage du Capt avn Watts ont de nouveau été mis à l’épreuve le 11 novembre 1942, quand son avion a été abattu en Méditerranée, près de Tobrouk, en Libye.

Il a survécu, mais il a été blessé par son parachute. Or, l’avion avait été descendu alors qu’il était près de minuit, et ses seuls points de référence dans l’obscurité étaient les étoiles. Malgré l’intensité de la situation, il a su trouver le courage et la force de caractère nécessaires pour conserver son sang-froid et passer outre à la peur, à la douleur causée par sa blessure et à la peine due à la perte apparente de ses compagnons d’équipage. Il s’est servi de ses habiletés d’expert navigateur pour sauver sa propre vie et nager jusqu’à la rive : ce cauchemar a duré plus de cinq heures.

« J’ai fait toutes les sortes de nage possibles. Chaque fois que je me retournais pour nager sur le dos, je m’alignais sur les étoiles… À trois reprises au moins, j’ai pensé que j’allais me noyer. »

À un moment donné, il a crû entendre les vagues se brisant sur le rivage, mais il a refusé de s’abandonner à l’idée que c’était effectivement la rive. « En raison de l’expérience que j’avais acquise en mer du Nord, je ne voulais pas me donner de faux espoirs et j’ai donc continué à nager sans me laisser berner. Finalement, mes mains et mes genoux ont touché le fond. J’ai gravi la pente en rampant jusqu’à ce que je parvienne au rivage, je me suis glissé entre deux gros rochers et je me suis évanoui. »

Quand il est revenu à lui, il a compris qu’il se trouvait sur la berge d’un camp occupé par l’Armée allemande. Il a vu qu’il y avait de l’activité et une tour de guet à proximité et il a choisi de ne pas bouger du tout pendant deux ou trois jours, de peur d’être repéré. Après avoir été exposé aux éléments, sans eau, ni nourriture, ni abri, il a décidé de sortir de sa cachette, une fois la nuit tombée.

« Je me suis rendu jusqu’au poste de garde dont j’ai gravi les escaliers… À l’intérieur, il y avait une grande salle carrée, de grosses tables et du courrier trié mis dans des boîtes, puis j’ai vu que, sur le mur, était accrochée une grande photo du feld-maréchal Erwin Rommel, commandant de l’Armée allemande en Afrique. »

Le Capt avn Watts a trouvé des vêtements, de la nourriture et des fournitures, y compris une baïonnette et un pistolet automatique. Il n’a pu trouver aucune eau qui lui paraissait potable, mais il a rapidement avalé un peu de Chianti, avant de tomber endormi, complètement épuisé.

Il a été réveillé par le bruit d’un moteur de véhicule et, quand la porte a été ouverte d’un coup de pied, il a reconnu la silhouette d’un casque britannique.

Il s’est levé rapidement et a demandé : « Êtes-vous britannique? » Le policier militaire britannique étonné a porté la main vers son pistolet, mais celui-ci était bien rangé dans son étui. Cela a donné au Capt avn Watts le temps de lancer : « Je suis canadien! Mon avion a été abattu! Je suis un aviateur de l’ARC! »

Après une courte échauffourée et un dialogue nourri, le policier militaire a conclu qu’il s’agissait bien d’un Canadien coincé, portant des vêtements allemands. Les Britanniques l’ont aidé à s’asseoir et lui ont demandé s’il avait faim. Ils ont préparé du thé, lui ont donné un manteau de l’Armée britannique et l’ont conduit à une base de la RAF.

En cours de route, ils ont croisé des unités de l’armée à la poursuite des Allemands qui avaient abandonné Tobrouk la veille du jour où le Capt avn Watts avait fait irruption dans leur camp.

Il a déclaré que le moral et une attitude positive étaient essentiels pour survivre. « Si un chasseur de nuit vous attaque, que vous êtes au milieu des faisceaux des projecteurs et que les obus éclatent tout autour de vous, il vous faut alors faire preuve de force de caractère… en fait, c’est là un défi très personnel. Dire que vous avez recruté de nombreux jeunes gens dans la rue, que vous les avez entraînés et que vous les avez placés dans un tel contexte après les avoir munis d’une attitude et d’une capacité de ce genre, c’est décrire quelque chose d’assez stupéfiant. »

Le sens du devoir et de la loyauté était primordial également. « Beaucoup de gens avaient été tués, mais pas moi, » dit-il. « J’avais un travail à faire, une responsabilité qui m’incombait encore. Je n’avais pas peur et je ne tremblais pas. Je savais que j’avais l’entraînement, l’équipement et les capacités nécessaires et que j’étais là pour faire un certain travail. De nombreuses personnes méritaient ce genre de loyauté de ma part. »

Quand on lui demande ce qui persiste encore le plus dans sa mémoire après toutes ces années, il répond d’un ton songeur : « En rétrospective, vous ne pouvez vous rappeler ce que vous avez ressenti il y a si longtemps. Ce qui demeure en vous, c’est la nécessité de prendre conscience de l’attitude incroyable dont les équipages aériens du de la Force de bombardement faisaient preuve quand ils décollaient nuit après nuit en sachant parfaitement que plusieurs d’entre eux ne reviendraient pas. Chaque fois que nous rentrions de mission, un repas nous attendait au mess, mais il y avait toujours des places vides. On n’en parlait pas, je pense. On ne savait pas si ceux qui manquaient à l’appel avaient été faits prisonniers …. ou s’ils avaient été tués. C’était, d’une certaine façon, les règles du jeu. Tous étaient conscients des probabilités et savaient que certains trouveraient la mort, mais la majorité des aviateurs estimaient pouvoir subir l’épreuve, exécuter la mission et revenir. »

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