Amelia Earhart : Une protégée de l’aviation canadienne
Article de nouvelles / Le 7 août 2014
Par le major William March
Il y a quelques semaines, les médias ont fait paraître l’histoire d’Amelia Rose Earhart, 31 ans, qui est devenue la plus jeune femme à faire le tour du monde à bord d’un avion monomoteur. Elle avait été inspirée en partie par Amelia Mary Earhart, la célèbre aviatrice du début du XXe siècle. Mais qu’est-ce qui avait inspiré la première Amelia Earhart?
S’il y avait un concours de personnalités pour faire la promotion des femmes en aviation, l’une des plus populaires serait Amelia Earhart.
Cette aviatrice américaine bien connue s’est fait un nom dans le domaine de l’aviation dans les années 1920 et 1930 grâce à une série de premières. La plus célèbre de celles-ci est assurément d’être la première femme à traverser l’océan Atlantique dans un vol solo en 1932; un exploit pour lequel elle a reçu la Croix du service distingué dans l’Aviation du congrès des États-Unis.
Auteur, pionnière de l’aviation et revendicatrice des droits de la femme, elle a disparu au sommet de sa gloire, aux côtés du navigateur Fred Noonan, pendant le segment transpacifique de son vol autour du monde en juillet 1957.
Mme Earhart n’était pas la seule femme à briser les barrières dans l’aviation à cette époque, mais elle a certainement profité d’une vaste publicité, en majorité générée par l’éditeur et promoteur George P. Putnam, avec lequel elle s’est marié en 1931.
Les « mystérieuses » circonstances entourant sa disparition ont largement contribué à la formulation de plusieurs théories (allant d’une capture par les extra-terrestres à une exécution par les Japonais) et ont servi à cimenter sa place dans la culture populaire. De nombreux articles, livres, films et sites Web lui ont été consacrés, y compris un épisode de la série de télévision Star Trek: Voyager, intitulé « The 37’s » (1995).
Il est intéressant de savoir qu’étant donné son statut comme icône de l’aviation, la passion d’Amelia Earhart pour l’aviation peut avoir pris naissance au Canada.
Amelia Earhart grandit dans le Midwest américain. La fortune de sa famille dépend de son père aux prises avec un problème d’alcool. Étudiante au collège préuniversitaire Ogontz à Rydal, en Pennsylvanie, elle décide de rendre visite à sa sœur Muriel, qui fréquente le St. Margaret’s College de Toronto, pendant le temps des fêtes en 1917.
Pendant qu’elle déambule sur King Street avec sa sœur, Amelia est exposée pour la première fois au coût humain de la guerre en Europe. Une guerre à laquelle venaient tout juste de se joindre les États-Unis, en avril 1917. Athlétique et garçon manqué, Amelia est immédiatement touchée par l’horrible sort du grand nombre de soldats blessés.
« À cet endroit, pour la première fois, je comprends ce que signifie la Grande Guerre. Au lieu de voir des uniformes tout neufs et des fanfares pimpantes, je ne vois que le résultat de quatre ans de lutte désespérée : des hommes sans bras ou sans jambes, des hommes paralysés et des hommes aveugles. Un jour, j’ai vu quatre unijambistes ensemble qui marchaient du mieux qu’ils pouvaient dans la rue. »
À la fin du congé des fêtes, elle retourne en Pennsylvanie et y reste juste assez longtemps pour emballer ses affaires et se retirer de l’école.
De retour à Toronto, elle s’engage comme volontaire dans un détachement d’auxiliaires volontaires, et travaille là où on a besoin d’elle à l’hôpital militaire de Spadina, qui se trouvait là où se situe maintenant l’Université de Toronto.
Travaillant souvent des quarts de douze heures, Mlle Earhart va là où des mains supplémentaires sont requises. Pendant ses peu nombreux congés, elle va souvent visiter une écurie tout près. À cet endroit, elle gagne la confiance d’un cheval fougueux nommé « Dynamite », qu’elle peut monter gratuitement avec l’accord de son propriétaire. Dans ces sorties, elle rencontre plusieurs pilotes rattachés au Royal Flying Corps Canada (RFCC). Captivés par la jeune Américaine pleine de vivacité, les pilotes l’invitent à leur aérodrome d’Armour Heights.
Le Canada s’est doté de son propre corps d’aviation que juste avant la fin de la Première Guerre mondiale. Par conséquent, les Canadiens qui voulaient piloter des avions au combat devaient le faire en tant que membres du Royal Flying Corps (RFC) ou du Royal Naval Air Service (RNAS). Au 1er avril 1918, ces deux organisations se sont combinées pour former la Royal Air Force (RAF).
Pendant les deux premières années de la guerre, l’importance de l’aviation militaire avait pris une ampleur exponentielle, au point où, avant la fin de 1916, presque toutes les fonctions que nous tenons pour acquises dans une force aérienne moderne (surveillance, ciblage, bombardement, opérations antiaériennes, attaque au sol, etc.) avaient été entreprises. La nécessité de maîtriser le ciel a aussi entraîné le besoin d’élargir le RFC et le RNAS et de composer avec les pertes épouvantables au front.
En décembre 1916, la décision a finalement été prise d’établir une organisation d’entraînement au Canada qui serait autosuffisant, qui pourrait puiser dans un bassin de jeunes Canadiens passionnés d’aviation, et qui pourrait tirer avantage de l’abondance d’espace et de ressources au Canada.
Au fil du temps, le RFCC finirait par compter 20 escadrons d’entraînement au Canada, en plus des écoles, des installations de réparation et de soutien, principalement à Borden, à Leaside, à Deseronto, au centre-ville de Toronto et à Armour Heights, des emplacements tous situés en Ontario.
À Armour Heights, Amelia aurait été l’invitée du 21e escadron d’entraînement, qui, pendant l’hiver de 1918, était le seul escadron encore au Canada. Le reste des escadrons et une grande partie des éléments de soutien avaient été temporairement déménagés au Texas dans le cadre d’une entente réciproque avec le gouvernement des États-Unis. Comme nouveaux combattants, les États-Unis étaient anxieux d’élargir leur élément aérien et voulaient profiter du savoir-faire des Britanniques.
Les Britanniques, ne sachant pas trop comment l’hiver canadien affecterait l’entraînement au pilotage, voulaient un climat plus chaud pour continuer l’entraînement. Dans une entente mutuelle, le RFCC utiliserait des aérodromes situés au Texas de novembre 1917 à avril 1918, en échange de l’entraînement de l’équivalent de 10 escadrons américains. Le 21e Escadron, encore au Canada, avait pour tâche d’expérimenter l’entraînement au pilotage l’hiver.
Il est difficile d’imaginer à quoi pouvait penser Amelia après sa visite. Même si le pilotage était une nouvelle entreprise palpitante, un vol à une température sous le point de congélation constituait un exercice d’endurance.
Le RFCC utilisait comme principal avion-école le Curtiss J.N. 4, affectueusement surnommé « Jenny », un biplan biplace à cockpit ouvert. À Armour Heights, on faisait les premières expériences de cet avion sur des skis. L’instructeur et l’élève, emmitouflés contre le froid au point où ils pouvaient à peine bouger, auraient marché laborieusement jusqu’à leur appareil pour un vol d’entraînement. Se hissant avec difficulté dans leurs sièges respectifs, ils auraient fait les derniers réglages avant de lancer le moteur, avec l’aide des membres du personnel au sol, qui sautillaient pour se garder au chaud.
Avec des signaux de la main – les communications radio n’étant pas encore monnaie courante – l’instructeur donnait l’ordre à l’élève de décoller droit devant, dans un champ où l’on avait dégagé la neige de la veille à la main ou au moyen d’un chasse-neige tiré par des chevaux. Les skis cahotant sur les diverses bosses et ornières, le Jenny prenait enfin son envol au grand soulagement de l’instructeur, à la grande joie de l’élève et à l’émerveillement des spectateurs.
Amelia a été ravie et a écrit de son expérience : « Même si j’avais vu avant un ou deux avions dans des foires agricoles, j’en voyais maintenant beaucoup plus, puisque les officiers s’entraînaient dans les divers champs autour de la ville. Bien sûr, aucun civil ne pouvait s’envoler. Mais j’allais y passer mes loisirs et j’absorbais autant que je pouvais. Je me souviens de la morsure sur mon visage de la neige qui était soufflée par les hélices lorsque les avions d’entraînement prenaient leur envol sur des skis. »
Plus tard dans sa vie, Amelia commence à s’intéresser activement au pilotage. Elle mentionne : « Mon intérêt né à Toronto m’a amené à fréquenter tous les cirques volants à proximité. » À l’un de ces aérodromes en Californie, elle effectue son premier vol et le reste, dit-on, appartient à l’histoire.
Mais nous avons le droit de nous demander, pendant ce premier vol, si elle avait fermé ses yeux dans le ciel doucereux de la Califormie, aurait-elle eu une pensée pour une journée froide d’hiver à Armour Heights et pour un Jenny monté sur des skis?
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