Un survivant de l’écrasement de Boxtop 22 se souvient
Article de nouvelles / Le 7 novembre 2016
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L’article suivant a d’abord paru dans La Feuille d’érable, journal du ministère de la Défense nationale et des Forces armées canadiennes, le 23 juillet 2008.
Par Matthew Lacroix
Le 30 octobre 1991 a débuté comme une journée normale dans l’Arctique. L’opération Boxtop III/91 battait son plein; trois Hercules effectuaient des trajets jour et nuit pour ravitailler en carburant la Station des Forces canadiennes (SFC) Alert. « Boxtop » est le nom de l’opération que mène la BFC Trenton afin de ravitailler la SFC Alert, l'établissement le plus au nord de la planète qui soit habité en permanence.
Ce jour-là, à bord du 22e vol de Boxtop, les passagers dormaient ou jasaient. Le matelot-chef Douglas « Monty » Montgomery, du 771e Escadron de recherche en communications, basé au Centre de la sécurité des télécommunications du Réseau radio supplémentaire des FC, qui faisait partie de l’ancien Commandement des communications des FC (aujourd’hui le Groupe de gestion de l’information), allait amorcer sa quatrième affectation à Alert.
Vers 16 h 25, le pilote a annoncé que l’appareil s’approchait du terrain d’aviation. Quelques moments plus tard, les choses se sont gâtées. « L’arrimeur Roland Pitre nous a dit de boucler nos ceintures et le voyage a commencé à être turbulent, à un point tel que j’ai été éclaboussé par du carburant diesel et que quelque chose m’a frappé à la tête », raconte M. Montgomery.
L’appareil a heurté une falaise rocheuse et s’est écrasé à seize kilomètres au sud de la SFC Alert. Cinq des dix-huit passagers et membres d’équipage ont perdu la vie. Vingt-quatre heures plus tard, le matelot-chef Montgomery s’est réveillé dans l’avion pour se rendre compte qu’il avait une fracture ouverte à la tête et que ses doigts étaient complètement gelés.
Les survivants ont attendu les secours pendant 47 heures. Ils ont bâti un abri de fortune dans la queue de l’appareil. Toutefois, comme il délirait, le matelot-chef Montgomery n’a pas pu jouer un grand rôle dans la survie de ses collègues. « Ce qui est ironique, dit-il, c’est que j’étais la seule personne à bord de l’avion à avoir suivi le cours de survie en milieu arctique. Malheureusement, à cause de mes blessures, je n’ai pas pu aider les autres. »
M. Montgomery et un autre survivant ont reçu des blessures qui ont entraîné des handicaps permanents. M. Montgomery a subi des engelures graves aux mains et aux pieds. On a dû l’amputer de tous ses orteils du pied droit, de tous les doigts des deux mains et des bouts de deux orteils de son pied gauche. On a greffé trois de ses orteils à sa main gauche pour lui permettre d’utiliser son membre. « Je peux pincer, dit-il en souriant. Et je suis capable de me mettre le pied dans les plats en un clin d’œil! »
M. Montgomery est retourné à la SFC Alert en juin 1993 pour participer à la cérémonie de dédicace du cairn érigé à la mémoire de ceux qui ont perdu la vie dans l’accident. Aujourd’hui, M. Montgomery accepte de parler de l’accident.
Il attribue son attitude optimiste à son éducation. Sa mère était travailleuse sociale en psychiatrie à l’hôpital Royal d’Ottawa, et, adolescent, il a travaillé comme bénévole auprès d’enfants souffrant de déficiences mentales et physiques. « J’ai appris très tôt dans la vie qu’un handicap est un état d’esprit beaucoup plus qu’un obstacle physique », ajoute M. Montgomery.
Depuis l’accident, M. Montgomery ne s’est considéré comme handicapé que pendant une période de 24 heures, environ un mois après le sauvetage. « J’étais déprimé et misérable; j’étais ingrat avec tout le monde, affirme-t-il. Le lendemain, en me levant, j’ai dit aux gens que j’étais désolé d’avoir agi de la sorte. Après ça, j’ai décidé de passer à autre chose. »
Aujourd’hui, M. Montgomery explique que son handicap ne perturbe plus sa vie au quotidien ni son travail, puisqu’il peut taper environ 25 mots à la minute. « Je n’utilise pas mes prothèses de façon régulière », dit-il.
De plus, M. Montgomery est un membre actif de plusieurs œuvres de charité dans la région d’Ottawa. « Le meilleur compliment qu’on puisse me faire est d’oublier que je suis handicapé. C’est un compliment tant pour la personne qui l’oublie que pour moi. »