La Corée et l’expérience marquante des soldats canadiens

Le 23 avril 2021 - Nouvelles de la Défense

Kapyong 70
Légende

Kapyong 70 : Hommage aux anciens combattants de la guerre de Corée

Le chapitre suivant a été rédigé par le lieutenant-général Wayne Eyre alors qu’il était commandant de l’Armée canadienne, et est extrait du livre photo « Kapyong 70 : Hommage aux anciens combattants de la guerre de Corée » publié par l’ambassade du Canada en Corée pour marquer le 70e anniversaire de la bataille de Kapyong et pour honorer le sacrifice et le courage des anciens combattants canadiens de la guerre de Corée.


Le 70e anniversaire de la bataille de Kapyong est une bonne occasion pour commémorer les accomplissements réels de nos soldats canadiens pendant la guerre de Corée. C'est également une occasion pour réfléchir et pour tracer un parallèle entre les réalisations de notre passé et l'expérience du présent, afin de replacer le service militaire actuel dans un contexte plus large.

En tant qu'officier subalterne affecté au 2e Bataillon, Princess Patricia's Canadian Light Infantry (2 PPCLI) à la fin des années 1980, mes années de formation dans l'Armée ont été imprégnées de la tradition régimentaire de Kapyong. Entre les histoires racontées par les vétérans dans le mess, les souvenirs et les artefacts qui nous entouraient et les leçons de l'Histoire si importantes au sujet de l'endoctrinement régimentaire, cette bataille s'inscrivait dans notre ADN. C'est pourquoi les différentes occasions de visiter le champ de bataille — d'abord en 2012 durant un exercice, puis plusieurs années plus tard lors d'une affectation en Corée — étaient comme des pèlerinages au cours desquels se bousculaient toutes sortes de réflexions sur la façon dont nous, les soldats, considérons notre propre service opérationnel.

Chaque guerre menée dans une contrée lointaine à ses particularités, mais certaines expériences vécues par les soldats canadiens persistent dans le temps. Beaucoup sont restées inchangées au cours des sept décennies écoulées depuis la bataille de Kapyong, nos soldats ayant pris part à plusieurs missions dans le monde. Nous avons la chance de ne pas avoir eu à défendre physiquement notre pays sur notre propre sol contre des attaques ennemies depuis très longtemps, mais nous envoyons nos soldats risquer leur vie pour défendre d'autres peuples ailleurs dans le monde. Ce caractère commun se traduit par plusieurs expériences similaires : la frénésie des préparatifs avant le départ, l'esprit de corps qui se crée, les au revoir; le mélange complexe d'émotions lors du déploiement — appréhension, excitation, peur, soif d'aventure, incertitude, et même l'ennui; les sens qui sont pris d'assaut à l’arrivée — langues, vêtements, odeurs et aliments inconnus, signes d'une culture étrangère; et, dans les pires circonstances, le sang canadien déversé en sol étranger.

L'engagement à accomplir les premières tâches une fois arrivé à destination exige souvent de l'introspection parce que le danger se fait plus immédiat, et le soldat se demande alors : « Suis-je prêt? » Exemple éclatant de courage moral, le commandant, lieutenant-colonel Jim Stone, a répondu par la négative au nom du 2 PPCLI. Servant une leçon qui trouve encore écho de nos jours, il a réclamé plusieurs semaines de formation, même si le Commandement des Nations Unies insistait pour qu'il engage immédiatement le bataillon au combat, afin que ses hommes soient prêts après le long voyage en mer vers Busan.

Dans une armée de volontaires, aujourd'hui comme à l'époque, les raisons qui incitent nos soldats à s'engager et à se déployer sont multiples. Souvent, c'est par sens du service et du devoir envers le pays; le désir d'apporter sa contribution. Parfois, c'est l'esprit d'aventure et, dans certains cas, le salaire. Quelle que soit la raison, les soldats finissent toujours par se questionner sur l'objectif général : pourquoi sommes-nous ici, et parfois, avec du recul, cela valait-il la peine?

Peu importe la raison pour laquelle ils s'engagent, les soldats veulent réussir. Ils veulent que leurs efforts soient utiles et appréciés par les autres. Nos vétérans de la guerre de Corée ont ce sentiment tangible de réussite collective. Ceux qui retournent dans le pays qu'ils ont défendu voient la démocratie prospère et dynamique qu'est devenue la République de Corée, après avoir été anéantie par la guerre, pour devenir une puissance économique et technologique. C'est un pays qui se souvient, qui est très reconnaissant envers les personnes qui sont venues de loin à cette époque cruciale. Le pays qu'est devenue la Corée, et la façon dont elle se souvient des personnes qui ont contribué à sa survie, replacent en contexte le service et le sacrifice accomplis par nos anciens combattants, et donnent du sens à l'expérience qu'ils ont vécue.

La guerre de Corée illustre avec éloquence le bien-fondé des déploiements de soldats canadiens d'aujourd'hui. Nous voulons que nos troupes puissent retourner dans un pays lointain dans 30, 40 ou 50 ans — c'est-à-dire en tant qu'anciens combattants — et puissent affirmer fièrement qu'elles ont contribué à faire de ce pays un endroit meilleur. Leur rôle, quelle que soit son importance dans l’effort global, aura contribué à faire de ce pays, et de notre monde, un endroit meilleur. Le fait de se projeter dans l'avenir et de constater  que leur effort « aura valu la peine » permet de recadrer leur expérience présente.

Dans certaines parties du monde ou nous nous sommes déployés, il peut être difficile d'imaginer une telle réussite dans un demi-siècle ou plus. Je suppose que dans les ruines de la guerre de Corée, nos anciens combattants ont sans doute eu un sentiment semblable, mais sans leurs efforts, la chance de bâtir un monde meilleur n'aurait pas existé. L'Histoire jugera de ce qu'il advient, mais nous devons servir en ayant conscience que nous avons apporté notre contribution.

Nos soldats qui ont quitté le Canada il y a sept décennies en partance pour un pays inconnu appelé Corée, à l'autre bout du monde, méritent d'être célébrés, et leur service et leurs accomplissements, commémorés. À certains égards, l'expérience des soldats canadiens contemporains qui quittent notre pays relativement riche et pacifique pour se rendre dans les points chauds du monde se compare celle de leurs ancêtres vêtus de kaki au début des années 1950. Les expériences de nos vétérans de la guerre de Corée continuent de transmettre des enseignements utiles aux soldats contemporains, et elles constituent un exemple durable de la façon dont nous donnons un sens au service. Nous devons perpétuer le souvenir de leurs sacrifices et continuer de suivre leur exemple.

Galerie d'images

  • Le sergent Prince (2e à gauche) et d'autres officiers du 2e bataillon du PPCLI reçoivent les ordres de leur officier commandant avant d'aller en patrouille en Corée en mars 1951. À titre de commandant en second d'un peloton de fusiliers, Prince a pris part à nombre de patrouilles de nuit et de raids et en a mené plusieurs. (W.H. Olson / Ministère de la Défense nationale / Bibliothèque
  • Le caporal suppléant W.J. Chrysler aide le soldat Morris J. Piche à se render au poste de premiers soins derrière les lignes de front dans la vallée de Kapyong. Tous deux font partie du Bataillon canadien. (Imperial War Museum)
  • À l’avant-plan: Albert Rail et John Gudmundson. À l’arrière-plan : J.F.A. Braham, John Nichol et Leo Ferguson, 31 août – 1er septembre 1950. (Bibliothèque et Archives Canada/e011205307)
  • Le 2e Bataillon, PPCLI, à bord du navire qui le conduira en Corée, novembre 1950. (Bibliothèque et Archives Canada/e010836621)
  • Les premiers membres de l’Escadron 426 à s’envoler vers la Corée lors d’un vol de familiarisation, en train de discuter avec le lieutenant d’aviation Omer Lévesque, de Montréal, à une base aérienne en Corée, 1950. (Bibliothèque et Archives Canada/e010788095)

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