Une initiative artistique change les choses en Palestine

Le 8 octobre 2021 – Nouvelles de la Défense

Auteur : le lieutenant-colonel Len Matiowsky, Op PROTEUS, Roto 21

Demandez à n’importe quel membre des Forces armées canadiennes (FAC) s’il garde des souvenirs importants des déploiements auxquels il a participé dans le monde, qu’ils soient récents ou lointains, et il vous répondra toujours par un « oui! » bien senti. Peu importe à quel point nous sommes bien formés ou disciplinés, nous demeurons, et demeurerons toujours, des êtres humains.

Mon collègue et bon ami, le major Mark Noel, officier des opérations de la Roto 21 de l’opération PROTEUS, a vécu une expérience qui a eu un effet important sur le temps qu’il a passé ici mais qui laissera également un héritage durable à bon nombre de personnes qui ont eu l’occasion de le rencontrer. Mais avant que je m’avance trop, parlons un peu de l’Op PROTEUS. Cette mission constitue la contribution du Canada aux travaux du Bureau du Coordonnateur à la sécurité des États‑Unis (USSC) en Israël. Les membres des FAC servent au sein de l’équipe du USSC dans le cadre de la force opérationnelle militaire canadienne à Jérusalem et se consacrent à offrir des conseils et du soutien en matière d’instruction aux forces de sécurité de l’Autorité palestinienne (FSAP), à les aider à améliorer leurs systèmes logistiques et à renforcer leur professionnalisme.

Les participants à l’Op PROTEUS travaillent d’un bout à l’autre de la Cisjordanie, où ils interagissent avec des membres des FSAP, mais également avec des personnes de tous les horizons : des vendeurs, des artistes, des politiciens, des restaurateurs, même des personnes déplacées et démunies. Les réfugiés palestiniens et leurs descendants, par exemple, sont des citoyens de la Palestine mandataire, une entité géopolitique établie de 1920 à 1948 dans la région de la Palestine en vertu du mandat de la Société des Nations pour la Palestine. Ils ont fui leur pays, ou en ont été expulsés, au cours de la guerre de Palestine de 1947 à 1949 et de la Guerre des Six Jours. La plupart des réfugiés palestiniens vivent dans 68 camps de réfugiés situés en Jordanie, au Liban, en Syrie, en Cisjordanie et dans la bande de Gaza, ou près de ces camps.

Dans le cadre de notre mandat au USSC, la mission est allé un peu plus loin en Cisjordanie et nous avons pu voir de près la réalité des camps de réfugiés. Aux côtés du commandant de la Force opérationnelle à Jérusalem (FOL), le brigadier-général Jeannot Boucher, nous avons visité le camp de réfugiés de Jenin, également connu sous le nom de Camp Jenin. Situé dans le Nord de la Cisjordanie, dans la ville de Jenin, il a été établi en 1953 sur un terrain de moins d’un demi‑kilomètre carré. Le Camp Jenin a également été grandement affecté par la seconde intifada, où l’Armée de défense d’Israël l’a occupé 2002, après la bataille de Jenin. Au moins 400 maisons ont été détruites, et des centaines d’autres ont été grandement endommagées. Plus d’un quart des habitants se sont retrouvés sans abri. L’Office de secours et de travaux des Nations Unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche‑Orient (UNRWA) a été mis sur pied pour offrir des programmes de secours direct et de travaux pour 750 000 réfugiés palestiniens. Ils sont maintenant 5,6 millions.

Le Camp Jenin est soutenu par une organisation caritative, la Not to Forget Women Society (vous quittez le site Web du Gouvernement du Canada), qui a été mise sur pied par des réfugiées éduquées et actives sur le plan social, après les événements d’avril 2002 dans le Camp Jenin et en réponse à la situation tragique causée par l’occupation israélienne dans le Camp Jenin pendant cette période. La mission de cette organisation est de renforcer les femmes du Camp et de leur offrir du soutien, de renforcer leurs compétences et leurs capacités pour leur permettre de participer à la vie sociale, politique et économique dans leur communauté et d’améliorer leurs conditions psychologiques, sociales et médicales. Elle se concentre sur le bien‑être social, psychosocial et médical des enfants et des jeunes du Camp, ainsi que sur leur éducation, et tente de leur fournir un environnement sécuritaire et sain où vivre. L’organisation tente également d’améliorer le niveau d’éducation des femmes du Camp, tant du point de vue académique que professionnel, et d’offrir de l’aide aux plus vulnérables d’entre elles.

Dans les débuts de notre période de service, Mark, un artiste en herbe, a commencé à peindre des scènes et des points d’intérêt importants pendant ses déplacements en Israël et en Cisjordanie. En plus de lui permettre de faire preuve de créativité, cela l’a aidé à relaxer et à faire en sorte que cette partie du monde ait du sens à ses yeux d’étranger. Quand la Force opérationnelle à Jérusalem a visité le Camp Jenin, il était évident pour Mark que ses peintures représentaient une occasion de soutenir le camp qui avait tant éveillé son humanité. Il a donc décidé de trouver un moyen de vendre ses peintures et de faire don des sommes recueillies au Camp Jenin. Il n’était pas clair à ce moment comment il allait s’y prendre, mais ce qui était clair, c’était que la vente de ses peintures était sa façon de faire une différence, aussi minime soit‑elle.

Mark avait presque terminé huit peintures quand il a décidé que son objectif serait d’en avoir dix pour l’encan silencieux. Il a présenté un plan à l’équipe de l’opération PROTEUS pour lui demander son soutien pour que l’activité se déroule à la Maison du Canada. Nos partenaires internationaux, avec qui nous travaillons, étaient invités. Pendant ce temps, il a été en mesure de trouver un atelier pour créer des épreuves sur toile, ce qui lui a permis d’offrir d’autres copies imprimées à l’encan.

Malheureusement, la réalité était que bon nombre de personnes ne pouvaient pas traverser la frontière entre la Cisjordanie et Israël pour se rendre à Jérusalem‑Est et participer à l’encan silencieux. Sa solution a été d’intégrer une composante virtuelle pour diffuser l’encan silencieux en direct sur une plate-forme privée de médias sociaux. Des collègues, des amis et des membres de la famille de partout dans le monde pouvaient ainsi y prendre part et commander des copies imprimées à rapporter ou à faire expédier chez eux.

Le jour de l’événement, Mark et son équipe ont pu convertir la Maison du Canada en galerie d’art où il a pu exposer ses créations et où les invités pourraient les admirer et faire une offre pour chaque œuvre d’art. L’équipe a eu l’honneur d’accueillir deux représentantes de l’organisation Not to Forget qui sont venues de Jenin pour ouvrir l’événement et pour expliquer la dure réalité de la vie dans les camps. Plus de 60 personnes ont participé à l’encan silencieux, et 100 autres y ont assisté virtuellement. Le moins qu’on puisse dire, c’est que l’événement a été un succès. En effet, l’encan silencieux a permis de recueillir 27 750 ₪, ou environ 10 500 $CAN, pour les peintures originales à elles seules, cinq fois son objectif! La vente des épreuves des peintures originales après coup a quant à elle permis de recueillir un autre 10 000 ₪. Les membres de l’organisation Not to Forget ont été bouleversés par ce si généreux soutien, qui a totalisé 37 000 ₪ (14 000 $CAN).

Mark et son équipe ont eu la chance d’aller présenter un chèque à l’organisation Not to Forget à Jenin. Ils ont été accueillis à bras ouverts par tous les enfants, qui participaient à un camp d’été. Les sommes recueillies dans l’encan silencieux permettront aux enfants du Camp Jenin de recevoir une structure de jeu où ils pourront rire et jouer en toute sécurité, comme tous les enfants devraient pouvoir. Cette initiative, cependant, marquera à tout jamais les cœurs de toutes les personnes qui ont participé à cet événement. Leurs œuvres d’art leur rappelleront toujours l’importance du Camp Jenin et les épreuves auxquelles sont confrontés les réfugiés en Cisjordanie, mais également la beauté présente dans cette région du monde et tout le potentiel qu’apporte l’espoir.

De son côté, Mark est bien heureux d’avoir pu mettre son talent au service d’une si noble cause. Les sourires des gens qui aiment ses œuvres et des enfants qui pourront jouer grâce à elles sont sa récompense. Bravo!