Au clair de la lune bleue – Ascension nocturne du mont Fuji, au Japon

Le 15 septembre 2023 - Nouvelles de la Défense

Par : le lieutenant de vaisseau Rhys Davies, officier des opérations du NCSM Vancouver

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Des manœuvriers du NCSM Vancouver ont pris une photo de groupe en escaladant le mont Fuji lors d’une escale à Yokosuka, au Japon.

Once in a blue moon, dit-on en anglais. Cette expression coïncide rarement avec une occasion unique et une véritable lune bleue. Dans ce cas-ci, quelques privilégiés parmi les membres d’équipage des navires canadiens de Sa Majesté (NCSM) Ottawa et Vancouver ont eu l’occasion de monter au sommet du mont Fuji lors de la deuxième pleine lune du mois d’août qui était, par surcroît, une « super lune bleue ».

Après avoir déterminé que la montée nocturne était faisable, nous avons commencé à planifier sérieusement notre ascension du plus haut sommet du Japon. La pleine lune s’est levée juste avant 20 h et c’est au clair de la lune que nous avons amorcé notre périple à la station 5 Subaru, située à une altitude de 2 300 mètres. Après une randonnée qui nous a paru courte, encore fébriles et enthousiasmés par l’aventure, nous avons atteint la 6e station. Le garde a signalé qu’il faisait 3 °C à la station 9, avec des vents de 45 kilomètres-heure. Nous avions chaud et nous venions d’enlever nos chandails légers, en raison de l’effort croissant qu’exigeait la montée sur des sentiers remarquablement déserts. Nous poursuivions sur le sentier en lacet de sable et de gravier volcaniques, lorsque la vue vers Tokyo, en direction est, a émergé des nuages, et un vent léger a refroidi la sueur qui perlait sur nos fronts.

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Lever de soleil vu du mont Fuji, au Japon, le 31 août 2023.

La station 7 est la première station où nous avons pu faire graver au fer nos bâtons de marche du mont Fuji, dont le bois porterait désormais la marque de la station. Chaque station a sa propre marque, et les gravures que vous obtenez à mesure que vous montez indiquent la hauteur que vous avez atteinte. Arrivés à la station 8, nous nous sommes rendu compte qu’il y avait un bon vent et que ça devenait plutôt froid. C’était juste après minuit, et nous avons convenu de ralentir. Il faisait alors 8 °C et il ventait. Nous avons décidé de prendre une collation et avons improvisé un bivouac à l’abri d’un surplomb. N’ayant aucun équipement de camping, nous nous sommes protégés à l’aide de sacs de Mylar résistants. Certains membres de notre équipe se sont endormis, tandis que les autres observaient le passage des grimpeurs, de plus en plus nombreux.

À un certain moment, le premier groupe de voyageurs nous a dépassés. Comme nous ne voulions pas rester seuls derrière, nous nous sommes réveillés et nous avons couru jusqu’à la station 8.5. Nous avons déduit que ce groupe s’était rendu à une station inférieure la veille, s’était reposé, avait mangé et était reparti tranquillement pour arriver au sommet à temps pour le lever de soleil. Le vent avait considérablement augmenté, et cela faisait cinq heures que nous étions exposés au vent et au froid. L’une après l’autre, les stations déversaient leurs habitants à peine réveillés dans l’air frais de l’aube, et la circulation sur le sentier étroit était l’équivalent au mont Fuji du trafic matinal entre Colwood et la BFC Esquimalt. Le vent continuait de croître et commençait à fouetter la dense procession avec du gravier fin et du sable. Le long du parcours, les gardiens harcelaient les grimpeurs, les pressant de continuer à avancer, mais plusieurs se retiraient sur le côté pour se reposer pendant que la rivière humaine continuait à couler vers le haut, toujours vers le haut.

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Lever de soleil vu du mont Fuji, au Japon, le 31 août 2023.

À la station 9, nous avons revêtu notre dernière couche chaude et nous nous sommes préparés pour l’ascension jusqu’au sommet. La foule était arrêtée à cette station, et beaucoup de gens étaient rassemblés à l’abri de la station et aux toilettes. Je dois avouer qu’après avoir payé les droits d’accès de 200 yens et apprécié la surprise que représentait un siège chauffant, nous avons été tentés de nous joindre à eux. Mais nous avons plutôt décidé de quitter cette dernière station pour nous rendre au bord de la caldeira. Nous avons poursuivi l’ascension, pour un dernier gain d’altitude de 400 mètres, et nous avons presque été renversés, tant le vent était fort au sommet. Avec précaution, nous nous sommes rendus au bord du versant est, puis nous nous sommes terrés derrière des roches d’où nous pouvions voir l’horizon, en direction est. Nous nous sommes couverts avec nos sacs, car nous avions envie de boire du thé chaud et de prendre une pause du vent. Et nous avons attendu, regardé, et compris que le pays du soleil levant mérite son nom.

Le lever de soleil qui a suivi a enflammé le ventre des nuages, à l’horizon. De grands doigts de lumière dessinaient des arcs à travers le ciel à partir de la lueur orange sanguin du soleil. Réchauffés à la vue et par la chaleur de ces premiers rayons, nous avons commencé à remuer dans nos cocons de Mylar. Le soleil a quitté son abri, et nous nous sommes levés pour explorer le bord de l’énorme cône que nous avions escaladé. Les foules s’entassaient sur le côté est du cratère, et le vent continuait de hurler. Après avoir exploré un peu et nous être permis une séance de photos gratuite, nous avons décidé de devancer la masse et de prendre le chemin du retour.

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De gauche à droite, le lieutenant de vaisseau (Ltv) Martinez, le Ltv Presseau, le Ltv Rogalewicz, le Ltv Lauzon et le Ltv Davies, du NCSM Vancouver, ont pris une photo de groupe au cours de leur ascension du mont Fuji, au Japon, le 30 août 2023.

La descente a été moins mouvementée, mais le sentier couvert de poussière de cendre était dangereux et il y avait très peu ou pas d’accès aux nombreux refuges que nous avions rencontrés en montant. Pour les adeptes du ski, c’était semblable à une piste (cat-track) dont les refuges auraient été réapprovisionnés. Au cours de la descente, la température ambiante se réchauffait. Nous avons arrêté de nous inquiéter des brûlures dues au vent, pour craindre plutôt les coups de soleil. Nous n’avions plus d’eau, et nous avons réalisé à quelle hauteur nous nous étions traînés la veille au soir, alors que les interminables virages se succédaient sur les 1 600 mètres que nous avions grimpés.

Nous sommes retournés à la 5e station où nous nous sommes immédiatement dirigés vers la crème glacée. La température dépassait de nouveau 25 °C, plus l’humidité, et nous avions passé la nuit en mangeant des fruits secs et des barres nutritives. À la 5e station, qui fermait lorsque nous y étions arrivés la veille, nous avons découvert un village touristique animé, y compris un bureau de poste. En écrivant des cartes postales à l’ombre de la célèbre montagne, nous réfléchissions à l’aventure unique que nous avions vécue ensemble, au clair d’une lune bleue, avant de reprendre le parcours de trois jours qui devait nous ramener au navire.

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2023-09-15