Journée nationale d’affirmation de son identité : comment écrire l’histoire au sein de l’Équipe de la Défense

Le 11 octobre 2023 - Nouvelles de la Défense

Cet article est une contribution du programme Espace positif.

Légende

Les membres de camogie d'Équipe Canada portant leurs casques et uniformes noirs rassemblés au milieu d'un terrain en gazon pour célébrer une victoire avec leurs bâtons dans les airs.

Avec la diversité de leurs horizons et de leur expérience de vie, les membres de l’Équipe de la Défense écrivent des pages d’histoire tous les jours. En célébrant les perspectives et les réalisations des membres bispirituels, lesbiennes, gais, bisexuels, transgenres, queer, intersexes et ceux ayant d’autres identités sexuelles ou de genre (2ELGBTQI+) de l’Équipe de la Défense, nous permettons à davantage de personnes d’être elles-mêmes sur le lieu de travail.

Pendant le Mois de l’histoire lesbienne, gay, bisexuelle et transgenre (LGBT), l’équipe du programme Espace positif a rencontré une personne de la communauté, maître de deuxième classe (M 2) Carben Hamilton, militaire non binaire qui a réalisé une première en demandant officiellement une reconnaissance et des mesures d’adaptation, pour discuter de son expérience dans les Forces armées canadiennes (FAC) et comme athlète au sein de l’équipe de camogie du Canada, un sport d’équipe irlandais de bâton et de balle.

M 2 Hamilton, parlez-nous de vous.

Je m’appelle Carben, mais on m’appelle souvent CJ. Je suis M 2 OP opérateur d’équipement d’informations de combat [Marine] (EICM). Je fais partie de la Réserve navale depuis 2010, et j’ai eu beaucoup d’occasions d’explorer le monde, mais j’habite maintenant à Montréal, ma ville d’origine, où je travaille à distance comme réserviste Classe B à la conception de programmes pour le Chef – Conduite professionnelle et culture (CCPC).

Comment était-ce de sortir du placard comme personne transgenre et de vivre la transition en tant que militaire?

Honnêtement, le début a été dur. J’ai fait ma sortie du placard comme personne trans non binaire en mars 2020, et il est raisonnable de dire que ça a été une période de turbulence. En juin 2020, j’ai transmis une note demandant des mesures d’adaptation comme personne transgenre. C’était surréaliste d’écrire sur quelque chose d’aussi profondément personnel… et de faire monter ça dans la chaîne. Une vérité que j’avais personnellement mis tant de temps à assimiler se trouvait résumée clairement dans un format militaire standard pour être considérée par ma chaîne de commandement.

C’est donc au début de la pandémie, une période déjà difficile et sans précédent, que je me suis retrouvée à naviguer avec les Forces dans des eaux inexplorées. Aucun membre des FAC n’avait encore demandé officiellement la reconnaissance et des mesures d’adaptation comme personne non binaire, de sorte que ma chaîne de commandement s’est aussi trouvée dans une position sans précédent, sans nécessairement avoir les outils nécessaires pour réussir.

Ça n’a pas été un parcours facile, mais c’est en fait la participation à ces conversations qui a conduit à mon emploi actuel – à l’élaboration de programmes pour le programme Espace positif. Je conçois des ateliers pour doter les membres de l’Équipe de la Défense des outils nécessaires pour se soutenir mutuellement, pour leur donner le soutien que j’aurais souhaité avoir au début de ma transition.

Vous avez eu une année tumultueuse, sur les plans professionnel et personnel. Comment cela s’est-il passé pour vous?

Les soins médicaux d’affirmation de genre que j’ai reçus m’ont sauvé la vie. Il n’y a aucun doute là-dessus. J’ai eu de la difficulté à avoir accès aux soins médicaux dont j’avais besoin par l’entremise de l’armée. En 2022, après deux ans, j’ai décidé que ma santé passait avant mon emploi. Au point où j’en étais, j’ai décidé de mettre fin à mon contrat de réserviste de classe C et de retourner à la classe A quelques mois pour avoir accès aux soins de santé publics du Québec. Je sentais vraiment que c’était une question de vie ou de mort. Je pouvais donc aller jusqu’à sacrifier mon emploi si c’était nécessaire. Quelques mois plus tard, j’ai subi la double mastectomie tant attendue.

Il est difficile de parler de mon opération chirurgicale au haut du corps sans que les émotions remontent, parce que la joie qu’il y a à reprendre possession de son propre corps est inexprimable. Même si j’adore m’entraîner, j’ai dû arrêter tous les mouvements qui risquaient de me rappeler les parties de mon corps avec lesquelles je ne pouvais pas vivre. Une fois que les restrictions postopératoires ont été levées, j’ai ressenti une paix, de l’amour et de la joie dans ma propre peau, quelque chose de presque spirituel. J’avais l’impression que je pouvais conquérir le monde! Étant donné que mon esprit et mon corps étaient dorénavant en harmonie, je voulais pousser mon corps pour voir de quoi il était devenu capable. Laissez-moi vous dire qu’il peut faire pas mal de choses...

À peine six mois après l’opération, j’établissais des records personnels dans la salle de musculation, et je courais (et remportais) des courses de dix kilomètres. Le moment était effectivement venu pour moi de conquérir le monde. On m’a proposé de me joindre à l’équipe canadienne de camogie. J’ai donc commencé à me préparer pour aller à Derry, en Irlande du Nord, afin de participer aux jeux mondiaux de l’Association athlétique gaélique. Les programmes de soutien du personnel (PSP) ont financé mon voyage dans le cadre de la composante externe du Programme de sports des FAC.

Aux jeux mondiaux précédents, l’équipe du Canada avait gagné un seul match dans la catégorie des novices. L’équipe s’était fait aimer grâce à l’attitude positive de ses membres et à sa routine d’échauffement – au son de la chanson Up de Shania Twain. Au début des jeux mondiaux de 2023, le Canada n’était pas considéré comme un concurrent de taille. Notre cohésion d’équipe nous a permis de défier les prévisions. Nous avons surpris une première fois en nous qualifiant pour la catégorie intermédiaire. Les surprises se sont ensuite succédé jusqu’en finale, où notre équipe a gagné contre l’Allemagne, pour rentrer à la maison avec le bouclier, une première dans l’histoire du Canada! Mon équipe est un groupe formidable d’athlètes et d’êtres humains, qui ont rendu possible l’aventure surréelle que nous avons vécue. 

Qu’aimeriez-vous dire aux autres membres de l’Équipe de la Défense qui pourraient envisager une transition?

La transition n’est pas toujours facile, mais les choses qui en valent la peine sont souvent difficiles. J’ai vécu des moments très éprouvants. Par contre, si je ne les avais pas traversés, je n’aurais jamais connu l’expérience magique de la joie trans, la joie d’être moi-même. C’est aussi une période anxiogène, car il n’y a pas d’interrupteur pour arrêter. Il s’agit de décider si vous voulez que votre euphorie continue.

En thérapie, au cours de ma transition, nous avons travaillé sur l’occupation de l’espace. Une partie de la transition consiste à faire changer les habitudes et le vocabulaire utilisé par votre entourage, ce qui peut faire peur et prendre de l’espace dans la vie de ces personnes. Mais cela est nécessaire pour que vous puissiez occuper votre propre espace dans votre propre vie. Vous méritez de vivre de façon authentique, même si cela veut dire que les personnes qui vous entourent doivent modifier leurs habitudes. Vous avez de l’importance, et vous méritez d’être vous-même.

Les FAC déploient des efforts pour refléter la population qu’elles servent. Notre population est magnifique dans sa diversité. En attirant cette belle diversité, en la maintenant à l’effectif et en l’incluant, les FAC deviennent plus fortes. Les personnes bispirituelles, transgenres, non binaires et de genre non conforme du Canada méritent d’être reflétées et représentées par des personnes en uniforme. Contribuer à offrir ce reflet et à faire des FAC un lieu plus accueillant pour les personnes 2ELGBTQI+ du Canada peut être une façon incroyablement efficace de servir.

Nous remercions M 2 Hamilton pour le récit de son histoire et pour sa contribution exceptionnelle au travail de l’Équipe de la Défense.

Si vous souhaitez en savoir plus sur le soutien que nous offrons aux membres de la communauté 2ELGBTQI+, vous pouvez consulter les Ressources du programme Espace positif et jeter un coup d’œil à la série de microaccréditations de l’Espace positif sur le Réseau d’apprentissage de la Défense 3.0 (accessible uniquement sur le RED). 

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2023-10-11