Le NCSM Oriole a cent ans et il vogue toujours

Nouvelles de la Marine / Le 21 juin 2021

Le navire le plus ancien de la Marine royale canadienne (MRC) est un voilier qui a toujours fière allure malgré ses cent ans bien sonnés.

Souhaitez joyeux anniversaire au Navire canadien de Sa Majesté (NCSM) Oriole, construit en 1921 comme yacht privé, mis en service comme navire de la Marine en 1954 et utilisé aujourd’hui par la MRC pour l’instruction et la sensibilisation du public. Au cours de ses quelque sept décennies dans la Marine, l’Oriole a servi à l’instruction de nombreux jeunes marins, a pris part à d’innombrables courses et festivals de grands voiliers, s’est ancré un peu partout dans le monde et a accueilli de hauts gradés, des premiers ministres et des rois.

« Toute affectation de commandement est un privilège, mais le commandement du plus ancien navire en service et d’un voilier comme l’Oriole est bien particulier », affirme le capitaine de corvette Robert Pelton, du NCSM Oriole. Peu de gens en ont eu la chance et, en particulier, à l’occasion du centenaire du navire; c’est vraiment touchant et c’est tout un honneur. »

L’Oriole est un ketch qui s’apparente à une goélette, à la différence que son mât d’artimon est plus petit que son grand mât et qu’il est plus surélevé vers l’arrière. Toutes voiles dehors, le NCSM Oriole déploie quelque 1 200 mètres carrés de voile en Dracon. Le travail de déploiement de ces gigantesques voiles et de dégréement des mâts s’exécute manuellement; on ne trouve aucun treuil à bord. La coque du NCSM Oriole est en acier, mais les ponts, la cabine, les claires-voies et les écoutilles sont tous en teck.

Construit pour George Gooderham, commodore du Royal Canadian Yacht Club et baptisé Oriole IV, le navire a été mis en service en juin 1921 et a servi de pavillon officieux du club de 1924 à 1928. Vendu en 1941 à la Ligue navale du Canada pour l’instruction des cadets de la Marine, l’Oriole a été frété à la MRC en 1943 comme voilier-école. Après la Seconde Guerre mondiale, l’Oriole est retourné à la Ligue navale, a été frété à nouveau à la Marine en 1950 comme voilier-école, puis est devenu le NCSM Oriole en 1954. L’Oriole est le seul navire de la Marine canadienne à avoir reçu le Dunkerque 1940, des honneurs de bataille, accordés par perpétuation du nom que partagent deux navires de la Royal Navy.

Sur ce voilier-école, les marins apprennent bien plus que les rudiments du matelotage, ils y acquièrent des notions de solidarité, de confiance en soi et de leadership.

« Les membres qui ont la chance d’être à bord de l’unique voilier de la MRC vivent une expérience hors du commun », affirme le Capc Pelton. Exposés aux éléments (vent, vagues, pluie), ils doivent faire preuve d’acharnement, de solidarité et volonté personnelle. Ces personnes y acquièrent au moins une certaine expérience de la voile qui sera un complément à leur carrière au sein de la Marine une fois qu’elles regagneront leurs unités respectives.

L’Oriole joue également le rôle tout aussi important d’ambassadeur de la MRC, un moyen sans pareil de sensibilisation du public. Sur ce voilier voguant chaque été sur les Grands Lacs (sauf durant la pandémie de COVID-19), des sorties à voile, de visites portuaires et d’autres événements s’y tiennent à l’intention de la population canadienne.

« Ancré au port, le voilier attire l’attention des gens, qui veulent voir le navire de plus près et poser des questions à son sujet », souligne le commandant. « Sauf en période de pandémie de COVID-19, les gens peuvent y monter à bord, y toucher, le sentir et s’y promener. » Il peut se rendre dans des lieux et dans des ports inaccessibles à d’autres navires de la MRC. Nous donnons aux Canadiennes et Canadiens de vivre une expérience d’un autre ordre.

D’anciens marins de l’Oriole se remémorent

Plutôt que de vous donner d’autres faits et chiffres, nous avons demandé à d’anciens marins de l’Oriole de faire part de leurs expériences à bord du voilier. Nous en avons trouvé trois, dont un stagiaire et deux membres d’équipage.

Le capitaine de frégate Ramona Burke, qui travaille actuellement au Bureau du chef d’état-major par intérim de la Défense, était enseigne de vaisseau de 2e classe, en instruction pour être officier de guerre navale en 1997, lorsqu’elle et 10 autres stagiaires ont été choisis pour un voyage de 17 000 milles marins (31 484 km) à bord de l’Oriole, d’Esquimalt, en Colombie-Britannique, à Sydney, en Australie. Elle se souvient :

Mon premier véritable déploiement s’est fait à bord du NCSM Oriole. Nous avons quitté Esquimalt le 14 octobre et nous sommes arrivés à Sydney le 19 décembre. Nous y avons appris à utiliser toutes les voiles et à naviguer à l’aide du sextant, en utilisant le soleil et les étoiles comme guides. Tout se faisait à la main comme dans le bon vieux temps, le voilier n’ayant ni treuil ni cabestan.

Notre premier accostage s’est fait au port de San Francisco, où nous avons vogué sous le célèbre Golden Gate et avons pu assister gratuitement à un spectacle d’humour de HBO.

Puis, nous avons levé l’ancre pour Pearl Harbor, Hawaï, où nous avons passé devant l’USS Arizona Memorial et foulé la plage Waikiki à Honolulu.

Notre accostage suivant a été dans le lagon d’Atoll de Palmyre, une très petite île au sud d’Hawaï. Nous y avons rencontré l’énorme et terrifiant crabe des cocotiers et j’y ai vu d’un peu trop près un requin de récif.

Puis nous avons visité l’île de Canton, une nation insulaire de Kiribati menacée par le réchauffement climatique en raison de sa faible altitude de seulement deux mètres. Cette île est si peu visitée que nous avons dû utiliser une carte de l’Amirauté britannique de l’époque du capitaine Cook!

Notre cinquième accostage s’est fait à Apia, Samoa, un paradis où repose en paix l’auteur Robert Louis Stevenson. Nous avons passé quelques jours à Aggie Grey, un hôtel célèbre où ont séjourné des vedettes de l’âge d’or d’Hollywood, Marlon Brando, Gary Cooper et Dorothy Lamour. Après Samoa, nous avons fait escale à Suva, Fidji, puis à Nouméa en Nouvelle-Calédonie.

Soixante-six jours après notre départ de Victoria, nous sommes arrivés à Sydney, où nous avons vogué devant l’emblématique Opéra de Sydney. Nous avons arpenté la ville à l’approche de Noël à 40 degrés à l’ombre, avant de regagner Victoria par avion afin d’être avec les nôtres pour les Fêtes et d’arborer notre meilleur hâle à vie.

J’ai grandi au Cap-Breton, à quelques pas de l’océan, et même si j’avais passé une grande partie de ma jeunesse sur l’eau et que je pensais connaître la vie en mer, rien ne m’avait préparé à vivre et de travailler sur un voilier de 102 pieds au milieu de l’océan Pacifique.

Bien qu’incroyable, ce périple n’avait rien de facile. En relisant après 25 ans le journal que j’avais alors tenu quotidiennement, je me suis souvenu du dur labeur accompli, des magnifiques couchers de soleil, de la camaraderie et de la hargne de la mer. Je me suis souvenu des grains orageux et de la spectaculaire voûte étoilée. Cette occasion sans pareil a donné au jeune marin que j’étais un profond respect pour dame nature et la force phénoménale de la mer.

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Le Lieutenant de vaisseau Thomas Eagle, officier des opérations de l’Unité des patrouilleurs d’entraînement à Esquimalt (C.-B.), était l’officier supérieur de l’Oriole lorsque le navire a franchi quelque 10 000 milles marins (18 520 km) d’Esquimalt à Halifax en 2017 pour participer au rassemblement des grands voiliers à l’occasion du 150e anniversaire du Canada. Il se remémore trois moments saisissants de ce périple.

Alors que le voilier avait été mis à la cape au large de la côte nord de la Californie à 60 nœuds de vent, le radar s’est carrément décroché de sa base au beau milieu de la nuit. Suspendu par ses câbles, il était parfaitement inutilisable. Heureusement, des ingénieurs d’armement à bord ont pu installer un radar tout neuf acheté au magasin West Marine à San Diego.

Dans la même semaine, le commandant a réussi à atteindre une vitesse de 16 nœuds* pour faire entrer le voilier dans le port de San Diego. Le bourdonnement venant la coque s’apparentait à un sol majeur joué au violon. La photo du lever du soleil du lendemain montre le proverbial calme après la tempête.

* Une vitesse de 30 km/h est très rapide pour un voilier comme l’Oriole. Par exemple, une vitesse de 16 nœuds est légèrement inférieure à la vitesse maximale continue d’un navire de défense côtière de classe Kingston.

Filant à vive allure de Boston à Halifax dans un épais brouillard et des vents de 20 nœuds, nous avons tenu tête pendant un certain temps au Bluenose II, une goélette de taille supérieure. Elle nous a dépassés par la rive sud de la Nouvelle-Écosse. Nous avons accosté à Lunenburg en passant par Halifax pour remplacer le bout-dehors, si bien que nous n’avons pas officiellement perdu la course contre le Bluenose.

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Le premier maître de 2e classe (pm 2) Jason Bode, qui travaille actuellement au Centre de transition des Forces armées canadiennes à Esquimalt, était maître et capitaine d’armes lorsque le NCSM Oriole a vogué d’Esquimalt à Halifax en 2017 pour participer au rassemblement des grands voiliers à l’occasion du 150e anniversaire du Canada. Le PM 2 Bode se remémore.

Le périple de l’équipage principal de l’Oriole, du départ d’Esquimalt le 16 mars 2017 jusqu’à notre retour au bercail par avion à la fin août 2017, a duré cinq mois. Nous avons dû relever bien des défis et travailler fort pour y arriver, mais quiconque a vogué à bord de l’Oriole vous dira que c’était la plus belle expérience de sa vie.

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