Les infirmières de la Première Guerre mondiale marquent le début des femmes dans la MRC
Nouvelles de la Marine / Le 18 octobre 2021
Lorsque six jeunes femmes canadiennes décidèrent de devenir infirmières, elles étaient loin de s’imaginer qu’elles allaient servir en mer au début de la Première Guerre mondiale.
Motivées par le patriotisme, la loyauté, le sens du devoir et, dans de nombreux cas, le sens de l’aventure, Elizabeth Pierce, Mabel Ogilvie Lindsay, Penelope Mellen, Annie Dover, Bessie Watson et Emma Gertrude Black contribuèrent à une nouvelle perception sociale sur les compétences et le potentiel des femmes au début du XXe siècle.
Ces infirmières furent les premières femmes à être officiellement acceptées dans la Marine royale canadienne (MRC). Elles ont servi en août 1914 à bord du navire-hôpital canadien de Sa Majesté (NCSM) Prince George, le seul navire-hôpital canadien à naviguer avec la MRC.
Elles sont recrutées par le Dr Charles Barron Wainwright, un médecin né et éduqué en Angleterre, employé par le Provincial Royal Jubilee Hospital (PRJH) de Victoria. Le 13 août 1914, il accepte le poste de chirurgien responsable du NCSM Prince George et reçoit l’ordre d’acheter sur place des fournitures médicales et des instruments chirurgicaux. Il est également chargé de recruter trois infirmières.
À cette époque, la plupart des infirmières diplômées de Victoria trouvaient un emploi dans le secteur privé ou dans les deux principaux hôpitaux, le PRJH et le St. Joseph’s, mais nombre d’entre elles appartenaient également à la Milice volontaire en pleine expansion.
De ces rangs, le Dr Wainwright s’assure les services bénévoles de six infirmières diplômées, toutes membres de la Milice de Victoria. Le passage de trois à six infirmières est probablement motivé du fait que l’on prévoit doter en personnel les salles de soins et la salle d’opération sur une base de 24 heures sur 24, et appuie l’hypothèse selon laquelle le Prince George s’attendait à servir plus de 300 patients.
Le Dr Wainwright informe l’officier supérieur de la Marine à la Base navale Esquimalt (Colombie-Britannique) que les infirmières « devraient avoir le grade d’officiers et avoir reçu une formation suffisante, et qu’elles méritaient donc un grade supérieur à celui de préposé d’infirmerie ».
Elizabeth Pierce
Elizabeth Pierce, née en Ontario, est diplômée en 1908 de l’École d’infirmières du PRJH. Avant de se porter volontaire pour servir dans la Marine, elle est infirmière en chef en chirurgie au PRJH et à l’hôpital de la rue Bute à Vancouver. Elle est nommée infirmière militaire intérimaire (IM/I), recevant un salaire de 100 $ par mois.
Bien que l’on sache peu de chose sur la vie de l’infirmière à bord du NCSM Prince George, il semble que Mme Pierce aime l’expérience puisqu’elle envoie une carte postale du Prince George à sa famille, déclarant que « la vie sur les vagues de l’océan me convient très bien ».
La vie militaire convient également à l’infirmière militaire intérimaire (IM/I) Pierce, qui sert ensuite pendant cinq ans dans le Corps de santé de l’Armée canadienne (CSAC) dans des salles d’opération en Angleterre et près de la ligne de front en France. Elle reçoit l’ordre de la Croix-Rouge royale de classe 2 pour sa bravoure et son dévouement envers le devoir.
Après son service de guerre, l’IM/I Pierce retourne à Victoria en 1920 et s’inscrit à la Graduate Nurse’s Association of British Columbia nouvellement formée, tout en poursuivant sa carrière au sein des Infirmières de l’Ordre de Victoria dans cette ville.
Mabel Ogilvie Lindsay
Au moment de sa nomination au NCSM Prince George, Mabel Ogilvie Lindsay a 33 ans. D’origine écossaise, elle termine sa formation d’infirmière à l’hôpital Radcliffe County d’Oxford, en Angleterre.
Avant de se rendre au Canada, l’IM Lindsay passe trois ans au sein du Queen Alexandra’s Imperial Military Nursing Service for India, où elle s’occupe des militaires britanniques et de leurs familles qui servaient dans le Raj britannique.
Durant cette période turbulente de l’histoire de l’Inde, elle acquiert une expérience unique dans le soin des malades et des blessés du service militaire. Elle est la seule infirmière du Prince George à avoir une expérience militaire autre que celle de la Milice volontaire.
Après son service au Prince George, l’IM Lindsay se joint également au CSAC et passe plus de cinq ans en Angleterre, en France et dans d’autres navires-hôpitaux. Pendant son séjour outre-mer, elle connait de fréquents épisodes d’infections respiratoires qui se culminent en bronchopneumonie grave qui la laisse avec des poumons endommagés et incapable d’effectuer un service général.
Après sa démobilisation en juillet 1920, elle s’inscrit à la Graduate Nurses Association of British Columbia mais semble avoir passé le reste de sa vie à San Francisco où elle décède en 1966 à l’âge de 85 ans.
Penelope Mellen
À 24 ans, l’IM Penelope Mellen est la plus jeune infirmière nommée au Prince George. À l’été 1914, elle vient tout juste d’obtenir son diplôme de l’École d’infirmières de l’Hôpital Royal Victoria. À cette époque, la clinique Mayo, aux États-Unis, utilise depuis plusieurs années des infirmières comme anesthésistes et de nombreuses infirmières militaires canadiennes assurent plus tard ce rôle dans les postes d’évacuation des blessés en France.
Comme le Prince George n’a pas de médecin anesthésiste, il est fort probable que l’IM Mellen, avec sa récente expérience en salle d’opération, est censée remplir ce rôle.
Après son séjour à bord du Prince George, l’IM Mellen se joint également au CSAC et passe deux ans dans le 2e Hôpital général canadien (HGC) et le 3e Poste d’évacuation sanitaire (PES) en Angleterre et en France, jusqu’à ce qu’elle démissionne de son poste en juin 1917.
Un an plus tard, elle épouse le major Stanley Gordon Chown, un chirurgien du CSAC qui est décoré de l’Ordre de l’Empire britannique pour son service dans le 2e HGC et le PES en France et en Belgique.
Après la guerre, ils s’installent à Winnipeg, où le Dr Chown devient chef de pédiatrie à l’hôpital général de Winnipeg. Leur fils aîné devient député de cette ville et leur fille contribue à la création de services d’orthophonie dans tous les grands hôpitaux.
Annie Dover
L’IM Annie Dover nait à Bedfordshire, en Angleterre, en 1887 et arrive au Canada un peu avant 1914. Elle est membre de la Milice de Victoria lorsqu’elle est recrutée pour servir à bord du NCSM Prince George.
Après son séjour à bord du Prince George, l’IM Dover se joint également au CSAC en tant qu’infirmière militaire et passe quatre ans dans divers HGC et hôpitaux stationnaires en France et en Angleterre.
Ses expériences de guerre sont ponctuées par plusieurs problèmes de santé et elle est traitée pour diverses infections débilitantes. Elle est démobilisée en 1919 et, après une brève période à Victoria après la guerre, elle ne laisse aucune trace de sa vie.
Bessie Irving Watson
L’IM Bessie Irving Watson nait à Cumberland, en Angleterre, et est diplômée de l’École d’infirmières du Royal Southern Hospital de Liverpool, qui avait ouvert ses portes en 1859 sous les conseils de Florence Nightingale et était réputée pour avoir institué le premier service d’ambulances tiré par des chevaux au Royaume-Uni.
Comme les autres infirmières du Prince George, l’IM Watson travaille à Victoria en tant qu’infirmière diplômée et membre de la Milice locale lorsqu’elle se joint au personnel médical du navire.
En mars 1915, l’IM Watson rejoint le CSAC où elle passe du temps avec le 2e HGC en France et travaille ensuite au West Cliff Canadian Eye and Ear Hospital en Angleterre.
Le 28 février 1916, alors qu’elle est en permission en Angleterre, elle épouse Basil Aylmer, un capitaine des Forces expéditionnaires canadiennes d’outre-mer. Elle démissionne de sa commission en juin de la même année et rentre au Canada.
Pendant cette courte période de service de guerre, l’IM Watson reçoit la Royal Red Cross 2, l’étoile de 1914-1915, ainsi que la Médaille de guerre britannique et la Médaille de la victoire. Elle retourne en Colombie-Britannique où elle reste jusqu’à sa mort en 1956. Son fils unique, Mathew Aylmer, est meurt en Normandie en 1944.
Emma Gertrude Black
Née en 1884 à Fort William, en Ontario, Emma Gertrude Black s’installe à Victoria avec sa famille lorsqu’elle est enfant. Elle termine sa formation d’infirmière au PRJH, obtenant son diplôme en 1912. Elle travaille également comme infirmière diplômée à Victoria et, comme ses pairs, est membre de la Milice locale.
Après son service d’été de 1914 à bord du Prince George, l’IM Black se joint au CSAC et sert pendant quatre ans en France et en Angleterre. Elle sert outre-mer jusqu’au début de 1919, puis retourne chez sa mère à Vancouver; elle travaillera ensuite à l’hôpital de Summerland, dans le centre de la Colombie-Britannique.
En juillet 1928, à 44 ans, elle épouse Sir John Frederick Whitworth Aylmer, le 9e Lord Aylmer de Balrath, dans le comté de Meath, en Irlande, devenant immédiatement baronne Aylmer.
Sir John était l’arrière-arrière-petit-fils de Mathew Whitworth-Aylmer, 5e baron et gouverneur général du Canada de 1830 à 1835. Il était également le frère aîné de Basil Aylmer, l’époux de Bessie Irving Watson.
Sir John et la baronne Aylmer vécurent à Vancouver jusqu’à leur mort.
Un court service
Le service de guerre du Prince George est de courte durée, et les dossiers indiquent que seulement deux patients ont été traités au cours de ses 33 jours de service dans la MRC. Un marin du croiseur japonais Idzumo est traité pour une jambe cassée et une des infirmières se tord la cheville.
Les femmes n’auront pas de rôle officiel dans la MRC avant le 31 juillet 1942, avec la formation du Service féminin de la Marine royale du Canada (WRCNS). Plus de 6 000 femmes se sont jointes au WRCNS et ont servi avec distinction dans 39 métiers au Canada et outre-mer, jusqu’à la fin des hostilités en 1945.
Cependant, les infirmières militaires Pierce, Lindsay, Mellen, Dover, Watson et Black ont ouvert la voie aux femmes dans la MRC, et leur héritage à bord du Prince George n’était que le début de ce que les femmes allaient accomplir dans la Marine.