L’homme radar : Le service inattendu de Stuart Paddon en temps de guerre

Nouvelles de la Marine / Le 5 janvier 2022

Le contre-amiral (Cam) Stuart Paddon n’a pas choisi de devenir officier de la marine.

Il en est à sa dernière année d’études en physique à l’Université de Western Ontario en 1939 lorsque le chef du département lui demande, ainsi qu’à ses camarades de classe, s’ils consentent à ce que l’on modifie leur programme d’études afin de se concentrer sur l’électronique.

À cette époque, l’électronique est une matière destinée aux cours de cycle supérieur, et non à ceux du premier cycle. Il se trouve que la Marine royale a désespérément besoin d’expertise au début de la Seconde Guerre mondiale. Elle consulte la Marine royale du Canada (MRC) à ce sujet, qui par la suite en fait part au Conseil national de recherches du Canada, qui communique ensuite avec les universités canadiennes.

En 1940, le Cam Paddon et sa cohorte, qui possèdent maintenant une certaine formation en électronique, s’enrôlent dans la Réserve de volontaires de la Marine royale du Canada (RVMRC), comme enseignes de vaisseau, et sont envoyés outre-Atlantique.

« À ma connaissance, nous étions le premier groupe de Canadiens à rejoindre les casernes de la Marine royale à Portsmouth », dit le Cam Paddon plus tard lorsqu’il raconte son service en temps de guerre. « À l’époque, le radar n’était pas appelé « radar », mais plutôt « radiogoniomètre ». Le terme « radar » est apparu avec l’arrivée des Américains. Quoi qu’il en soit, nous n’avons eu qu’un très bref cours pour nous familiariser avec les principes du radar. »

Au début de la guerre, le fonctionnement du radar demeure plutôt nébuleux pour plusieurs – ses concepts sont souvent mal compris et l’expertise technique est encore plus rare. Par conséquent, la Marine royale a du mal à trouver des officiers compétents pour le faire fonctionner. Cette situation est aggravée par le fait que la Royal Air Force recrute la plupart des talents locaux pour exploiter ses propres systèmes de surveillance du ciel britannique.

La première affectation du Cam Paddon se déroule à bord du navire de Sa Majesté (HMS) Prince of Wales, un tout nouveau cuirassé de la classe King George V.

En mai 1941, il est témoin de l’une des plus terribles confrontations de l’histoire de la Marine – la bataille du détroit de Danemark. Il occupe alors le poste d’agent de radar à bord du HMS Prince of Wales, chargé avec le HMS Hood de couler le cuirassé allemand Bismarck.

L’objectif du Bismarck est de faire une percée dans l’Atlantique Nord afin d’attaquer les navires marchands alliés.

Mr. Paddon est responsable à ce moment des systèmes radars de son navire.

« Le HMS Prince of Wales était le premier navire à être équipé de multiples systèmes radars », raconte-t-il. « Jusque-là, les navires ne possédaient qu’un seul radar, alors que j’en avais dix à ma disposition. »

Cependant, le Cam Paddon ne travaille qu’avec 30 personnes, dont une seule a déjà pris la mer.

« J’étais le seul technicien. Aucun autre technicien n’était formé alors dans la Marine royale pour exécuter les tâches liées aux systèmes radars. Inutile de dire que je me suis retrouvé la tête dans un système radar presque continuellement, et à un moment donné, environ 40 % des systèmes ne fonctionnaient pas. »

Assis dans la salle où se trouve le radar de type 281 du HMS Prince of Wales, le Cam Paddon observe la poursuite menée contre le Bismarck. Trois contacts apparaissent clairement sur son écran : le Bismarck, le croiseur lourd allemand Prinz Eugen et un troisième navire d’approvisionnement. Consciencieusement, il transmet les coordonnées des navires ennemis aux contrôleurs d’artillerie du HMS Prince of Wales.

Toutefois, en raison du manque de pratique des membres de l’équipage du navire, les contrôleurs d’artillerie ne prennent pas en note les renseignements du Cam Paddon. En utilisant des moyens optiques traditionnels, le HMS Prince of Wales réussi néanmoins à toucher le Bismarck – mais pas avant que le HMS Hood ne soit touché et coulé et ne laisse que trois survivants.

Il est impossible de savoir si le fait de mieux suivre les données radars du Cam Paddon aurait pu sauver le HMS Hood.

Entre-temps, la poursuite continue, et les seuls renseignements dont dispose le Cam Paddon sur la bataille proviennent de son écran radar, sur lequel il peut voir les réflexions radar des obus de 15 pouces du Bismarck tirer dans les airs.

Le HMS Prince of Wales continue d’échanger des tirs avec le Bismarck, mais son armement principal connaît de graves défaillances. En fait, le cuirassé britannique n'avait été achevé qu’à la fin mars 1941 et utilisait de nouvelles tourelles à quadruple canon qui n’étaient pas fiables. Le HMS Prince of Wales a rapidement interrompu l’engagement.

Si la bataille constitue une victoire tactique pour les Allemands, son effet est de courte durée. En effet, les dommages causés aux réservoirs de carburant avant du Bismarck forcent l’abandon de sa percée et d’une tentative de fuite vers des cales sèches en France occupée, produisant ainsi une victoire opérationnelle pour les Britanniques. Furieuse de la perte du HMS Hood, une importante force britannique poursuit le Bismarck, ce qui entraîne sa perte trois jours plus tard.

Le Cam Paddon continue de servir à bord du HMS Prince of Wales jusqu’à ce que le navire soit coulé par des bombardiers japonais au large de la Malaisie en décembre 1941, deux jours après l’attaque contre Pearl Harbour, à Hawaï. Il survit au naufrage et est secouru par l’un des destroyers d’escorte.

Il passe quelques mois à Ceylan en tant qu’agent de radar du port, où il répare les systèmes radars des navires entrants, avant de retourner au Canada. Pendant son service à Ceylan, il remarque que de nombreux agents de radar des navires de guerre britanniques sont d’anciens camarades de classe de l’Université de Western Ontario – un rôle modeste, mais primordial, dont l’histoire a souvent fait abstraction.

Il passe au grade de sous-lieutenant et continue de servir au sein de la MRC jusqu’à sa retraite en 1972, au grade de contre-amiral.

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