Chef – Conduite professionnelle et culture (CCPC) présente : Gérer des conversations difficiles dans la résolution de conflits en milieu de travail

Vidéo / Le 24 octobre 2023

Transcription

(GLG) Kwe, bonjour et hello. Je m’appelle Gilbert Le Gras et je suis conseiller spécial auprès de l’équipe du Chef – Conduite professionnelle et culture (CCPC).

Permettez-moi de reconnaître que nous enregistrons ce dialogue sur le territoire non cédé du peuple algonquin anichinabé.

L’équipe du Chef – Conduite professionnelle et culture a consulté plus de 15 000 membres de l’Équipe de la Défense et reçu de nombreuses questions concernant la façon d’aborder des problèmes de nature délicate avec des subalternes. Nous nous sommes donc adressés à des spécialistes pour obtenir quelques idées sur la manière de gérer ces situations. Mélanie Michaud est l’ombuds adjointe et directrice du système de gestion informelle des conflits du ministère de la Justice. Elle a été élue championne du Système fédéral de gestion informelle des conflits en décembre 2020.

Mélanie possède une vaste expérience dans le domaine de la gestion des conflits, notamment en encadrant des individus et en travaillant avec des équipes sur la dynamique de groupe. Geneviève Lord est la directrice générale des Solutions et services en matière de conflit au sein de l’équipe du Chef – Conduite professionnelle et culture. Des programmes sous sa gouverne incluent la prestation de services en matière de conflit par l’entremise des centres de services en gestion des plaintes et des conflits qui sont situés à travers le Canada.

Les programmes dirigés par Geneviève au sein de l’équipe du Directeur général – Solutions et services en matière de conflits du CCPC comprennent la prestation de solutions et de services en matière de conflits partout au Canada par l’entremise des Centres de services de gestion des conflits et des plaintes, l’Autorité des griefs des Forces canadiennes, les programmes de prévention et de résolution en matière de harcèlement, les plaintes concernant les droits de la personne dans les FAC et plusieurs programmes de soutien en leadership, comme le Programme d’encadrement de l’Équipe de la Défense, les services de démarches réparatrices et l’équipe de soutien au leadership.

J’ai lu un jour que quand on évite de régler un problème, on s’expose à une crise éventuelle, ce qui m’amène au cœur de notre discussion d’aujourd’hui. Comment aborder un problème de nature délicate dans un milieu de travail de plus en plus diversifié?

Près d’un Canadien sur quatre est né à l’extérieur du Canada.

Il y a donc 23 % des résidents du Canada qui sont nés à l’étranger. Le gouvernement fédéral, qui tente de donner l’exemple en tant que plus grand employeur au pays, a présenté des excuses relativement aux préjudices subis par le passé par des membres de la communauté 2ELGTBQIA+ et des employés noirs, autochtones et de couleur, et il s’efforce de devenir un milieu de travail plus accueillant.

C’est pas mal de diversité et ayant embauché et supervisé des employés, je peux comprendre que parfois c’est pas évident comment aborder certains sujets et gérer tout ça.

Geneviève et Mélanie ont proposé de nous parler des étapes à suivre quand on a des conversations difficiles. Premièrement, il faut désarmer les résistances en créant un espace sécurisant pour pouvoir discuter. Ensuite, on laisse place aux émotions sans pour autant cautionner les attitudes et les comportements qui sont en cause. Il faut aussi savoir s’affirmer de manière appropriée. Et enfin, il faut savoir conclure au mieux la conversation. Je suppose que l’évitement doit être l’une des formes les plus courantes de résistance. Mélanie, si tu veux bien nous parler de tes expériences et de tes conseils.

(MM) Je suis d’accord avec toi, Gilbert. L’évitement est certainement l’une des formes très courantes que nous observons, et c’est aussi une façon très tentante de gérer les situations ou les conversations difficiles. Toutefois, en évitant d’aborder des questions importantes ou d’avoir des conversations essentielles, on ne fait souvent qu’empirer la situation et amener le conflit ou la situation à dégénérer. Je crois donc que lorsqu’on songe à la manière de créer un espace sécuritaire, d’amorcer une conversation potentiellement difficile, il peut être utile d’envisager la résistance comme une partie normale du processus, qui est tout à fait commune et à laquelle il faut s’attendre. L’évitement n’est pas la seule forme de résistance : celle-ci peut aussi s’exprimer par le silence, par une surcharge d’information, peut-être aussi par une volonté de régler le problème sur le champ ou de proposer plusieurs différentes façons de le régler tout de suite. Ce sont toutes des formes de résistance. Il faut donc être conscient que cette résistance se manifeste de différentes façons. La résistance se veut rarement une attaque personnelle. En la considérant donc comme partie intégrante du processus, on contribue à créer cet espace sécuritaire. Il ne faut pas la voir comme une menace, car cela n’a souvent pour effet que de renforcer l’idée que la situation deviendra difficile à gérer. Initier la conversation, essayer de séparer la personne de la situation et tâcher de voir la résistance comme une étape normale du processus aidera certainement à assurer sa réussite. Qu’en pensez-vous?

(GL) Oui, absolument. Je crois que c’est le fondement pour avoir ces conversations et les tenir au bon endroit et au bon moment. S’assurer que c’est le bon moment, que l’autre personne est prête à entendre le message qu’on essaie de lui transmettre est, selon moi, essentiel pour mener à bien ces conversations. Je dirais aussi qu’à mon avis, la création de liens est super importante. D’après mon expérience, il sera beaucoup plus facile d’avoir ces conversations difficiles si vous avez pris le temps de nouer des liens avec vos employés et vos collègues. Poser des questions de nature personnelle, par exemple ce qu’ils aiment faire, s’ils ont des enfants, ce genre de choses qui contribuent vraiment à établir des rapports et à montrer de l’intérêt envers l’employé en tant que personne. Cela rend aussi les conversations difficiles un peu plus faciles quand les tensions sont vives, qu’il se passe beaucoup de choses et que les gens sont à fleur de peau; si on a pris le temps de bâtir ces liens, je trouve que cela contribue vraiment à faciliter un peu ces discussions.

(GLG) C’est intéressant, ce que vous avez partagé. Les gens se sentent pas toujours bien équipés à résoudre des conflits. Comment est-ce que ton équipe, Geneviève, peut outiller les membres de l’Équipe de la Défense?

(GL) Définitivement, Gilbert, c’est un espace qui est très compliqué. Les gens ont souvent peur d’entreprendre ces conversations-là, ne savent pas trop comment s’y prendre. Ils ont peur de la réaction, ont peur des émotions. Ça fait que comment est-ce qu’on peut vraiment regarder ce qui est disponible? Dans mon équipe, on a la prestation de service, donc, qui représente 16 centres de services à travers le Canada. Donc, c’est les centres de services qui gèrent les plaintes et les conflits. Alors, vous pouvez vous présenter à un des centres et vous allez être accueillis par un agent qui va vous recevoir, qui va regarder la problématique avec vous et qui va vous donner des pistes de solutions, que ce soit du coaching pour avoir des conversations difficiles, soit en tant que gestion ou même en tant qu’employé. Comment est-ce qu’on parle à notre supérieur de situations difficiles? On a aussi des praticiens en gestion de conflits qui vont être capables vraiment de vous aiguiller, peut-être d’agir en tant que médiateurs aussi dans une discussion difficile. Et puis, des fois aussi, c’est juste d’avoir quelqu’un à qui parler, de tout faire le tri dans comment on se sent et puis de regarder un peu ça va être quoi l’approche. Alors, les centres de services sont vraiment là pour aider tous les membres de l’Équipe de la Défense, les membres militaires et les membres civils à vraiment naviguer ces enjeux complexes là.

(GLG) Intéressant.

Comment peut-on réagir respectueusement à des émotions, sans approuver tacitement des attitudes ou des comportements inappropriés?

(GL) Oui, c’est une excellente question. Je crois que la clé, c’est de remédier aux comportements inappropriés au moment où ils se produisent, et de ne pas les laisser couver. À mon avis, lorsqu’on ne résout pas les problèmes, on donne comme message principal qu’il est correct d’agir ainsi et qu’on accepte les comportements présents. Je pense donc qu’il est vraiment essentiel d’y remédier rapidement, mais en sachant aussi qu’il nous est possible d’avoir une discussion respectueuse et de créer un environnement favorisant la sécurité psychologique pour fournir cette rétroaction, pour tenir ces discussions. Et il faut vraiment comprendre que souvent les gens agissent d’une certaine façon sans que ça n’ait rien à voir avec le milieu de travail. Ils vivent peut-être une situation dans leur vie privée, ou ils ont peut-être eu un différend avec leur partenaire. De nombreuses choses pourraient influer sur leur façon d’agir; c’est pourquoi il faut tenter de déterminer le cœur du problème aussi rapidement que possible. La clé, vraiment, c’est d’empêcher ces comportements inappropriés de se perpétuer, pour maintenir un milieu de travail sain.

(GLG) Mélanie, comment faire pour déterminer le degré d’assertivité respectueuse approprié à adopter devant un comportement inapproprié?

(MM) Ah oui, j’aimerais en profiter pour aborder ce point rapidement. On perçoit souvent, de façon erronée, l’assertivité comme étant une chose effrayante. On évite parfois de dire non à quelqu’un ou d’avouer qu’une chose ne va pas par crainte d’offenser. Cependant, c’est tout à fait essentiel – en particulier pour avoir des milieux de travail sûrs qui favorisent la sécurité psychologique – de pouvoir avoir ces conversations où l’on peut discuter de ce qu’on a convenu, où l’on peut discuter de ce que le respect signifie pour nous, parce qu’il n’y a rien de mal à manifester ses émotions, mais ce ne sont pas tous les comportements découlant d’émotions qui sont appropriés dans le milieu de travail. Il importe donc de pouvoir tenir ces conversations, et c’est là que l’assertivité peut s’avérer un outil utile. L’assertivité n’a pas à être stricte ou ferme. Elle peut être empreinte d’un grand respect, et en faisant preuve d’assertivité respectueuse, on peut établir des relations plus solides et respectueuses dans le milieu de travail. C’est certainement un facteur. Parce que si on se contente toujours d’être conciliant, on ne crée pas des relations de travail solides et professionnelles. Nous devons être capables d’accepter les différences et les émotions d’autrui, nos différentes approches pour aborder les problèmes, et la seule façon d’y parvenir de manière respectueuse, c’est aussi de pouvoir discuter ensemble de nos limites.

(GLG) En effet – et j’aimerais juste ajouter que je pense que Mélanie soulève un très bon point. Il a été dit, je crois, que bien des conflits sont fondés sur la perception. En tout cas, c’est mon expérience personnelle. Il faut donc essayer de comprendre le point de vue de l’autre, comprendre ce qui l’a mené à percevoir une circonstance ou une situation d’une certaine manière, perception qui n’a peut-être rien à voir avec la façon dont vous avez vécu ou perçu cette expérience et qui est fondée sur bien des facteurs différents : l’expérience vécue, l’histoire personnelle, la manière dont on a été élevé – tous ces éléments entrent en ligne de compte dans le milieu de travail. Je pense donc qu’il importe vraiment pour nous d’examiner et de comprendre la perception, et parfois, il s’agit tout simplement de comprendre le point de vue de l’autre personne et la manière dont elle a vécu une situation ou des circonstances particulières pour mieux comprendre, et éliminer, les problèmes présents au lieu de les laisser détériorer en une situation qui aurait pu être évitée.

(GLG) Comment est-ce que tu recommanderais que les gens concluent une telle discussion? Parce que ça peut être un peu malaisant, malcommode, mais j’imagine qu’à la fin, on est tous soulagés et on veut juste partir, retourner au travail. Mais est-ce qu’il y a de bonnes procédures à suivre?

(GL) Oui, absolument. Je trouve que la clé, c’est vraiment d’assurer une compréhension. Une compréhension de ce qui a été discuté, de part et d’autre. Donc, de paraphraser et dire : « Voici comment... » Tu sais, « Voici ce que moi, j’ai compris de notre engagement aujourd’hui. Toi, est-ce que j’ai bien compris comment, toi, t’as vu ça? » Les gens veulent être compris, veulent être... Veulent être vus, veulent être entendus. Alors, je pense que c’est vraiment important de récapituler la conversation, pas juste fermer la porte et courir. Donc, récapituler, d’avoir la discussion et dire : « Voici ce que j’ai entendu aujourd’hui. Est-ce que ça reflète comment est-ce que tu te sens? Est-ce que ça reflète ta perception des choses? » Fait que de vraiment clore la conversation comme ça va assurer que les gens vont se sentir... Va augmenter les chances que les personnes se sentent vues et entendues. Alors, je pense que c’est toujours une bonne pratique. Et peut-être même si vous vous sentez pas confortable dans le moment parce que les émotions sont peut-être un peu plus élevées ou, tu sais, les gens sont inconfortables, c’est correct aussi de faire un petit sommaire par courriel. Dire, tu sais : « Merci. On s’est parlé aujourd’hui. Voici ce que moi, j’ai compris de notre conversation. Est-ce que, toi, c’est comme ça que t’as vu ça? » Fait qu’un ou l’autre, je pense que c’est approprié. Mélanie, je sais pas si t’avais quelque chose à ajouter?

(MM) Oui, absolument. Je suis tout à fait d’accord.

Et c’est correct aussi si, pour une raison ou une autre, la conversation ne se déroule pas bien, si les émotions sont fortes, puisqu’il y a des sujets qui peuvent être très difficiles – ce n’est pas nécessaire de forcer la conversation non plus. Ce n’est peut-être juste pas le bon moment, peut-être que l’autre personne passe une très mauvaise journée, ou c’est peut-être toi qui passe une mauvaise journée, qui sait? Alors, pour mettre fin à la conversation sur une note positive, on peut simplement reconnaître les émotions présentes. Dire que ça ne se passe pas très bien pour nous deux et qu’on pourrait réessayer une autre journée, et laisser ça comme ça. On n’a pas besoin de tout résoudre d’un coup, et puis on peut prévoir un suivi aussi. Mais ce qui est vraiment important, à mon avis, c’est de ne pas essayer de forcer les choses. Chaque conversation est tellement différente et dépend de la situation, pas vrai? Il n’y a donc jamais de solution unique. Il faut s’adapter, rester flexible, et je pense que ce qui est essentiel avec les conversations difficiles, c’est de se préparer. Il faut bien se connaître, connaître ses déclencheurs et y penser d’avance.

(GLG) Merci, Mélanie et Geneviève. Je dirais que nous avons couvert beaucoup de terrain sur un sujet très profond, et vos réflexions en tant qu’expertes en la matière sont vraiment précieuses pour l’Équipe de la Défense et, honnêtement, pour toute personne qui souhaite améliorer ses relations avec les autres au travail, à la maison ou ailleurs. Je me demandais juste si vous aviez peut-être des ressources à recommander à ceux et celles qui aimeraient approfondir leurs compétences en plus de ce qu’ils ont appris en vous écoutant aujourd’hui?

(MM) Il y a un site Web vraiment bien que j’aimerais recommander. Si vous cherchez « Crucial Skills » sur Google, vous pouvez vous abonner à l’infolettre. C’est par les mêmes personnes qui ont écrit l’ouvrage Difficult Conversations. Ils donnent d’excellents conseils et trucs pour gérer toutes sortes de conversations potentiellement difficiles.

(GLG) Excellent, merci Geneviève.

(GL) Encore une fois, j’encourage les gens à consulter les Centres de services de gestion des conflits et des plaintes à travers le Canada pour obtenir une aide individuelle. Côté lecture, je recommande « Difficult Conversations : How to Discuss What Matters Most » par Stone, Patton et Heen. Puis il y a aussi deux livres… incontournables, on pourrait dire : « Getting Past No » et « Getting to Yes », par Fisher et Ury, que je recommande fortement pour acquérir certaines connaissances de base sur comment s’y prendre pour avoir des conversations très difficiles.

(GLG) Nous espérons que cette discussion vous a donné quelques idées pratiques que vous pourriez utiliser au travail pour en faire un lieu plus sain.

Pour les membres de l’Équipe de la Défense, souvenez-vous que Solutions et services en matière de conflits a 16 Centres de services de gestion des conflits et des plaintes à travers le Canada. Merci, thank you, miigwech.

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