Rencontre du cabinet de la C.-B. et des dirigeants des Premières Nations

Discours

Notes d'allocution de

L'honorable Jody Wilson-Raybould, C.P., c.r., députée
Ministre de la Justice et procureur général du Canada
Rencontre du cabinet de la C.-B. et des dirigeants des Premières Nations

Bâtiment de l'Ouest du Centre des congrès de Vancouver
Vancouver (C.-B.) : le 7 septembre 2016
De 10 h 05 à 10 h 25

Priorité au discours prononcé

Gilakas'la. Bonjour, aînés, chefs, monsieur le ministre Garneau, madame la première ministre Clark, membres du cabinet de la Colombie-Britannique, et mesdames et messieurs.

J'aimerais souligner la présence du peuple des Salish de la côte - les nations Musqueam, Tsleil-Waututh et Squamish - qui nous accueille sur ses terres ancestrales.

Je suis ravie de me trouver ici à la demande du premier ministre et de vous transmettre les salutations du gouvernement du Canada.

Tout d'abord, il va sans dire que ce type de rassemblement politique représente une occasion importante pour les dirigeants de se rencontrer en personne, de régler des problèmes urgents et d'établir des partenariats. Il représente également une occasion importante où les dirigeants peuvent réfléchir, se demander mutuellement des comptes et, ainsi, donner l'heure juste.

Je célébrerai bientôt le premier anniversaire de mon élection à titre de députée de Vancouver Granville. Je n'ai pas participé à cette rencontre l'an dernier étant donné que nous étions en pleine campagne électorale.

Cependant, j'ai eu le plaisir de prononcer un discours à la première de ces rencontres, il y a deux ans, à titre de chef régionale, immédiatement après la décision dans l'affaire Tsilhqot'in. À cette époque, les dirigeants des Premières Nations de la Colombie Britannique ont partagé une vision, exprimée dans les quatre principes, qui avait été élaborée par consensus en préparation à la première réunion et qui visait la transition vers un nouveau modèle de relations fondées sur la reconnaissance, le respect et la réconciliation des titres et droits autochtones, y compris les droits issus de traités.

Les quatre principes devaient former la base d'un nouveau cadre pour la progression des partenariats, du dialogue, des négociations et des relations entre les gouvernements et les nations autochtones en Colombie-Britannique, un cadre qui s'éloignerait d'une approche contradictoire et conflictuelle pour épouser l'innovation, la collaboration, l'édification de nouvelles capacités et l'intégration de nouvelles responsabilités pour les peuples autochtones.

C'est avec plaisir que j'ai appris ce matin les efforts en cours dans le cadre du document d'engagement. Nous pouvons certainement en faire plus, et le gouvernement fédéral a aussi un rôle à jouer.

L'approche et les objectifs des quatre principes correspondent au message que j'ai transmis comme ministre de la Justice et procureur général du Canada, et les engagements pris par le premier ministre Trudeau et par notre gouvernement en tiennent compte.

Notre gouvernement a montré beaucoup d'ouverture. Nous voulons établir une nouvelle relation avec les peuples autochtones au Canada, une relation fondée sur des principes et la reconnaissance, et pour y parvenir, nous devrons renouveler notre relation de nation à nation, en la basant sur la reconnaissance des droits, le respect, la coopération et le partenariat.

Pour avancer sur le chemin menant à la réconciliation, il faut établir de saines relations entre les peuples autochtones et la Couronne, des relations qui ne sont plus axées sur la lutte concernant « qui fait partie d'un peuple autochtone » ou « si les titres ou droits autochtones existent », mais plutôt sur la reconnaissance et la mise en œuvre de ces droits de manière collaborative.

Le fait d'emprunter ce chemin ensemble représente un défi pour nous tous, tant pour les gouvernements fédéral et provinciaux que pour les peuples autochtones. Nous ne pouvons plus maintenir le statu quo, et il ne s'agit pas seulement d'une question politique. Nous devons donc aller au-delà de nos manières habituelles de penser, d'agir et de communiquer.

Et ce n'est jamais facile, mais c'est absolument essentiel. Cela signifie qu'il faut déconstruire la réalité coloniale dans chacune des collectivités. Cela signifie comprendre la nature transformatrice des exigences concrètes découlant de la reconnaissance. Cela signifie d'éviter de poursuivre des batailles déjà gagnées - ou de réinventer la roue dans les domaines où on assiste à des progrès. Cela signifie qu'il faut MISER SUR NOS RÉUSSITES. Mais surtout, cela signifie que nous devons nous unir pour reconstruire les nations brisées et fragmentées et établir des institutions pour les soutenir.

L'expérience et l'histoire nous montrent qu'après la reconnaissance et la reconstruction d'une nation, il existe une corrélation directe entre la prospérité économique et les collectivités saines. Les efforts visant à stimuler le développement économique et à créer des emplois au sein des collectivités autochtones sans tenir compte des problèmes de relation et en essayant de passer outre l'étape essentielle du travail de réconciliation sur le terrain mènent rarement aux résultats escomptés par le gouvernement. Il n'y a pas de raccourci pour trouver les causes profondes de la pauvreté autochtone.

D'ailleurs, nous ne sommes pas seuls à faire ces efforts à l'échelle internationale.

Je suis rentrée hier soir d'une visite officielle en Nouvelle-Zélande. Tout au long de la visite, j'ai été impressionnée par le processus de règlement de questions en suspens en matière de traités par les Maoris et le gouvernement de la Nouvelle-Zélande et par la façon dont le gouvernement néo-zélandais intègre les perspectives maories dans les politiques publiques et dans la gouvernance.

Comme le Canada, ces dernières années, la Nouvelle-Zélande tient un débat national pour redéfinir la relation entre la Couronne et les Maoris. Pendant des visites de collectivités Tuhoe et Ngai Tahu, j'ai pu constater en personne comment la transformation s'est traduite à l'échelle des iwi (des tribus).

Je pense qu'il serait juste de dire que les parties ont fondé leur réussite non pas sur l'idéologie, mais plutôt sur l'élaboration d'un cadre durable. Ils croient manifestement à l'approche par essais et erreurs pour déterminer leur relation avec la Couronne. Ils croient que les accords ne sont pas « complets et définitifs », mais qu'ils nécessitent des modifications et des dialogues continus. Ils n'essaient pas de prévoir toutes les éventualités ou une finalité. Je pense que nous pouvons tirer des leçons d'une telle approche.

J'ai été particulièrement inspirée par une conversation que notre délégation a eue avec une chef communautaire maorie à la suite de sa réponse à une question sur la mise en œuvre de la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones. Essentiellement, elle a dit à notre délégation qu'elle pense que les droits ne représentent rien si l'on n'a pas la volonté ou le pouvoir de les respecter - de « se lever le matin », comme elle a dit. Elle affirme que le DDPA et les lois portant sur les règlements ne sont que des mots, des mots qui se trouvent ailleurs. Elle a préféré parler de souvenirs porteurs de fierté. Elle a parlé d'une vision commune pour un avenir meilleur, d'une vision que tous peuvent partager.

Je sais qu'elle ne rejetait pas l'importance des lois et des déclarations internationales. Après tout, l'établissement de sa collectivité découle d'une loi de l'État. Elle disait plutôt que les lois ne représentent rien de concret pour les gens ordinaires si elles ne restent que des mots écrits par quelqu'un d'autre.

Et elle a raison.

Ainsi, malgré la grande fierté que j'ai éprouvée en mai pendant une visite à New York pour parler à l'instance permanente des Nations Unies, en compagnie de ma collègue Carolyn Bennett, où le Canada a approuvé la DDPA sans réserve, je sais que les mots seuls ne changeront pas la réalité des peuples autochtones.

Notre défi collectif consiste maintenant à mettre en œuvre la DDPA et à nous approprier ces mots, à les traduire en gestes et à offrir des avantages concrets sur le terrain, dans les collectivités.

Bien entendu, il faudra modifier des lois et s'entendre sur de nouvelles formes d'accords, de nouvelles structures, de nouveaux processus et de nouvelles approches à la prise de décisions. Et sur de nouveaux mécanismes. Mais avant tout, il faudra adopter une nouvelle attitude et se libérer du passé pour aspirer à un avenir meilleur ensemble. Il faudra essayer de nouvelles idées. Il faudra se faire confiance. Comment allons-nous emprunter ce chemin ensemble? Il faudra que tous les ordres de gouvernement agissent. Mais il faudra aussi que les dirigeants autochtones agissent. Le travail que nous faisons ici aujourd'hui nous fait avancer sur ce chemin.

En allant de l'avant, l'adoption d'une approche fondée sur des principes à l'égard d'une relation de nation à nation axée sur la reconnaissance soulève des questions fondamentales auxquelles il faut répondre afin de procéder. Ce sont des questions que j'ai posées à l'Assemblée générale annuelle de l'APN à Niagara Falls plus tôt cet été.

Tout d'abord, on peut poser la question : « Quelles sont les Nations autochtones qui doivent être reconnues? »

C'est-à-dire, « Comment vous définirez-vous en tant que Nations? » « Quelles sont les structures qui vous permettront d'offrir des programmes et des services? » Et puis, « Quelle sera votre relation avec le Canada, la province, vos voisins et avec d'autres nations autochtones? » « Quels moyens adopterez-vous pour aplanir les différences entre vous? »

Pour répondre à ces questions, je pense que nous pouvons convenir que la Loi sur les Indiens imposée par le gouvernement fédéral n'est pas la réponse, même si elle doit nécessairement être, en raison de l'héritage colonial, un point de départ pour les conversations dans les collectivités. En effet, le système de la Loi sur les Indiens est actuellement, dans la plupart des cas, le système d'administration principal en place, en dépit du fait qu'il a été imposé par le gouvernement fédéral et qu'il est fondamentalement incompatible avec la DDPA.

La vérité, dure et parfois douloureuse, c'est que beaucoup de nos réalités actuelles ne correspondent pas aux normes de la DDPA et qu'il faut donc les déconstruire de manière systématique et cohérente.

Nous devons alors nous demander, comment les bandes crées par la Loi sur les Indiens en Colombie-Britannique veulent-elles passer à de nouveaux modèles d'autonomie, sortir du cadre de la Loi sur les Indiens et adopter des modèles fondés sur la définition de nation? Quelles sont les mesures concrètes qu'il faut prendre pour arriver à cette fin?

Il est essentiel, surtout dans ce contexte, que nous constations tous, peu importe notre rôle, que la mise en œuvre de la DDPA demande un engagement réfléchi et solide.

Nous avons vu d'autres pays adopter des instruments internationaux sur les droits de la personne mais échouer à les traduire en un changement réel pour leurs citoyens. Nous ne pouvons pas laisser cette situation se produire au Canada.

Ainsi, en ce qui concerne la DDPA, il est important de comprendre pourquoi on ne peut pas simplement l'intégrer mot à mot dans la législation canadienne.

Tout d'abord, la Déclaration elle-même prévoit une mise en œuvre sous différentes formes par le truchement de différents instruments.

Deuxièmement, le gouvernement fédéral n'a tout simplement pas la compétence pour répondre unilatéralement à toutes les normes minimales et les principes énoncés dans la Déclaration. De nombreuses questions bénéficieront d'une approche nationale où les gouvernements fédéral, provinciaux, territoriaux et autochtones ont chacun un rôle à jouer. D'autres dispositions ciblent directement l'Organisation des Nations Unies et d'autres organismes internationaux.

Troisièmement, et en vérité, toutes les parties prenant part à la mise en œuvre ont besoin de temps pour élaborer des approches pratiques et efficaces à des questions comme le consentement libre, préalable et éclairé, notamment en matière d'exploitation des ressources ou de questions comme celles sur les détenteurs de titres légitimes.

Je répète, ces approches pourraient mener à des changements législatifs ou à l'élaboration de nouvelles politiques en fonction de l'élément de la Déclaration qui nous intéresse. Toutes les parties doivent participer à la définition des mécanismes les plus appropriés et efficaces.

Et pour assurer cette participation, les nations autochtones doivent être organisées et habilitées à contribuer à ces discussions. Plus précisément, elles doivent pouvoir participer à l'élaboration d'approches conformes à leurs propres aspirations et besoins en tant que nations.

Quatrièmement et finalement, le point le plus important à mon avis, la mise en œuvre de la Déclaration doit tenir compte de notre contexte constitutionnel et juridique particulier au Canada. Il faut notamment tenir compte de notre système fédéral et de notre constitution, surtout de l'article 35 de la Loi constitutionnelle et de la Charte des droits et libertés. Par conséquent, il faudra déterminer quelles lois, politiques et pratiques doivent être modifiées pour mettre pleinement en vigueur l'article 35 et la Déclaration de l'ONU.

De plus, en tant que société, la façon dont nous choisissons d'équilibrer les divers droits et intérêts qui sont protégés par notre constitution, énoncés dans la Charte des droits ou exprimés dans la Déclaration des Nations Unies est aussi une décision que nous devons prendre ensemble.

Et, même sans passer en revue tous les articles de la Déclaration, nous pouvons penser à la clarification importante qu'a apportée la combinaison de l'article 35 et la common law canadienne à notre compréhension des titres et des droits autochtones dans le contexte canadien.

Je ne nous vois pas simplement écarter les orientations importantes données par nos tribunaux, par exemple la décision Tsilhqot'in, et recommencer à zéro en nous fondant sur les articles de la Déclaration.

Les mesures que nous prenons pour mettre en œuvre la Déclaration des Nations Unies doivent être guidées par les progrès importants qui ont été faits dans le cadre de l'article 35 de la Constitution.

La reconnaissance des droits autochtones ancestraux et issus de traités prévus à cet article représente un tournant dans notre histoire. Un tournant dont nous pouvons vraiment être fiers.

Il s'agit d'une promesse aux peuples autochtones que leur présence au Canada et leurs droits ne seraient plus niés, que l'assimilation et la marginalisation sont des reliques coloniales du passé et que tous les Canadiens sont prêts à travailler ensemble pour bâtir un Canada meilleur.

Notre principale tâche aujourd'hui consiste à remplir la promesse constitutionnelle faite en 1982 au moyen de solutions pratiques.

Pour sa part, le gouvernement fédéral est responsable d'examiner les lois, les politiques et les pratiques pour veiller à ce que nous respections la promesse constitutionnelle non tenue découlant de l'article 35 et la relation de respect mutuel que les tribunaux nous appellent judicieusement à entretenir. Ce travail est en cours. Par exemple, on s'emploie à s'éloigner activement des modèles de gouvernance et d'administration imposés par le gouvernement fédéral et à passer à des modèles et des relations financières axées sur le contrôle et la prestation autochtones.

En ce qui concerne la part des dirigeants autochtones dans cette salle, vous êtes bien entendu responsables de chercher la meilleure façon de vous organiser pour jouer votre rôle à titre de partenaire de la Confédération et de faire reconnaître vos nations et vos institutions gouvernementales légitimes. Notre gouvernement a besoin de vos réponses aux questions que j'ai posées plus tôt.

Quant à la Couronne, à l'échelon provincial et fédéral, elle doit soutenir la reconstruction des nations et veiller à ce que les nations autochtones disposent des outils dont elles ont besoin.

Au cours de cette transition, le gouvernement du Canada est déterminé à travailler en partenariat complet avec les nations qui cherchent à se reconstruire. Nous reconnaissons en même temps le rôle continu du gouvernement et la nécessité de veiller à ce que les collectivités continuent de recevoir les programmes et les services nécessaires jusqu'à ce qu'elles puissent reprendre le contrôle ou selon des modalités de rechange convenues - de sorte qu'aucune collectivité ne soit délaissée. Il va sans dire que la transition n'a pas été facile et que les étapes futures ne le seront pas non plus.

Cependant, ici, en Colombie-Britannique, nous commençons à voir comment l'autodétermination peut se traduire en réussite sociale et économique.

Et il n'est pas question de faire marche arrière alors que nous travaillons ensemble à tracer une voie claire et prévisible pour que les peuples autochtones puissent faire partie d'une véritable relation de nation à nation.

Évidemment, de difficiles décisions devront être prises avant la mise en œuvre complète de la relation de nation à nation.

Mon rôle en tant que ministre de la Justice est d'aider à élaborer le cadre de réconciliation conformément à notre constitution. Au cours de la dernière année, la Couronne fédérale a invité et incité les peuples autochtones à présenter leurs idées et leurs modèles sur la manière d'opérer les changements nécessaires pour établir cette nouvelle ère de relations de nation à nation - y compris le travail qui devrait être soutenu pour les aider à renforcer leur capacité d'assumer et d'exercer plus de pouvoirs d'autonomie gouvernementale et de responsabilités juridictionnelles.

Pour terminer, permettez-moi de dire ceci : opérer ce changement positif dans la relation entre le Canada et les peuples autochtones est le seul moyen de parvenir à une réconciliation véritable.

Alors, j'invite les dirigeants autochtones dans cette salle et je leur lance le défi de continuer à mettre collectivement de l'avant des idées de fond sur leur vision d'un nouveau cadre de relations fondé sur les quatre principes.

Et je lance à toutes les parties le défi d'adopter une approche à la réconciliation fondée sur des principes. Voici l'engagement de notre gouvernement, et nous continuerons à faire le travail nécessaire pour mettre de l'ordre dans nos affaires et pour être une force progressiste pour un changement de fond.

Relever ces défis sera bon pour les peuples autochtones et pour l'ensemble du Canada - pour notre avenir collectif et pour la vigueur de notre économie.

Alors, mon message à nous tous est celui-ci : nous devons agir d'une manière qui démontre la sincérité de nos paroles. Et nous devons prendre des risques calculés. Je mets tout le monde au défi de travailler ensemble pour passer à une nouvelle ère de relations entre la Couronne et les Autochtones.

Je suis persuadée que nous pourrons relever ce défi et j'y associe ce que certains appellent l'âge de la reconnaissance.

Gilakas'la. Merci.


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