17 août 2006
Yellowknife (Territoires du Nord-Ouest)
LE DISCOURS PRONONCÉ FAIT FOI
Merci beaucoup et merci de cet accueil chaleureux de Yellowknife.
Et merci, Monsieur Handley, de votre généreuse introduction.
Yellowknife marque la dernière étape de ma visite dans le Nord canadien en tant que Premier ministre.
J’ai fait des milliers de kilomètres, traversé trois fuseaux horaires et visité une plus grande partie de notre merveilleux pays que bien des Canadiennes et des Canadiens le feront au cours de leur vie.
J’ai été à Whitehorse, dans le Yukon, qui a été établie depuis des générations; à Iqaluit, une nouvelle capitale au Canada; à Jericho, la dernière mine de diamant; et à Alert, au-delà de laquelle il n’y a plus de vie humaine.
Et je termine mon voyage de retour à Yellowknife, ville florissante – dont l’avenir brillant peut être un modèle pour tout le Nord.
Au cours des dernières années, la ville a enregistré quelques-uns des taux de croissance économique et d’emploi les plus élevés de tout le Canada.
Manifestement, les mines Diavik et Ekati ont grandement contribué à votre succès, mais il ne faut pas oublier l’exploration pétrolière et gazière, la recherche d’autres minéraux solides, la taille et le polissage de diamants et la récente explosion du tourisme axé sur les aurores boréales.
Vous avez une population jeune et de plus en plus instruite. Vous disposez de nouvelles mines à différentes étapes de leur conception et de leur développement.
Vous avez, en outre, réglé la plupart des revendications territoriales en suspens dans votre territoire.
Yellowknife et les Territoires du Nord-Ouest sont donc prêts à mener le Nord vers une nouvelle ère.
Une ère de croissance économique rapide, de conditions sociales améliorées et d’autonomie croissante face à Ottawa.
Cette visite a été le point fort de mon été.
Elle m’a permis de voir certains des endroits et de rencontrer certaines des personnes qui représentent l’avenir du Nord.
Elle m’a aussi permis d’attirer vers le Nord l’attention des Canadiennes et des Canadiens qui habitent le sud du pays.
De les amener à songer à l’importance pour nous tous du développement économique et social du Nord et de la souveraineté dans l’Arctique.
L’idée que la plupart des gens du Sud se font du Grand Nord tient plus du roman que de l’expérience pratique.
Enfants, nous avons tous été bercés par les récits fabuleux d’explorateurs de l’Arctique comme Hudson, Franklin, Frobisher et Amundsen,
Et par les histoires fantastiques que nous ont racontées des écrivains comme Pierre Berton, Farley Mowat, Jack London et Robert Service.
Nous avons perçu le Nord à travers les peintures de Lawren Harris et Frederick Varley et à travers les sculptures inuites.
Tout cela – et le dur climat auquel l’ensemble des Canadiennes et des Canadiens doit faire face une partie de l’année - a contribué à bien enraciner le Nord dans l’âme canadienne.
Nous vivons dans un pays nordique et nous nous percevons comme des gens du Nord.
Mais il s’agit surtout d’une vision du Nord tel qu’il était et non tel qu’il est ou tel qu’il pourrait être.
Il est temps de songer à un nouveau Nord, un Nord fort, prospère et affranchi des politiques gouvernementales paternalistes du passé.
Voilà la raison de ma présence ici aujourd’hui.
Je suis venu écouter.
Je suis venu apprendre.
Je suis venu entamer un dialogue avec les dirigeants communautaires désireux de bâtir le nouveau Nord.
Et je suis venu défendre votre cause à Ottawa et partout au Canada.
Par le passé, le Nord – et surtout son peuple autochtone - a manqué nombre de bonnes occasions.
Mais je ne suis pas devenu Premier ministre pour revenir sur le passé.
Je veux que notre nation se tourne vers l’avenir.
Car je crois que maintenant, c’est enfin le tour du Nord.
Ses ressources n’ont jamais été plus en demande.
Les prix des produits du Nord n’ont jamais été aussi élevés.
Et les gens du Nord n’ont jamais été aussi unis dans leur désir de trouver de vrais emplois et de réaliser de vrais progrès du point de vue économique.
Ils veulent exploiter le potentiel extraordinaire de leur région.
Ils veulent jouir des mêmes possibilités que les autres Canadiennes et Canadiens.
Ils veulent avoir des chances égales d’avancement.
Ils veulent de bons emplois et des rues sûres.
Un environnement propre et sain.
Et des vies meilleures pour leurs collectivités et leurs familles.
Vous avez la chance d’avoir une nouvelle génération de dirigeants communautaires qui reconnaissent qu’il est grand temps de faire des changements et que le Nord doit saisir cette chance.
Ils comprennent que le développement économique et le développement social vont de pair.
Et que la croissance n’est pas incompatible avec la préservation des traditions culturelles et la protection de l’environnement.
Le nouveau gouvernement du Canada le comprend aussi.
Et nous travaillons de concert avec les gens du Nord pour atteindre ces objectifs.
Nous utilisons nos Forces armées, dont les Rangers canadiens, pour affirmer la souveraineté du Canada dans l’Arctique et pour préserver la force et la liberté du Grand Nord.
Nous collaborons avec nos partenaires territoriaux afin de développer les vastes ressources naturelles de la région en vue de créer des emplois et de favoriser la prospérité au profit des gens du Nord et de l’ensemble des Canadiennes et des Canadiens.
Nous travaillons aussi de concert avec les collectivités du Nord pour rehausser le niveau de vie de façon à ce que tout le monde ait accès à de bonnes écoles, à des logements adéquats et à des soins de santé de qualité.
Commençons d’abord par parler de souveraineté.
En décembre dernier, j’ai promis d’affirmer la compétence du Canada sur les îles, les cours d’eau et les ressources de l’Extrême-Arctique.
Mais il faut plus que des belles paroles pour défendre la souveraineté.
Il faut une présence canadienne sur le terrain, dans les airs et en mer ainsi qu’un gouvernement reconnu à l’échelle internationale pour respecter ses engagements.
C’est ce genre de gouvernement que j’entends diriger.
Nous avons promis de sécuriser notre frontière septentrionale.
C’est d’ailleurs exactement ce que nous avons l’intention de faire.
Et comme je l’ai déjà dit, la frontière s’étend de l’extrême nord du Labrador et remonte la côte est de l’île d’Ellesmere jusqu’à Alert, jusqu’au périmètre de l’archipel arctique, la mer de Beaufort et la frontière avec l’Alaska.
Et comme je le dis à tout le monde, y compris à nos amis américains, notre souveraineté s’étend, comme pour l’Atlantique et le Pacifique, à 200 milles dans les eaux de l’océan Arctique.
Ni plus, ni moins.
Notre gouvernement a déjà commencé à confirmer ses paroles par des actes.
Pour la première fois, nous avons effectué ce mois-ci des vols de surveillance de la pollution dans nos eaux arctiques.
Ce mois-ci également, nous avons mené des exercices militaires dans l’Ouest et l’Est de l’Arctique dans des zones septentrionales que n’avait pas patrouillées la marine canadienne depuis des décennies.
Et nous avons tenus nos engagements, à savoir :
De construire un port en eau profonde dans l’Arctique qui permettra à la Marine de couvrir encore plus de territoire.
D’étendre la présence de l’armée dans le Nord en créant un nouveau centre d’entraînement arctique et en revitalisant les Rangers canadiens.
De procéder à une surveillance aérienne permanente dans tout l’Arctique.
Et de nous doter d’une capacité de surveillance sous-marine afin de détecter les sous-marins et les navires qui pénètrent dans nos eaux arctiques.
Bref, le nouveau gouvernement du Canada comprend le premier principe de la souveraineté dans l’Arctique : faire valoir cette souveraineté ou la perdre. Et nous n’avons pas l’intention de la perdre.
Il revient à Ottawa de protéger la souveraineté du Canada.
J’aimerais maintenant parler de la façon dont Ottawa et les territoires peuvent travailler ensemble à libérer le trésor de ressources qui se trouve dans le Nord.
Et de la façon d’utiliser ce trésor comme tremplin afin de créer une économie diversifiée et dynamique dans cette région.
Il y a 30 ans, nombre de gens du Nord étaient d’accord avec le juge Thomas Berger.
Il a conclu dans sa fameuse enquête sur le gazoduc de la vallée du Mackenzie que le Nord n’était pas prêt pour le développement à grande échelle.
On ne disposait ni des compétences, ni de l’infrastructure. Les revendications territoriales n’étaient pas réglées et les protections environnementales n’étaient pas encore en place.
Et, en rétrospective, on n’était pas prêt, d’un point de vue économique, pour des méga-projets énergétiques comme le gazoduc du Mackenzie.
C’était l’époque. Mais les temps ont changé.
Les prix augmentent. Il en va de même pour la demande.
On estime que le Canada dispose de réserves potentielles de pétrole pour cent ans, mais seulement de réserves assurées pour huit ans.
Nous avons besoin d’accroître la production et la livrabilité.
Et la grande majorité des gens du Nord est plus que prête à concrétiser ce projet.
Ils reconnaissent que le gazoduc de la vallée du Mackenzie a le potentiel de transformer le Nord en ce que certains qualifient « de prochaine Alberta ».
Où les emplois sont nombreux.
Où vos entrepreneurs peuvent créer de nouvelles entreprises qui servent la région et bien au-delà.
Où vos gouvernements peuvent réaliser une indépendance financière encore plus grande.
Et où le développement des ressources peut engendrer la création d’une économie plus vaste et plus solide axée sur le tourisme, la fabrication locale, la production d’artisanat et la science et la technologie du Nord.
De façon à ce que les familles et les collectivités puissent grandir et prospérer à long terme et non seulement le temps que durera une mine ou un champ pétrolier.
Mais soyons clairs : le projet de gazoduc de la vallée du Mackenzie est loin d’être chose faite.
Il est menacé par la concurrence que lui oppose le projet de gazoduc de l’Alaska.
Par les coûts exorbitants de la main d’œuvre et des matériaux.
Par l’émergence de gaz naturel liquide importé comme alternative viable au gaz de l’Arctique pour le marché nord-américain.
Et par ceux qui se concentrent tellement sur leurs propres questions et préoccupations qu’ils risquent de saborder une occasion historique pour l’ensemble du Nord de progresser.
Bref, il s’agit pour le Nord d’une occasion qui passe tous les mille ans, mais aussi d’une occasion pour laquelle les gens du Nord doivent être prêts à se battre.
Mesdames et Messieurs, je vois le gazoduc comme un symbole.
Si le projet est mené à bien, il signalera aux investisseurs du monde entier que le Nord canadien est enfin arrivé à maturité. Il signalera en particulier que les Territoires du Nord-Ouest sont enfin arrivés à maturité.
Au cours d’une allocution que j’ai prononcée à Londres le mois dernier, j’ai décrit le Canada comme une superpuissance énergétique émergente.
Une partie de cette énergie se trouve dans le delta du Mackenzie, mais il en reste encore beaucoup plus à découvrir dans l’Arctique de l’Est et l’Extrême-Arctique.
J’ai aussi parlé aux investisseurs britanniques de nos autres atouts énergétiques, par exemple l’uranium et l’énergie hydroélectrique,
ainsi que de notre industrie naissante du diamant de même que l’or, l’argent, le nickel et les autres métaux précieux incrustés dans le Bouclier canadien.
Dans un monde changeant et imprévisible, les investisseurs cherchent des producteurs stables et fiables de ces produits.
Des endroits où les politiques gouvernementales sont fondées sur les principes du libre marché, non sur des stratégies politiques égocentriques.
Afin que le Canada soit en mesure de recueillir du capital d’investissements international, ces principes doivent être respectés par les gouvernements national, provinciaux et territoriaux ainsi que par les administrations municipales
pour que les gens du Nord et l’ensemble des Canadiennes et des Canadiens puissent profiter des emplois, de la prospérité et des progrès qui découlent du développement des ressources.
Mesdames et Messieurs, le groupe d’examen conjoint du projet de gazoduc de la vallée du Mackenzie a annoncé le mois dernier qu’il avait besoin de cinq mois supplémentaires pour entendre le point de vue de tous ceux qui veulent faire valoir leur opinion.
Qu’il en soit ainsi. Après 30 ans, je suppose que le projet peut attendre encore cinq mois.
Le processus réglementaire doit être respecté.
Mais nous devrions profiter de l’occasion pour nous poser des questions difficiles.
Pourquoi, par exemple, faut-il tant de temps pour faire approuver des projets d’exploitation des ressources dans le Nord?
On me dit qu’il faut environ trois ans pour faire approuver une mine au Nunavut comparativement à environ neuf mois au Québec.
Nous devons aussi nous demander pourquoi, 30 ans après qu’il ait été proposé, nous ne savons toujours pas quand le projet de gazoduc de la vallée du Mackenzie sera approuvé et même s’il le sera.
La réponse à ces questions se trouve, en partie, à Ottawa.
Pendant des années, Ottawa a pris autant de mesures pour nuire au développement du Nord que pour le faciliter.
Et lorsqu’il a permis des développements, Ottawa a ramassé presque toutes les recettes.
C’est pourquoi le nouveau gouvernement du Canada a toujours dit que le transfert des responsabilités et le partage des recettes de l’exploitation des ressources vont de pair.
Si Ottawa est prêt à donner aux territoires plus de responsabilités et plus de contrôle sur leurs destinées,
les territoires auront, de toute évidence, besoin de plus de revenus pour honorer leurs nouvelles obligations.
Cela est conforme à notre nouvelle approche du fédéralisme fiscal.
Dans notre premier budget, nous avons promis de rétablir l’équilibre fiscal au Canada,
de nous concentrer sur nos responsabilités fédérales et laisser les gouvernements provinciaux, territoriaux et municipaux gérer leurs compétences.
Tout cela afin de mettre un terme aux excédents budgétaires gigantesques qu’Ottawa a amassés année après année,
et afin de faire en sorte qu’ils disposent des ressources dont ils ont besoin pour respecter leurs obligations.
Les membres de mon gouvernement veulent vous aider à atteindre cet objectif.
Nous sommes résolus à renouveler et à renforcer la formule de financement des territoires et la péréquation.
Et une nouvelle entente sur le partage des recettes de l’exploitation des ressources ne peut être dissociée de ces négociations.
Mais laissez-moi vous rappeler une fois de plus que
rien de tout cela ne se produira à moins que le Nord ne bâtisse une économie de marché ouverte et concurrentielle dans laquelle l’industrie des ressources peut être florissante.
Rien de cela ne se produira à moins que ne se réalisent des projets tels que le gazoduc de la vallée du Mackenzie parce que, sans eux, aucun paiement de transfert ne donnera au Nord l’avenir qu’il mérite.
Bien entendu, le Nord ne se limite pas à ses ressources naturelles.
En fait, sa plus grande ressource est sa population.
Au cours de ma visite au nord du 60e parallèle, j’ai vu autant, sinon plus, de diversité que dans les métropoles du sud du Canada.
Les Dénés, les Inuits, les Anglais, les Inuvialuits, les Français, les Métis et nombre d’autres groupes ethniques sont représentés dans les collectivités dispersées le long de la frontière septentrionale du Canada.
Nous sommes tous, d’abord et avant tout, canadiens, mais le génie de notre pays fait en sorte que nous réussissons à trouver des moyens de vivre et de travailler ensemble tout en gardant nos langues, nos façons de vivre, nos croyances et nos traditions ancestrales.
Nous sommes vraiment choyés de vivre dans un pays comme le nôtre. Notre diversité est notre richesse.
Mais comme dans toutes les nations, nous avons un certain bagage historique.
Et dans l’histoire canadienne, ce sont les peuples autochtones qui ont le plus souffert.
Les membres de mon gouvernement le reconnaissent. Il en va de même pour la grande majorité des Canadiennes et des Canadiens.
Et la seule solution est de travailler ensemble vers un avenir meilleur.
Nous souhaitons sincèrement trouver des solutions pratiques aux problèmes qui affligent les collectivités autochtones.
Afin de faire en sorte que les Premières Nations canadiennes soient des partenaires à part entière dans notre économie et notre société globales
tout en conservant la sagesse des anciennes cultures autochtones qui rehaussent tant la culture canadienne contemporaine.
Les défis sont nombreux, mais nous avons déjà commencé à y faire face.
Nous avons promis de consacrer 300 millions de dollars au logement abordable dans le Nord, montant dont la majorité profitera aux peuples autochtones.
Nous avons entrepris des réformes du système de justice pénale qui traiteront des graves problèmes que connaissent les collectivités du Nord.
Nous prenons des mesures pour assainir les sites industriels contaminés dans le Nord, dont la mine Giant ici à Yellowknife.
Et nous travaillons avec tous les intervenants au développement des ressources du Nord afin de faire en sorte que les peuples autochtones soient des partenaires à part entière et des bénéficiaires égaux de l’avenir du nouveau Nord.
Mesdames et Messieurs, j’aimerais vous laisser sur un extrait de l’hymne canadien non officiel de Stan Rogers – le passage du Nord-Ouest.
Je crois que cette grande chanson capture l’esprit de la vision de notre gouvernement pour le Nord.
Ne vous inquiétez pas, je n’essaierai pas de chanter comme Stan. Je vais me contenter de le citer. Il évoquait une image obsédante lorsqu’il chantait :
« La main de Franklin … traçant une chaude ligne sur une terre aussi sauvage… à travers le passage du Nord-Ouest jusqu’à la mer (de Beaufort). »
La « chaude ligne » que nous tracerons de part et d’autre du Nord est la frontière incontestable du territoire souverain du Canada.
Alors les autres nations sauront clairement où commence et où se termine notre souveraineté dans l’Arctique et quelles sont les ressources et les voies maritimes que nous revendiquons.
Mais notre vision consiste aussi à réaliser l’immense promesse du Nord.
Réaliser aujourd’hui le potentiel de progrès et de prospérité que les anciens explorateurs ne pouvaient qu’imaginer.
Nous nous réjouissons à l’avance du jour où la souveraineté du Canada dans le Nord sera reconnue et respectée par toutes les nations du monde.
Un jour où l’économie du Nord bourdonnera d’activité et attirera de nouvelles personnes de tout le Canada et du monde entier.
Et un jour où toutes les collectivités du Nord jouiront de la même qualité de vie et des mêmes possibilités économiques que les collectivités du sud.
Si je me fie à ce que j’ai vu et entendu dans le Nord ces derniers jours, je crois que ce jour est plus près que jamais auparavant.
Je vous remercie de votre accueil et de votre attention.
Merci et que Dieu bénisse le Canada – et le Grand Nord libre et fort.