Déclaration de l'Ambassadeur John McNeeReprésentant permanent du Canada auprès des Nations Unies à la 61e session de l'Assemblée généralesur la déclaration des droits des peuples autochtonesNew York, le 13 septembre 2007
Madame la Présidente, Il y a longtemps que le Canada agit en accord avec son engagement visant à faire valoir activement les droits autochtones sur son territoire national comme dans le reste du monde. Nous savons que la situation des peuples autochtones dans le monde justifie une action internationale concrète et concertée. Nous avons apporté un vif soutien à la mise sur pied et aux travaux de l’Instance permanente sur les questions autochtones et à la création du poste de Rapporteur spécial des Nations Unies sur la situation des droits de l'homme et des libertés fondamentales des populations autochtones. Nous avons supporté l’examen des questions autochtones dans le cadre de diverses conférences internationales. Le Canada met en œuvre un programme de développement international constructif et ambitieux qui vise précisément à améliorer la situation des populations autochtones dans de nombreuses régions du globe. Le Canada continue d’avancer sur cette question sur son territoire, dans le cadre des garanties constitutionnelles qui protègent les droits des peuples autochtones et les droits issus de traités, et dans le cadre des accords d’autonomie gouvernementale et de revendications territoriales négociés avec plusieurs groupes autochtones du pays. Par ailleurs, le Canada a l’intention de poursuivre son engagement à l’échelle internationale, dans un cadre multilatéral et bilatéral. C’est donc avec une grande déception que nous devons voter contre l’adoption de cette déclaration telle qu’elle a été rédigée.Depuis 1985, année où Groupe de travail des Nations Unies sur les populations autochtones a décidé de publier une déclaration sur les droits autochtones, le Canada participe activement à sa rédaction. Le Canada propose depuis longtemps que soit rédigé un texte fort et efficace qui garantisse la promotion et la protection des droits individuels et des libertés fondamentales de toute personne autochtone sans discrimination, et qui reconnaisse les droits collectifs des peuples autochtones du monde entier. Durant de longues années, nous avons cherché, aux côtés d’autres partenaires, à produire un document ambitieux qui défende les droits autochtones et invite à passer d’harmonieux arrangements entre les peuples autochtones et les États dans lesquels ils vivent.Cependant, le texte présenté au Conseil des droits de l’homme en juin 2006 ne rencontrait pas ces attentes et ne répondait pas aux principaux points de préoccupation du Canada. C’est pourquoi nous avons voté contre. Nous avons également fait part de notre insatisfaction à l’égard du processus suivi.La position du Canada demeure inchangée et repose sur un certain nombre de principes. Nous avons publiquement exprimé nos préoccupations quant à la formulation du texte actuel, notamment en ce qui touche les dispositions sur les terres, les territoires et les ressources; la notion de consentement préalable, libre et informé qui peut être utilisée comme un droit de veto; la question de l’autodétermination qui ne reconnaît pas l’importance des négociations; la propriété intellectuelle; les questions militaires; la nécessité de trouver un bon équilibre entre les droits et les obligations des peuples autochtones, des États membres et des tierces parties.Par exemple, la reconnaissance des droits autochtones sur les terres, les territoires et les ressources est une notion importante pour le Canada. Le Canada est fier du fait que les droits des peuples autochtones et les droits issus de traités soient clairement reconnus et protégés par sa constitution. Nous sommes également fiers des procédures qui ont été mises en place pour régler les revendications autochtones de manière respectueuse de ces droits et travaillons activement à les améliorer afin de pouvoir résoudre ces revendications de façon encore plus efficace. Malheureusement, les dispositions pertinentes de la déclaration sont beaucoup trop vagues, manquent de clarté et se prêtent à diverses interprétations; elles omettent la nécessité de reconnaître une multitude de droits territoriaux et sont susceptibles de remettre en question des points déjà réglés par traité.De la même façon, certaines dispositions portant sur la notion de consentement préalable, libre et informé sont excessivement restrictives. Des dispositions comme celles de l’article 19 laissent entendre que l’État ne peut agir dans des domaines législatif ou administratif qui pourraient affecter les peuples autochtones sans obtenir leur consentement. Bien que nous ayons au Canada des procédures consultatives robustes bien établies, et bien que nos cours de justice les aient renforcées d’un point de vue légal, la mise en place d’un droit de véto total sur les actions législatives et administratives pour un groupe particulier serait fondamentalement incompatible avec le système parlementaire canadien. À Genève, jusqu’à l’adoption du texte par le Conseil des droits de l’homme, et ici à New York durant la 61e session de l’Assemblée générale, le Canada a clairement proposé que de plus amples négociations soient menées selon un processus ouvert et transparent, avec la participation efficace des populations autochtones. Si, depuis un an, un processus adéquat avait été mis en place pour régler ces questions, et celles soulevées par d’autres États, une déclaration plus solide aurait pu émerger, une déclaration acceptable pour le Canada et les autres pays où vivent des populations autochtones importantes, qui aurait pu fournir une orientation pratique à tous les États. Malheureusement, il n’en a rien été. Le peu de modifications proposées à la dernière minute à cette assemblée et préparées par un petit nombre de délégations ne découlent pas d’un processus ouvert, intégré ni transparent, et omettent de porter sur les principaux points de préoccupation d’un certain nombre de délégations, dont celle du Canada.Nous considérons particulièrement regrettable que des États, comme le Canada, où vivent de grandes populations autochtones, ne puissent apporter leur soutien à l’adoption de ce texte en tant que déclaration significative et efficace des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones.Cependant, et je le répète, que cette déclaration existe ou non, le Canada va continuer de prendre des mesures efficaces, sur son territoire comme à l’étranger, pour promouvoir et protéger les droits des populations autochtones en fonction de nos obligations et engagements existants dans le domaine des droits humains. Ces actions efficaces, nous désirons être clairs, ne seraient pas entreprises en s’appuyant sur les dispositions de cette déclaration.En votant contre l’adoption de ce texte, le Canada annonce officiellement sa déception touchant la teneur du texte et le processus suivi. Pour être clairs, nous précisons également que nous comprenons que cette déclaration n’est pas un instrument juridiquement contraignant. Il n’a aucune portée juridique au Canada, et ses dispositions ne constituent pas un élément du droit international coutumier.Madame la Présidente, le Canada votera contre l’adoption de ce texte.Je vous remercie.