11 septembre 2007
CANBERRA, AUSTRALIELE DISCOURS PRONONCÉ FAIT FOI
L'honorable David Hawker, président de la Chambre,
L'honorable Alan Ferguson, président du Sénat,
L'honorable John Howard, Premier ministre,
L'honorable Kevin Rudd, chef de l'Opposition,
Mesdames et Messieurs distingués députés et sénateurs du Parlement australien,
Mesdames et Messieurs,
Monsieur le président, c'est un honneur et un privilège pour moi d'être le Premier ministre qui s'adresse pour la première fois à votre Parlement au nom de la population canadienne.
Laureen et moi avons été tout à fait charmés par l'accueil chaleureux des Australiens que nous avons rencontrés tout au long de cette première visite que nous effectuons ensemble dans ce magnifique pays.
Merci de cette grande amabilité.
J'aimerais tout d'abord féliciter le gouvernement et la population australienne pour avoir fait de ce Sommet de l'APEC un si grand succès.
Plus précisément, les progrès accomplis afin d'établir un nouveau consensus international en matière de politique énergétique et environnementale sont attribuables à l'unité et à la bonne volonté de tous les membres de l'APEC et, particulièrement, à la présidence et au leadership de l'Australie.
Je suis ravi de pouvoir rendre la pareille au Premier ministre Howard, qui est venu au Canada l'année dernière.
L'allocution qu'il a prononcée à une séance conjointe de notre Parlement fut un hommage chaleureux et éloquent à la profonde amitié qui unit nos deux nations.
À mon avis, l'étroite et chaleureuse relation qui existe entre le Canada et l'Australie aujourd'hui est remarquable.
Parce qu'elle n'est pas issue de la proximité ou de la nécessité.
Nous nous trouvons aux deux extrémités de la planète. C'est l'étoile du Nord qui guide nos rêves, alors que la Croix-du-Sud guide les vôtres.
L'Australie est née en anglais ; le Canada en français – à Québec, il y a quatre cent ans l'année prochaine – ce qui est reflété jusqu'à ce jour par la présence des francophones et de la « nation québécoise » au sein de notre pays uni.
Mais même après que le Canada eut été soumis à la Couronne britannique, pendant des siècles, nos deux pays ont défendu ardemment leur propre destinée.
Mais c'est finalement par nos valeurs communes que nous avons découvert notre véritable similitude.
Les batailles épiques du vingtième siècle – contre l'impérialisme, le fascisme et le communisme – nous ont opposés aux ennemis communs de notre plus grande civilisation.
Bien que nos troupes se soient rarement battues sur le même champ de bataille, elles se sont battues pour les mêmes idéaux.
Finalement, c'est par nos valeurs communes que nous avons découvert nos véritables affinités.
Et, bien sûr, lors de la Première Guerre mondiale, l'étincelle de notre identité nationale respective a jailli : la nôtre à la crête de Vimy, la vôtre à Gallipoli.
Au cours de ces grandes épreuves nationales et de celles qui ont suivi, nous avons renouvelé et resserré nos liens familiaux.
Nous sommes devenus comme des cousins – « des cousins stratégiques », pour citer votre historien militaire John Blaxland.
Et aujourd'hui, malgré notre immense distance géographique, le Canada et l'Australie suivent des chemins remarquablement similaires.
Nous nous sommes servis des forces héritées de nos ancêtres européens.
Nous avons ouvert nos portes au multiculturalisme et à l'immigration.
Et nous avons enclenché un processus de réconciliation avec nos Premières nations.
Le Canada et l'Australie ont bien sûr également emprunté tous les deux aux traditions et aux institutions du gouvernement britannique et du fédéralisme américain et les ont adaptées en cours de route.
Je ne peux m'empêcher de constater toutefois que vous avez fait un bien meilleur travail que nous avec au moins une des institutions de Westminster, le Sénat.
Comme aime à le répéter un politologue canadien, lorsque nous regardons l'Australie, nous « envions » son Sénat.
Au Canada, les sénateurs sont encore nommés, et non pas élus.
Ils ne sont pas tenus de prendre leur retraite avant l'âge de 75 ans et peuvent conserver leur siège pendant 45 ans.
La nature du système fait en sorte qu'ils n'ont pas de compte à rendre aux électeurs.
J'éprouve donc un plaisir particulier à me retrouver en compagnie de sénateurs qui ont été élus par les gens qu'ils représentent.
Se voir confier directement par le peuple le mandat de gouverner est un grand honneur et une grande responsabilité.
C'est l'essence même d'un gouvernement responsable et la condition minimale de la démocratie au vingt-et-unième siècle.
Le Sénat australien démontre comment une chambre haute réformée peut fonctionner au sein de notre système parlementaire.
Et les canadiens comprennent que notre Sénat, tel qu'il est aujourd'hui, doit soit changer ou, comme les anciennes chambres hautes de nos provinces, disparaître.
Le Canada et l'Australie ont beaucoup à apprendre l'un de l'autre, mais ont aussi beaucoup à offrir aux autres.
Nous sommes des démocraties prospères, pacifiques et stables.
Des sociétés libres, ouvertes et pluralistes.
Au pays, nous voulons avant tout donner à tous nos citoyens des chances égales de prospérer.
C'est pourquoi nous avons une classe moyenne importante et en pleine croissance à laquelle aspirent des centaines de millions de personnes dans les pays en voie de développement.
À l'étranger, nous faisons la promotion d'un commerce libre et équitable, nous aidons les gens dans le besoin et nous défendons la sécurité mondiale.
Nous nous sommes battus pour des causes justes au prix de grands sacrifices, mais nous n'avons ni la capacité ni le désir de conquérir ou de dominer.
Nous sommes proches de notre cousin stratégique – les États-Unis – mais nous sommes également très fiers de nos différences.
En somme, nos deux pays aspirent aux plus grands idéaux de la civilisation, même si nous sommes encore loin de la perfection.
Le Canada et l'Australie sont donc dans une position unique pour être une force de changement positif dans le monde.
Et nous devrions nous mettre au service de cette cause.
Ensemble.
Ce n'est pas une idée que je lance ou prends à la légère.
Elle s'inspire en partie du sombre anniversaire que nous célébrons aujourd'hui.
Le 11 septembre 2001 a, en effet, ébranlé le monde entier.
Six ans plus tard, les images horribles de cette matinée éveillent encore la colère, la douleur et – c'était là le but recherché – la terreur.
Les attentats ont été perpétrés en sol américain, mais ils visaient chacun de nous.
Ils visaient chaque pays, chaque citoyen qui choisit la tolérance plutôt que la haine, le pluralisme plutôt que l'extrémisme, la démocratie plutôt que la tyrannie.
D'autres attentats ont eu lieu par la suite, à Londres, à Madrid, en Inde, et dans de nombreux autres endroits dont, bien sûr, Bali.
Les Canadiens ont été affligés par vos pertes et nous sommes plus que jamais convaincus de la nécessité de lutter à vos côtés, car nous avons perdu plus d'une vingtaine de nos concitoyens à New York le 11 septembre.
Soixante-dix soldats canadiens et un de nos diplomates ont également perdu la vie en Afghanistan – de même qu'un menuisier canadien, assassiné par les Talibans après avoir construit une école pour des enfants dans un village éloigné.
Nos pays ont donc connu tous les deux les horreurs de la guerre.
Et nous luttons tous les deux pour y mettre fin.
En Afghanistan et ailleurs, nos deux pays se sont engagés à collaborer.
Et comme l'a dit le Premier ministre Howard lors de son allocution devant notre Parlement l'année dernière, nous pourrons faire encore plus dans l'avenir « pour améliorer non seulement la situation de la population de l'Australie et du Canada, mais aussi de tous les peuples du monde ».
Cette cause est à la fois noble et nécessaire.
Car comme l'ont démontré les événements du 11 septembre, si nous abandonnons nos semblables à la pauvreté, à la brutalité et à l'ignorance, dans ce grand village qu'est devenue la planète, leur misère deviendra inévitablement un jour la nôtre.
Et, chers amis, nous ne devons pas sous-estimer notre capacité d'influencer les événements et les gens.
Nous nous sommes bâti, au prix d'énormes sacrifices humains et financiers, de solides réputations comme défenseurs de la liberté, de la démocratie et des droits de la personne.
Nous avons collaboré étroitement pour bâtir des institutions multilatérales et établir le droit international.
Nos gardiens et nos artisans de la paix ont sauvé un nombre incalculable de personnes de la guerre et de la dévastation.
Nos programmes d'aide et nos travailleurs humanitaires ont aidé de nombreux pays pauvres dans le monde à améliorer les conditions de vie de leurs citoyens.
Et notre passé est source d'inspiration.
Cette grande institution en est un symbole vivant.
Votre Parlement, tout comme le nôtre, jouit d'une tradition démocratique rarement égalée dans l'histoire de l'humanité.
Une tradition libre de la tyrannie ou de la conquête.
Une tradition libre de guerre civile et de chaos social.
C'est en soi une réalisation extraordinaire.
Nous avons été frappés par les mêmes vents porteurs de dépression économique, d'agitations sociales et de tensions politiques qui ont mené d'autres pays à l'autoritarisme politique, à un effondrement économique et à des situations bien pires encore.
Comment expliquer alors que nous ayons été épargnés?
Les historiens pourront sans doute répondre à cette question mieux que moi.
Deux atouts essentiels me semblent toutefois nous distinguer de tous les autres : notre esprit démocratique et notre engagement envers l'égalité des chances.
La démocratie va bien au-delà de cette condition fondamentale qu'est la tenue d'élections libres. C'est une conviction, une disposition de l'esprit, un souci instinctif d'égalité, d'autolimitation et du compromis.
C'est notre esprit démocratique qui nous donne l'assurance nécessaire pour relever de nouveaux défis, pour sortir des sentiers battus.
L'égalité des chances se nourrit aux mêmes sources.
Il faut supprimer les obstacles qui empêchent les gens d'aller de l'avant.
Créer des conditions économiques qui récompensent le travail assidu.
Offrir un filet de sécurité et l'accès aux services sociaux.
Et maintenir les impôts au niveau le plus juste pour tous.
Depuis quelques années, nos deux pays connaissent une croissance économique remarquable.
La dernière décennie en a été une de prospérité pour l'Australie.
Mais il ne faudrait surtout pas croire que c'est là le fruit du hasard.
Cette prospérité est attribuable, au contraire, à des choix stratégiques prudents, à la perspicacité des dirigeants.
Et à une saine gestion financière.
L'un des plus graves dangers qui menacent nos deux pays est, à mon sens, un optimisme excessif face à l'économie – je dis bien excessif car nos citoyens sont trop nombreux à avoir oublié ce qu'est une récession ou à n'en avoir jamais vécu les effets.
Nous ne pouvons tenir notre prospérité pour acquise.
Nous faisons face à une concurrence sans précédent de la part de nouveaux géants économiques comme la Chine et l'Inde.
Plus que jamais, nous avons le devoir de faire les bons choix politiques, même s'ils sont parfois difficiles.
Une erreur de calcul pourrait nous priver de cette prospérité, des fruits des progrès accomplis, beaucoup plus rapidement que d'aucuns veulent bien l'admettre.
Nous devons continuer d'offrir aux autres pays des modèles incontournables de prospérité, de bienveillance, d'autonomie et d'ouverture sur le monde.
Ce sont les choix que nous avons faits au Canada et en Australie.
Tout cela ressort clairement de notre collaboration au sein de l'Organisation mondiale du commerce – de nos efforts combinés en vue d'atteindre cet objectif ambitieux que représentent des échanges plus ouverts et plus équitables entre les pays industrialisés et les pays en voie de développement.
Des efforts que nous déployons ensemble au sein de l'APEC afin d'arriver à une politique internationale bien structurée au chapitre des changements climatiques, une politique qui trouve un juste équilibre entre les impératifs économiques et les enjeux environnementaux et qui mobilise les plus gros émetteurs mondiaux.
Et aussi, bien sûr, de notre présence à l'avant-scène des opérations de sécurité et de reconstruction dans le sud de l'Afghanistan.
Il est extrêmement rassurant pour les soldats canadiens en poste à Kandahar de savoir qu'ils peuvent compter sur le millier de soldats australiens déployés dans la province voisine d'Orozgân.
Alors que la technologie et le commerce, sans parler de la menace terroriste, rendent notre monde de plus en plus petit, le Canada et l'Australie sont de plus en plus proches.
Les investissements bilatéraux entre nos deux pays se sont élevés à 12 milliards de dollars l'année dernière.
Alors que 200 000 touristes australiens visitent le Canada chaque année, 100 000 touristes canadiens partent à leur tour à la découverte de l'Australie.
La vaste majorité d'entre eux sont des jeunes.
Plus souvent qu'autrement, à bord des remonte-pente dans nos centres de ski, on reconnaît à leur rire et à leur accent si caractéristique nos visiteurs australiens.
Ce pèlerinage annuel entre les antipodes laisse présager un nouveau rapprochement de nos deux pays.
Voilà pourquoi j'ai le grand plaisir que d'annoncer que nos gouvernements viennent de conclure un accord pour renouveler et améliorer notre programme de travail d'été pour étudiants.
Un plus grand nombre de jeunes Canadiens et Australiens pourront jouer un rôle d'ambassadeurs et resserrer les liens déjà fort étroits qui se sont établis entre nos deux peuples frères.
Je sais par expérience que nos concitoyens se sentent également à l'aise dans nos deux pays.
Tous, nous savons apprécier la beauté que Dieu a su donner à nos vastes espaces.
Nous comprenons mieux que presque partout ailleurs qu'une vraie partie de football ne se joue pas qu'avec les pieds.
Plus nous en connaissons les différentes nuances du jeu tel qu'il se pratique dans nos deux pays, plus nous apprenons à les comprendre.
Et je puis vous assurer, Monsieur le Premier ministre, que s'il m'est donné un jour de vous amener à un vrai bon match de hockey, vous comprendrez pourquoi il serait inutile de me proposer un autre match de cricket.
Mesdames et Messieurs, tout au long de cette semaine que nous avons passée en Australie, j'ai entendu une nouvelle métaphore pouvant servir à décrire les rapports qui nous unissent.
Nos deux pays y sont comparés à des serre-livres.
À bonne distance l'un de l'autre, ils forment les deux extrémités d'une vaste collection de connaissances théoriques aussi bien que pratiques, des connaissances que, loin de les garder en réserve pour notre seul usage, nous mettons à la disposition de tous ceux qui souhaitent en profiter.
Mais c'est peut-être l'analogie avec la famille qui nous décrit le mieux.
Et c'est dans cet esprit justement que j'aimerais citer cette anecdote amusante qui nous vient de l'un de mes prédécesseurs, l'honorable Lester Pearson.
Dans les années 1940, jeune diplomate en poste à Ottawa, il vient à rencontrer le Premier ministre australien J.B. Chifley ainsi que la jeune princesse Elizabeth qui portait dans ses bras son fils Charles.
À l'époque, les relations entre le Canada et l'Australie étaient, selon toute apparence, plutôt tendues. Au sujet de la rencontre, Pearson devait écrire ceci dans son journal : « J'espère maintenant que nos relations (…) n'ont pas trop souffert du fait que j'ai fait rire l'enfant alors que Chifley, lui, n'y est jamais arrivé ».
À mes yeux, voilà ce qu'est une famille.
Merci beaucoup.
Que Dieu bénisse nos deux pays.