BG 08.009 - le 17 novembre 2009
Les besoins en matière de santé des militaires, y compris les besoins en santé mentale, sont une priorité pour les Forces canadiennes (FC) et le gouvernement du Canada. La perte par suicide, ne serait-ce que d’un militaire, en est une de trop. Les FC prennent la question très au sérieux et veillent à ce que tout le personnel participe régulièrement à des programmes de sensibilisation au suicide et de prévention du suicide. Des efforts considérables sont déployés pour reconnaître les personnes qui s’exposent à des troubles de santé mentale et pour leur apporter l’aide dont elles ont besoin.
Le suicide est une préoccupation pour tous les Canadiens. Selon l’Association canadienne pour la santé mentale, le suicide est la deuxième cause principale de décès chez les jeunes, après les accidents de la route (http://www.cmha.ca, 2009).
Les taux de suicide chez les membres des FC sont inférieurs à ceux de la population générale. Ce résultat n’est pas surprenant compte tenu du fait que le personnel des FC est un effectif présélectionné. De plus, le taux de suicide parmi les militaires des FC a généralement diminué. Le taux de suicide chez les militaires de sexe masculin pour la période de 2005 à 2008 est inférieur à celui de la période de 2000 à 2004, qui était inférieur à celui de la période de 1995-1999.
Taux de suicide
En calculant les taux de suicide, les FC n’incluent pas les décès de civils sur la propriété du ministère de la Défense nationale (MDN) ou les décès d’employés du MDN, de membres de la Réserve en repos ou de Rangers canadiens.
Il faut noter que les dossiers de la Police militaire, sur lesquels tous les chiffres des
FC relatifs au suicide sont fondés, peuvent faire l’objet d’une interprétation fautive en raison du fait que les PM regroupent toutes les enquêtes sur les « morts subites » ensemble, qu’elles s’avèrent être des suicides, des morts accidentelles ou des morts naturelles.
Les chiffres présentés dans le tableau A proviennent du Directeur - Protection de la santé de la Force (DPSF) des FC. Ces données sont limitées aux suicides chez les hommes membres de la Force régulière.
Afin de mieux comprendre les taux de suicide chez les FC, le DPSF compare ses chiffres à ceux qui ont été recueillis par Statistique Canada au sein de la population canadienne, après avoir normalisé les chiffres en fonction de l’âge (puisque l’âge du personnel des FC est limité à la plage de 17 à 60 ans). Pour qu’une comparaison avec les données de Statistique Canada soit possible, les taux de suicide chez les militaires des FC qui apparaissent dans le tableau A sont calculés, comme ceux de Statistique Canada, par 100 000.
Tableau A Taux de suicide chez les hommes membres de la Force régulière, 1995-2008 |
Année |
Nombre d’hommes membres des FC |
Nombre de suicides chez les hommes membres des FC |
Taux de suicide chez les hommes membres des FC par 100 000 |
2005-08 |
217 606 |
39 |
17,9 |
2008 |
55 627 |
13 |
23,37 |
2007 |
54 673 |
9 |
16,46 |
2006 |
53 985 |
7 |
12,97 |
2005 |
53 321 |
10 |
18,75 |
2000-04 |
262 472 |
50 |
19,1 |
2004 |
53 522 |
10 |
18,68 |
2003 |
53 752 |
9 |
16,74 |
2002 |
52 326 |
9 |
17,2 |
2001 |
51 008 |
10 |
19,6 |
2000 |
51 864 |
12 |
23,14 |
1995-99 |
282 865 |
56 |
19,8 |
1999 |
53 134 |
10 |
18,82 |
1998 |
54 485 |
13 |
23,86 |
1997 |
55 041 |
13 |
23,62 |
1996 |
57 608 |
8 |
13,89 |
1995 |
62 597 |
12 |
19,17 |
De 2000 à 2004, le taux de suicide chez les hommes canadiens était d’environ 25 par 100 000, soit un par 4 000. Durant la même période, comme il est indiqué dans le tableau A, le taux de suicide chez les hommes membres des FC se situait approximativement à 19,1 par 100 000, soit un par 5 236. Cela signifie que le taux de suicide de l’effectif masculin des FC s’élevait, entre 2000 et 2004, à environ 75 p. 100 de celui des hommes canadiens, après la normalisation des deux résultats en fonction de l’âge. (Statistique Canada a publié récemment les données de 2005. Toutefois, ces chiffres ne modifient pas de façon significatives la base de comparaison.)
Au cours de cette même période, le taux de suicide des femmes canadiennes a varié entre le cinquième et le tiers de celui des hommes canadiens. Le taux de suicide parmi les femmes membres des FC étant extrêmement faible, il est plus pertinent de faire état des données suivantes : il n’y a eu aucun suicide chez les femmes militaires entre 1995 et 2001; il y en a eu un seul en 2002, deux en 2003, aucun en 2004 ou en 2005, un en 2006, un en 2007 et un en 2008.
Aucune comparaison statistique ne peut être faite avec la population générale pour les années après 2005, car Statistique Canada n’a pas encore rendu publics les taux de mortalité au Canada pour cette période. Toutefois, le taux de suicide chez les hommes membres des FC en 2005-2008 était de 17,9 par 100,000, ou d’un sur 5 587.
Les chiffres présentés dans le tableau B proviennent du Directeur - Soutien aux blessés et administration, qui coordonne les activités-bénéfices. Ces chiffres comprennent certains membres de la Force de réserve.
Tableau B Taux de suicide chez les membres des Forces canadiennes, 2002-2008 |
Année |
Nombre de suicides chez les membres des FC |
2008 |
15 |
2007 |
12 |
2006 |
11 |
2005 |
11 |
2004 |
13 |
2003 |
11 |
2002 |
12 |
Les FC n’ont pas de dossiers complets sur les suicides dans la Force de réserve. Il y a un roulement du personnel considérable dans la Force de réserve, surtout parmi les réservistes à temps partiel. Les suicides chez les réservistes à temps partiel ne peuvent être saisis à moins d’être signalés aux FC par les autorités civiles. Des plans sont mis en œuvre pour établir un lien entre les noms de tous les membres des FC de 1972 jusqu’à aujourd’hui et la base de données sur la mortalité de Statistique Canada afin de corriger la situation.
Les différences entre les chiffres dans ces tableaux pour une année donnée illustrent la complexité de suivre les suicides parmi la population. Les dirigeants des FC participent continuellement à des discussions sur l’amélioration de la tenue de dossiers.
Des militaires déployés
Aucun lien cohérent n’a été découvert entre le déploiement et le risque accru de suicide. Néanmoins, un processus de dépistage de troubles mentaux préalable au déploiement est en place pour les militaires des FC, et les troupes sont préparées de diverses façons pour faire face à des événements traumatisants possibles outre-mer.
Pour le personnel déployé dans le cadre d’opérations et de missions stressantes, une bonne préparation de la mission et une bonne formation sont essentielles. Celles-ci comprennent une formation sur l’adaptation au stress, la cohésion de l’unité et le soutien social ainsi que la connaissance des effets potentiels du stress. La formation est réaliste et est conçue pour améliorer la confiance à la fois envers les capacités individuelles et celles de l’équipe.
Les soldats canadiens qui s’apprêtent à revenir au Canada après une longue mission doivent faire un arrêt de décompression (fréquemment appelé décompression dans un tiers lieu, ou DTL) de cinq jours sur le chemin du retour. Au cours de cette DTL, chaque militaire a l’occasion de discuter en privé avec un professionnel de la santé mentale et de lui faire part de ses préoccupations. Le personnel a reçu de la formation sur le SSPT et le TSO. L’équipe de santé mentale donne aux militaires des renseignements sur leur vie familiale, professionnelle et communautaire au Canada pour rendre la réintégration moins stressante.
Tous les militaires des FC qui reviennent d’une opération internationale d’une durée d’au moins 60 jours passent par un processus amélioré de dépistage postdéploiement. Ce processus a lieu dans les 90 à 180 jours suivant le retour au Canada, mais rien n’empêche une personne qui a des préoccupations de se manifester et de chercher de l’aide plus tôt. Le dépistage postdéploiement vise à mieux identifier les personnes qui ont des problèmes liés au déploiement, particulièrement des problèmes psychologiques. Le militaire des FC remplit un questionnaire détaillé sur la santé et passe une entrevue avec un professionnel de la santé mentale. L’intervieweur remplit un formulaire sur lequel il inscrit ses impressions cliniques et une recommandation pour des soins de suivi.
De plus, les FC procèdent régulièrement à des évaluations de santé périodiques de leurs militaires lorsque des problèmes de santé mentale peuvent être diagnostiqués et traités.
Programmes et services
Un solide programme de prévention du suicide est en place au sein des FC. Nous sensibilisons la communauté militaire aux problèmes de santé mentale. Nous formons nos militaires pour qu’ils soient en mesure de faire face aux effets qu’a le stress sur eux-mêmes et sur les autres. Nous les évaluons avant et après une mission dont le niveau de stress est élevé. Nous nous efforçons de nous assurer que les militaires en détresse et leurs proches obtiennent l’aide dont ils ont besoin.
Les soins destinés à ceux qui sont éprouvés par des problèmes de santé mentale sont interdisciplinaires et collaboratifs. Ils réunissent les connaissances spécialisées de psychiatres, de psychologues, d’infirmières spécialisées en santé mentale, de travailleurs sociaux et de conseillers en service social, de spécialistes en toxicomanie et d’aumôniers agréés.
Prévention
En juin 2009, le Chef d’état-major de la Défense a lancé la Campagne de sensibilisation des Forces canadiennes envers la santé mentale, dont le double objectif consiste à sensibiliser les militaires des FC aux problèmes de santé mentale et à créer parmi eux une culture de compréhension. Le slogan de la campagne, « Soyez la différence », traduit l’idée selon laquelle tous les militaires peuvent poser un geste significatif pour ceux qui font face à des problèmes de santé mentale.
La campagne de sensibilisation a braqué les projecteurs sur le Bureau des conférenciers conjoint des FC sur la santé mentale et les traumatismes liés au stress opérationnel, une collaboration entre le Conseiller spécial en matière de blessures liées au stress opérationnel et les Services de santé des FC, qui a élaboré une campagne nationale d’éducation visant à accroître les connaissances générales des militaires des FC, tous grades confondus, en matière de santé mentale, et à éliminer les obstacles sociaux au traitement. À ce jour, plus de 8 000 militaires des FC ont obtenu de la formation et de l’éducation dans le cadre de cette campagne.
Les FC offrent toute une gamme de cours utiles, dont un atelier de deux jours de formation appliquée sur les techniques de prévention du suicide, de même que de courtes séances de sensibilisation portant sur les signes, les symptômes et les ressources. Cette formation se donne dans le cadre du grand projet des FC visant à promouvoir un mode de vie sain et à prévenir les blessures et les maladies grâce à l’élaboration de programmes d’auto-assistance. Des ateliers semblables sensibilisent les militaires des FC à la maîtrise de la colère, à la dépendance et à la prévention, à la gestion du stress, ainsi qu’à la prévention de la violence familiale.
Soins
Pour la plupart des militaires des FC qui ont des problèmes de santé mentale, la première personne ressource est le médecin de premier recours de l’une des cliniques des FC. Cette personne offre l’aide requise ou dirige le militaire vers la ressource la plus appropriée. En cas d’urgence, les militaires peuvent consulter un médecin pendant la visite quotidienne à la salle d’examen médical.
Des Programmes d'hygiène mentale, des services spécialisés en matière de santé mentale, sont offerts dans les plus grandes bases des FC. Certains éléments de ces programmes sont offerts dans de plus petites bases; cela dépend de la taille de la population et de la disponibilité des ressources locales. Les équipes pluridisciplinaires des Programmes d’hygiène mentale sont habituellement constituées de psychiatres, de psychologues, de travailleurs sociaux, d’infirmières en santé mentale, de conseillers en dépendance et d’aumôniers des Services de santé.
Les Centres de soutien pour trauma et stress opérationnels (CSTSO), situés un peu partout au Canada, ont un effectif à la fois militaire et civil composé de psychiatres, de psychologues, de travailleurs sociaux, d’infirmières en santé mentale et d’aumôniers. Les CSTSO utilisent un modèle de traitement pluridisciplinaire en vue d’offrir des évaluations et des traitements et de faire de la sensibilisation et de la recherche. En plus de fournir des services directement aux militaires des FC, le personnel de ces Centres consulte également d'autres établissements de traitement dans le monde entier et étudie la documentation spécialisée sur les traumas, sur le stress, sur le SSPT et sur les TSO. On compte actuellement cinq CSTSO : à Halifax (Nouvelle-Écosse), à Valcartier (Québec), à Ottawa (Ontario), à Edmonton (Alberta) et à Esquimalt (Colombie-Britannique).
Anciens combattants Canada (AAC) assure le fonctionnement de huit cliniques de traitement des traumatismes liés au stress opérationnel pour répondre aux besoins des anciens combattants et des anciens officiers de la GRC – ainsi que des militaires actifs des FC - qui souffrent d’un TSO découlant de leur service. Les différentes cliniques sont situées à Fredericton (N.-B.), à Montréal, à Québec (Qc), à Ottawa, à London (Ont.), à Winnipeg (Man.), à Calgary (Alb.) et à Vancouver (C.-B.). Une neuvième clinique ouvrira ses portes sous peu à Edmonton (Alb.) et une clinique de traitement en établissement (le patient réside à la clinique) à l’hôpital Ste-Anne de Sainte-Anne-de-Bellevue (Qc) au début de 2010.
Soutien
Dans le cadre du Programme d’aide aux membres des Forces canadiennes, les militaires qui en ressentent le besoin peuvent téléphoner à un numéro sans frais pour consulter en toute confidentialité une personne en mesure de les aider, et ce, 24 heures sur 24, de n’importe quel endroit. Le programme offre des services de consultation externe à court terme aux militaires des FC qui cherchent à obtenir de l’aide autre que celle offerte par les services de santé militaires. La famille peut également recevoir des soins par le biais du programme dans la mesure où cela agirait sur le bien-être du militaire. Le personnel de la Force de réserve et leur famille y ont aussi accès. Il s’agit d’un programme civil, car il fait intervenir des conseillers professionnels fournis par le Service d'aide aux employés de Santé Canada. Le Programme d’aide aux membres des Forces canadiennes est toutefois financé par les FC.
Le Programme de soutien social aux victimes de stress opérationnel (SSVSO) consiste en un réseau qui permet d’offrir des services de soutien par les pairs, de consultation familiale et de soutien en cas de deuil à l’échelle du pays. Le réseau est accessible au moyen d’une carte interactive, que vous pouvez consulter au http://www.osiss.ca. Ce sont des anciens combattants qui sont à l’origine de ce programme très réussi, une initiative conjointe des FC et d’ACC.
Parmi les services et les programmes des FC et d’ACC auxquels les familles des militaires qui souffrent de problèmes de santé mentale ont accès, notons les services de conseil offerts dans le cadre du Programme d’aide aux membres et du programme SSVSO, les services d’intervention en situation de crise dans le cadre du Programme d’action pastorale à l’intention des anciens combattants et les services d’orientation offerts par plus de 40 centres de ressources pour les familles des militaires (CRFM) situés dans les installations des FC partout au pays, aux États-Unis et en Europe.
La voie à suivre
Les Services de santé des FC ont depuis longtemps adopté un modèle collaboratif en matière prestation des soins, entretenant d’étroites relations avec les services de soins médicaux de leurs partenaires militaires ainsi qu’avec les fournisseurs de soins civils afin de s’assurer que les militaires malades ou blessés des FC reçoivent les meilleurs soins possible de la part de l’ensemble de la communauté. Dans cette optique, en septembre 2009, les FC ont accueilli un comité d’experts sur la prévention du suicide réunissant des représentants civils et militaires venus des quatre coins du globe pour étudier la documentation et les meilleures pratiques sur cette question. Le comité fera rapport de ses conclusions au Médecin-chef des FC plus tard cette année. Après leur validation, les recommandations contenues dans le rapport contribueront à améliorer le programme actuel des FC en matière de prévention du suicide.