23 juin 2010
Ottawa (Ontario)
Le Premier ministre Stephen Harper a prononcé aujourd'hui le discours suivant à la cérémonie de commémoration du 25e anniversaire de l'atroce attentat perpétré contre le vol 182 d'Air India :
« Mesdames et Messieurs, distingués invités, amis et familles, merci d'être ici ce soir.
« Un quart de siècle s’est écoulé depuis le terrible événement pour lequel nous nous rassemblons aujourd’hui, soit la destruction du vol 182 d’Air India, qui a fait 329 morts, la plupart canadiens.
« La destruction de l’appareil d’Air India, le 23 juin 1985, est encore aujourd’hui le pire acte de terrorisme de l'histoire canadienne. Il a coûté la vie à 329 hommes, femmes et enfants, qui périrent ce jour-là dans l’explosion d’une bombe placée dans la soute de l'aéronef. Au même moment, une bombe similaire destinée à un autre avion d'Air India, explosait à l'aéroport Narita de Tokyo, tuant deux bagagistes.
« Cela a été une journée terrible, partout dans le monde.
« Repensons-y. La plupart des passagers du vol 182 étaient nos concitoyens, des Canadiens et Canadiennes se rendant en Inde pour affaires, par plaisir ou pour une réunion de famille. 82 d’entre eux étaient des enfants, que l’on allait sans doute présenter avec fierté à la famille. Tout ce qu’il y a de plus familier : un début de voyage dans l’enthousiasme et l'espoir.
« Mais ce jour-là, l'innocence, le plaisir, l'anticipation, tout cela s’est envolé dans un acte de violence et de méchanceté grotesques. Et vous, vous vous êtes retrouvés à subir cette perte déchirante et inimaginable, dans une souffrance toujours vive alimentée par le souvenir des êtres chers et du vide qu’ils ont laissé autour de vous.
« Ce fut une atrocité, commise par des gens lâches et motivés par une extrême méchanceté. Je n’essaierai même pas de donner un sens à cet acte, ni parler des possibilités de guérison. Même avec le temps, certaines blessures sont trop profondes pour cicatriser. Mais je peux vous dire une chose.
« Votre souffrance est notre souffrance. Votre deuil est notre deuil. Et, alors que s’aggravait votre douleur au fil des ans, notre pays l’a mieux comprise. Tout d’abord, les Canadiens n'ont malheureusement pas reconnu que cet attentat avait été fait au Canada. Aujourd’hui, ils l’acceptent. Je le dis d’emblée, cette perception était fausse et il faut définitivement l’écarter. Il ne s’agissait pas d’un acte de violence venant de l’étranger.
« Les Canadiens et les Canadiennes comprennent maintenant que cet acte meurtrier a été conçu au Canada, exécuté au Canada, par des citoyens canadiens, et que ses victimes étaient pour la plupart leurs concitoyens. On aurait souhaité qu’on le réalise plus tôt.
« Cependant, c'est cette compréhension qui guide aujourd'hui l’action de notre gouvernement. Nous avons donc encouragé la construction de monuments commémoratifs comme celui d'origine qui est situé en Irlande et que j'ai eu l'honneur de visiter en 2005, et celui-ci, à Toronto.
« Et c’est pourquoi le gouvernement du Canada a désigné le 23 juin Journée nationale du souvenir des victimes de terrorisme. Et c'est pourquoi il ya quatre ans, l'un des premiers gestes posés par notre nouveau gouvernement a été de confier au juge à la retraite John Major l’enquête illimitée sur l'attentat perpétré contre le vol 182 d'Air India.
« J'en viens maintenant à des déclarations difficiles à faire. Le commissaire Major rend compte de la première phase de son enquête en décembre 2007. Il relate de nombreuses histoires personnelles, que m’avaient rapportées d’ailleurs certaines familles de victimes. J'ai trouvé leurs mots bouleversants.
« Il y a six jours, le commissaire Major rendait son deuxième rapport public. Il s’agit enfin d’un examen approfondi des événements, qui est profondément troublant. Bien qu’il ait 3 000 pages et résume le témoignage de centaines de témoins, le rapport jette aussi la lumière sur des processus institutionnels que le commissaire qualifie par exemple « d’accent dysfonctionnel sur l’autojustification » ou de « lents, intermittents et acrimonieux », mais dont la conclusion se réduit à ces quelques mots : « cela n'aurait pas dû arriver ».
« Cela n'aurait pas dû arriver.
« Cette tragédie n’aurait pas dû se produire. Et 329 personnes n’auraient pas dû trouvé la mort dans le ciel, un jour de juin, au sud de l'Irlande.
« Il ne suffit pas de dire que le système a échoué. Certes, il a échoué. Mais il a aussi édulcoré une série de carences lamentables que le commissaire Major qualifie de « série d’erreurs en cascade ».
« Non, ce n'est pas suffisant.
« Le commissaire Major a émis un acte d'accusation accablant au sujet de bien des choses qui se sont produites avant et après l’événement. Des choses, Mesdames et Messieurs, que le présent gouvernement du Canada ne peut ni ne souhaite défendre.
« Et le commissaire Major estime en outre que, pour aggraver les choses, les familles des victimes ont été pendant des années après traitées avec peu de respect ou de considération par les organismes du gouvernement du Canada.
« C’est pour cela que le gouvernement du Canada - qui a ordonné cette enquête -présente aujourd’hui des excuses. C’était son devoir et il y allait de son honneur.
« Je vous offre donc les excuses du gouvernement du Canada, et de tous les Canadiens et Canadiennes, pour les carences institutionnelles qui prévalaient il y a 25 ans et la façon dont les familles des victimes ont été traitées par la suite.
« Le gouvernement a pour obligation première de protéger ses citoyens.
« Le simple fait de la destruction de l’appareil 182 d'Air India est la preuve que quelque chose est allé très, très mal. Nous en sommes désolés. Pour cela, et aussi pour les années pendant lesquelles votre besoin légitime de réponses et, en fait, d'empathie, a été reçu avec dédain par l’administration.
« Mesdames et Messieurs, le commissaire Major a fait de nombreuses recommandations importantes. Nous sommes en train de les examiner et nous avons déjà commencé le travail essentiel d'amélioration de la sécurité dans nos aéroports. C'est une question de la plus haute importance pour notre gouvernement afin qu'une telle chose ne se reproduise jamais.
« Malheureusement, nous n'avons aucun moyen de savoir si nous serons de nouveau attaqués, par qui et dans quelles circonstances. Nous savons seulement que le terrorisme est un ennemi aux mille visages, nourri par une haine qui couve dans les plus sombres recoins de l'esprit humain. Et nous craignons que, parmi ceux que nous invitons des quatre coins du monde pour partager nos aspirations à une vie meilleure, s’infiltrent ceux qui cherchent à amener ici les vendettas du passé.
« Et, comme me l’ont demandé les familles, je m’adresse à mes collègues responsables politiques de tous bords pour leur dire qu’il nous incombe à tous de ne pas accueillir, mais plutôt de marginaliser – soigneusement et systématiquement – les extrémistes qui cherchent à importer ici les anciennes batailles de l'Inde et à les réexporter ensuite vers cette grande nation tournée vers l’avenir.
« Nous ne voulons rien de tout cela. Nous devons poursuivre la lutte contre les destructeurs et les assassins de toutes sortes. Et nous le ferons avec énergie et de toute urgence. Quelle que soit la menace, nous devons l'anticiper. D'où qu'elle vienne, nous devons être prêts.
« Nous devons à apprendre à déjouer quiconque avance une idéologie perverse en abaissant les innocents.
« Le plus beau legs que nous puissions laisser à vos proches est de leur permettre de voyager en toute sécurité.
« Je le répète, le plus beau legs que nous puissions laisser aux personnes qui vous sont chères est d'empêcher un autre attentat de ce genre. C'est le devoir que nous avons envers vous et envers tous les Canadiens et Canadiennes. Je tiens à remercier les familles des victimes de m'avoir invité ici aujourd'hui.
« Merci beaucoup.
« Que Dieu vous bénisse!
« Et garde notre patrie glorieuse et libre! »