Vice-président, Télécommunications
Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes
à la conférence annuelle de la Canadian Cable Systems Alliance
Mont-Tremblant (Québec)
Le September 23, 2013
(Priorité à l'allocution)
Bonjour!
Je tiens particulièrement à vous remercier de m’avoir offert cette occasion de m’entretenir avec vous ce matin. Avant toute chose, je voudrais féliciter la CCSA à l’occasion de son 20e anniversaire. Votre organisation qui comptait au début douze membres en regroupe aujourd’hui plus de cent. Cela témoigne de l’excellent travail qu’elle accomplit depuis ses débuts.
Un aspect important de nos activités au Conseil consiste à garantir à la population canadienne l’accès à un large éventail de services de radiodiffusion, de téléphonie et d’Internet de grande qualité. Autrement dit, à faire en sorte que tous les Canadiens, peu importe où ils demeurent dans ce grand pays qui est le nôtre, ont accès à de tels services.
Les entreprises de câblodistribution indépendantes jouent un rôle important à l’intérieur du système de communications. Comme la plupart d’entre vous desservent de petites collectivités, vous devez faire preuve de souplesse et d’innovation pour soutenir la concurrence dans vos marchés, et tout semble indiquer que vous faites du bon travail en offrant à votre clientèle — que vous connaissez fort bien — la diversité de choix qu’elle désire.
J’aimerais souligner brièvement tous les efforts que vous avez consacrés l’an dernier à mettre en œuvre les nouvelles règles du Conseil sur l’intensité sonore des messages publicitaires. Les Canadiens d’un bout à l’autre du pays nous ont bien fait comprendre qu’ils n’acceptent pas d’être bombardés sans arrêt de messages publicitaires tonitruants. Par conséquent, nous avons collaboré avec les radiodiffuseurs et les distributeurs afin de résoudre ce problème.
Vous avez investi les sommes nécessaires en équipement et au chapitre de la formation du personnel, et nous vous remercions d’avoir mené à bien cette tâche. Je suis convaincu que vos abonnés sont également fort reconnaissants des mesures que vous avez prises.
Changements au sein de l’industrie
Nous comprenons les défis que vous devez relever chaque jour pour garantir le succès de vos entreprises sur la scène locale. De plus, vous devez également faire face aux mêmes difficultés que le reste de l’industrie des communications. Les changements n’ont jamais été aussi rapides qu’au cours des dernières années.
Dans quelques jours, le Conseil publiera l’édition 2013 du Rapport de surveillance des communications. J’ai pensé qu’il serait intéressant de vous en communiquer certaines données qui traduisent bien la rapidité avec laquelle le monde évolue.
- 62 % des foyers canadiens souscrivent aux services Internet d’une vitesse de téléchargement d’au moins cinq mégabits par seconde.
- En 2012, les anglophones ont passé hebdomadairement 20,1 heures en ligne, par rapport à 18,2 heures en 2011. Il s’agit d’une augmentation de plus de 10 %.
- En 2012, les francophones ont passé, chaque semaine, 13 heures en ligne, soit à peu près le même temps que l’année précédente.
- 33 % des Canadiens ont regardé de la programmation télévisuelle en ligne.
- 4 % ont indiqué qu’ils ne regardaient la programmation télévisuelle qu’en ligne.
- Les utilisateurs typiques ont regardé, chaque semaine, trois heures d’émissions de télévision sur Internet, une hausse par rapport aux 2,8 heures qu’ils ont passées en 2011.
- 17 % des Canadiens étaient abonnés à Netflix (soit 7 % de plus qu’en 2011).
- Le nombre des Canadiens qui possèdent un téléphone intelligent a bondi, passant de 38 % en 2011 à 51 % en 2012. Cette hausse annuelle remarquable avoisine les 34 %.
- Le nombre de Canadiens qui possèdent une tablette électronique a plus que doublé. En fait, il a presque triplé, passant de 10 % en 2011 à 26 % en 2012.
- 6 % des Canadiens ont regardé des émissions de télévision au moyen d’une tablette ou d’un téléphone intelligent.
- 20 % des Canadiens ont syntonisé le signal d’une station AM ou FM sur Internet. 14 % ont écouté du contenu audio sur une tablette. 13 % ont syntonisé un service musical personnalisé sur Internet, et 8 % ont écouté du contenu audio avec leur téléphone intelligent.
- En 2012, les Canadiens ont, en moyenne chaque mois, téléchargé 28,4 giga-octets et téléversé 5,4 giga-octets de données.
Nous avons affaire à un univers des communications totalement différent de ce qu’il était voilà seulement dix ans.
Depuis, les structures, les modèles d’affaires, les produits, la technologie et l’industrie ont subi des mutations profondes — sans parler des besoins, des goûts, des attentes et des habitudes des consommateurs.
Tant les membres de l’industrie que les régulateurs n’avaient donc pas d’autres choix que de faire preuve d’innovation et de créativité.
Convergence et regroupement
La convergence de la technologie de la radiodiffusion et des télécommunications, de concert avec une consolidation massive constaté dans l’industrie, s’avère l’un des grands changements. Je sais qu’il s’agit à vos yeux d’une préoccupation importante en raison de votre rôle d’entreprises indépendantes œuvrant dans des petits marchés.
Au Canada, l’industrie des communications est désormais dominée par quelques grandes entreprises intégrées verticalement, dotées d’une infrastructure complète, ayant accès à une vaste sélection de contenu et disposant d’importants moyens financiers.
Une telle concentration de pouvoirs offre aux entreprises intégrées l’efficacité et les synergies dont elles estiment avoir besoin pour s’adapter au monde en évolution. Toutefois, et vous ne l’ignorez pas, les avantages de la consolidation comportent des risques qui menacent la diversité même du système. Au CRTC, il nous incombe de voir ce qui peut être fait pour atténuer de tels risques.
Comme vous le savez, le CRTC a approuvé en juin une acquisition majeure, soit l’acquisition par BCE des actifs d’Astral dans le secteur de la radiodiffusion. Le Conseil a évalué la valeur de la transaction à plus de quatre milliards de dollars.
Une acquisition de cette envergure comporte toujours le risque — comme nous l’avons mentionné — que la nouvelle entité dont la taille a été ainsi multipliée puisse user de son influence en faisant fi des règles de la concurrence. De toute évidence, beaucoup craignent qu’elle tire profit de sa puissance commerciale au détriment des petites entreprises indépendantes, et par contrecoup, à celui des fournisseurs et des consommateurs.
C’est là qu’intervient l’organisme de réglementation. Comme vous le savez, c’était la deuxième fois que BCE et Astral présentaient leur demande. En 2012, le Conseil avait rejeté la première proposition.
Divers facteurs ont influé sur la décision du CRTC, notamment le fait que celui-ci s’est dit préoccupé que l’entreprise fusionnée restreigne l’accès à ses services de programmation ou ne les offre aux concurrents qu’à des tarifs supérieurs à ceux du marché.
La situation pouvait compromettre la diversité de la programmation offerte aux Canadiens. Elle pouvait également mettre en danger la capacité des distributeurs à fournir une programmation à des tarifs raisonnables sur plusieurs plateformes.
Par conséquent, le Conseil a veillé à ce que les modalités qu’il a finalement approuvées cette année comportent les mesures de protection sans précédent suivantes :
- L’entité BCE élargie, y compris les entités qui y sont liées, doit respecter comme condition de licence certains articles pertinents du Code de déontologie régissant les accords commerciaux qui ont pour but de réduire les comportements anticoncurrentiels pour garantir un traitement équitable des services de programmation indépendants.
- BCE ne doit pas retenir indûment les droits de diffusion en ligne et sur les appareils mobiles et empêcher les distributeurs concurrents d’y avoir accès, même si elle n’exploite pas elle-même ces droits.
- BCE doit déposer auprès du Conseil toutes les ententes d’affiliation qu’elle a conclues avec les services de programmation et les entreprises de distribution de services de télévision, au plus tard cinq jours après leur signature. Le Conseil ne les approuvera pas, mais une telle exigence lui permettra de surveiller les activités et d’examiner toute forme de conduite inappropriée qui soulève des questions. Si BCE se confère à elle-même ou accorde à l’une des autres grandes entreprises un avantage sans faire de même avec les fournisseurs indépendants, le Conseil voudra le savoir et prendra les mesures qui s’imposent.
- Le Conseil se préoccupe en particulier des répercussions sur les abonnés des distributeurs desservant les régions rurales ou peu peuplées. Il en tiendra donc compte pour en déterminer le caractère raisonnable.
- Lorsqu’une entente d’affiliation approchera de son terme, BCE devra en conclure une autre au plus tard 120 jours avant la date d’expiration. Si elle n’y parvient pas, elle devra s’engager dans un processus de règlement des différends supervisé par le Conseil. Ce mécanisme profitera aux exploitants indépendants en diminuant les délais et en réduisant les risques que des frais et des intérêts soient imposés rétroactivement à la suite d’une décision du Conseil.
Nous sommes convaincus que ces mesures contribueront à équilibrer les règles du jeu et à défendre vos intérêts lorsque vous transigerez avec un adversaire commercial plus fort que vous.
Nous nous sommes efforcés de mettre en place les mesures dont vous avez besoin pour maintenir la diversité de choix que vous offrez à votre clientèle. Le Conseil est au courant de votre réalité et a entendu vos préoccupations.
En fait, nous sommes très heureux que, plus tôt ce mois-ci, vous ayez accueilli des membres du personnel du CRTC à titre d’observateurs à la réunion où vous avez débattu de ce qui pourrait constituer une « entente d’affiliation idéale ». Nous sommes et serons toujours prêts à vous écouter.
Concurrence locale dans le marché des services téléphoniques
Je voudrais maintenant aborder le marché de la téléphonie locale. En 2006, nous avons ouvert à la concurrence les marchés des petites compagnies de téléphone titulaires. En 2011, nous avons reconduit cette décision. Cette année-là, nous avons également ouvert à la concurrence les services téléphoniques locaux dans les territoires d’exploitation de Norouestel, dans le Nord.
Ces mesures ont permis aux fournisseurs de services de pénétrer des marchés auxquels ils n’avaient pas accès jusqu’à présent, tout en permettant aux consommateurs de profiter d’un éventail plus large de produits et de services.
La concurrence est synonyme d’une plus grande liberté de choix pour les consommateurs canadiens. Elle crée également de nouvelles possibilités d’affaires pour les fournisseurs de services et stimule l’innovation. Le CRTC est fortement en faveur d’un environnement ouvert à la concurrence. Nous nous réjouissons de voir que certains d’entre vous ont pénétré de nouveaux marchés et sont devenus des fournisseurs de services locaux concurrents.
Consultation sur la « télévision »
Il y a quelques instants, je vous ai présenté des statistiques montrant les mutations profondes que traverse actuellement l’industrie des communications. Où nous mèneront-elles? Quelles en seront les répercussions sur les travaux du Conseil en tant qu’organisme de réglementation?
Nous ne pourrons jamais prendre les bonnes décisions si nous ne sommes pas à l’écoute de ceux qui œuvrent dans les secteurs que nous réglementons. Nous devons savoir qui ils sont pour être en mesure de les consulter. J’entends par là les acteurs de l’industrie des communications et, plus important encore, les Canadiennes et les Canadiens. Ralph Klein, l’ancien premier ministre de ma province, avait l’habitude de les appeler Martha et Henry. Ce sont les Monsieur et Madame Tout-le-monde que, en fin de compte, vous et moi devons servir.
Cet automne, nous consulterons la population canadienne au sujet de la télévision — celle que l’on regarde aujourd’hui et celle que l’on regardera peut-être demain. Cet exercice occupe une place importante dans notre plan d’action triennal. Il est temps en effet de poser un regard neuf sur les hypothèses à l’origine de notre cadre de réglementation de la radiodiffusion.
Le cadre a été mis en place pour que nous remplissions notre mission dans le respect de la Loi sur la radiodiffusion. Pendant des décennies, nous avons suivi un modèle bien établi. Nous avons attribué des licences aux réseaux de radiodiffusion et aux fournisseurs de services par câble et par satellite, sous réserve de certaines conditions, afin de réaliser les objectifs de la Loi sur la radiodiffusion.
Au fil des ans, le cadre a évolué, surtout pour tenir compte des changements technologiques et de la conjoncture économique, ainsi que des nouveaux intérêts et des nouvelles exigences des consommateurs canadiens. La réglementation a toujours été adaptée aux développements de l’heure, mais, ce faisant, nous nous retrouvons avec un système réglementaire complexe dont les assises n’ont pas nécessairement été conçues pour le soutenir.
Au départ, on a supposé que le CRTC pourrait agir efficacement à titre d’organisme de contrôle. Les entreprises désireuses de diffuser de la programmation aux Canadiens devaient le faire selon nos règles, et les Canadiens — les Martha et Henry de ce pays — avaient peu accès au contenu de radiodiffusion acheminé autrement qu’en vertu de ces règles.
Désormais, Internet et les appareils qui offrent un accès direct à la programmation créent un monde sans frontières. Le Conseil ne peut plus jouer son rôle de gardien de la porte s’il n’y a plus vraiment de murs. Il ne peut ni ne doit imposer un contenu télévisuel aux Canadiens. Ces derniers sont libres de profiter plus que jamais d’une vaste programmation axée sur l’information et le divertissement. Et ils ne se gênent pas de le faire.
Comment pouvons-nous promouvoir plutôt que protéger l’expression canadienne? Comment nous concentrer sur l’atteinte de résultats concrets plutôt que sur les règles, processus et procédures? Comment aider les créateurs canadiens à profiter du nouveau contexte mondial — dont les possibilités l’emportent sur les risques? Comment veiller à ce que les Canadiens voient leur réalité au petit écran, y entendent des voix qui leur sont familières et soient informés selon leurs goûts et leurs besoins?
Nos échanges avec les Canadiens porteront sur l’avenir de la télévision, le média que les Canadiens privilégient encore pour regarder du contenu de programmation. Bien entendu, nous espérons débattre de questions qui ne seront pas nécessairement liées au bon vieux téléviseur qui trône dans le salon.
Dans un premier temps, ce sont les téléspectateurs canadiens d’un bout à l’autre du pays qui prendront part au débat sur la télévision. Puis, nous entendrons les intervenants de l’industrie, les distributeurs tels que vous, les radiodiffuseurs, les gens des médias et les créateurs de contenu.
Nous nous réjouissons d’avance des échanges avec la CCSA et ses membres. Nous sommes également conscients des liens étroits que vous avez tissés avec les collectivités que vous desservez et nous souhaitons pouvoir compter sur votre collaboration pour les sensibiliser au projet et les encourager à y participer.
Nous sommes convaincus que vous possédez, à titre d’exploitants indépendants, la créativité et l’esprit d’entreprenariat nécessaires pour aller de l’avant avec notre système de communications. Nous sollicitons votre collaboration pour atteindre les objectifs de la Loi sur la radiodiffusion au moment où nous nous préparons à relever les défis du 21e siècle.
Merci beaucoup!
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