La majorité écrasante d’actes criminels, y compris l’infraction proposée de distribution non consensuelle d’images intimes et d’autres infractions graves, notamment le meurtre et le crime organisé, comprennent désormais des éléments de preuve basés sur les télécommunications. Contrairement à d’autres preuves médico-légales se trouvant sur les lieux d’un crime, la preuve numérique est souvent éparpillée dans des douzaines d’appareils électroniques et des réseaux informatiques et peut même se trouver dans des ordinateurs situés dans des villes différentes, presque n’importe où dans le monde. De plus, les données n’ont souvent qu’une très courte durée de vie, de sorte qu’il est crucial pour l’issue d’une enquête d’obtenir des éléments de preuve rapidement.
L’évolution des technologies informatiques et des communications a rendu certains crimes plus faciles à commettre, et l’enquête afférente plus difficile à mener. Au Canada, on enquête actuellement sur des actes criminels au moyen d’outils qui ne tiennent pas toujours compte de l’émergence de ces nouvelles technologies. Nos lois doivent évoluer pour que l’on puisse mener une lutte efficace et efficiente contre la criminalité, tout en protégeant la vie privée des Canadiens. Tous les nouveaux pouvoirs d’accès aux données conférés en vertu de ces changements proposés exigeraient qu’un juge autorise cet accès à l’avance. Dans le cadre des mesures législatives proposées, aucun changement n'est prévu à l'approche présentement adoptée dans le cadre des mesures légales et à l'autorité judiciaire requises pour mener les enquêtes.
Les modifications proposées dans le projet de loi comprennent notamment ce qui suit :
Conservation des données informatiques
Les modifications proposées créeraient une demande de conservation et une ordonnance de conservation. Une demande ou une ordonnance de conservation constitue un moyen temporaire, convergent et ciblé d’assurer que des données informatiques volatiles ne sont pas perdues ou supprimées pendant le temps qu’il faut aux organismes d’application de la loi pour obtenir un mandat de perquisition ou une ordonnance de production. Ceci se produirait dans des cas où les agents d’application de la loi ont des raisons de soupçonner que de telles données contribueraient à une enquête précise. Les données informatiques effectivement conservées, notamment le contenu de toute communication privée, ne seraient PAS divulguées au moyen d’une demande ou d’une ordonnance de conservation. Ce n’est qu’après l’émission d’un mandat de perquisition ou d’une ordonnance de production par le tribunal que les enquêteurs seraient autorisés à voir le contenu des données informatiques qui ont été conservées, ce qui est cohérent avec les limites imposées actuellement à un tel accès dans le Code criminel.
Les responsables de l’application de la loi présenteraient une demande de conservation directement à un tiers, tel un fournisseur de services de télécommunications. Cette demande oblige le fournisseur à conserver (c.‑à‑d. à ne pas supprimer) des données précises qui aideraient à mener une enquête. Ces données pourraient être conservées pendant 21 jours au maximum dans le cas d’une enquête menée au Canada et 90 jours dans le cas d’une enquête menée à l’étranger. Dans le cas d’une ordonnance de conservation, un juge serait autorisé à exiger que les données informatiques soient conservées pendant 90 jours au maximum. Contrairement à ce qui est le cas avec une demande de conservation, qui ne peut être émise qu’une seule fois par un organisme d’application de la loi, les ordonnances de conservation ultérieures peuvent être émises par un tribunal s’il y a des motifs raisonnables de soupçonner qu’il y a eu une activité criminelle.
Une demande ou ordonnance de conservation ne constitue PAS une obligation générale de rétention de données. Les fournisseurs de services de télécommunications ne seraient PAS tenus de recueillir et d’entreposer des données pendant une période particulière pour tous les abonnés, qu’ils fassent ou non l’objet d’une enquête.
Les mandats de localisation
Les modifications proposées accroîtraient les dispositions de protection de la vie privée existantes pour les mandats de localisation judiciaires, lorsque les services de police essaient de localiser une personne, en raison des progrès réalisés par la technologie et de la nature plus invasive de la localisation d’une personne au moyen d’un objet qui est habituellement porté ou transporté. Ce mandat judiciaire permettrait explicitement à des organismes d’application de la loi d’activer à distance des dispositifs de localisation existants se trouvant dans certains types de technologies (téléphones cellulaires et dispositifs télématiques dans certaines voitures, par exemple un GPS). Les données de localisation en temps réel pourraient être obtenues au moyen de ce mandat, tandis que les données historiques de localisation pourraient être obtenues au moyen d’une ordonnance de production.
Dans le cas d’objets habituellement tenus ou transportés (p. ex., téléphone cellulaire, ordinateur portatif), il faudrait atteindre un seuil judiciaire plus élevé pour obtenir un mandat de localisation. Il faudrait prouver qu’il y a des « motifs raisonnables de croire » qu’une activité criminelle a été ou est en cours pour en obtenir un. Il faudrait toujours prouver qu’il y a des « motifs raisonnables de soupçonner » qu’une activité criminelle est en cours pour obtenir un mandat pour localiser des véhicules ou des transactions.
Obtention de données de transmission
Le Code criminel permet actuellement aux services de police d’obtenir des numéros de téléphone composés à partir du téléphone d’une cible ou vers celle‑ci. Ce pouvoir serait mis à jour de manière à permettre au service de police d’obtenir non seulement des données téléphoniques comme il peut le faire actuellement, mais également des données Internet au moyen de la création d’un nouveau concept appelé « transmission de données ». La transmission de données a trait uniquement au type, à la date, à l’heure, à l’origine, à la destination ou à la fin d’une communication, mais n’indique PAS le contenu d’une communication privée. En d’autres termes, elle est ciblée sur un ensemble spécifique de données et ne comprend pas toutes les métadonnées. Comme c’est le cas en vertu de la loi actuelle, il faudrait toujours, pour avoir accès au contenu d’une télécommunication, obtenir un mandat de perquisition judiciaire ou une ordonnance de production pour l’information stockée, ou une autorisation d’installer un dispositif d’écoute électronique en vertu du Code criminel pour la collecte en direct.
Les autorisations judiciaires pour ce type de données ne pourraient être obtenues que s’il y a des « motifs raisonnables de soupçonner » que les données contribueront à l’enquête sur un crime, comme c’est actuellement le cas pour les données téléphoniques. De telles données pourraient être obtenues au moyen de deux différents types d’ordonnances judiciaires : un mandat(lorsque les données sont acquises en temps réel) ou une ordonnance de production pour les données historiques.
Obtention d’une quantité limitée de données de transmission pour retracer une communication précise
Les criminels peuvent acheminer leurs communications Internet par une chaîne de nombreux fournisseurs de services différents et parfois même passer par plusieurs pays afin de les cacher et de rendre plus difficile de déterminer l’origine des communications. Les agents de l’application de la loi seraient en mesure de retracer une communication jusqu’au fournisseur de service originel du suspect grâce à cette nouvelle mesure.
La législation proposée vise à permettre d’obtenir une quantité limitée de « données de transmission », au moyen d’une autorisation judiciaire fournie par une ordonnance de production avec un seuil plus bas de « motifs raisonnables de soupçonner ».Les données de transmission permettraient d’identifier les fournisseurs de services ayant participé à la chaîne de transmission des communications, notamment des courriels. Cela contribuerait au repérage d’un cybercrime (p. ex., fraude, cyberattaques, pornographie juvénile, et l’infraction proposée de distribution d’images intimes sans le consentement de la personne concernée) au Canada, ainsi qu’à améliorer la capacité du Canada à collaborer avec ses partenaires de traité à des enquêtes internationales.
Possession d’un virus informatique
Les modifications proposées au Code criminel seraient ajoutées à celles qui existent actuellement pour s’attaquer aux problèmes créés par des dispositifs qui sont utilisés principalement pour commettre des infractions informatiques.
Les modifications tiendraient également compte des décisions rendues par des tribunaux pour des infractions semblables précisant que les programmes informatiques – comme les virus, sont considérés comme des « dispositifs ». Par souci de cohérence linguistique, des modifications semblables seraient apportées aux dispositions actuelles afférentes à l’utilisation de dispositifs pour voler des services de télécommunication.
Rationalisation du processus d’ordonnances judiciaires
Les modifications qu’il est proposé d’apporter au Code criminel rationnaliseraient le processus de demande dans des cas où des ordonnances judiciaires ou des mandats doivent être émis relativement à l’exécution d’une écoute électronique. Cela signifie essentiellement que tous les mandats et ordonnances judiciaires afférents à une enquête doivent être obtenus du même juge et être scellés simultanément et automatiquement. Comme le juge serait au courant de l’enquête, le contrôle judiciaire en serait facilité. À l’heure actuelle, les agents d’application de la loi doivent souvent présenter des demandes à des juges différents pour les diverses ordonnances judiciaires nécessaires à l’exécution d’une écoute électronique.
Modernisation de la Loi sur l’entraide juridique en matière criminelle et de la Loi sur la concurrence
Les modifications proposées au Code criminel tiendraient également compte de la Loi sur l’entraide juridique en matière criminelle (LEJMC) et de la Loi sur la concurrence afin d’aider les services de police et le Bureau de la concurrence à enquêter sur des crimes informatiques tout en garantissant la protection des droits des Canadiens. Les modifications proposées à la Loi sur l’entraide juridique en matière criminelle visent à élargir la portée du soutien que le Canada pourrait apporter à ses partenaires de traité dans la lutte contre les crimes graves, y compris la cybercriminalité, et recevoir d’eux dans un environnement de télécommunications moderne. Les modifications à la Loi sur la concurrence permettraient également au Bureau de la concurrence de mieux relever les importants défis technologiques qui entravent sa capacité à obtenir des éléments de preuve, particulièrement en matière de pratiques commerciales trompeuses et d’indications fausses ou trompeuses.
Lutte contre le crime motivé par la haine
Le crime motivé par la haine (aussi appelé crime motivé par les préjugés) s’entend d’actes criminels qui visent à causer du tort aux membres d’un « groupe identifiable » ou à les intimider à cause de leur race, de leur origine ethnique, de leur orientation sexuelle, de leur religion ou leur statut de membre d’un autre groupe minoritaire. Les changements proposés dans cette loi consisteraient entre autres à ajouter l’origine, le sexe, l’âge, l’incapacité physique et mentale à la définition de « groupe identifiable » à l’article 318.
Les dispositions législatives actuelles
Les ordonnances de production existent déjà dans le Code criminel. Une ordonnance de production est une ordonnance du tribunal qui impose à une tierce partie qui détient certains types de données ou de documents, c’est‑à-dire des données historiques, de remettre ces documents à la police dans une période donnée. De telles ordonnances ne seront émises que lorsque certains critères et normes établis dans le Code criminel ont été respectés.
Les mandats existent également dans le Code criminel. Ces ordonnances du tribunal sont émises par un juge pour permettre à la police de mener certaines activités, notamment la perquisition de propriété privée (mandat de perquisition), la localisation d’objets (mandat de localisation) ou d’arrêter des personnes (mandat d’arrêt). Comme c’est le cas pour les ordonnances de production, les mandats ne seront émis que lorsque certains critères et normes établis dans le Code criminel ont été respectés.
Les autorisations de mise sur écoute électronique existent déjà à la partie VI du Code criminel. Ces autorisations d’intercepter des communications privées sont des ordonnances du tribunal, émises par un juge, pour permettre aux services de police d’effectuer une écoute électronique. Un juge n’émettra une autorisation d’intercepter une communication privée que si certains critères et normes établis dans le Code criminel ont été respectés.
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Ministère de la Justice Canada
Novembre 2013