Depuis le dépôt du projet de loi C 13, la Loi sur la protection des Canadiens contre la cybercriminalité, un certain nombre d'idées fausses ont circulé entourant l'intention et la portée de ce projet de loi. Je tiens à expliquer pourquoi ce projet de loi est nécessaire et pourquoi il est impératif non seulement de lutter contre les actes graves de cyberintimidation, mais également de doter les agents d'application de la loi des outils dont ils ont besoin pour enquêter sur ce type d'infraction et d'autres cybercrimes.
Pourquoi ce projet de loi est nécessaire
Le projet de loi C 13 comble une lacune du Code criminel en rendant illégale la distribution d'une image intime d'une personne sans son consentement. Toutefois, il n'est pas suffisant de criminaliser cet acte; il faut également mettre à jour nos lois actuelles afin que les organismes d'application de la loi puissent, en fait, être autorisés à mener une enquête licite appropriée. En fait, un rapport préparé par un groupe de travail de fonctionnaires fédéraux, provinciaux et territoriaux, publié en juillet dernier, a recommandé la création de la nouvelle infraction et la modernisation du Code criminel afin de donner aux services de police et aux procureurs les outils autorisés par la cour pour enquêter sur des infractions qui sont commises par Internet ou qui impliquent une preuve électronique. Après tout, il ne sert à rien de créer une loi sans fournir aux services d'application de la loi les outils dont ils ont besoin pour enquêter sur ladite infraction.
Dans sa déclaration du 28 novembre 2013 sur le projet de loi C 13, la commissaire fédérale sortante à la protection de la vie privée, Jennifer Stoddart, a félicité le gouvernement, « qui a su reconnaître la gravité des atteintes à la vie privée en ligne et proposer des mesures pour lutter contre la cyberintimidation ». Elle a également reconnu que « les responsables de l'application de la loi doivent avoir accès à des outils à jour pour lutter contre la cybercriminalité à une époque où les technologies évoluent rapidement » et que cela doit se faire d'une façon respectueuse du droit fondamental à la vie privée des Canadiens.
Cette loi respecte la vie privée
On a laissé entendre que le projet de loi C 13 est simplement une nouvelle version de l'ancien projet de loi C 30. Qu'il soit bien clair que la nouvelle loi n'englobe pas les amendements controversés de l'ancien projet de loi C 30, qui auraient donné accès sans mandat aux renseignements sur les abonnés et exigé une modification de l'infrastructure de télécommunication pour appliquer et maintenir une capacité technique de permettre des interceptions autorisées par la loi. Le projet de loi C 13 a simplement pour objet de donner aux services de police les moyens dont ils ont besoin pour lutter contre la criminalité dans l'environnement de haute technologie d'aujourd'hui, tout en maintenant les freins et contrepoids judiciaires nécessaires pour protéger la vie privée des Canadiens. Il serait toujours nécessaire d'exercer un contrôle judiciaire approprié. Les services de police n'auraient pas accès aux différents types de données prévues dans la loi sans une autorisation judiciaire.
Les différentes parties de cette loi forment un tout logique
Il circule une idée fausse selon laquelle le projet de loi C 13 est un projet de loi omnibus sur la criminalité. Ce n'est pas exact. Le projet de loi C 13 combine une nouvelle infraction proposée de distribution non consensuelle d'images intimes pour s'attaquer à la cyberintimidation au moyen d'outils autorisés par la cour pour aider les services de police et les procureurs à enquêter sur la nouvelle infraction proposée et sur d'autres infractions existantes qui sont commises par Internet ou qui impliquent une preuve électronique. Ces deux éléments ont été recommandés dans le Rapport fédéral-provincial-territorial de juillet 2013 sur la cyberintimidation et la distribution non consensuelle d'images intimes.
Il est déjà légal de fournir des renseignements à la police
Certaines personnes croient à tort que la nouvelle loi permettrait à la police de contourner la nécessité d'une autorisation judiciaire en demandant à des organismes tels que les fournisseurs de services de télécommunication et les banques de divulguer volontairement ou de conserver volontairement des documents ou des données. À cet égard, la loi proposée ne donnerait aucun nouveau pouvoir à la police. Le projet de loi propose de légères modifications à la loi actuelle pour préciser dans quelles circonstances la police n'a pas besoin d'ordonnance de communication si une tierce partie contribue volontairement à une enquête policière en fournissant des renseignements.
Dans l'exercice général de ses fonctions, la police peut déjà obtenir des renseignements volontairement d'une tierce partie, sans ordonnance du tribunal. La police n'est pas forcée d'obtenir des ordonnances de communication lorsque les personnes prêtent assistance de façon volontaire, dans la mesure où il n'y a aucune interdiction à cet effet, comme une obligation de protéger des renseignements personnels aux termes de la Loi sur la protection des renseignements personnels et les documents électroniques.
Le projet de loi C 13 renvoie maintenant explicitement aux protections des responsabilités civile et criminelle lorsqu'une personne choisit de fournir de l'aide de façon volontaire à la police – c'est-à-dire qu'une personne qui divulgue des renseignements ne peut faire l'objet de poursuites judiciaires pour avoir fourni volontairement des renseignements qui ne sont visés par aucune interdiction de divulgation. Cette protection existe déjà dans le Code criminel. Ce n'est pas un changement important, mais cela vise à accroître la transparence et la compréhension de cette disposition.
Cette disposition sera également modifiée afin qu'on y mentionne les nouvelles demandes relatives à la conservation et les nouvelles ordonnances de conservation qu'il est proposé d'intégrer au Code criminel, afin de clarifier qu'une personne peut aussi volontairement conserver des données, dans la mesure où il n'est pas interdit de le faire.
Le projet de loi C 13 propose aussi de clarifier le fait que la collaboration volontaire avec la police ne se limite pas aux cas où la police applique une loi fédérale; la collaboration volontaire vise aussi les activités policières qui ne sont pas directement liées à l'application d'une loi fédérale, comme le fait de communiquer avec le plus proche parent d'une victime d'un accident, de remettre des effets volés à son propriétaire ou de communiquer avec un propriétaire dans le cas d'une introduction par effraction.
La police peut mieux protéger les Canadiens et enquêter sur l'activité criminelle lorsque les personnes, les groupes et les organismes acceptent de l'aider. L'objet de la loi actuelle et de ces mises à jour liées à la divulgation volontaire est de faire en sorte que la police et le public puissent continuer à travailler ensemble.
Dispositifs de localisation
Pour ce qui est des préoccupations qui ont été soulevées au sujet des dispositifs de localisation, il est important de noter que le projet de loi maintient le contrôle judiciaire de ces dispositifs. Les services de police utilisent un dispositif de localisation pour suivre des personnes ou des objets si la cour a autorisé cette activité et accordé le pouvoir nécessaire. Des données historiques de localisation, qui pourraient indiquer où un suspect s'est trouvé par la passé, ne seraient à la disposition des services de police que sous réserve d'une ordonnance de communication valide, s'il y a une raison de soupçonner qu'une infraction criminelle a été ou sera commise. Pour localiser une personne en temps réel, le projet de loi C 13 propose de relever le niveau d'examen judiciaire en le faisant passer de soupçon raisonnable à présomption raisonnable. Ceci a pour but de tenir compte des progrès de la technologie qui ont accru la précision des dispositifs de localisation. Je pense que ceci représente une sauvegarde considérable de la vie privée à l'égard de l'utilisation de ce pouvoir.
Il est déjà illégal de voler des signaux de câblodistribution
Certains rapports ont laissé entendre que la nouvelle loi rendrait illégal de voler des signaux de câblodistribution. En fait, il est déjà illégal, en vertu du Code criminel, de voler des signaux de câblodistribution et de posséder un dispositif pour obtenir des services de télécommunication sans payer.
Les modifications proposées dans le projet de loi C 13 à ces infractions de longue date vont dans le sens des efforts que nous déployons pour moderniser et mettre à jour le Code criminel. Il ne s'agit pas d'un changement de fond.
Il est important de noter que le projet de loi ferait également une infraction à procédure double/hybride le fait de posséder un logiciel ou un autre dispositif pour obtenir des services de télécommunication sans payer. Cela signifie qu'il donnerait plus de latitude aux procureurs dans leurs pratiques de mise en accusation, selon la gravité de l'infraction.
Crimes motivés par la haine
On a également soulevé certaines préoccupations au sujet de la modification de la définition de « groupe identifiable ». Le projet de loi propose de modifier la définition de « groupe identifiable » figurant au Code criminel en ajoutant l'origine nationale, l'âge, le sexe et la déficience mentale ou physique, en sus des caractéristiques qui sont déjà fournies par le Code criminel, à savoir la couleur, la race, la religion, l'origine ethnique et l'orientation sexuelle. Ceci procurerait une protection plus vaste en ce qui concerne les trois infractions du Code criminel relatives à la propagande haineuse (génocide, incitation publique à la haine et promotion délibérée de la haine). La modification consistant à ajouter l'âge et le sexe et la déficience mentale ou physique a pour objet de combler ce qui pourrait être considéré comme une lacune résultant des modifications apportées à la Loi canadienne sur les droits de la personne afin de supprimer l'article 13 de cette Loi.
La cyberintimidation va bien au delà de l'intimidation dans la cour d'école et, comme l'a déclaré le premier ministre, il peut s'agir d'une activité criminelle. Avec un seul clic de souris d'ordinateur, une personne peut devenir une victime devant le monde entier. Comme nous l'avons vu trop souvent, cette conduite peut détruire des vies. La cyberintimidation pourrait avoir amené plusieurs jeunes Canadiens à se suicider. Elle appelle clairement une intervention plus musclée de la justice pénale, et le projet de loi C 13 propose ce qu'il faut pour changer ce comportement, ni plus, ni moins.
Notre gouvernement s'est engagé à protéger les Canadiens parce que nos enfants ont le droit de se sentir protégés, que ce soit lorsqu'ils se promènent à bicyclette dans leur quartier ou naviguent sur Internet. L'intimidation et la cyberintimidation sont des problèmes sociaux complexes qui exigent que l'on agisse à plusieurs niveaux, qui vont de combler les lacunes du Code criminel à des programmes de prévention et d'éducation.
Je suis fermement convaincu que nous pouvons faire davantage, et c'est le but de la Loi sur la protection des Canadiens contre la cybercriminalité. J'exhorte les parlementaires et tous les Canadiens à soutenir cette étape importante pour assurer la protection de nos enfants et de nos jeunes en ligne.
L'honorable Peter MacKay
Ministre de la Justice et procureur général du Canada