Archivé - Déclaration préparée pour le Comité monétaire et financier international du Conseil des gouverneurs du Fonds monétaire international : avril 2014

Washington, le 12 avril 2014

À titre de nouveau ministre des Finances du Canada et de gouverneur au Fonds monétaire international (FMI), c’est un honneur de représenter ce groupe de pays auprès du Comité monétaire et financier international (CMFI), alors que nous collaborons pour favoriser l’emploi, la croissance et la stabilité.

Depuis l’automne dernier, la reprise mondiale s’est poursuivie, malgré la présence d’épisodes de volatilité. Il n’en demeure pas moins que la croissance mondiale est encore trop faible, que le chômage demeure trop élevé dans plusieurs pays, et qu’il faut gérer les risques de ralentissement, notamment les conséquences éventuelles liées à l’évolution géopolitique. La situation actuelle n’est pas acceptable et cela devrait accroître notre détermination à vouloir aller de l’avant avec la mise en œuvre de réformes ambitieuses pour favoriser une croissance plus vigoureuse et mieux équilibrée, ainsi que pour mettre en place les conditions propices à la création d’un plus grand nombre d’emplois. Dans cette perspective, nous souhaitons l’application de mesures ambitieuses et collectives, appuyées par le Groupe des Vingt (G-20) et le CMFI, pour stimuler la croissance et éviter que l’économie mondiale ne suive une trajectoire de croissance faible. L’apport du FMI à l’atteinte de cet objectif est essentiel. L’offre de conseils objectifs et francs et le soutien aux efforts d’ajustement des pays membres doivent demeurer au cœur de la mission de l’organisation. Cela vaut tout particulièrement pour l’Ukraine, où le FMI s’est mobilisé et a offert son aide, ce que nous appuyons. Nous accueillons aussi favorablement la volonté des autorités ukrainiennes d’entreprendre les réformes nécessaires pour assurer la stabilité et la prospérité.

Les pays du groupe que représente le Canada continuent d’être confrontés à des défis variés, et nous manœuvrons tous prudemment dans cette conjoncture de reprise. Dans la présente déclaration, je donne une mise à jour de l’évolution économique au Canada, en Irlande et dans les Caraïbes, et je fais le point sur les grandes priorités stratégiques de ces pays. J’exprime également les points de vue du groupe sur les principaux enjeux qui touchent la gouvernance du FMI ainsi que sur le rôle central qu’exerce le Fonds à titre de protecteur de la stabilité économique mondiale, par l’entremise d’activités de surveillance et de prêts à l’ajustement.

Les résultats économiques du Canada au fil de la reprise ont été robustes, ce qui s’explique par la solidité des facteurs fondamentaux du pays sur les plans économique, budgétaire et financier. La croissance a été alimentée par une économie intérieure vigoureuse, notamment par des investissements importants effectués par les entreprises aux premiers stades de la reprise.

Toutefois, la conjoncture économique mondiale demeure fragile, et le Canada n’est pas à l’abri des événements pouvant survenir à l’étranger. La faiblesse des marchés d’exportation et la baisse des prix des produits de base ont freiné la croissance au pays. En outre, la réévaluation des risques mondiaux amorcée l’an dernier révèle les vulnérabilités du marché financier de certaines économies émergentes, alors que la croissance demeure précaire et inégale dans la zone euro.

Le gouvernement du Canada est sur la bonne voie pour rétablir l’équilibre budgétaire en 2015. Le retour à l’équilibre budgétaire contribuera à abaisser d’ici 2017 le ratio de la dette fédérale au PIB (produit intérieur brut) sous son faible niveau d’avant la récession, de telle sorte que le gouvernement sera sur la bonne voie pour réaliser l’objectif qu’il avait énoncé dans le cadre de son engagement auprès du G-20, soit d’atteindre un ratio de la dette fédérale au PIB de 25 % d’ici 2021. Parmi les mesures stratégiques récentes visant à atteindre ces objectifs, mentionnons des réductions ciblées des dépenses de programmes, le gel des budgets de fonctionnement à l’échelle du gouvernement, des mesures visant à éliminer des échappatoires fiscales et à accroître l’intégrité, l’équité et la neutralité du régime fiscal, ainsi qu’une meilleure harmonisation de la rémunération des employés fédéraux avec celle accordée par d’autres employeurs des secteurs public et privé.

Le Plan d’action économique de 2014 s’est appuyé sur des mesures déjà annoncées de manière à augmenter le potentiel économique du Canada et à créer des emplois stables et bien rémunérés. Les nouvelles mesures annoncées comprennent l’adaptation de la formation professionnelle aux besoins du marché du travail et la formation de la main-d’œuvre de demain, le soutien aux échanges commerciaux et à l’entrepreneuriat, l’appui à la recherche de pointe et à l’innovation, le développement responsable des ressources naturelles et l’octroi de financement additionnel pour investir dans les infrastructures et les transports.

En décembre 2013, l’Irlande a réussi sa sortie du programme d’aide financière de l’Union européenne et du FMI sans avoir recours au filet de sécurité prévu. Le programme a atteint ses principaux objectifs, c’est-à-dire remettre les finances publiques sur une trajectoire viable, rétablir la viabilité du secteur financier, assurer le retour de l’Irlande sur les marchés financiers et accroître le potentiel de croissance. À la suite de sa sortie du programme, l’Irlande a fait un retour réussi sur les marchés des obligations à long terme et elle est maintenant en mesure de se financer sur les marchés, comme en témoigne la plus récente émission d’obligations à dix ans à un creux record de 2,97 %. En janvier, l’agence Moody’s a relevé d’un cran la cote de l’Irlande, pour l’établir à la catégorie investissement. Les cinq agences de notation ont maintenant attribué cette cote à l’Irlande. Néanmoins, l’Irlande demeure vulnérable aux événements internationaux, mais elle demeure inébranlable dans sa détermination de mettre en œuvre les politiques macroéconomiques et budgétaires adéquates, telles qu’énoncées dans la stratégie économique à moyen terme publiée à la fin de l’année dernière.

Le secteur financier affiche également des signaux positifs. Ainsi, après les récentes cessions d’actifs, l’État a maintenant enregistré un rendement positif sur le capital investi dans la Bank of Ireland. De plus, National Asset Management Agency, l’organisme gouvernemental créé afin de retirer les actifs en difficulté des bilans des banques touchées, a annoncé en mars qu’elle avait remboursé 35 % (10,5 milliards d’euros) des obligations de premier rang émises pour l’achat de ces actifs, et ce, avant l’échéance prévue. Les autorités sont cependant bien conscientes que des problèmes subsistent, notamment pour ce qui est de prendre des mesures à l’égard des prêts hypothécaires en souffrance, et elles ont mis de l’avant des efforts considérables pour établir l’infrastructure juridique et réglementaire nécessaire et pour faire en sorte que les banques se soient dotées de capacités opérationnelles en vue de faire face aux arriérés hypothécaires.

Le redressement de l’économie irlandaise s’est poursuivi en 2013. Bien que les données préliminaires de 2013 montrent un léger recul de 0,3 % du PIB, cette situation est essentiellement attribuable à des facteurs non récurrents, comme les grandes quantités de médicaments dont les brevets sont venus à échéance dans le secteur pharmaceutique, lequel représente une proportion importante des exportations irlandaises. En revanche, les exportations de services continuent de s’accroître fortement, grâce aux gains en matière de compétitivité réalisés ces dernières années et aux succès obtenus par l’Irlande pour attirer des investissements directs étrangers. L’élan favorable donné à l’économie irlandaise est en outre renforcé par l’amélioration concrète du marché de l’emploi. Ainsi, le taux de chômage, qui avait atteint un sommet de 15,1 % au premier trimestre de 2012, a reculé à 11,9 % en février 2014.

Les pouvoirs publics irlandais sont déterminés à prendre appui sur les réalisations à ce jour, et à mettre en œuvre leur propre programme de réforme budgétaire, financière et structurelle, afin de veiller à ce que l’économie prospère et à ce que la population irlandaise récolte les bénéfices des sacrifices qu’elle a consentis au cours des dernières années. À cette fin, l’Irlande poursuit ses projets d’investissement en vue d’améliorer le potentiel de l’offre de l’économie, notamment, en construisant des écoles et des routes, projets qui sont financés par le gouvernement, le secteur privé et la Banque européenne d’investissement. Par ailleurs, l’amélioration de l’accès des petites et moyennes entreprises au financement demeure une priorité des autorités irlandaises.

L’économie des Caraïbes commence à afficher des signes de reprise après une longue récession liée à la crise financière internationale. Le PIB réel a augmenté, car les principales économies axées sur le tourisme poursuivent leur reprise. Avec le retour d’une croissance plus soutenue dans la région, les principaux enjeux de nombreux pays porteront sur la mise sur pied de réserves stratégiques et sur l’amélioration de la compétitivité, dans le but de mobiliser des investissements nationaux et internationaux. Les pays de cette région seront encore aux prises avec des risques de ralentissement comme des chocs économiques et des catastrophes naturelles, mais ils s’efforceront de les gérer prudemment à moyen terme, par des mesures visant à bâtir une économie plus solide et résiliente.

Un certain nombre de pays des Caraïbes continuent d’être aux prises avec des problèmes de viabilité des finances publiques et de la dette. Pour y remédier, certains pays ont entrepris des programmes d’assainissement budgétaire avec l’aide du FMI et de partenaires du développement. La restructuration de la dette jumelée à l’assainissement des finances publiques constitue également une méthode utilisée par certains pays pour assurer la viabilité de leur dette. En outre, la stabilité du secteur financier continue d’être problématique et doit faire l’objet de mesures. Toutefois, dans certains pays, l’assainissement des finances publiques a provoqué une contraction de l’économie, car les réductions des dépenses courantes et des dépenses en capital n’ont pas été suivies d’une croissance suffisante de l’activité dans le secteur privé. Par conséquent, le chômage demeure élevé, mais les réformes structurelles en cours et les prévisions d’intensification des activités du secteur réel devraient réduire le chômage à moyen terme.

La région des Caraïbes continue de bénéficier d’une aide technique et de conseils stratégiques précieux, et dans certains cas, de soutien financier du FMI et d’autres partenaires du développement. Cet appui a entraîné une amélioration tangible du cadre macroéconomique de ces pays, qui pourront s’appuyer sur ces réussites pendant de nombreuses années. Les autorités régionales sont très reconnaissantes de l’engagement du FMI et des autres partenaires internationaux d’aider la région, alors qu’elles continuent à bâtir des économies résilientes susceptibles de favoriser une forte croissance durable et d’améliorer les résultats en matière de développement.

La réforme des quotes-parts et de la gouvernance est essentielle pour faire en sorte que le FMI dispose des outils et de la structure de gouvernance qui conviennent en vue de promouvoir la stabilité économique et financière à l’échelle mondiale. Ces réformes de 2010 représentaient une étape majeure et il est regrettable que leur mise en œuvre se soit trop longtemps fait attendre. Ainsi, nous encourageons les membres qui n’ont pas encore ratifié l’accord à le faire rapidement.

Le Quinzième examen général des quotes-parts présente une autre occasion de renforcer davantage la gouvernance de pair avec l’évolution du contexte économique mondial. Notre approche doit permettre aux membres de respecter la nouvelle échéance fixée à janvier 2015 pour la réalisation de cette nouvelle série de réformes. Les pays représentés par le Canada demeurent prêts à examiner toutes les options raisonnables pour faire avancer la réforme du FMI. Nous devrions nous appuyer sur les résultats convenus en 2010 ainsi que sur les progrès accomplis lors des deux dernières années à l’égard de la nouvelle formule de calcul des quotes-parts.

Le principal objectif du Quinzième examen général comprend deux éléments. Tout d’abord, les voix et la représentation au Fonds doivent être plus étroitement liées à l’importance relative et à l’intégration dans l’économie mondiale. Ensuite, l’évaluation prévue de l’efficacité des ressources permanentes du Fonds doit reposer sur une analyse rigoureuse, transparente et fondée sur les faits.

Les activités de surveillance et de conseils du FMI ont récemment connu des changements importants. Le prochain examen triennal de la surveillance général sera mené cette année. Compte tenu des récentes modifications à la structure de surveillance, l’examen devrait être axé sur les moyens pratiques d’améliorer la qualité, l’efficacité et le soutien de la surveillance au sein du nouveau cadre. Il serait ainsi particulièrement opportun d’évaluer l’expérience du Fonds à l’égard de son optique institutionnelle en matière de flux de capitaux. L’évaluation devrait également faire le point sur la profondeur, la qualité et la cohérence de la surveillance bilatérale des taux de change. Cette évaluation est légitime, car les membres du Fonds ont reçu l’assurance que le nouveau cadre de surveillance renforcerait cette responsabilité fondamentale en matière de surveillance. Enfin, l’examen triennal de surveillance devrait faire en sorte que les récents changements stratégiques aient entraîné une surveillance et des conseils mieux adaptés pour les petits pays et qui correspondent à leurs besoins particuliers.

Enfin, nous réitérons notre appel à tous les pays membres de se soumettre à un examen au titre de l’article IV. Les retards excessifs sans explication valable minent l’intégrité du processus de surveillance. Le Fonds devrait examiner l’adoption de mesures plus vigoureuses afin de mettre fin à ces retards et de faire respecter par les membres du FMI leurs responsabilités à cet égard.

Le FMI doit être en mesure d’offrir des programmes de prêts efficaces assortis de conditions appropriées qui agissent sur les causes profondes de l’instabilité et ouvrent ainsi la voie rapidement à la reprise. Une partie intégrante de l’atteinte de cet objectif passe par l’instauration d’une culture de l’apprentissage au sein de l’institution, tout en assurant également une prestation indépendante de programmes efficaces et équitables. Lors de notre dernière réunion, nous avons mentionné dans le communiqué que nous attendions avec impatience un suivi de l’examen des programmes de crise. Malheureusement, cet examen a été mis en attente, alors qu’il est nécessaire, car il s’ajoute – sans les remplacer – au petit nombre d’évaluations qui seront menées au niveau des pays. C’est pourquoi nous incitons le Fonds à donner suite à notre demande et de mener à bien cet examen des programmes de crise d’ici décembre 2014.

Par ailleurs, l’évaluation récemment terminée des mécanismes de prêt de précaution du Fonds démontre l’importance d’une auto-évaluation. Nous comprenons que des normes élevées de qualification des programmes seront maintenues et que des évaluations de besoins plus rigoureuses et transparentes seront adoptées à l’égard de ces mécanismes. Le groupe représenté par le Canada prône vigoureusement l’adoption de meilleures mesures incitatives pour mettre fin au soutien de précaution. Ce type d’aide est habituellement vaste et réduit la quantité de fonds pouvant être mise à la disposition de pays ayant des besoins immédiats. Nous saluons donc l’engagement d’étudier, dans le cadre du prochain examen de ces mécanismes en 2017, de quelle façon la tarification de ce crédit pourrait être modifiée à l’appui de la sortie rapide des programmes.

Enfin, j’ai bien hâte de prendre connaissance des résultats des travaux en cours du Fonds concernant les récentes expériences de restructuration de la dette souveraine, en particulier les répercussions sur les politiques de prêt du FMI. Il y a suffisamment de marge de manœuvre pour renforcer les politiques du Fonds afin de mieux protéger les ressources officielles du secteur et d’assurer un partage équitable du fardeau entre les créanciers. Ces travaux devraient comprendre une analyse claire des circonstances de la participation des créanciers du secteur privé à l’appui des efforts d’ajustement et les moyens que peut prendre le Fonds pour resserrer ces liens par le biais de ses politiques, lorsque la situation l’exige.

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