Introduction
Un assassinat perpétré dans la capitale serbe de Sarajevo, en juin 1914, passa pratiquement inaperçu au Canada. Très peu de Canadiens s’attendaient à ce que cet incident mène à une guerre, et encore moins aux nombreux sacrifices que le Canada serait appelé à faire. Pourtant, la Première Guerre mondiale s’apprêtait à changer le monde tel qu’ils le connaissaient, et l’on peut dire que c’est réellement sur les champs de bataille de l’Europe que le Canada est né en tant que nation.
Les jours précédant la déclaration de guerre
En Europe, à l’été 1914, règne une atmosphère de danger et les relations internationales entre les deux camps armés sont très tendues. Les grandes puissances européennes forment deux camps qui s’opposent : la Triple-Alliance (Allemagne, Autriche-Hongrie, Italie) et la Triple-Entente (France, Russie, Grande-Bretagne). La situation est exacerbée par des rivalités impérialistes et économiques, la fierté nationale, les hommes d’État ambitieux, et l’instabilité géopolitique qui sévit en Europe de l’Est, particulièrement dans les Balkans, où l’Empire ottoman s’effondre. Tous les ingrédients sont réunis pour que l’étincelle produite par un petit incident international se transforme en gigantesque brasier. Aussitôt qu’éclate le coup de feu fatidique, il est impossible de faire marche arrière.
En effet, le dimanche 28 juin 1914, l’archiduc François-Ferdinand, héritier du trône austro-hongrois, est assassiné par un nationaliste serbe alors qu’il est en visite à Sarajevo. L’Autriche-Hongrie, persuadée que le gouvernement serbe a trempé dans le complot et soutenue par l’Allemagne, lance un brutal ultimatum à la Serbie; cette dernière, bien qu’accédant à pratiquement toutes les revendications, se voit déclarer la guerre par une Autriche-Hongrie nourrissant des visées expansionnistes. La situation s’envenime. La Russie, protectrice autoproclamée des nations slaves, se mobilise. L’Allemagne demande des promesses de paix à la Russie et à la France. Ne les recevant pas, elle déclare la guerre à la Russie et, deux jours plus tard, à la France. Cette dernière se tourne alors vers la Grande-Bretagne pour obtenir du soutien.
Bien que la Grande-Bretagne ne soit pas contrainte par un traité officiel de soutenir la France en cas de guerre, Sir Edward Grey, secrétaire d’État aux Affaires étrangères, avait conclu une entente informelle avec les Français. Il existe toutefois une vive opposition au sein du cabinet britannique quant à la participation du pays à une guerre européenne. Mais, le 30 juillet 1914, le chancelier allemand, Theobald von Bethmann-Hollweg, présente une proposition qui comporte une tentative d’obtenir de la Grande-Bretagne qu’elle reste neutre, ainsi qu’une indication de l’intention de l’Allemagne de violer les frontières neutres de la Belgique. S’il est garant de la neutralité de la Belgique, ce document ne change pas grand-chose à l’attitude adoptée par le gouvernement britannique.
Puis, le 4 août, l’Allemagne marchant contre la France envahit la Belgique restée neutre. La Grande-Bretagne lance alors à l’Allemagne un ultimatum lui intimant de retirer ses troupes et lui rappeler le traité de 1839 qui garantit la neutralité de la Belgique, traité que l’Allemagne a également signé. L’ultimatum, resté lettre morte, expire le 4 août 1914, à minuit : la Grande-Bretagne est en guerre. Or, quand cette dernière est en guerre, le Canada l’est également en raison de son statut juridique de dominion britannique, ce qui laissait les décisions en matière de politique étrangère dans les mains du parlement britannique. Mais c’est là sa seule obligation. La manière dont le Canada réagit à la guerre et les mesures qu’il prend pour appuyer la Grande-Bretagne sont du ressort de son propre gouvernement. Ainsi, le parlement canadien se réunit en session d’urgence le 18 août pour débattre de la nature et de l’étendue de ce soutien.
Le Canada se mobilise et se joint au combat
Il va de soi pour les Canadiens que le pays est en guerre à partir du moment où la Grande-Bretagne l’est, et les Canadiens d’un océan à l’autre manifestent leur appui envers la mèrepatrie. Sir Wilfrid Laurier, alors leader de l’opposition, parle au nom de la plupart des Canadiens lorsqu’il déclare : « Il est de notre devoir de faire savoir à la Grande-Bretagne ... que les Canadiens sont animés par un seul et même sentiment et font bloc derrière la mèrepatrie. » Le premier ministre Robert Borden, demandant à la nation de donner le meilleur d’elle-même, propose l’aide de son pays à la Grande-Bretagne, qui accepte. On donne alors aussitôt l’ordre de mobiliser un corps expéditionnaire.
Le Canada, dont l’armée régulière ne compte que 3 110 hommes et dont la marine est embryonnaire, est mal préparé pour s’engager dans un conflit mondial. Le ministre de la Milice et de la Défense, Sam Hughes, reçoit l’ordre du premier ministre Borden de recruter et d’entraîner une armée pour servir à l’étranger. Alors, de Halifax à Vancouver, des milliers de jeunes Canadiens affluent dans les centres de recrutement. En l’espace de quelques semaines, plus de 32 000 hommes se trouvent rassemblés au camp Valcartier, situé près de Québec, et, en octobre 1914, le premier contingent du Corps expéditionnaire canadien s’embarque pour l’Angleterre, formant le plus important convoi n’ayant jamais traversé l’Atlantique. Fait également partie de ce convoi un contingent de Terre-Neuve, qui est toujours une colonie britannique indépendante. On avait suggéré que le contingent terre-neuvien soit intégré au Corps expéditionnaire canadien, mais la proposition a été poliment, mais fermement rejetée.
Une fois en Angleterre, les Canadiens subissent un long hiver lugubre à s’entraîner dans la boue et la bruine de la plaine de Salisbury. Puis, au printemps 1915, on les juge prêts à aller au front.
Le premier contingent canadien à arriver en France est le Princess Patricia's Canadian Light Infantry, qui avait été formé au début de la guerre avec d’anciens soldats de l’armée régulière britannique. Les « Princess Pats » débarquent en France en décembre 1914 avec la 27e division britannique et prennent part aux combats près de Saint-Éloi et au Bois du Polygone, sur le saillant d’Ypres. Aujourd’hui, le monument commémoratif de leur bataillon est érigé sur les hautes terres de la crête de Bellewaarde.
Au début de février 1915, la 1re Division canadienne atteint la France et est initiée à la guerre de tranchées par des vétérans de l’armée britannique. Après un bref entraînement, la Division prend en charge une section de la ligne de front dans la région d’Armentières, dans les Flandres françaises. Ses rêves de gloire militaire s’évanouissent rapidement au contact de la crasse, de la maladie et de la mort. Les années à venir seront immensément sombres et douloureuses, mais, au bout du compte, elles permettront au Canada de se forger une identité en tant que nation.
Conclusion
La participation du Canada à la Première Guerre mondiale et les sacrifices qu’il a consentis tout au long de ce conflit a changé son histoire, lui permettant d’acquérir une plus grande indépendance. En effet, pour la première fois dans l’histoire, les forces canadiennes combattent en tant qu’entité distincte, d’abord sous le commandement d’un Britannique, puis sous celui d’un Canadien d’origine.
En 1916 et 1917, les conditions dans les tranchées sont misérables et les combats sont rudes, mais les Canadiens persévèrent, apprenant à chaque occasion, devenant de plus en plus professionnels au fil des jours. Leur victoire sur la crête de Vimy, du 9 au 12 avril 1917, est un moment décisif. Suivent les victoires à la côte 70, à Passchendaele, et les âpres combats qui se déroulent entre le 8 août et le 10 novembre 1918, campagne baptisée par la suite « les cent jours du Canada », où les soldats du Corps canadien se forgent une réputation selon laquelle ils sont les « troupes d’assaut » des armées alliées.
À la fin de la guerre, le nombre total de victimes canadiennes s’élevait à 67 000 morts et 25 000 blessés, sur une force expéditionnaire de plus de 620 000 hommes. La liberté et la fierté dont jouit le Canada aujourd’hui n’ont été acquises qu’au prix d’immenses sacrifices.
*Contenu colligé à partir des sources suivantes :
1. Site Web d’Anciens Combattants Canada; www.veterans.gc.ca
2. James Ciment; Thaddeus Russell (2007). The Home Front Encyclopedia: United States, Britain, and Canada in World Wars I and II. ABC-CLIO.
3. Russell Hart (2001). Clash of Arms: How the Allies won in Normandy. Lynne Rienner Publishers.
4. Norman Leach (2008). Passchendaele: Canada’s Triumph and Tragedy on the Fields of Flanders: An Illustrated History. Coteau Books.
5. Colonel G. W. L. Nicholson (1962). Canadian Expeditionary Force 1914-1919. Queen’ Printer and Controller of Stationary.