Ottawa (Ontario) - 1 octobre 2014
Le 19 mai 1845, le Navire de Sa Majesté (NSM) Erebus et le Navire de Sa Majesté Terror de la Marine royale ont quitté Greenhithe, en Angleterre, pour entreprendre en grandes pompes une expédition dans l'Arctique à la recherche du passage du Nord‑Ouest. Sous le commandement de Sir John Franklin et du capitaine Francis Rawdon Crozier, commandant adjoint, les deux navires de l'expédition prennent la mer avec à leur bord un équipage de 129 officiers et marins. Les NSM Erebus et Terror, navires de 372 et de 325 tonnes respectivement, étaient à l'origine des navires bombardiers qu'on avait convertis et qui avaient tous deux déjà servi lors de missions d'exploration polaire. Le NSM Terror avait par ailleurs servi durant la guerre de 1812. Il s'agissait de navires robustes qu'on avait solidement renforcés en vue de la navigation dans les glaces. Ils étaient équipés des plus récents systèmes de propulsion à hélice à vapeur auxiliaire, installés expressément pour l'expédition, et transportaient des provisions largement suffisantes pour un voyage pouvant durer jusqu'à trois ans. Sir John Franklin avait l'ordre de traverser le passage, puis de rentrer immédiatement en Angleterre par le Pacifique. L'expédition devait également servir à effectuer diverses études zoologiques, botaniques, magnétiques et géologiques.
Les derniers Européens à être entrés en contact avec les NSM Erebus et Terror furent les membres d'équipage de deux baleiniers, l'Enterprise et le Prince of Wales. Lors de cette rencontre fortuite, survenue en août 1845, les capitaines des deux baleiniers ont discuté avec les chefs d'expédition et ont appris que Franklin attendait les conditions favorables pour traverser la baie de Baffin jusqu'au détroit de Lancaster. Toutefois, après être entrée dans l'archipel arctique plus tard au cours de la saison et avoir connu un succès initial, l'expédition prometteuse a rapidement commencé à rencontrer des déboires. En effet, personne, à l'exception de quelques Inuits rencontrés occasionnellement, ne verra plus jamais vivants les membres de l'équipage des deux navires.
La disparition de l'expédition Franklin a donné lieu à des efforts massifs de recherche dans l'Arctique et les circonstances générales entourant le sort de l'expédition n'ont été révélées qu'en 1854, avec l'expédition de John Rae, puis en 1859, lorsque Sir Francis Leopold McClintock et le lieutenant William Hobson du yacht à vapeur Fox, navire affrété privément par l'indomptable Lady Jane Franklin, ont trouvé un sombre message laissé dans un cairn à la pointe Victory, sur l'île King William.
Le message révèle que les deux navires se sont retrouvés prisonniers des glaces vers la fin de 1846 et qu'ils le sont demeurés pendant environ un an et demi. Il indique que Franklin est décédé le 11 juin 1847, et que 23 autres membres de l'équipage ont péri comme lui, dans des circonstances inconnues. Le 22 avril 1848, les 105 derniers survivants abandonnèrent les navires en manifestant leur intention de marcher en direction de la rivière Back. Tous les membres d'équipage des deux navires périrent, et les HMS Erebus et Terror se perdirent dans les glaces.
Depuis 2008, six recherches majeures dirigées par Parcs Canada en vue de retrouver les navires perdus de l'expédition Franklin ont eu lieu, au cours desquelles des centaines des kilomètres carrés du fond marin de l'Arctique ont été ratissés.
En 1992, les épaves disparues ont été déclarées lieux historiques nationaux par le gouvernement du Canada. Cette désignation a été faite en raison du lien entre les deux navires et la dernière expédition Franklin, et du rôle de ces derniers dans l'histoire de l'exploration du Nord canadien et l'édification du Canada en tant que nation.
Découverte du NSM Erebus
Le 9 septembre 2014, le Premier ministre Stephen Harper a annoncé que l'expédition de 2014 dans le détroit de Victoria avait permis de résoudre l'un des plus grands mystères du Canada grâce à la découverte de l'un des deux navires de l'expédition Franklin disparus en 1846.
La découverte du navire et des artefacts, et la confirmation qu'ils provenaient de l'expédition de Franklin, en 1845 a été rendue possible par le recours au savoir-faire traditionnel inuit et à la technologie moderne. On a déterminé que le détroit méridional était un endroit à cibler directement en raison de la tradition orale inuite remontant au 19e siècle, qui décrivait une épave au sud de l'île King William.
Depuis ce temps, les archéologues subaquatiques de Parcs Canada – les premières personnes à poser les yeux sur ce navire depuis près de 170 ans – ont effectué sept plongées vers l'épave durant deux jours intensifs d'enquête sur le terrain pour prendre des mesures diagnostiques, prendre des photographies de haute résolution et tourner des vidéos haute définition. Entre les plongées, le service hydrographique du ministère des Pêches et des Océans s'est servi d'un sonar multifaisceaux pour prendre des mesures très précises de l'épave.
En se fondant sur cette recherche, l'équipe de Parcs Canada est parvenue à identifier le navire comme étant le NSM Erebus.
Un protocole d'entente conclu en 1997 entre la Grande-Bretagne, à titre de propriétaire des NSM Erebus et Terror, et le Canada, à titre de pays dans les eaux duquel on croyait que ces navires avaient sombré, confie au Canada le contrôle des recherches sur place, des excavations et de la récupération des épaves ou de leur contenu en cas de découverte.
Toutes les données et tout le matériel recueillis feront l'objet d'une recherche et d'une enquête plus approfondies et détaillées au cours de l'hiver.
Partenaires
Les partenaires du gouvernement du Canada dans le cadre de l'expédition de 2014 dans le détroit de Victoria comprenaient Parcs Canada, Pêches et Océans Canada, la Garde côtière canadienne (GCC), la Marine royale canadienne, Recherche et développement pour la défense Canada (RDDC), Environnement Canada et l'Agence spatiale canadienne (ASC), de même que les gouvernements du Nunavut et de la Grande‑Bretagne.
Les partenaires du secteur privé et d'organismes sans but lucratif comprenaient l'Arctic Research Foundation (ARF) et la Société géographique royale du Canada, qui a occasionné la participation de la Fondation W. Garfield Weston, de Shell Canada et d'One Ocean Expeditions (OOE) au partenariat.
Un nombre sans précédent de navires (quatre) ont appuyé l'expédition de 2014 dans le détroit de Victoria : le Navire de la Garde côtière canadienne Sir Wilfrid Laurier, le Navire canadien de Sa Majesté Kingston de la Marine royale canadienne, le navire de recherche Martin Bergmann de l'ARF, et le navire One Ocean Voyager d'OOE, de même qu'un certain nombre de plus petits navires.
Parmi les technologies de pointe qui ont été employées figurent l'imagerie par satellite RADARSAT-2 de l'ASC, un sonar à balayage latéral multifaisceaux à haute résolution, le véhicule téléguidé submersible et un véhicule sous-marin autonome de Parcs Canada, et le véhicule sous-marin autonome de pointe de RDDC, en l'occurrence l'Explorateur de l'Arctique, qui a été mis au point en collaboration avec des partenaires du secteur privé.