À la onzième heure du onzième jour du onzième mois, lorsque les fusils de la Grande Guerre se sont enfin tus, un silence assourdissant est venu remplacer la furie des batailles.
Durant les pauses fragiles entre les plaintes des mourants et les cris de soulagement, nous avons été confrontés à l'ampleur de nos actions, de nos pertes, de nos sacrifices.
Ce silence a révélé une vérité si manifeste et terrifiante que nous avons juré de ne jamais reprendre les armes.
« On doit des égards au vivant; on ne doit aux morts que la vérité. »
Nous avons promis de ne jamais oublier.
Nous avons érigé de massifs monuments de pierre et de métal au cœur même de nos villes et villages, espérant qu'ils nous arrêteraient sur notre chemin quotidien.
Nous avons noté les noms et les avons consignés dans des livres et gravés sur des murs, dans l'espoir inébranlable de protéger contre l'anonymat tous ceux que nous n'avons pu sauver.
Et nous nous sommes engagés à nous réunir tous les ans avec nos communautés, à la même heure en ce jour particulier du Souvenir, pour nous replonger dans le silence, année après année.
Aujourd'hui, nous rendons ensemble un hommage silencieux, non seulement pour tenir une promesse faite jadis, mais aussi pour inaugurer à nouveau le symbole de cette promesse. Au moment de dévoiler le Monument commémoratif de guerre du Canada, le roi George VI l'a décrit comme « la réponse spontanée à la voix de la conscience nationale [qui] révèle l'âme de la nation. »
Levez les yeux et regardez les figures de bronze évoquant la Paix et la Liberté. Les bras entrelacés, elles ne peuvent être séparées. Parce que la liberté sans paix est agonie, et la paix sans liberté est esclavage. De cela, nous ne voulons rien. Telle est la vérité promise à nos défunts.
Baissez maintenant les yeux sur la dernière demeure d'un garçon canadien mort sur la crête de Vimy. Notre soldat inconnu, dont nous ignorons le nom. Dans l'anonymat, il rend hommage à tous les Canadiens qui sont morts ou qui mourront peut-être pour leur pays.
Nous monterons la garde pour lui et tous les autres, comme l'a fait Nathan Cirillo, qui les a maintenant rejoints.
Nous lutterons pour la paix et la liberté, comme l'a fait Patrice Vincent, qui repose également avec eux.
En tant que gouverneur général et commandant en chef du Canada, j'ai le privilège solennel d'être ici en leur nom et à vos côtés, à quelques pas du Parlement, où nous réglons nos différends grâce au dialogue et à la primauté du droit.
Nous sommes des gens de paix, de respect, de tolérance, de bonté et d'honneur. Ces qualités animent notre conscience nationale parce qu'elles nous sont si précieuses.
Elles nous sont accessibles parce que ceux et celles à qui nous rendons hommage aujourd'hui étaient prêts à mourir pour les préserver.
Voilà pourquoi nous gardons ces hommes et ces femmes dans nos mémoires. Comme l'a dit le rabbin Dow Marmur, il n'y a ni continuité ni identité sans mémoire.
Les tristes évènements des dernières semaines nous ont amenés à réfléchir à notre identité, après que des atteintes ont été portées aux symboles mêmes de notre paix et notre liberté.
Mais nous sommes ici aujourd'hui, et ici nous demeurerons : inébranlables dans nos convictions; forts du souvenir de ceux et celles qui ont tant sacrifié. Et alors que nous inaugurons à nouveau ce monument, nous nous réengageons à perpétuellement préserver la paix et la liberté — l'âme de notre nation.
N'oublions jamais!