Rideau Hall, le mercredi 26 novembre 2014
Sous réserve de modifications
Demander à des écrivains et des artistes d’utiliser leur imagination, c’est un peu comme demander à des mathématiciens de faire des additions et des soustractions!
Mais, si vous me le permettez, je vous demanderais d’imaginer une pièce remplie d’étagères sur lesquelles s’entassent des piles de livres si hautes qu’on ne peut en apercevoir le dessus. Chaque livre donne sur un univers de prose, de poésie, de drame, d’idées, d’émotions, de données et d’art.
Maintenant, ouvrez un de ces livres. Que voyez-vous?
La beauté de la chose, c’est qu’il n’y a pas de réponse précise à cette question, car chaque personne voit quelque chose de différent dans le livre qu’elle parcourt.
Un livre, c’est un peu comme le test de Rorschach. Chaque lecteur approche les mots à sa manière et interprète le livre en fonction de ses propres expériences, visions et points de vue.
En d’autres mots, le lecteur fait partie intégrante du livre.
C’est sans doute pourquoi les gens aiment parler des histoires qu’ils ont lues – voire débattre de celles-ci avec véhémence!
Bien entendu, les créateurs doivent être flattés de voir leurs livres faire l’objet de tels débats, car quel artiste ne se réjouit pas de l’attention consacrée à son œuvre?
Non seulement les auteurs et les illustrateurs en disent long grâce à ce qu’ils incorporent dans leurs ouvrages, mais ils stimulent aussi l’imagination des lecteurs en leur laissant entrevoir un autre monde, caché entre les lignes.
Un artiste de talent — comme les auteurs, les traducteurs et les illustrateurs qui sont à l’honneur aujourd’hui — sait ce qu’il faut montrer, ce qu’il faut dire et ce qu’il faut laisser découvrir aux lecteurs.
Il n’y a aucune ambiguïté quant à la qualité du travail reconnu aujourd’hui. Les Prix littéraires du Gouverneur général sont une affirmation de nos traditions littéraires et témoignent du génie des livres canadiens.
Les hommes et les femmes ici présents ont créé des récits et imaginé des univers, ont percé des vérités au sujet de notre société et nous ont énormément apporté grâce à leur passion des mots et des images.
Nos histoires — vos histoires — nous influencent et nous inspirent.
Deux fois lauréate d’un prix littéraire du gouverneur général, Margaret Atwood a écrit ce qui suit : « Un mot après un mot après un mot, c’est le pouvoir. »
J’avancerais que si les mots sont empreints de pouvoir et que les livres renferment des mots, les livres ont la capacité de changer le monde.
Tous les lauréats reconnus ce soir ont approfondi notre compréhension du monde qui nous entoure. Vous êtes de véritables conteurs, et nous vous remercions de nous faire partager vos récits et vos illustrations.
Retournons maintenant dans cette pièce aux innombrables rangées de livres, sur le dos desquels figurent un titre et un nom. Alors que vous parcourez les piles de livres du regard, vous apercevez votre nom, fièrement imprimé sur votre propre livre.
Vous le saisissez, mais, au lieu de l’ouvrir, vous l’offrez à la personne à vos côtés qui déambule le long des rangées, perdue parmi les livres et les choix qui s’offrent à elle.
Vous lui tendez votre livre, car vous avez besoin de raconter vos histoires, de relater cette histoire en particulier, comme vous seul pouvez le faire. Vous lui tendez aussi le livre pour vous libérer les mains, afin de pouvoir à nouveau écrire ou dessiner.
Ou, peut-être encore choisissez-vous de vous asseoir aux côtés de cet étranger, de vous imprégner de l’odeur du papier et de l’encre, et de lire un bon livre.
Félicitations à vous tous pour votre contribution exceptionnelle à la littérature canadienne.