Le 6 décembre 2014 – Manama, Bahreïn
Sous réserve de modifications
Bonsoir. Je suis très heureux de me retrouver de nouveau avec vous ici, à Manama.
Je dois vous avouer que j’avais plus hâte de vous entendre parler que de m’entendre parler.
Parfois, quand on est ministre des Affaires étrangères, cela nous fait du bien et cela nous fait plaisir de simplement prendre le temps d’être attentif à une discussion et d’écouter les réflexions d’autres personnes.
Le thème « Des approches collectives pour une sécurité collective » me semble des plus pertinents aujourd’hui.
Plus tôt cette semaine, d’autres collègues de la région euro-atlantique et moi-même nous sommes réunis à l’OTAN.
Ensuite, la coalition internationale contre l’État islamique s’est réunie.
Par la suite, il y a eu les réunions ministérielles de l’OSCE [Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe] en Suisse.
Nous avons donc eu beaucoup de réunions cette semaine – mais il vous sera facile de deviner ce qu’étaient les principaux sujets de conversation.
La Fédération de Russie mine dangereusement la sécurité régionale et mondiale en raison de ses violentes incursions en Ukraine.
Tous ensemble, nous devons donc intervenir de manière vigoureuse.
Puis, plus près d’ici, il y a la progression du groupe armé État islamique [État islamique de l’Iraq et du Levant].
Nous avons déjà discuté de la menace que pose ce groupe terroriste barbare. Et nous en parlerons encore.
En fait, j’aimerais réfléchir un peu au problème plus général qu’il représente.
Ce qui me frappe, c’est que la plupart des obstacles auxquels se heurte la région reposent sur des approches qui vont dans le sens contraire de l’action collective et de la collaboration.
Le sectarisme, et sa progression inquiétante au Moyen-Orient, se présente sous diverses formes :
Il y a le conflit entre sunnites et chiites, les menaces posées aux Kurdes, les menaces à l’encontre de la communauté chrétienne qui est établie depuis très longtemps en Iraq, et ainsi de suite.
L’antidote au sectarisme, et l’ingrédient clé de la stabilité durable, est le pluralisme. Mais ce concept est également menacé.
L’élément commun de ce clivage, c’est que les personnes ciblées sont exploitées pour des enjeux géopolitiques ou régionaux au prix de leur vie.
Elles sont exploitées par de sinistres acteurs étatiques qui se mêlent des affaires des autres pour leur propre bénéfice, comme c’est trop souvent le cas pour l’Iran.
Le sectarisme est également exploité et exacerbé par de vils acteurs non étatiques, des acteurs qui font des ravages dans des territoires non gouvernés.
Nous le constatons avec le groupe armé État islamique, qui a étendu ce clivage de part et d’autre des frontières.
Et nous le constatons dans d’autres milices également.
Le commandant [Qasem] Soleimani de la force Al-Qods de l’Iran organisait déjà les milices chiites en Iraq avant 2010, et il est heureux de le clamer haut et fort en publiant des égoportraits dans les médias sociaux.
Un agent de la terreur qui se fait passer pour un héros.
Il est clair que le groupe armé État islamique est la véritable menace sectaire à laquelle nous sommes confrontés en ce moment.
Mais nous ne pouvons pas perdre de vue que les milices chiites sectaires pourraient poser un risque aussi grand un jour.
Bien entendu, la menace du sectarisme ne traverse pas uniquement les frontières à l’intérieur de cette région; elle traverse les frontières entre cette région et d’autres régions.
C’est pourquoi le Canada a fait du Moyen-Orient une priorité absolue et pourquoi je saisis toutes les occasions qui s’offrent à moi de venir dans cette région.
Si vous regardez une carte du monde, qui donne une représentation en deux dimensions, ce que je viens de dire ne vous semblera pas logique.
Mais si vous pouviez visualiser l’emplacement géographique de tous les gazouillis, des transactions financières, des exportations énergétiques et des tracés de vols d’avion, le monde vous semblerait soudainement beaucoup plus petit.
Ainsi, ce qui se passe au Moyen-Orient a une incidence dans le reste du monde.
Il y a quelques mois, le Forum sur la sécurité internationale de Halifax a commandé un sondage dans une douzaine de pays.
Le sondage a révélé qu’une grande majorité de personnes croient que le monde est plus dangereux aujourd’hui qu’il l’était l’an dernier.
Même 82 p. 100 des personnes interrogées au Canada étaient d’accord… Et ce sondage a eu lieu avant les deux attaques d’inspiration terroriste qui ont été perpétrées contre des soldats dans notre propre pays et entre les murs de notre parlement.
En même temps, alors que le monde nous paraît plus petit, et, dans une certaine mesure, parce que le monde nous paraît plus petit, le monde nous paraît aussi plus dangereux.
L’urgence d’agir tous ensemble ne pourrait être plus grande.
Ces menaces nous visent tous et nous devons nous y attaquer ensemble en nous appuyant sur des principes communs.
Je suis fier que le Canada et d’autres pays se serrent les coudes dans la lutte contre l’extrémisme, le terrorisme et le sectarisme.
Lorsque j’étais aux Émirats arabes unis, le mois dernier, j’ai pensé au fait que, lors des guerres qui ont eu lieu de mon vivant, nous avons toujours été alliés.
Nous combattons le groupe armé État islamique non seulement au moyen d’un soutien militaire, mais en collaborant avec des partenaires régionaux, comme Bahreïn, notre hôte, pour freiner le financement du terrorisme et les combattants étrangers.
Nous savons que notre sécurité et notre prospérité sont intrinsèquement liées à la sécurité et à la prospérité des autres.
La réponse la plus efficace à une menace n’est pas simplement de construire des murs encore plus hauts, mais d’aller sur le terrain pour tenter d’amenuiser la menace.
Il en va de même de nos économies. Le Canada a la chance d’avoir la géographie et les ressources qu’il possède.
Mais nous savons que la véritable force à long terme réside dans le fait de miser sur le libre-échange et les réseaux, et de tourner notre regard vers l’extérieur.
Les pays qui donnent des possibilités aux personnes qui y vivent, et qui les perçoivent comme étant des citoyens et non des sujets, pourront profiter du dynamisme et de la prospérité qui en découleront.
Dans cette région-ci, la découverte de l’or noir a suscité l’essor des infrastructures et du développement.
Au même moment, la philosophie soviétique a influencé certains mouvements politiques.
Mais si nous voulons la prospérité à long terme, à cette époque où la sécurité est en péril, nous devrons penser autrement – passer de la distribution du capital à la création du capital.
À l’instar du pluralisme, qui est l’antidote au sectarisme dans la sphère sociale, une plus grande diversité dans la sphère économique est une force, et non une faiblesse.
Nous avons constaté à quel point la montée du groupe armé État islamique, plus tôt cette année, a contribué à l’instabilité des marchés de l’énergie.
Malgré la baisse récente des prix du pétrole, l’Agence internationale de l’énergie a affirmé, dans le World Energy Outlook, que nous devrions nous méfier de la « complaisance » relative à l’approvisionnement énergétique.
Ce qui veut dire de ne pas laisser le portrait à court terme du marché pétrolier dans lequel l’approvisionnement est suffisant nous empêcher d’envisager les obstacles qui sont à venir en matière de demande énergétique et nous porter à trop dépendre d’un nombre relativement restreint de producteurs.
Autrement dit, il n’est pas facile de demeurer en équilibre dans un monde de plus en plus instable lorsqu’on se tient sur un seul pied.
J’ai commencé en vous parlant de la nécessité d’adopter une approche collective aux obstacles à la sécurité que posent le groupe armé État islamique, et aussi la Russie.
Pour conclure, j’aimerais réitérer que nous ne pouvons pas nous attaquer à la menace à long terme que posent l’extrémisme et le sectarisme uniquement au moyen de la volonté militaire.
On ne peut pas combattre le sectarisme par le sectarisme, comme on ne peut combattre le feu par le feu.
Dans notre monde hyper-connecté, où l’information et les perceptions circulent rapidement, le champ de bataille est de plus en plus dans notre tête.
Nous devons tous en faire beaucoup plus pour contrer les discours malveillants, les discours qui affirment que le sectarisme et le nationalisme sont les seuls chemins à prendre pour que nos citoyens soient et se sentent en sécurité.
Le discours que nous tenons, c’est que nous pouvons parvenir à un monde plus sûr et plus stable, en travaillant ensemble dans le combat contre la terreur, peu importe où, et de quelle façon, cette terreur émerge.
Un monde où le commerce et la prospérité économique sont les voies les plus sûres vers un avenir meilleur.
Un monde où la liberté, la démocratie, les droits de la personne et la primauté du droit sont protégés.
Et il me tarde de discuter des moyens que nous pourrions prendre, dans le cadre du présent forum et par la suite, pour parvenir à cet objectif.
Merci.