London (Ontario)
Le 29 janvier 2015
Jean-Pierre Blais, Président
Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes
Priorité à l'allocution
Bonjour.
Il y a un peu plus de 15 mois, le CRTC a lancé Parlons télé : une conversation avec les Canadiens. Notre objectif? Utiliser cette conversation afin de nous aider à mettre au point un nouveau cadre pour l’avenir du système de télévision du Canada.
Un cadre qui doit non seulement tenir compte du contexte actuel, mais nous préparer aussi pour les changements qui sont déjà parmi nous et pour les autres qui ne manqueront pas de survenir. Comme vous le savez, la télévision évolue. La façon éprouvée de distribution de contenu que nous avons connue au cours des 60 dernières années évolue avec l’émergence d’un modèle très individualisé et très axé sur le sur-mesure. Et j’utilise le mot « télévision » dans son sens plus large.
Aujourd’hui, plus que jamais, nous nous éloignons des services de programmation linéaires et assemblés en forfaits, au profit des émissions sur demande et sur mesure. Nous devenons des téléspectateurs plus actifs, nous désirons davantage de contrôle sur les émissions que nous regardons. Nous consommons la télévision sur de multiples appareils différents; quant à la programmation, nous demandons des approches nouvelles et novatrices qui suscitent notre enthousiasme et qui nous amènent à en redemander.
Cela dit, malgré la frénésie de ces changements, la télévision continue de jouer un rôle essentiel dans la société. Même si plusieurs la perçoivent comme un média de divertissement, elle est plus que cela — beaucoup plus.
La télévision est un outil qui nous fournit des bulletins de nouvelles et des émissions d’information qui nous permettent de nous tenir à jour sur les événements locaux, nationaux et internationaux, et qui remet en question notre façon de voir le monde qui nous entoure. En ce sens, c’est un jalon qui soutient notre démocratie.
La télévision est un canal qui nous fournit des alertes en cas d’urgence. Elle nous informe sur tout, que ce soit les systèmes météo dangereux ou les avis de la police, comme lors des fusillades qui sont survenues à Moncton et Ottawa. En ce sens, elle contribue à nous garder en sécurité.
La télévision est une fenêtre qui nous permet de voir et de mieux comprendre notre quartier, notre pays, et maintenant, même les contrées les plus éloignées du monde. Elle nous permet de voir, dans nos foyers, des gens, des endroits et des choses que nous n’aurions jamais vus autrement — et que nous ne verrons peut-être jamais en personne. En ce sens, elle nous relie à notre monde.
La télévision est une industrie d’importance qui crée des emplois. Elle aide les entreprises à promouvoir leurs services et elle incite les consommateurs à acheter des biens. En ce sens, elle contribue à la croissance économique.
La télévision est un tremplin pour le développement de gens de talent. Grâce à elle, le Canada et le monde ont connu des personnalités canadiennes telles Mike Holmes, Peter Jennings, Anne Dorval, Pierre Lapointe et plusieurs autres. En ce sens, elle est une fondation pour le talent créatif du Canada qui s’épanouit ici au pays et à l’étranger.
C’est précisément en raison de ces rôles essentiels que joue la télévision nous avons lancé notre conversation Parlons télé. Nous savions qu’il fallait créer un nouveau cadre pour le système de télévision qui permette de conserver ses meilleurs éléments tout en répondant aux demandes des téléspectateurs qui ne cessent d’évoluer. Ce cadre devait répondre aux défis et aux possibilités qui se présentent à l’industrie en cette ère numérique; il devait aussi placer les Canadiens au centre d’un système de radiodiffusion de classe mondiale.
Après tout, nous valorisons tous la télévision.
Je suis heureux de dire qu’au cours des trois étapes de notre conversation, les Canadiens ont répondu de manière réfléchie à nos questions, et ont commenté les enjeux que nous avons soulevés. Ils ont été plus de 13 000 à nous dire vouloir accéder à un contenu de grande qualité, obtenir de la valeur et du choix, comprendre ce pour quoi ils paient et obtenir des mécanismes pour régler leurs différends avec les fournisseurs de services. Les avis qu’ils ont partagés et les points de vue qu’ils ont exprimés ont enrichi le dossier public et renforcé notre compréhension du rôle que joue la télévision dans les foyers du pays.
Le changement aujourd’hui — et dans les mois à venir
Une des principales leçons que nous avons apprises au Conseil est que nous devons tous apprendre à revoir notre façon d’envisager l’industrie des communications. Il faut adapter les idées, faire évoluer les attitudes et mettre au point de nouveaux outils. Malgré tout, certains n’acceptent pas si facilement l’idée de tels changements. Le changement exige que chacun s’y adapte, et ceux qui auparavant profitaient de droits dans l’ancien système sont souvent ceux qui s’opposent le plus au nouveau système, qui érigent les obstacles les plus importants et qui vont se cantonner le plus dans leurs positions.
Max Planck, le physicien allemand qui a inventé la théorie quantique, a dit un jour : « Habituellement, une nouvelle innovation scientifique ne s’impose pas parce que ses adversaires finissent par être convaincus et convertis de façon progressive — il est rare que Saul devienne Paul — mais plutôt parce qu’ils disparaissent graduellement, et que la génération montante s’est dès le départ familiarisée avec cette innovation. »
Certes, il n’y a pas beaucoup de parallèles à établir entre la télévision et la physique quantique. Cependant, la suggestion de M. Planck voulant que les changements entourant la façon dont les Canadiens regardent la télévision s’installeront véritablement seulement lorsque les opposants abandonneront leur lutte est valable. Aujourd’hui, un nombre croissant de Canadiens regarde la télévision différemment et au moyen de technologies différentes, comparativement à ce qui se passait il y a à peine cinq ans. En 2013, plus de 40 p. 100 des adultes ont regardé du contenu télévisuel en ligne. Ils épousent l’idée que le téléspectateur est aux commandes, plutôt que les dirigeants de télévision.
Certains radiodiffuseurs acceptent cette idée. Ils se mouillent les pieds et font de petits pas en mettant à l’essai de nouvelles façons de livrer le contenu. Le cadre réglementaire, que nous sommes à transformer, doit favoriser une véritable innovation si les radiodiffuseurs canadiens entendent faire concurrence avec succès en vue d’attirer à long terme les auditoires canadiens et étrangers.
Construire un pont
Au CRTC, nous construisons des ponts. Il y a plusieurs années, nous avons construit un pont pour permettre la distribution des émissions de télévision en mode analogique. Ce pont a bien servi les Canadiens pendant des décennies. À quelques occasions, il a fallu y apporter des rénovations : serrer des rivets, installer une nouvelle chaussée, mettre à jour l’éclairage. Quand cela a été nécessaire, nous avons agi sous la forme de règlements ciblés afin de nous assurer que la circulation continue d’être fluide sur le pont des télécommunications.
Lorsque la télévision a commencé à changer, lorsque les consommateurs se sont mis à opter pour le visionnement sur demande, les plateformes mobiles et les services de vidéo en ligne, il est devenu clair que le vieux pont n’était pas conçu pour assurer la circulation numérique moderne. Il fallait plus que des rénovations pour s’assurer que la circulation puisse continuer d’être fluide jusqu’à vos foyers et vos appareils mobiles. Il nous fallait un nouveau pont.
Et contrairement au pont de Londres, qu’une comptine anglaise traditionnelle a rendu célèbre, nous devons faire en sorte qu’aucun des deux ponts ne va s’écrouler.
Notre travail de construction s’est amorcé en octobre 2013 lorsque nous avons lancé la conversation Parlons télé. Grâce à elle, nous en avons appris au sujet des biens qui doivent traverser le pont, ainsi que des matériaux et des techniques dont nous avons besoin pour créer une structure durable. De plus, nous avons appris que même si le nouveau pont est la voie de l’avenir, sans compter que certains désirent l’emprunter dès maintenant, d’autres préfèrent le vieux pont. Ils aiment consommer les mêmes quantités de contenu sur les plateformes traditionnelles de la même façon depuis des années.
Une des principales leçons de notre conversation est celle-ci : nous ne pouvons simplement arrêter la circulation sur le vieux pont pendant que nous en construisons un nouveau. Nous devons conserver l’actif actuel. Voilà pourquoi nous prenons des décisions aujourd’hui qui permettront aux Canadiens de continuer d’utiliser le vieux pont.
À mesure que les téléspectateurs changeront leurs habitudes — et que les fournisseurs innoveront — la circulation passera du vieux au nouveau pont. Éventuellement, il n’y aura plus de circulation sur le vieux pont et nous pourrons le détruire. Mais au cours des prochaines années, nous aurons besoin des deux structures.
Les décisions récentes : rénover le pont
Ce matin, le CRTC a publié trois décisions importantes qui contribueront grandement à notre travail visant à mettre au point un cadre pour le pont de demain, tout en effectuant des rénovations qui se font attendre sur la structure existante. Je commencerai avec notre décision concernant la transmission de télévision en direct. Aujourd’hui, nous avons réitéré que la transmission gratuite en direct demeure une alternative concurrentielle par rapport à la télévision distribuée par câble et par satellite, et qu’elle doit demeurer pour l’instant.
Télévision en direct
Aujourd’hui, j’ai apporté quelques objets spéciaux. Nous pourrions les appeler des objets magiques... car ils peuvent faire disparaître les factures pour le service de télévision.
De plus, lorsque vous les installez dans votre foyer ou sur votre toit ici au centre-ville de London, ils vous donnent accès à huit signaux de télévision canadienne avec une qualité d’image supérieure à tout ce que peut offrir un fournisseur de services par câble ou par satellite. Les chaînes présentent les meilleures émissions locales et nationales en matière d’information, du divertissement et des émissions éducatives — pour le faible coût mensuel de zéro dollar.
Au Canada, grâce à ces objets, 76 p. 100 des Canadiens ont accès à cinq chaînes, et dans certaines villes, ce nombre s’élève à 15 et même plus.
En quoi consistent ces appareils ingénieux?
Des antennes pour la télévision numérique, comme celles-ci, vous permettent de recevoir les signaux de la télévision transmise en direct dans votre foyer à un coût qui éclipse les meilleurs forfaits que peuvent offrir les principaux fournisseurs de services. Mais permettez-moi d’ajouter que notre décision ne se veut pas seulement une question de coût abordable. Elle concerne l’importance des émissions d’information et des bulletins de nouvelles locaux et régionaux.
En cette ère de changements aussi fondamentaux, il est normal que certaines technologies du passé soient oubliées. Alors que nous explorons de plus en plus de nouveaux modèles pour offrir le service de télévision, nous devons nous rappeler que la transmission en direct dispense un service public essentiel, sans compter le lien crucial qu’elle crée avec les auditoires. De même, nous devons nous rappeler que 97 p. 100 des Canadiens demeurent dans la portée d’un émetteur.
Au cours de nos consultations, nous avons proposé que les stations locales puissent éteindre leurs émetteurs. Les Canadiens ont réagi et indiqué que ce moment n’était pas encore venu. Au total, 95 p. 100 des participants ont affirmé accorder une grande importance à l’accès aux stations qui diffusent en direct. Cela n’est pas étonnant si on considère que de 19 h à 23 h, les stations de télévision locales accaparent plus de 40 p. 100 du visionnement du marché canadien-anglais et plus de 50 p. 100 du marché canadien-français.
De plus, au chapitre du visionnement, les émissions d’information que diffusent les stations locales vont chercher une part de marché de 40 p. 100. Et la grande majorité des Canadiens qui ont répondu à notre sondage d’opinion publique estiment que les nouvelles locales sont importantes. Certes, ces statistiques ne font pas de distinction entre le contenu regardé au moyen de la transmission en direct ou d’une entreprise de distribution par câble ou par satellite; mais elles nous montrent que les Canadiens comptent sur leurs stations de télévision dans leurs collectivités.
Certains privilèges sont associés au fait de détenir une licence pour le fonctionnement d’une station de télévision locale. Par exemple, les entreprises de distribution par câble et par satellite doivent inclure cette station dans leurs forfaits de base, et la station peut demander la substitution simultanée. Notre décision envoie un message non équivoque que quiconque envisagerait d’éteindre ses émetteurs mettrait fin à ces privilèges. Les Canadiens ne veulent pas commencer à payer pour une télévision qui est gratuite. Et nous vous avons entendus.
On pourrait avancer que la transmission de télévision en direct est une chose du passé. Il est vrai que cela remonte au début des années 1950 alors que les oreilles de lapin trônaient sur ce poids lourd qu’était le meuble télé. Mais en tant que média de radiodiffusion, la transmission de la télévision en direct a beaucoup évoluée, y compris une transition à grande échelle il y a trois ans vers le service numérique. Au cours des prochaines années, nous pourrions assister à un intérêt renouvelé envers la radiodiffusion en direct, notamment dans les secteurs urbains où la qualité de l’image absolument frappante, la sélection de chaînes et, bien sûr, l’absence de coûts pourraient convaincre un nombre de croissant de consommateurs qu’ils n’ont pas à être asservis à des fournisseurs de services par câble ou par satellite s’ils veulent regarder des émissions de télévision de grande qualité.
Toutefois, à long terme, le format doit changer. L’avenir de la télévision repose davantage sur des modèles sur demande, axés sur le téléspectateur, plutôt que sur des diffusions qui suivent un horaire, telles que celles qu’offre la transmission de télévision en direct.
Substitution simultanée
Une des frustrations associées à la transmission en direct est la substitution simultanée. Grâce à celle-ci, les distributeurs canadiens ont le droit de remplacer temporairement le signal d’une chaîne transmise en direct (par exemple la diffusion le mercredi soir de Survivor sur la chaîne américaine CBS) avec celui d’une autre chaîne qui présente la même émission à la même heure (par exemple, la chaîne canadienne Global).
Cela constitue une exception à l’exception stipulant que les distributeurs canadiens ne doivent pas intervenir dans les signaux des services de programmation qu’ils distribuent. Dans le jargon juridique, ce sont des « transporteurs publics ». Une exception est accordée afin que les radiodiffuseurs canadiens puissent protéger les droits qu’ils ont achetés pour les émissions étrangères populaires — surtout américaines — et de vendre leurs propres publicités pendant ces émissions.
Aujourd’hui, la substitution simultanée pose un dilemme au CRTC. Les téléspectateurs ne l’apprécient pas, en particulier quand on y a recours lors de grandes émissions diffusées en direct comme le Super Bowl ou la cérémonie des Oscars. Ils disent au CRTC — et nous recevons plusieurs plaintes — qu’ils veulent les toutes dernières publicités américaines au moment même de leur diffusion. Et à raison, ils en ont contre le fait que la substitution simultanée est souvent mal synchronisée; résultat : pendant une partie importante, les téléspectateurs vont manquer des jeux clés.
C’est l’une des périodes les plus achalandées de l’année en ce qui concerne les plaintes que nous recevons. C’est comme cela depuis des années. Mais une chose diffère maintenant et c’est ceci : les gens expriment leur mécontentement en temps réel sur les plateformes des médias sociaux comme Twitter.
Si les téléspectateurs n’apprécient guère la substitution simultanée, les radiodiffuseurs l’adorent. Chaque année, la substitution simultanée rapporte environ 250 millions de dollars à l’industrie. Et parfois, les revenus qu’ils en tirent — et la dépendance que cela crée — amènent les radiodiffuseurs à oublier les effets négatifs de la substitution simultanée sur la programmation canadienne. Trop souvent, on déplace les émissions canadiennes dans la grille horaire — vers des cases moins attrayantes ou vers des réseaux secondaires — afin de satisfaire les caprices des dirigeants des réseaux américains au chapitre de l’horaire. Pourquoi nos créateurs doivent-ils être des gens de second rang?
Que vous aimiez ou que vous détestiez la substitution simultanée, malheureusement, elle est là pour rester. Lors de notre audience l’automne dernier, les renseignements recueillis ont montré clairement que les revenus qu’elle génère aident les radiodiffuseurs à créer des emplois et à développer le talent créatif canadien. Autrement dit, il y a trop d’entrecroisement pour qu’on puisse supprimer la substitution simultanée sans que le modèle d’affaires actuel en souffre. Mais cela ne veut pas dire que le Conseil maintient le statut quo.
En premier lieu, les radiodiffuseurs ne pourront plus avoir recours à la substitution simultanée lors du Super Bowl, et ce, à compter de la présentation de celui qui viendra clôturer la saison 2016 de la NFL — et, ensuite, pour toutes les diffusions futures de cette partie. Les huit millions d’amateurs canadiens de football qui ont regardé le Super Bowl l’an dernier seront heureux d’entendre cela. Car comme plusieurs d’entre vous le savez, et comme les Canadiens nous l’ont dit très clairement : la publicité fait partie du spectacle associé à l’événement.
Le fait de garder la substitution simultanée pour toutes les diffusions autres que le Super Bowl pourrait déplaire à plus d’un téléspectateur, et je comprends leurs préoccupations. C’est pourquoi, et à titre de deuxième mesure, le CRTC dévoile une approche tolérance zéro vis-à-vis les erreurs importantes lors de la substitution. Par exemple, si un radiodiffuseur canadien retourne à une partie de la NFL avec du retard, faisant en sorte que les téléspectateurs ont manqué un jeu, il pourrait avoir à accorder un rabais aux téléspectateurs pour cette erreur. Si une station qui transmet en direct fait la même erreur, elle pourrait perdre, pendant un certain temps, son privilège de pouvoir demander la substitution simultanée lors de la diffusion à venir de grands événements en direct, comme les parties de football.
Lorsqu’une partie de la NFL est diffusée au Canada, par exemple, nous nous attendons à ce que les téléspectateurs puissent voir la partie du début à la fin.
Le CRTC fait sa part en vue de réduire les frustrations causées par les erreurs entourant la substitution simultanée, mais nous ne pouvons régler le problème seuls. Les Canadiens doivent être plus vigilants que jamais par rapport à ces erreurs. Si vous constatez une erreur, avisez-nous. Et si à long terme nous sommes convaincus que les radiodiffuseurs ne peuvent recourir à la substitution simultanée sans commettre des erreurs, nous allons retirer ce privilège.
C’est aussi simple que cela. En cette époque où la technologie nous permet de porter des ordinateurs, de mettre le Bras Canadien dans l’espace et de faire atterrir un satellite sur une comète, je ne peux croire que les radiodiffuseurs n’ont pas les ressources pour exécuter la substitution simultanée sans faire d’erreur. Le temps où on regardait le train passer est révolu.
Les Canadiens nous ont demandé de corriger ce qui n’allait pas avec la substitution simultanée. Et nous vous avons entendus.
Rénover le pont d’aujourd’hui; construire celui de demain
J’ai mentionné qu’il fallait rénover la structure du pont actuel, même si nous procédons à la construction du nouveau pont. Avec les décisions sur la transmission de télévision en direct et sur la substitution simultanée, nous avons rénové le pont que nous avons. Nous nous assurons que le système en place continue de satisfaire aux besoins des téléspectateurs. Mais dans les deux cas, nous sommes conscients qu’il s’agit de réparations à court terme. Aucun de ces deux modèles ne survivra à long terme. Chacun repose sur une offre d’émissions de télévision selon des formats traditionnels, soit comment et quand les grands réseaux jugent de les diffuser.
Même s’ils suscitent l’enthousiasme, au départ, les nouveaux paradigmes sont rarement parfaits. Ils doivent être peaufinés — serrer des rivets, repaver une chaussée, procéder à un nouveau marquage des indicateurs de couloir — et même parfois, ils doivent être revus au niveau des services de gros afin d’être couronnés de succès. Et ils demandent que tout un chacun soit créatif — les radiodiffuseurs, les téléspectateurs et les organismes de réglementation — afin de s’assurer d’une adhésion sans heurt.
Certains des principaux radiodiffuseurs du Canada font l’essai de nouveaux moyens créatifs visant à enrichir l’expérience des téléspectateurs sur de nouvelles plateformes. Toutefois, il est regrettable que le Canada anglais ne dispose pas encore d’un véritable service canadien Web de vidéo sur demande en diffusion continu qui ne nécessite pas un abonnement au câble tel que tou.tv. Et j’ai hâte au jour où les radiodiffuseurs dans le marché de langue anglaise offriront enfin un tel service et utiliseront des extraits de productions réalisées par des Canadiens, plutôt que par des Américains, pour en faire la promotion. Nous réalisons des productions qui remportent des prix. Nous devons en être fiers et en faire la promotion.
Le CRTC appuie l’innovation sur les nouvelles plateformes. Mais dans la prochaine décision dont je veux parler, des citoyens canadiens ont mis en cause deux fournisseurs de services sans fil qui accordaient certaines préférences illégales à leurs services mobiles de télévision.
En novembre 2013, le CRTC a reçu une demande d’un étudiant aux études supérieures de l’Université du Manitoba, Ben Klass; celui-ci se plaignait d’une soi-disant préférence indue de la part de Bell Mobilité. Quelques semaines plus tard, une demande semblable a suivi, cette fois contre Vidéotron.
Le problème dans ces deux cas était le suivant : Bell et Vidéotron exemptaient ces services des frais chargés à leurs clients et des plafonds de données auxquels ils sont soumis de manière habituelle chaque mois. Mais si un abonné regardait des vidéos sur YouTube, ces données étaient comptabilisées dans son plafond.
Selon les demandeurs, cela était injuste.
Nous sommes d’accord. À notre avis, des fournisseurs comme Bell et Vidéotron qui offrent un contenu linéaire au moyen de leurs applications mobiles pour la télévision ne peuvent accorder une préférence ou des avantages indus à leurs propres services. En conséquence, nous avons exigé que Bell et Vidéotron suppriment leurs pratiques illégales.
Aux yeux de certains, cela peut sembler vouloir se préoccuper d’un enjeu mineur. En tout respect, je ne suis pas d’accord. Voici pourquoi. Fondamentalement, cette décision n’est pas tant au sujet de Bell ou de Vidéotron. Elle nous concerne tous, sans compter notre capacité à accéder à du contenu de manière égale et équitable, dans un marché libre qui favorise le choix et l’innovation. Le CRTC veut toujours s’assurer — et cette décision soutient cet objectif — que les Canadiens puissent accéder au contenu de manière équitable et raisonnable. Que tout le monde peut accéder aux ponts sans restrictions. De même, nous voulons faire en sorte que les abus de pouvoir dans le système ne demeurent pas sans intervention.
Pour de grandes entreprises verticalement intégrées, il peut être tentant d’offrir des avantages à leurs clients, et il faut applaudir l’innovation dans sa forme la plus pure. Au CRTC, nous voulons certainement que les radiodiffuseurs fassent progresser la télévision en créant de nouveaux moyens stimulants de visionner le contenu. Mais lorsque le désir d’innovation enfreint le principe d’un accès juste et ouvert au contenu, nous allons intervenir. Nous devons faire en sorte qu’il n’y ait pas d’obstacles dans les couloirs de nos ponts afin que tous puissent traverser.
De la même façon, nous défendrons et appuierons un Internet qui soit ouvert. Les Canadiens désirent un système de communications ouvert. Et nous vous avons entendus.
La liberté d’expression
S’il y a un message dominant qui ressort de ces trois décisions, c’est le suivant : le CRTC a un rôle continu à jouer pour faciliter des communications ouvertes et équitables.
De même, nous avons un rôle incessant à exercer afin de nous assurer que les radiodiffuseurs assument leurs responsabilités. Les radiodiffuseurs sont les gardiens du système de télévision en tant que service public. En conséquence, ils ont une obligation particulière de s’assurer que notre système de télévision soit un reflet de notre identité, contribue à notre démocratie et renforce notre sécurité. La radiodiffusion ne peut se résumer à être seulement une entreprise commerciale dont le seul objectif est d’accroître les bénéfices.
Au cours des dernières semaines, on a beaucoup parlé de la liberté d’expression. Une partie clairement énoncée du mandat législatif du CRTC est de voir à l’application de la Loi sur la radiodiffusion d’une manière qui respecte la liberté d’expression et l’indépendance journalistique.
Plus tôt cette année, nous avons vu les attaques épouvantables sur la liberté d’expression à Paris. Malheureusement, ces incidents sont loin d’être isolés. Seulement en 2014, 61 journalistes sont morts dans l’exercice de leur profession un peu partout dans le monde. D’autres sont emprisonnés ou torturés.
Même si c’est un phénomène qui fait moins les manchettes, pour moi, la diminution des fonds accordés aux stations de télévision locale par les principaux radiodiffuseurs est aussi une source de préoccupation. Certes, les magnats de la presse ont le droit de se préoccuper de générer des profits; mais les actionnaires publics et privés des actifs de radiodiffusion ont le devoir de s’assurer que les reportages journalistiques et l’analyse des nouvelles continuent d’être financés adéquatement. Ceci fait en sorte que les Canadiens, en tant que citoyens, comprennent les événements quotidiens qui se déroulent autour d’eux. Une population informée ne peut être l’offrande à sacrifier sur l’autel des bénéfices des entreprises ou de la réduction du déficit.
Certains avanceraient que les nouveaux appareils qui permettent d’accéder à Internet contribuent à transmettre rapidement l’information au sujet des événements, des faits et des anecdotes à l’échelle internationale. Je suis d’accord, mais il leur reste à montrer la même capacité à livrer une information juste et opportune sur les événements locaux et municipaux aux consommateurs des médias dans les petites collectivités. De plus, on devra encore me convaincre que le Web fournit une qualité d’analyse des nouvelles offrant un niveau de rigueur journalistique semblable à celle rendue possible grâce à des codes de déontologie qui ont été élaborés et améliorés au cours des 300 dernières années.
Quoi qu’il en soit, à ce que je sache, il n’y a pas une quantité maximale de nouvelles et d’information à laquelle les Canadiens devraient avoir accès. Si Internet enrichit notre connaissance des événements survenus de l’autre côté de la rue et de l’autre côté de la planète, cela ne dispense pas les radiodiffuseurs de satisfaire à leurs obligations correspondant au grand privilège de détenir une licence de radiodiffusion. Et parmi celles-ci, il y a le fait de continuer à offrir des nouvelles et une information de qualité aux collectivités qu’ils servent.
Conclusion
Mesdames, Messieurs, en conclusion, permettez-moi de dire ceci : nous avons terminé l’année 2014 en amorçant une période ambitieuse de revue réglementaire. En septembre, nous avons tenu la plus récente étape de Parlons télé : l’audience publique. Quelques semaines plus tard, nous avons tenu une audience sur le marché des services sans fil mobiles de gros. Et en novembre a eu lieu notre audience visant à revoir le cadre de réglementation pour les services de télécommunications de gros.
Le thème récurrent de ces trois instances a été le choix et la concurrence durable. Au CRTC, nous mettons à jour nos règlements afin de nous assurer de créer les conditions facilitantes afin que les Canadiens puissent bénéficier d’un système de communications de classe mondiale — aujourd’hui et pour plusieurs années à venir.
Cet avenir c’est le nouveau pont que nous sommes en train de construire. Mais je serai franc : ce projet de construction est un travail continu, qui ne se fera pas du jour au lendemain. Voilà pourquoi le vieux pont doit rester en place. Au cours des années à venir, des enjeux comme la transmission de télévision en direct et la substitution simultanée demanderont notre attention de manière périodique. Mais une fois que notre nouveau pont sera construit — un nouveau cadre souple — plus de gens y circuleront dans des voitures débordantes d’idées et d’information, sans compter des rêves et des histoires de créativité.
Comme l’observait Max Planck, éventuellement le vieux pont sera détruit car les Canadiens seront plus nombreux à s’être accoutumés au nouveau pont.
Au cours des semaines et des mois à venir, nous rendrons plusieurs décisions sur des enjeux qui concernent des questions fondamentales pour la télévision : le contenu, la distribution et les outils pour donner davantage de pouvoir aux consommateurs. Chacune viendra répondre aux idées soulevées lors de notre conversation Parlons télé. Elles renforceront notre vision d’un système de télévision de l’avenir, fondé sur le choix offert au consommateur et le contenu sur demande.
Ces décisions constituent les rivets, le ciment et l’acier dont nous avons besoin pour construire notre pont commun pour l’avenir.
Je vous remercie.
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