Tout ce que vous avez toujours voulu savoir sur BAC sans jamais oser le demander
Notes d'allocution
Guy Berthiaume, Bibliothécaire et archiviste du Canada
Allocution pour l’Association canadienne des archivistes à l’Université de Toronto
Toronto (Ontario)
Le 25 février 2015
Sous réserve de modifications
Bon après‑midi.
J’aimerais tout d’abord remercier Monsieur Seamus Ross de m’avoir invité à vous parler aujourd’hui.
C’est toujours un plaisir d’être entouré d’étudiants et de membres de la faculté pour discuter de notre avenir commun.
Nous vivons à une époque passionnante et cela est particulièrement vrai quand on travaille dans notre domaine.
Je suis devenu le bibliothécaire et archiviste du Canada il y a huit mois de cela, en juin dernier.
Je travaillais auparavant à Bibliothèque et Archives nationales du Québec et je suis arrivé à BAC avec la conviction tenace que, en dépit des rumeurs du contraire, les bibliothèques et les archives sont là pour rester.
Je vous dirais même qu’au fur et à mesure que je m’acquitte de mes tâches, que je rencontre des gens et que j’ai des discussions avec eux, cette conviction devient de plus en plus inébranlable.
Ce que je constate, cependant, lorsque je me déplace partout au pays, c’est que le mandat des bibliothèques et des archives est en voie d’être redéfini.
Et cela s’applique aussi à BAC.
Les Archives publiques du Canada ont été fondées en 1872.
Et elles faisaient à ce moment-là partie du ministère de l’Agriculture!
Elles sont devenues les Archives nationales en 1987.
En 1953, la Bibliothèque nationale a été créée et, en 2004, on a uni ces deux vénérables institutions pour former une nouvelle organisation : Bibliothèque et Archives Canada.
Cette fusion était une mesure ambitieuse. Révolutionnaire, même.
De nombreux autres pays ont essayé de fusionner leur bibliothèque nationale et leurs archives nationales, et ont échoué. Les Pays-Bas, la Belgique, la Nouvelle‑Zélande, pour ne nommer que ceux‑là.
Mais ici, au Canada, nous avons réussi.
Il y a quelques semaines à peine, une des dernières personnes que nous ayons embauchées, une bibliothécaire de référence, a mentionné que les gens qui lui posent des questions mélangent souvent volontiers ce qui a trait à la bibliothèque et ce qui concerne les archives.
Pour leur répondre, elle doit s’appuyer sur ses connaissances dans les deux domaines.
En rassemblant les collections de la Bibliothèque nationale et des Archives nationales, BAC a pu « étayer de documents toute la complexité et toute la diversité de l’expérience canadienne », pour citer l’un de ses fondateurs.
Et, grâce au monde numérique, nous avons pu étendre encore davantage cette vision.
En quelques brèves années, nous avons mis des millions de pages de documents, de photographies, de cartes, de portraits, d’enregistrements et d’autres genres d’information en ligne, où les citoyens canadiens peuvent facilement les consulter.
Notre site Web, qui reçoit en moyenne 1,8 million de visites par mois, est devenu un des plus appréciés du gouvernement du Canada.
Notre site Flickr vient tout juste d’atteindre la marque des six millions.
Nous baladodiffusons, nous bloguons, nous gazouillons.
Nous avons lancé de nouveaux partenariats réussis avec d’autres bibliothèques, des archives, des musées, des galeries d’art et le secteur privé.
Travaillant ensemble, nos archivistes et nos bibliothécaires continuent de plus à acquérir et à préserver les témoignages du passé et les traces changeantes de notre époque, et à y donner accès.
Les aspects fondamentaux du mandat de BAC n’ont pas changé au fil des années et consistent :
- à veiller à ce que la mémoire du Canada soit préservée en permanence pour les générations actuelles et futures;
- à être une source institutionnelle de savoir durable accessible à tous;
- à faciliter la collaboration des divers milieux intéressés à l’acquisition, à la préservation et à la diffusion du savoir;
- à être la mémoire permanente de l’administration fédérale et de ses institutions.
Cela dit, le monde dans lequel nous nous acquittons de notre mandat a subi une profonde transformation.
Notre organigramme témoigne du fait que nous avons fusionné les archives nationales et la bibliothèque nationale.
Comme beaucoup d’institutions de la mémoire partout dans le monde, nous nous trouvons à la croisée des chemins.
C’est pour cette raison que j’ai proposé quatre engagements visant à nous aider à nous acquitter de notre mandat et de nos obligations à titre d’organisation.
Je vous présente ces engagements parce que je crois que cela vous permettra d’avoir une idée de ce vers quoi BAC se dirige.
Premièrement, je veux que BAC soit une institution vouée au service de tous ses clients.
Or, cela signifie qu’il faudra s’ajuster et s’adapter aux besoins changeants des Canadiens et organiser nos données de façon à ce qu’elles soient faciles à trouver et à utiliser.
BAC est, au final, une institution orientée sur l’accès et cet accès est fourni de différentes façons à différents types d’utilisateurs.
Les étudiants effectuent des recherches dans nos banques de données en ligne, on peut voir des généalogistes, des chercheurs, des journalistes et des universitaires dans nos salles de lecture, et les membres du grand public peuvent entendre parler de nous pour la première fois sur Wikipédia.
Mais peu importe le moyen utilisé, nous devons être là.
Le deuxième engagement consiste à faire de BAC un chef de file en matière d’archivistique et de bibliothéconomie, de façon à pouvoir aider les Canadiens à tisser des liens avec la collection et à profiter au mieux de l’expérience, de l’imagination et de l’expertise de nos employés.
Un grand nombre de nos employés enseignent et étudient dans des universités partout au pays, et ces partenariats appuient et contribuent au respect de cet engagement.
J’aimerais profiter de l’occasion pour mentionner la contribution des intervenants qui œuvrent ici, à l’iSchool, pour leur rôle clé dans l’établissement de normes bibliographiques et archivistiques qui sont utilisées ici et partout dans le monde.
Lynne Howarth, de l’iSchool, joue un rôle crucial en fournissant des conseils sur l’élaboration de la norme internationale connue sous le nom de RDA, pour Resource Description and Access (description et accès des ressources).
La norme RDA représente un changement important dans le catalogage bibliographique.
Elle fournit des règles normalisées pour la description des ressources et l’accès à ces dernières qui sont conçues expressément pour l’environnement numérique.
Le troisième engagement est de faire en sorte que BAC joue un rôle proactif au sein de réseaux nationaux et internationaux, de façon à ce que nous puissions profiter de l’expérience de nos partenaires et réciproquement.
Enfin, j’aimerais attirer davantage l’attention du public sur la valeur de nos services et de notre collection en rehaussant la visibilité de BAC.
Je vous en dirai bientôt davantage sur les efforts que nous déployons afin de mettre au point un plein éventail de programmes publics conçus pour renforcer notre position à titre de point central de la culture.
Puisque j’ai mentionné la collection, permettez‑vous de vous en donner un aperçu rapide.
La découverte de la richesse et de la diversité de notre collection a été l’une des plus grandes révélations auxquelles j’ai eu droit après avoir accepté d’occuper ce poste.
Nous possédons :
- 20 millions de livres, ce qui représente le poids de 42 grandes baleines bleues et demie!
- 250 kilomètres de documents texte, qui, alignés, nous permettraient de nous rendre de Toronto (qui, comme tout le monde le sait, est le centre de l’univers!) jusqu’aux confins de l’atmosphère de la Terre.
- 3 millions de cartes
- 30 millions de photographies, soit une pour chaque habitant du Canada, ou presque
- 550 000 heures d’enregistrements audio et vidéo, soit assez pour vous tenir occupés pendant les 63 prochaines années
- Une archive de tous les timbres émis par Postes Canada depuis sa création
- Une collection unique de médailles
- Ainsi que la plus importante collection d’œuvres d’art canadiennes au monde, avec plus de 425 000 œuvres d’art dont des sculptures, des illustrations tirées de livres pour enfants, des bandes dessinées, des affiches politiques et des portraits emblématiques.
Je suis certain que vous conviendrez qu’il s’agit là d’une collection impressionnante, mais cela représente également un défi de taille.
Imaginez‑vous ce que cela représente que d’entreposer tous ces objets de façon sécuritaire. De les protéger. Et de les rendre accessibles au public.
Je devrais vous parler, à ce moment‑ci, de certains des immeubles d’envergure qui hébergent notre collection.
Notre Centre de préservation de Gatineau, qui renferme 48 voûtes et laboratoires de conservation modernes, ainsi que notre nouveau centre de préservation des pellicules de nitrate, sont des installations à la fine pointe de la technologie et de calibre mondial.
Le Centre de préservation des pellicules de nitrate est la seule installation au Canada qui soit conçue pour l’entreposage à long terme des pellicules et des négatifs de nitrate. Il a remporté de nombreux prix pour sa conception écologique.
Nous avons également ouvert de nouvelles installations, à Gatineau, qui sont dotées des toutes dernières fonctionnalités en matière d’entreposage à haute densité.
Notre collection de journaux nationaux y est entreposée, ainsi que les dossiers militaires des vétérans de la Seconde Guerre mondiale.
Depuis mon arrivée à BAC, nous avons reçu deux rapports qui nous seront extrêmement utiles dans nos efforts pour déterminer l’orientation future de BAC.
Le premier est paru en novembre dernier et a été rédigé par la Société royale du Canada. Il s’intitule L’Avenir au présent : Les bibliothèques, les centres d’archives, et la mémoire collective au Canada.
Certains d’entre vous se rappelleront que BAC n’y est pas dépeint de façon très favorable.
Mais, comme l’a déjà fait remarquer Bill Gates, sans rétroaction, on ne peut pas s’améliorer.
L’une des conclusions les plus encourageantes du rapport indique qu’un grand nombre de Canadiens ont un attachement profond pour BAC et pour les bibliothèques et les archives de façon générale.
Je doute que BAC disparaisse de sitôt.
Le rapport fait état de 70 recommandations à l’intention des bibliothèques et des archives.
Six d’entre elles ne s’adressaient qu’à nous, dont une invitation à redéfinir le rôle de chef de file de BAC.
Je crois que les quatre engagements que j’ai mentionnés au début de mon allocution nous permettront en grande partie de donner suite à cette recommandation, tout particulièrement en nous permettant d’accroître notre présence et notre visibilité au pays et à l’étranger.
Le rapport souligne aussi les défis auxquels doivent faire face toutes les institutions de la mémoire, qui doivent composer avec la croissance rapide des technologies numériques.
Plus un grand nombre de contenus est créé dans l’univers numérique, et plus nous sommes conscients de la nécessité de protéger ce dernier à titre de patrimoine.
Il s’agit de notre travail.
Au cours de la dernière année, le personnel de BAC a travaillé fort pour accroître notre capacité de préserver nos fonds de renseignements numériques et de les enrichir.
Nous avons considérablement augmenté notre capacité de préservation du contenu numérique, qui est passée de 3 millions d’images par mois à 8 millions d’images par mois, ce qui signifie que plus de 160 millions de documents (plus de 2 pétaoctets) sont aujourd’hui entreposés et préservés dans nos voûtes de sécurité.
Nous avons par ailleurs diffusé des lignes directrices fondées sur des normes internationales qui indiquent clairement les formats dans lesquels BAC préfère acquérir des documents auprès de ses donateurs, comme les éditeurs, les ministères gouvernementaux et les citoyens.
Enfin, en vue de progresser vers notre objectif qui consiste à devenir un dépôt de données numériques digne de confiance, nous procédons à l’évaluation de notre dépôt actuel en collaboration avec le Centre for Research Libraries.
Il s’agit d’importants pas vers l’avant.
La Société royale du Canada a aussi invité BAC à mettre en place des mesures adaptées au nouveau contexte dans lequel s’inscrit le droit d’auteur.
Nous avons entrepris une analyse continue des questions liées au droit d’auteur, en nous intéressant plus particulièrement à leurs répercussions sur les organisations vouées à la mémoire dans l’environnement numérique.
Nous travaillons aussi à l’élaboration de notre approche stratégique pour la gestion du droit d’auteur.
Ce faisant, nous espérons obtenir la participation de la communauté plus vaste du patrimoine documentaire sur cet enjeu de premier plan.
Le deuxième rapport dont j’aimerais vous parler date d’il y a quelques semaines.
Il a été rendu public par le Conseil des académies canadiennes et s’intitule À la fine pointe du monde numérique : possibilités pour les institutions de la mémoire collective au Canada.
Le contenu de ce rapport est clair : le Canada est maintenant une société numérique.
Cela a radicalement transformé la relation qui existe entre les institutions de la mémoire et le grand public.
Et c’est pour le mieux.
Le rapport attire en outre l’attention sur l’idée de la participation citoyenne, qui est quelque chose que j’appuie entièrement.
Or, nous ne pouvons favoriser l’établissement de ce type de relation que si nous demeurons pertinents.
Et nous ne demeurerons pertinents que si nous sommes considérés comme une source digne de confiance de renseignements authentiques.
Il s’agit là de l’une des raisons pour lesquelles nous sommes présents dans les médias sociaux tous les jours, à nous efforcer d’établir des liens avec les membres de la communauté et à assurer le rayonnement de BAC.
Nous organisons également des conférences et nous invitons les membres du public à venir écouter les allocutions de conférenciers, nous favorisons le dialogue et nous travaillons ensemble.
Le rapport fait également la lumière sur l’importance que revêt, pour le Canada, le fait de regagner sa position de chef de file en matière d’initiatives numériques grâce à l’établissement de partenariats continus avec des intervenants du secteur privé. Comme le conclut le rapport du Conseil des académies canadiennes, la voie de l’avenir est numérique et axée sur la collaboration.
Cela dit, le rôle de BAC à titre d’institution culturelle doit rendre compte à la fois de l’univers analogique et de l’univers numérique, qui continueront de coexister pendant très longtemps.
Si nous voulons vraiment « étayer de documents toute la complexité et toute la diversité de l’expérience canadienne », nous devons nous rappeler que cette expérience provient de ces deux univers.
Pour nous y adapter, nous devrons tenir compte d’un éventail de compétences, d’expériences et de points de vue.
Nous devrons également comprendre que nous ne pouvons pas compter uniquement sur la technologie pour établir des liens entre le contenu et les utilisateurs.
On ne saurait faire abstraction de l’élément humain.
Il y a à l’heure actuelle à BAC plus de 200 professionnels ayant une formation d’archiviste ou de bibliothécaire.
Je suis heureux de pouvoir vous dire qu’un nombre non négligeable d’entre eux sont des diplômés de l’iSchool.
Bien qu’un grand nombre travaillent dans leur discipline, d’autres ont transféré leurs connaissances et leurs compétences à d’autres secteurs de notre organisation, comme les communications, la TI, les programmes, les services, les politiques et, bien sûr, la gestion.
Le rôle des archivistes et des bibliothécaires a évolué et continue d’évoluer au fur et à mesure que l’écart entre l’usager et l’information rétrécit.
Cette évolution crée des possibilités emballantes.
Nous avons besoin de personnes qui comprennent les processus opérationnels et peuvent les analyser.
Des personnes qui chercheront de nouvelles façons de rendre l’information accessible.
Qui recueilleront et organiseront l’information numérique de manière à la rendre facile à trouver et à utiliser.
Et qui forgeront les nouvelles relations avec des organisations partenaires et avec le public.
Si vous me pardonnez ce jeu de mots trop souvent utilisé, les archivistes et les bibliothécaires doivent, de nos jours, vraiment sortir des sentiers battus, c’est-à-dire de la « boîte ».
Laissez-moi vous donner quelques exemples tirés de ce qui se fait à BAC.
Le Mountain Legacy Project (projet sur le patrimoine des montagnes de l’Ouest), est un projet réalisé en collaboration avec l’École des études environnementales de l’Université de Victoria.
Il s’agit d’un partenariat unique, dans le cadre duquel des scientifiques recréent des photographies originales prises dans les montagnes de l’Alberta et de la Colombie-Britannique entre 1886 et 1958.
Ils utilisent une collection de 60 000 négatifs sur plaque de verre du fonds d’arpentage des terres fédérales de BAC, ainsi que des documents d’archives photographiques, textuels et cartographiques connexes.
Le but est d’étudier les différences dans le paysage et d’analyser les changements environnementaux.
BAC fournit des copies numérisées à haute résolution des négatifs originaux sur plaque de verre, ainsi que des descriptions.
Jusqu’à maintenant, plus de 5 600 copies numérisées ont été créées et décrites.
L’archiviste de BAC qui s’occupe du projet, Jill Delaney, a participé à tout, depuis la négociation du transfert de la collection de Ressources naturelles Canada, aux recherches et aux allocutions sur le processus, à la collaboration avec les spécialistes de la numérisation pour produire les copies, à la collaboration avec Bibliothèque Alberta, Développement des ressources durables Alberta et Parcs Canada, et à la participation à une excursion photo sur le terrain.
Cet exemple résume bon nombre des compétences que doit posséder le professionnel de l’information de nos jours :
- la capacité de négocier,
- d’effectuer des recherches historiques dans un éventail de disciplines,
- de faire partie d’une équipe et de collaborer avec des personnes de l’institution et de l’extérieur,
- de sensibiliser le public,
- de posséder une insatiable curiosité,
- et même d’escalader une montagne si c’est ce qu’il faut.
De nombreux archivistes et bibliothécaires qui travaillent à BAC apportent avec eux le point de vue de plusieurs disciplines.
Ils se spécialisent en études canadiennes, en théorie littéraire, en communications publiques, en études proches-orientales, en linguistique, en histoire de l’art, etc.
Et, de plus en plus, leurs compétences se rapportent à la science de l’information et à la technologie numérique.
Les archivistes et les bibliothécaires qui sont aussi des spécialistes dans un autre domaine font bénéficier l’institution d’une perspective vitale sur la recherche, ce qui est essentiel pour bâtir des collections et offrir des services aux chercheurs.
L’unité de la Capacité numérique est l’une des unités les plus avant-gardistes à BAC.
Le groupe de la Capacité numérique recueille de l’information sur le Web, y compris la collection des sites Web du gouvernement du Canada.
Il organise les collections Web thématiques sur des sujets allant du pipeline Keystone au mouvement Idle No More et à l’attaque sur la colline du Parlement le 22 octobre 2014.
Il produit des lignes directrices, des procédures et des conseils stratégiques sur les biens de la bibliothèque et des archives numériques à l’intention du gouvernement du Canada, du public et des universités.
Il se penche sur des concepts propres au 21e siècle comme l’authenticité d’un enregistrement numérique.
Et la Capacité numérique est dirigée par une équipe de bibliothécaires et d’archivistes qui travaillent côte à côte et dont les rôles sont de plus en plus interchangeables, exactement comme les créateurs de BAC l’avaient imaginé.
Cela est vital parce que la technologie engendre de nouvelles fonctions qui sont communes à ces deux professions.
Les archivistes et les bibliothécaires devront prendre des décisions rapides en temps réel.
Et les décisions qu’ils prendront auront d’importantes répercussions sur notre patrimoine en tant que nation.
Comment décider de ce qui doit être préservé et comment s’y prendre pour y parvenir?
Vous devrez être à la fois philosophe, avocat, programmeur, et même détective… et pouvoir repérer ce qui a de la valeur dans une énorme montagne de données!
Nous aurons, à l’avenir, besoin de diplômés spécialistes de l’analyse légale des environnements numériques, qui pourront récupérer des fichiers supprimés et extraire les fils de l’histoire du cyberespace.
Et de diplômés capables de saisir les nuances relatives au droit d’auteur dans un monde où tout peut être numérisé, ainsi que les concepts de la fiabilité et de l’authenticité dans un monde sans papier.
Pensez seulement aux répercussions de l’imprimante 3D. Des musées, comme le Rijksmuseum à Amsterdam et la Smithsonian Institution à Washington, ont déjà créé des banques de modèles de leur collection téléchargeables pour imprimante 3D. Nous pouvons même reproduire les parties brisées ou manquantes des artefacts.
À partir de là, comment peut-on définir ce qu’est un original? C’est hallucinant.
Bref, nous allons avoir besoin de diplômés capables de naviguer dans ce nouveau monde avec imagination et créativité.
Le rêve démocratique d’un monde numérique ne correspond pas tout à fait à ce à quoi nous nous attendions.
Il y a de bonnes choses dans ce monde, mais savons-nous comment les trouver?
Si vous voulez vous renseigner sur un sujet dans Google et que vous obtenez 10 000 résultats… savez‑vous par où commencer?
Les données sont fantastiques et les métadonnées sont encore plus incroyables.
Mais les données ne sont pas le savoir.
Il y a un énorme besoin d’archivistes et de bibliothécaires qui aideront les gens à trouver facilement l’information dont ils ont besoin.
La clé réside dans la description de cette information, dans les métadonnées.
Parce que tous les citoyens aujourd’hui sont des chercheurs.
La technologie signifie que nos archivistes et nos bibliothécaires doivent travailler ensemble afin de fournir des renseignements descriptifs dans un vaste éventail de formats.
Le travail en partenariat est donc essentiel à la réalisation de notre travail, et ce, de plusieurs façons.
Le Conseil des académies canadiennes décrit ce travail en partenariat comme une « culture participative » en plein essor dans les institutions de la mémoire.
Les gens s’attendent de plus en plus à ce que nous offrions des services à la fine pointe avec les outils numériques, mais ils veulent aussi partager leurs connaissances, leurs idées et leurs expériences personnelles.
Les institutions de la mémoire, comme BAC, élaborent, en guide de réponse, des outils et des services conviviaux qui permettent au public d’accéder aux collections et aux artefacts culturels.
Les utilisateurs veulent étiqueter les contenus, rédiger des articles et faire connaître leurs réactions à des œuvres ou à des collections particulières.
Une grande partie de cette conversation a lieu sur les médias sociaux, alors que nous nous affairons à numériser la plus grande quantité de contenu possible.
Il ne fait aucun doute que c’est la voie de l’avenir.
BAC reçoit chaque mois plus de 800 demandes de consultation et de reproduction de dossiers de service de membres du Corps expéditionnaire canadien de la Première Guerre mondiale.
Ces documents d’une centaine d’années représentent des portraits uniques à un moment précis de l’histoire. Ils fournissent des détails provenant de plus de 640 000 dossiers qui racontent les histoires de soldats, d’infirmières et d’aumôniers qui ont participé à la Guerre des Guerres.
Mais ils sont fragiles.
Une fois que le projet sera achevé, environ 32 millions d’images seront disponibles aux fins de la réalisation de recherches en ligne, ce qui offrira un accès sans précédent aux dossiers tout en permettant de protéger les documents originaux.
La réponse a été sans égal.
Il ne fait aucun doute que la numérisation est la voie de l’avenir, un avenir démocratique dans lequel de plus en plus de connaissances et de renseignements seront communiqués.
Cela dit, l’univers analogique n’a pas encore tout à fait fini de nous dévoiler ses secrets.
Écrivant dans le Wall Street Journal, Walter Isaacson a décrit le sentiment d’exultation qui l’a d’abord envahi lorsqu’il a découvert que les documents d’Albert Einstein allaient être publiés gratuitement et en ligne.
Mais il a ajouté ressentir une « pointe de tristesse » et a dit regretter le fait que la prochaine génération d’érudits ne connaîtrait pas le frisson de l’inspiration que procure la vue de documents originaux.
Selon moi, ses craintes n’étaient pas totalement fondées.
Même si la Joconde n’est qu’à un clic sur Google, des millions font la file pour la voir au Louvre, vivante et en personne, pour ainsi dire.
Même si la musique des Beatles est facilement disponible sur iTunes, les gens font la file à la British Library pour voir les paroles de A Hard Days’ Night au verso de la carte d’anniversaire de Julian Lennon.
C’est pourquoi l’un des engagements auxquels je tiens le plus consiste à faire en sorte que nous exposions autant de documents originaux que possible.
Il existe un véritable lien émotif avec les témoignages de notre histoire dans leur forme originale que rien ne peut remplacer.
J’espère que je vous ai inspirés, parce qu’à BAC, nous avons certaines des occasions d’emploi les plus intéressantes au Canada en archivistique et en bibliothéconomie.
J’espère aussi que je ne vous ai pas fait peur en décrivant les nombreux ensembles de compétences différentes dont nous aurons besoin à l’avenir.
Nos professionnels s’adaptent constamment pour ne pas devenir les dinosaures de l’ère numérique.
Nous avons pu récemment contribuer – à titre d’employeur – à des conversations sur la planification de programmes universitaires visant à former les professionnels de l’information de manière à répondre aux besoins du XXIe siècle.
L’opinion que nous avons exprimée au cours de ces conversations est que nous avons besoin d’un large éventail de compétences.
Des compétences comme la collaboration, la communication et la capacité de gérer.
Et la compréhension du monde numérique et de l’incidence de la technologie.
La capacité d’aller au fond des choses, de travailler efficacement en équipe et de faire preuve d’initiative.
Et, parfois, même la capacité d’escalader une montagne.
Je vous remercie.