Notes pour une allocution de
L’honorable Peter MacKay, C.P., député Ministre de la Justice et procureur général du Canada
Economic Club of Canada
Hôtel Westin
Ottawa (Ontario)
Le 6 février 2015
Priorité au discours prononcé
Bonjour tout le monde, et merci Natasha [Moreno, organisatrice et vice-présidente de l'Economic Club of Canada] de m'avoir si gentiment présenté.
Je suis reconnaissant à l'Economic Club d'offrir cette tribune et de m'avoir invité à y prendre la parole.
Je suis heureux de venir vous faire part, à l'occasion de ce petit-déjeuner avec vous ce matin, de quelques-unes de mes réflexions sur les coûts de la criminalité. À vrai dire, comme j'ai un tout-petit à la maison, je suis debout depuis quelques heures déjà.
Comme pour bien des Canadiens, le fait de devenir parent a transformé ma vie de façon merveilleuse. Cela m'a aussi amené à prendre le temps de réfléchir au système de justice qui protège mon enfant.
Hier soir, ma famille et moi nous sommes promenés au site du Bal de Neige. C'était une magnifique soirée. J'ai pensé à quel point j'étais chanceux et privilégié d'être né au Canada, un pays de liberté. Il faisait moins 25, mais personne ne me forçait à être dehors par ce temps glacial, tout comme personne ne vous a forcés à venir entendre un discours si tôt le matin en ce vendredi très froid.
Bien que nous ayons la chance d'avoir le système de justice qui existe actuellement au Canada - avec la solide primauté du droit, une constitution bien établie, un appareil judiciaire vigoureux et dynamique, des traditions de droit civil et de common law bien ancrées, un barreau instruit et diversifié - j'estimais depuis longtemps que le système de justice du Canada n'était pas aussi efficace qu'il pouvait l'être. C'est l'une des raisons pour lesquelles j'ai décidé d'étudier le droit, d'œuvrer dans le système de justice pénale, d'abord comme avocat, puis comme procureur de la Couronne.
En fait, ce sont les lacunes du système de justice canadien qui m'ont motivé, moi qui venais d'une petite localité de la Nouvelle-Écosse et qui ai toujours voulu être avocat criminaliste, à me lancer en politique en 1997. Aujourd'hui, j'exerce vraiment l'emploi de mes rêves.
Bien entendu, c'est une expérience incroyablement stimulante et souvent inspirante de voir de près notre système de justice... d'y travailler, et d'aider à trouver et à mettre en œuvre des façons de l'améliorer, de le renforcer et de le rendre plus efficace - de veiller à ce que ses interventions soient plus équitables et plus rapides et, espérons-le, d'avoir un système qui sera en définitive plus utile pour les Canadiens et Canadiennes.
C'est également une fenêtre sur un monde où, malheureusement, bien des gens se sentent laissés pour compte et réclament un meilleur accès à la justice. C'est un cri d'alarme pour que tous les participants à notre système de justice - les avocats, les policiers, les juges, les administrateurs et les politiciens - travaillent chaque jour de façon plus acharnée et plus intelligente à faire en sorte que la justice soit bel et bien juste.
Comme la plupart des parents, bien sûr, je souhaite un monde meilleur pour mon enfant - un monde plus sécuritaire et plus juste pour tous. Cela me motive encore plus à faire de mon mieux en tant que ministre de la Justice et procureur général du Canada.
J'aimerais commencer par vous parler de ce qui est sans doute l'une des plus récentes initiatives législatives du gouvernement : le projet de loi C-51, la Loi antiterroriste de 2015.
On dit souvent que sans sécurité, il ne peut y avoir de liberté. Le nouveau projet de loi antiterroriste du gouvernement vise à mieux protéger les Canadiens et Canadiennes tout en défendant leurs libertés.
Il n'y a pas de compromis ici. Nous ne sacrifierons pas les libertés dont les terroristes désirent si ardemment nous priver. Grâce à cette loi, la police bénéficiera des pouvoirs voulus pour prévenir les menaces terroristes, les détecter et y réagir de manière à déjouer les plans de ceux qui veulent s'en prendre à la population canadienne et causer des ravages dans notre pays pacifique.
Je souligne par ailleurs que cette loi comporte un certain nombre de balises qui feront en sorte que ces outils soient bien utilisés. Malheureusement, il y a eu certains reportages sélectifs qui ne mentionnent pas le rôle actif de l'appareil judiciaire, le consentement du procureur général et le maintien des rapports publics annuels au Parlement sur l'imposition de l'engagement assorti de conditions.
On prévoit déjà certaines clauses de temporisation, l'échange de renseignements entre les ministères fédéraux quand cela rehausse la sécurité nationale, une meilleure coordination en vue de prévenir les déplacements à des fins terroristes, et la suppression de toute propagande visant à recruter des éléments pour des activités terroristes, à faire la promotion de ces activités dangereuses, à s'y livrer ou à prodiguer des conseils à cette fin. « Ne le faites-vous pas déjà? », disent la plupart des Canadiens.
En octobre dernier, le paradigme de la menace a changé, et le Canada a été profondément bouleversé. Mais n'oublions pas qu'il y a eu des complots terroristes contre notre pays et en sol canadien avant ces jours sombres... les 18 de Toronto... l'Assemblée législative de la Colombie-Britannique, Via Rail, pour n'en nommer que quelques-uns, et, auparavant, l'horrible attentat contre le vol d'Air India.
Par conséquent, des modifications législatives visant à rehausser les mesures de sécurité étaient déjà en cours avant que les actes de terrorisme ne surviennent à Saint-Jean-sur-Richelieu et à Ottawa.
Les événements tragiques d'octobre qui ont ciblé les membres honorables de nos Forces armées canadiennes nous ont brutalement fait sortir de notre état de complaisance et ont fait ressortir encore plus la nécessité de mieux protéger la population canadienne. Ce n'est qu'une partie des raisons pour lesquelles nous avons besoin de cette loi.
Je suis motivé par ma conviction selon laquelle la justice est une valeur profondément canadienne. En fait, l'une des caractéristiques par laquelle ce pays se distingue de la plupart des autres, c'est l'attente de justice - une croyance inébranlable en la primauté du droit.
Pour répondre à cette attente, le système de justice doit continuellement suivre l'évolution générale de la société, afin de pouvoir lutter de manière appropriée contre la criminalité et ainsi maintenir la confiance des Canadiens et Canadiennes. Il demeure tout à fait prioritaire pour le gouvernement de guider cette évolution.
J'oserais dire que bien des progrès ont été réalisés, mais il en reste beaucoup à faire, car le problème de la criminalité persiste au Canada. Bien que plusieurs études indiquent que les taux de criminalité sont généralement à la baisse, le fait demeure qu'environ 1,8 million d'infractions au Code criminel1 ont été commises en 2013, selon Statistique Canada. Et ces chiffres ne comprennent même pas les délits de la route.
La criminalité continue d'avoir de lourdes conséquences pour les Canadiens et Canadiennes. En plus des importants coûts économiques, la criminalité a des effets dévastateurs sur la société. Les souffrances et douleurs d'une victime - la perte de sécurité et d'estime de soi, au-delà de toute perte financière - coûtent assurément très cher. Et il faut aussi considérer la valeur des vies humaines perdues à cause de la criminalité.
Bien qu'il soit extrêmement difficile d'évaluer de façon exacte les coûts de la criminalité, l'Institut Fraser a vaillamment tenté de le faire pour le Canada dans un récent rapport intitulé The Cost of Crime in Canada. Comme l'on s'y attendrait, il a conclu que la criminalité entraîne d'immenses pertes financières pour la société.
Dans ce rapport, on estime que la criminalité a coûté aux Canadiens plus de 85 milliards de dollars au cours de l'exercice 2009 2010. Cela représente environ 5 % du PIB. Certaines récentes estimations atteignent pas moins de 100 milliards de dollars par an. Ce sont les coûts tout compris pour le système de justice et les répercussions de la perte de productivité.
Qui plus est, ce sont les victimes qui assument la plupart des coûts associés à la criminalité. Les pertes pour les victimes représentent plus de la moitié du total, soit quelque 47 milliards de dollars.
Sur ce montant, les auteurs de l'étude estiment aussi que les pertes financières pour les entreprises et au chapitre de la productivité, la valeur des biens volés et la majoration des primes d'assurance s'élèvent en tout à près de 10 milliards de dollars. En tant que chefs d'entreprise, bon nombre d'entre vous ne connaissez que trop bien ces coûts.
Il y a ensuite les coûts que représentent pour les contribuables l'application de la loi, les tribunaux et le système correctionnel. Les coûts associés au système de justice, qui comprend les services policiers, les tribunaux et les services correctionnels, se chiffrent à près de 20 milliards de dollars.
Ce sont tous des chiffres effarants, et les coûts intangibles liés aux souffrances et douleurs sont sans doute grandement sous-estimés, mais l'étude démontre clairement que la criminalité a d'énormes incidences économiques.
À part l'indemnisation que les tribunaux peuvent accorder - ou pas - pour les souffrances et douleurs, il en coûte cher pour qu'une victime se remette d'un crime. Parmi les coûts qui y sont associés, on peut mentionner les pertes de salaire à cause d'absences, les pertes d'emplois, le remplacement des articles perdus ou volés et les frais de consultation de professionnels en santé mentale. Il y a même des coûts liés à la prévention du crime, comme l'installation de systèmes d'alarme, la construction de clôtures et les nouvelles mesures de fortification d'une maison ou d'une entreprise.
En outre, l'étude révèle que, bien que les taux de criminalité diminuent depuis une dizaine d'années, les coûts de la lutte contre la criminalité - les coûts de base des services policiers, des services correctionnels et des tribunaux - sont nettement à la hausse. L'étude laisse entendre que, de 2002 à 2012, les taux de criminalité ont baissé d'environ 27 %, alors que les coûts de la lutte contre la criminalité ont progressé de 35 %.
L'un des changements les plus importants de l'histoire juridique de notre pays a été l'intégration de la Charte canadienne des droits et libertés à notre Constitution en 1982. Au fil des ans, la Charte a eu des incidences considérables sur notre système juridique, surtout en ce qui concerne la durée et la complexité des procès criminels et la mesure dans laquelle les tribunaux examinent la conduite des enquêteurs de la police.
Il a donc fallu adopter de nouvelles techniques et de nouveaux protocoles afin de mener à bien des enquêtes et des poursuites à l'égard des infractions criminelles. À l'époque, certains ont décrit la Charte comme la plus importante initiative jamais mise sur pied au pays pour faire travailler les avocats.
Inutile de dire que la nature de la criminalité a également beaucoup changé au cours des dernières décennies. La cybercriminalité, par exemple, qui est omniprésente de nos jours, n'existait même pas quand beaucoup d'entre nous étions enfants. Les techniques que la police utilise pour enquêter sur les infractions évoluent continuellement elles aussi. La preuve génétique est un outil relativement récent, par exemple.
Ainsi, la divergence entre la diminution des taux de criminalité et l'augmentation des dépenses associées à la lutte contre la criminalité s'explique en partie par le fait que les éléments de notre système de justice n'évoluent pas tous au même rythme. Je reviendrai là-dessus dans un moment.
L'étude a donné lieu à une autre constatation qui me frappe : seule une fraction des crimes sont signalés à la police. Les données probantes laissent entendre que pour chaque crime signalé à la police, 10 ne le sont pas.
La raison la plus communément donnée pour ne pas signaler un crime, c'est que la victime considérait qu'il s'agissait d'un délit relativement mineur... de petits larcins et du vandalisme à petite échelle, par exemple. Une raison encore plus troublante est la crainte de la victime de ne pas être traitée équitablement par le système de justice. Les victimes se plaignent souvent d'être victimisées de nouveau. Les Canadiens en paient le prix.
La deuxième étude2 dont je veux parler aujourd'hui a été réalisée par mon ministère et portait sur six types de crimes violents : les voies de fait, le harcèlement criminel, l'homicide, le vol qualifié, l'agression sexuelle et les autres infractions d'ordre sexuel.
L'étude du ministère de la Justice a mené à bon nombre des mêmes conclusions que celles de l'étude de l'Institut Fraser. Elle attire l'attention sur le nombre inacceptable d'infractions avec violence commises au Canada - 400 000 chaque année, ou plus de 1 000 par jour - et sur la croissance des taux de certains crimes particulièrement odieux, comme les infractions sexuelles contre les enfants : il y en a eu 6 % de plus l'an dernier.
Comme je l'ai mentionné précédemment, les Canadiens et Canadiennes s'attendent à ce que justice soit faite. Et c'est précisément pourquoi le gouvernement continue de prendre des mesures concrètes pour améliorer le système de justice.
Je suis particulièrement fier des progrès que nous avons accomplis en ce qui concerne les victimes.
Aujourd'hui, les victimes jouent un rôle plus important que jamais dans notre système de justice. En 2007, le gouvernement a lancé la Stratégie fédérale d'aide aux victimes, dont l'objectif clair était de permettre aux victimes de se faire entendre plus efficacement dans le système de justice pénale et de faire en sorte que celui ci soit plus inclusif et sensible à leurs besoins. Quelque 120 millions de dollars ont été consacrés à cet effort.
Cette stratégie englobe le Fonds d'aide aux victimes, qui finance des projets favorisant l'accès à la justice et la participation au sein du système de justice pénale. Cette année seulement, environ 11,5 millions de dollars ont été affectés à des projets de ce genre. Le prix que les victimes paient pour les crimes commis contre elles est déjà assez élevé; nous devons leur venir en aide.
Le meilleur exemple de ce financement serait sans doute les centres d'appui aux enfants. Il se pourrait bien que ces centres représentent ce qui s'est ajouté de mieux au système de justice pénale depuis des décennies.
Dans chaque centre, une équipe de professionnels aident de jeunes victimes et témoins et leurs familles à composer avec l'immense choc qu'ils ont vécu et à se retrouver dans les dédales du système de justice pénale. L'équipe coordonne ses efforts afin d'offrir des aides au témoignage, d'assurer l'enregistrement des témoignages sur bande vidéo et de prodiguer des services de counseling médical et en matière de santé mentale. Plus d'une vingtaine de ces centres sont soit opérationnels ou en voie d'établissement à la grandeur du Canada.
Parallèlement au lancement de la Stratégie fédérale d'aide aux victimes, le gouvernement a créé le Bureau de l'ombudsman fédéral des victimes d'actes criminels, une charge actuellement occupée par Sue O'Sullivan, qui a pour mandat d'aider à répondre aux besoins des victimes d'actes criminels dans des domaines de compétence fédérale. Il s'agit d'un carrefour d'information pratique et d'une importante source de soutien. Le Bureau coordonne son travail avec les provinces et les territoires et voit ses capacités s'accroître d'année en année.
La criminalité coûte aux victimes beaucoup plus que de l'argent - leur confiance, leur fierté, leur assurance. Nous devons faire de l'aide aux victimes une priorité afin qu'elles puissent refaire leur vie et retrouver leur sérénité et - objectif important, mais parfois négligé - afin de rétablir la confiance des victimes et du public dans notre système de justice.
L'an dernier, le gouvernement a également déposé un projet de loi en vue de créer une charte canadienne des droits des victimes. Si ce projet de loi était adopté, il s'agirait d'une première historique pour les victimes. Cette loi aiderait à faire en sorte que les victimes bénéficient de droits clairs au niveau fédéral - des droits à l'information, à la protection, à la participation et au dédommagement.
Le gouvernement a également réalisé une série de réformes législatives - en modifiant des lois existantes et en créant de nouvelles lois - pour renforcer le système de justice pénale et veiller à ce qu'il réponde aux besoins et aux attentes des Canadiens et Canadiennes.
Le gouvernement a instauré des peines plus lourdes pour toutes sortes de crimes : la fraude, les courses de rue, le vol d'identité, l'exploitation sexuelle des enfants, le trafic de drogues illicites et de tabac, la violence à l'égard des aînés et les mauvais traitements infligés aux animaux d'assistance.
De plus, il est maintenant plus facile de garder les récidivistes violents et dangereux derrière les barreaux, et les règles concernant l'arrestation par un simple citoyen et les moyens de défense des biens et des personnes ont été clarifiées dans ce qui s'est fait connaître comme le projet de loi du « bon samaritain ».
Comme je l'ai mentionné il y a un instant, pour être efficace, un système de justice doit suivre l'évolution technologique et sociale. Une nouvelle loi qui entrera en vigueur le mois prochain, la Loi sur la protection des Canadiens contre la cybercriminalité, contribue à atteindre cet objectif.
La Loi permettra à la police d'utiliser des pouvoirs mis à jour et autorisés par la cour pour enquêter sur les crimes commis au moyen des nouvelles technologies. Entre autres, la loi donnera le pouvoir à un juge d'ordonner le retrait d'images intimes d'Internet et d'ordonner la confiscation d'un ordinateur, d'un téléphone cellulaire ou de tout autre appareil mobile utilisé pour commettre l'infraction.
Grâce aux mesures prises pour que ces images ne soient plus accessibles, les victimes n'auront plus à vivre dans la peur de l'intimidation et du ridicule - un coût de moins à payer.
Ces affaires de cyberintimidation peuvent être dévastatrices pour de jeunes vies - Rehtaeh Parsons, Amanda Todd, Todd Loik et d'innombrables autres en ont payé le prix. Il faudra une approche beaucoup plus holistique et coordonnée pour les parents, les écoles, la police, le système de justice et les jeunes mêmes - et j'ai des raisons d'espérer que nous pouvons y arriver.
De plus, une nouvelle loi visant à lutter contre la prostitution est maintenant en vigueur par suite de la décision rendue l'an dernier dans l'affaire Bedford. La Loi sur la protection des collectivités et des personnes victimes d'exploitation protégera nos collectivités contre les dangers associés à la prostitution, notamment la violence, la criminalité liée aux drogues et le crime organisé. Cette loi met l'accent sur l'imposition de sanctions pénales aux personnes qui exploitent et avilissent les femmes - les proxénètes et les clients. Elle traite les personnes qui sont exploitées - les prostituées - comme des victimes.
La Loi prévoit aussi des mesures visant les personnes qui vendent des services sexuels - les personnes qui se livrent à cette activité intrinsèquement dangereuse au détriment de leur bien-être physique et psychologique. Le gouvernement affecte des fonds pour les aider à abandonner la prostitution - à commencer par 20 millions de dollars pour la mise en place d'autres programmes devant les aider à obtenir une formation générale, une formation professionnelle particulière, un logement, des services de garde d'enfants, les nécessités de la vie - en fait, à se refaire une vie.
Ces réformes législatives et les projets de réforme à venir - y compris la réforme du droit de la famille et les modifications des dispositions législatives concernant la conduite avec facultés affaiblies - ont été mis de l'avant en partie pour contrer l'idée selon laquelle il n'y aurait pas de conséquences importantes au comportement criminel.
La plupart d'entre vous connaissez sans doute la théorie de la « vitre brisée ». Cette théorie de la criminalité a été avancée dans une étude réalisée aux États-Unis au début des années 1980.
Selon cette théorie, les vitres brisées qu'on ne répare pas, les graffitis et les signes de désordre social donnent une impression d'anarchie aux passants - l'impression que personne ne se soucie de la criminalité. Pour les criminels, les signes de désordre social inspirent un sentiment d'impunité.
Si nous devons lutter contre cette impression négative, il nous faut réparer ces vitres brisées, au sens propre comme au sens figuré. Il est bien connu que justice doit non seulement être rendue, mais paraître l'être, si nous devons réduire les coûts de la criminalité.
Ces coûts sont particulièrement élevés et dévastateurs pour les membres les plus vulnérables de la société, comme les enfants. Et il y a des indications selon lesquelles les infractions sexuelles contre les enfants sont à la hausse.
La police a déclaré plus de 4 200 infractions sexuelles contre les enfants en 2013, 6 % de plus qu'en 2012. Qui plus est, le nombre d'infractions de leurre d'un enfant au moyen d'un ordinateur a augmenté de 30 %.
Pensez-y. Chaque jour, d'innocents enfants sans défense sont victimes de sévices sexuels au Canada, souvent dans leur propre maison. Ce qui est encore plus troublant, c'est que l'exploitation sexuelle des enfants semble devenir de plus en plus violente et que les victimes sont plus jeunes que jamais auparavant.
Au cours de la dernière année seulement, Cyberaide.ca, une initiative du Centre canadien de protection de l'enfance - situé à Winnipeg et exploité par un groupe de personnes formidables dirigé par Lianne MacDonald - a évalué près de 25 000 images d'exploitation sexuelle d'enfants, dont plus de 50 % ont trait à des enfants de moins de huit ans. Ces chiffres dépassent l'entendement.
Il y a peu de choses plus horrifiantes que de penser que quelqu'un pourrait avilir, exploiter ou maltraiter un enfant. Pourtant, c'est un crime qui est à la hausse.
Le gouvernement estime qu'il faut des mesures plus rigoureuses pour protéger ces enfants.
L'an dernier, j'ai visité le Centre d'expertise Marie Vincent de Montréal, l'un des centres d'appui aux enfants dont j'ai parlé plus tôt. Ce centre offre des services aux enfants victimes de crimes sexuels. On m'a dit qu'en 2011-2012, 22 % des enfants victimes auxquels le centre est venu en aide avaient moins de cinq ans. L'année précédente, seulement 10 % étaient aussi jeunes.
Il est évident que notre système de justice pénale doit évoluer pour lutter contre ces tendances alarmantes - et réduire par le fait même le fardeau et le coût de la criminalité pour la société. Le gouvernement s'est évertué à rendre les sanctions plus sévères et à créer de nouvelles infractions à l'égard des prédateurs sexuels qui ciblent les enfants. En tout, le gouvernement a mis de l'avant neuf mesures, dont des modifications du Code criminel, de la Loi sur la preuve au Canada et de la Loi sur l'enregistrement de renseignements sur les délinquants sexuels.
Il faut également en faire plus pour protéger les groupes vulnérables de la société. Il s'agit notamment de trouver et de punir les responsables de crimes odieux contre les femmes autochtones et de faire en sorte qu'ils aient à faire face à toute la rigueur de la loi. La GRC a fait preuve de diligence dans ces affaires et en a résolu environ 90 % - le même taux que pour les affaires ne mettant pas en cause des Autochtones - mais on peut et on doit en faire plus.
De toute évidence, la criminalité continue de coûter à la population canadienne des dizaines de milliards de dollars chaque année. Même si nous réalisons des études pour essayer de quantifier les incidences économiques de la criminalité, nous reconnaissons tous que ces incidences vont bien au-delà des coûts des services policiers, des tribunaux et des établissements correctionnels.
Au bout du compte, la criminalité touche beaucoup plus que notre portefeuille. C'est personnel. La criminalité touche aussi nos collectivités et notre sentiment de bien-être. La criminalité nous diminue tous. Et les victimes en restent souvent marquées pour la vie, tant sur le plan physique qu'émotif.
La criminalité est un grave fléau au Canada, mais, comme pour tant d'autres problèmes, la situation est bien pire ailleurs. Il y a peu de pays où la situation est meilleure qu'ici.
J'ai connu l'expérience remarquable de visiter de nombreux endroits au Moyen-Orient, dont l'Afghanistan. L'histoire vécue par Reyhaneh Jabbari n'est qu'une parmi une litanie de dénis de justice du régime brutal de l'Iran.
Reyhaneh a été victime d'un viol commis par un membre du régime iranien et elle a fini par être pendue pour le meurtre de son présumé agresseur. Des affaires comme celle-là nous amènent à nous compter heureux de vivre ici au Canada.
Il est essentiel que tous les Canadiens et Canadiennes contribuent à atténuer les lourdes conséquences de la criminalité. Nous devons signaler les crimes, participer aux initiatives visant à assurer la sécurité de nos communautés et défendre haut et fort le principe du respect de la loi.
Pour terminer, je tiens à remercier encore une fois Natasha, dont le travail témoigne d'un profond attachement à la justice, particulièrement lorsqu'il s'agit de venir en aide aux victimes de la traite des personnes, travaillant en étroite collaboration avec ma collègue Joy Smith, et de multiplier les efforts pour informer le public et étudier les enjeux importants.
Nous ne devons pas tolérer les activités criminelles, ni ce qu'on appelle les « vitres brisées ». Nous devons défendre les valeurs auxquelles nous tenons - la justice et l'équité - et travailler sans relâche pour que le Canada devienne un pays encore plus grand, fondé sur le meilleur système de justice au monde.
Merci.