Montebello (Québec)
Le 8 mai 2015
Jean-Pierre Blais, Président
Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes
Priorité à l'allocution
Merci de m’accueillir aujourd’hui afin que je puisse discuter des questions qui nous tiennent tous à cœur, et qui sont en train de définir l’avenir de l’industrie de la télévision.
Nous sommes à l’ère où le contenu télévisuel n’a jamais été aussi abondant. Soutenu par une technologie qui continue de nous étonner à chaque jour, le monde télévisuel se transforme à toute vitesse. La concurrence a explosé et elle provient de partout au monde. En tant que producteurs, vous devez maintenant vous mesurer à la planète entière.
Le professeur, auteur et théoricien Peter Drucker a déjà affirmé que « l'innovation systématique requiert la volonté de considérer le changement comme une opportunité. » En tant que producteurs québécois, il est impératif que vous réalisiez la position de force dans laquelle vous vous trouvez et que vous saisissiez cette occasion maintenant.
C’est d’ailleurs dans cet esprit que nous avons mené Parlons télé - notre grande conversation à l’échelle nationale sur l’avenir de la télévision. Mettre à jour le cadre règlementaire de la télévision est crucial dans notre monde en pleine évolution. Le système va emboîter le pas afin de vous donner les outils et les occasions de vous mesurer, et de mettre en valeur votre talent.
Vous êtes donc à la croisée des chemins. Que ferez-vous? Resterez-vous en arrière, nostalgiques, à glorifier le passé? Ou prendrez-vous avantage de votre situation pour foncer vers l’avenir et saisir cette occasion en or?
Le téléspectateur empereur
Lors de cet important processus, nous devions tenir compte des nouvelles habitudes d’écoute des Canadiens. Les gens consomment du contenu audiovisuel à leur guise et selon leur horaire. Et bien que le contenu demeure roi, le téléspectateur est maintenant empereur.
Selon nous, il est évident que le contenu produit ici peut se mesurer aux meilleurs du monde - mais il faut mettre en place les moyens pour permettre à notre industrie de se déployer à la hauteur de son potentiel. Le CRTC instaure donc des mesures pour soutenir les producteurs et favoriser l’exportation de leur produit. Nous croyons fermement que nos objectifs visant à favoriser le choix pour les téléspectateurs et à encourager la création d’émissions de première qualité seront atteints grâce à ces changements.
Nous créons un environnement dans lequel les Canadiens visionnent du contenu produit par nos créateurs non parce qu’ils y sont contraints, mais parce que ce contenu est excellent.
Il faut noter aussi que nous apportons ces changements de façon mesurée et responsable, et que ceux-ci sont axés sur l’ouverture, l’innovation et la qualité.
Il est clair pour tous que nous ne pouvons plus prendre des moyens rétrogrades – comme les quotas ou la protection des genres - pour atteindre nos objectifs. Notre avenir télévisuel ne sera pas construit derrière des murs inefficaces à l’ère numérique. Nos yeux sont fixés sur l’avenir comme il se doit.
Une position de force
Je vous disais plus tôt que les producteurs québécois étaient dans une position de force pour faire le virage vers l’avenir.
Comme vous le savez, les québécois produisent des séries de télévision de grande qualité comparables aux émissions phares américaines. Je pense notamment à « 19-2 », « Unité 9 », « Mensonges » et « Série noire ». Le public québécois valorise les productions d’ici et les consomme avec fidélité.
Par exemple, la quatrième saison d’« Unité 9 » qui s’est terminée récemment attirait, en moyenne, plus de 2 millions de québécois par émission. Je vous rappelle qu’au Québec nous sommes un peu plus de 8 millions. Le quart de notre population a suivi de près cette série. C’est énorme comme succès!
Je pense que vous comprenez où je veux en venir. L’histoire d’amour qui existe entre les québécois et le contenu produit ici est un phénomène unique dans notre pays. Le public du Québec aime non seulement ses acteurs et ses actrices, mais aussi les autres intervenants du secteur tels que les réalisateurs, les auteurs et les scénaristes. On retrouve régulièrement sur divers plateaux – à la télé, à la radio, dans les journaux, aux événements spéciaux, des gens comme Fabienne Larouche, Jean-François Rivard, Podz ou Renée-Claude Brazeau.
Succès internationaux
Le sentier du succès international pour les producteurs québécois est aussi déjà bien tracé. Les exemples sont nombreux, comme celui d’Incendo. Cette entreprise a des ententes avec de grandes chaînes de partout dans le monde. Ils achètent d’eux des droits de diffusion de téléfilms qui sont en grande majorité scénarisés et réalisés par des professionnels canadiens. Ces productions sont aussi tournées à Montréal où la compagnie compte sur une équipe de 60 techniciens et professionnels du cinéma.
De plus, je salue Incendo pour son rôle dans la production de « Versailles ». Les coproductions comme celle-ci sont des formules qui offrent des solutions à plusieurs défis, y compris le financement et la gestion des exigences réglementaires en matière de contenu.
Vous avez un autre avantage – du moins pour le moment. Il s’agit du bas niveau de pénétration des services audio-visuels en ligne qui proviennent d’ailleurs. Les Netflix de ce monde mettent beaucoup plus de temps à pénétrer le marché francophone. C’est un atout qui est moins réel dans le marché canadien de langue anglaise, car celui-ci est beaucoup plus proche de la réalité étasunienne.
Le monde en ligne est grand ouvert à vos innovations et aux joueurs qui veulent se positionner dans ce monde numérique. À ce chapitre, je dois absolument mentionner Tou.tv, Illico.tv et l’Office national du film en ligne qui sont des précurseurs de chez nous dans ce secteur. Le public a soif de contenu audiovisuel et ils veulent regarder ce contenu où ils veulent, quand ils veulent.
Défis
Je reconnais aussi que vous avez des défis à relever. Le marché québécois est relativement étroit. Cela a des conséquences sur le soutien en publicité et aussi cela limite les possibilités de reprises. Vous atteignez la grande majorité de votre auditoire lors de la première diffusion.
De plus, il est vrai que les diffuseurs publics ont beaucoup moins de flexibilité que dans le passé. Le public demande des investissements importants en santé, en éducation, en infrastructure et en environnement. Il est inutile de se faire des illusions ou de vivre dans la nostalgie – le soutien financier public ne sera plus jamais ce qu’il a été dans le passé.
Cependant, vous avez les moyens de palier à ces défis. Ils sont des raisons de plus d’accueillir le changement à bras ouvert et à s’ouvrir sur le monde. Vous faites maintenant concurrence avec le monde entier, et ceci vous ouvre la porte à des publics internationaux auxquels vous n’aviez pas accès avant.
Financement
Abordons à présent le système de financement pour les productions télévisuelles qui est assez complexe et qui est un assemblage de fonds publics et privés. Chaque année, le soutien public accordé aux productions canadiennes de télévision s’élève à plus de 4 milliards de dollars.
En effet, à l’heure actuelle ce sont les deniers publics qui soutiennent la majeure partie de la production québécoise et canadienne. Les fonds investis par les producteurs de langue française représentent seulement 1,7 pourcent des budgets de production.
Nous avons également besoin de plus de productions de grande envergure afin de pouvoir concurrencer avec les grandes productions internationales. Nous croyons qu’il y aurait des bénéfices appréciables à se regrouper et investir ensemble dans de grandes productions et faire voir au monde ce dont nous sommes capables.
Mettre en place les conditions du succès – projets pilotes
Je ne veux pas m’attarder sur les récentes décisions du CRTC. Cependant, je voudrais souligner une initiative qui encouragera les gouvernements et les organismes partenaires à envisager des approches plus souples et davantage axées sur l’avenir en ce qui a trait à la production et au financement d’émissions canadiennes. Le CRTC tente cette expérience en lançant deux projets pilotes destinés à redéfinir les productions canadiennes.
Nous voulons élargir la définition de « produit par le Canada » pour y inclure des séries dramatiques et humoristiques d’envergure disposant d’un budget d’au moins deux millions de dollars par heure, et des séries basées sur des romans à succès écrits par des auteurs canadiens. Oui, il est vrai que ces deux projets pilotes sont plus axés sur les productions de langue anglaise.
Cependant, comme nous l’avons mentionné dans notre décision du 12 mars dernier, je peux vous dire que nous avons l’esprit bien ouvert à des projets qui seraient conçus, notamment, par des producteurs québécois. Nous sommes conscients que les réalités du marché francophone sont différentes et donc sommes ouverts à des propositions autres que celles énoncées dans la décision.
Si vous avez un concept axé sur l’avenir en tête qui serait structurant pour l’industrie, qui reflète la spécificité francophone et qui s’inscrit dans notre philosophie d’ouverture, venez nous voir!
La découvrabilité
En cette ère de l’abondance du contenu, un enjeu clé au succès des productions québécoises et canadiennes est la possibilité de découvrir ce contenu. Et je ne parle pas seulement des publics d’ici, mais de partout dans le monde. La disponibilité de contenu n’est pas un sens unique. Comment s’assurer que les publics d’ici et d’ailleurs puissent découvrir nos productions?
Même si, dans le cadre de nos récentes consultations, plusieurs intervenants ont reconnu l’importance de la découverte et de la promotion du contenu fait par le Canada, peu de propositions concrètes ont été présentées à cet effet. Le CRTC organise donc, cet automne, un Sommet sur la découverte afin d’explorer les outils qui pourraient aider les téléspectateurs à trouver le contenu crée par les Canadiens en cet ère d’abondance.
Le Sommet réunira des innovateurs et des joueurs de premier plan des secteurs public et privé d’ici et du monde entier. Il ne s’agira pas d’un exercice réglementaire, mais plutôt de donner libre cours aux idées innovatrices.
L’avenir
Il est maintenant évident que le monde de la radiodiffusion est de plus en plus soudé au monde des télécommunications. Et alors que certains parmi vous êtes nostalgiques, vous manquez l’occasion de façonner l’avenir.
Aujourd’hui, les Canadiens se fient sur leur connectivité dans presque toutes les sphères de leur vie. Elle est au cœur de notre économie – et de notre culture aussi. Mais la technologie ne peut accomplir sa mission que si elle est disponible, fiable, sécuritaire, neutre et abordable.
C’est pour cela que nous avons amorcé il y a quelques semaines une instance de grande envergure dans le cadre de laquelle nous effectuons une revue des services de base dont les Canadiens ont besoin pour participer activement à l’économie numérique.
Nous examinons les services de télécommunications sous tous ses angles. Nous posons des questions comme : Quelles sont les vitesses de téléchargement et téléversement requises en cette ère numérique? La large bande devrait-elle être considérée comme un service de base essentiel pour tous les Canadiens?
Il va sans dire que ces enjeux vous touchent directement. Votre marché est de plus en plus lié à la connexion des foyers.
Conclusion
Mon message aujourd’hui, c’est donc que le marché vous est complètement ouvert et nous souhaitons vous accompagner sur le chemin de sa conquête. Votre fidèle public mérite que vous vous adaptiez à l’avenir. Rester accroché au passé serait à leur détriment.
Mais il y a un passage à franchir et ce passage doit comprendre de la gestion du changement, et pourrait aussi comporter des moments difficiles pour certains joueurs de l’industrie – notamment ceux qui ne mettent pas en place les moyens pour s’adapter. La concurrence arrive de partout, mais vous avez les outils et le talent pour maintenir le succès.
Le moment de faire des changements et d’innover est arrivé. La position de force dans laquelle vous vous trouvez est votre tremplin pour l’avenir. Comme Peter Drucker le disait, le changement est une opportunité, une occasion. Il faut la saisir. Et le moment de le faire, c’est maintenant.
Merci
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