Notes d'allocution
Guy Berthiaume, Bibliothécaire et archiviste du Canada
Discours prononcé à la Conférence annuelle de l’Association archives de l’Ontario
London (Ontario)
Le 27 mai 2015
Ce discours fut prononcé en anglais. Ce texte en est une traduction.
Bon après-midi,
Quel honneur de me retrouver ici, pour prendre la parole à votre conférence annuelle!
Je suis également heureux de pouvoir discuter des efforts inlassables de BAC dans le cadre des droits et des responsabilités.
À titre d’institution de mémoire et d’organisme du gouvernement, notre rôle dans ce domaine est unique.
Cela vous intéresserait peut-être de savoir comment nous menons ces deux fonctions.
À mon avis, les documents d’archives sont plus importants que jamais dans notre société.
Il suffit d’écouter les nouvelles pour s’en convaincre.
La destruction si fréquente de documents historiques, comme des livres, des archives ou de vieux monuments de pierre, démontre clairement leur importance.
En effet, ceux qui sont contre la démocratie ne veulent pas que le passé puisse révéler ses secrets.
Comme vous le savez, BAC a pour mandat :
- de préserver le patrimoine documentaire du Canada pour les générations actuelles et futures;
- d’être la mémoire permanente de l’administration fédérale et de ses institutions.
Notre mandat de base n’a pas changé au fil des ans, mais le monde dans lequel nous le remplissons a subi bien des chambardements, et nous avons réagi en conséquence.
Quand j’ai assumé la direction de BAC, j’ai pris quatre engagements pour permettre à l’institution de s’adapter au monde qui l’entoure.
Les quatre engagements nous aident à remplir notre mandat, à protéger la démocratie et à préserver le patrimoine documentaire de notre nation.
Ils font de BAC une institution :
- résolument au service des clients;
- à l’avant-garde en matière d’archivistique, de bibliothéconomie et de nouvelles technologies grâce à la qualité de tout son personnel;
- proactive et inscrite dans des réseaux nationaux et internationaux, en position d’écoute et de respect;
- dotée d’un profil public plus affirmé.
Je présente ces engagements depuis un an, et ils ont été accueillis avec enthousiasme par le personnel, l’ensemble des partenaires et les clients.
Le premier engagement, être résolument au service des clients, est à la base de tous les autres.
Quand les questions de droits et de responsabilités qui intéressent les conférences comme la vôtre sont soulevées, c’est généralement parce que nous voulons assurer à la fois la sécurité et l’accessibilité des documents.
C’est un paradigme relativement nouveau dans le monde des archives.
Avant, nous mettions l’accent sur la conservation des documents d’archives.
L’accès était limité, et les demandes de consultation n’étaient pas toujours bien perçues.
Mais le Canada est devenu un pays numérique, et nos clients veulent maintenant à un accès instantané.
Comme je dis toujours, la conservation sans accès, ce n’est que du ramassage.
L’accès est donc le principal facteur qui motive les efforts de BAC.
Par exemple, nous élaborons un cadre de politique d’accès qui optimisera notre capacité de rendre les documents accessibles tout en respectant les cadres juridiques.
Je suis heureux de voir que vous êtes conscients de l’ampleur du défi que doivent relever ceux qui cherchent à atteindre un équilibre entre les droits et les responsabilités.
Un rapport publié récemment par le Conseil des académies canadiennes, À la fine pointe du monde numérique : possibilités pour les institutions de la mémoire collective au Canada, relève certains défis auxquels les bibliothèques et les archives canadiennes de l’ère numérique sont confrontées.
Il souligne notamment que la réalité numérique a chambardé la relation entre les institutions de mémoire et leurs clients.
Les clients proviennent de plus en plus souvent du grand public plutôt que de groupes de spécialistes ou d’associations professionnelles.
En effet, les Canadiens ont déjà acquis une grande maturité numérique, et ils veulent toujours plus de contenu en ligne qu’ils peuvent consulter rapidement.
Comme le mentionne le rapport, les institutions de mémoire risquent de perdre leur importance ou même de périr si elles ne répondent pas à ces attentes.
Si elles ne parviennent pas à faire cette transition essentielle et à entrer pleinement dans l’univers numérique, elles perdront la confiance du public et verront leurs clients désabusés se tourner vers d’autres sources d’information moins fiables, mais plus efficaces, pour répondre à leurs besoins pressants et constants.
Le rapport du Conseil est intéressant et il arrive à point. Sur la question de l’accès, il aborde surtout les défis liés aux lois sur le droit d’auteur.
Il s’agit sans aucun doute de défis considérables.
La Loi sur la modernisation du droit d’auteur a été adoptée récemment, en 2012. Les titulaires du droit d’auteur, les créateurs et les utilisateurs continuent de s’adapter.
La Loi vise à harmoniser la législation canadienne sur le droit d’auteur avec les traités internationaux et à adapter la législation aux nouveaux formats numériques et aux nouvelles technologies.
Un certain nombre d’éléments concernent les institutions de mémoire :
- l’élargissement et la clarification du concept d’utilisation équitable;
- le renforcement des exceptions visant les bibliothèques, les archives et les musées;
- les droits plus permissifs concernant les reproductions numériques et les prêts;
- la protection des tierces parties qui répondent aux demandes d’utilisation équitable.
BAC est aussi confronté à la question des droits moraux et de l’utilisation acceptable, notamment quand le titulaire du droit d’auteur est inconnu ou introuvable.
La Loi ne parle pas non plus des œuvres inaccessibles sur le marché. Il est donc difficile pour des organisations de mémoire comme BAC de les reproduire sans risquer de violer le droit d’auteur.
Nous avons déjà lancé une analyse continue du droit d’auteur et de ses répercussions sur les organisations de mémoire, et nous élaborons des politiques pour gérer cette question.
De plus, nous collaborons avec le ministère du Patrimoine canadien dans le but de participer au processus de révision de la Loi qui est prévu en 2017.
Cependant, en tant qu’institution de mémoire et organisme gouvernemental, notre capacité de rendre le patrimoine documentaire accessible se heurte à bien d’autres défis que le droit d’auteur.
Le rapport du Conseil nous a fait réaliser à quel point les obstacles qui se dressent devant nous sont inconnus de nos clients et des Canadiens.
En tant qu’organisme du portefeuille du ministère du Patrimoine canadien, BAC est un membre à part entière de l’administration fédérale.
À ce titre, nous devons respecter les lois sur l’accès à l’information et la protection des renseignements personnels. Et les ententes conclues avec les donateurs. Et les lois sur les langues officielles. Et le secret professionnel des avocats. Et les normes Web.
Tous ces droits et responsabilités sont importants, mais il est difficile de rendre les documents accessibles en ligne rapidement et à faible coût dans ces conditions.
L’accumulation de tous ces défis peut créer de la confusion et fait en sorte qu’il est difficile de trouver des stratégies adéquates.
Pour BAC, il est pratique de classer les enjeux par catégorie.
Il y a d’abord ceux qui affectent directement l’accessibilité pour le public, c’est-à-dire les enjeux qui limitent notre capacité de diffuser les documents en ligne rapidement et facilement.
Le droit d’auteur, les langues officielles et l’accessibilité pour les personnes ayant des troubles de vision en sont des exemples.
Ensuite, il y a les problèmes qui touchent la disponibilité. Ce sont ceux qui nuisent à la possibilité de consulter l’information.
Par exemple, sous le régime des lois sur l’accès à l’information et sur la protection des renseignements personnels, l’accès à l’information est souvent restreint à cause de nos méthodes de gestion des documents et de notre interprétation de ces lois.
Vous me direz peut-être que la Loi sur l’accès à l’information a pour but d’aider les Canadiens à obtenir l’information qui relève des institutions fédérales.
C’est vrai, mais nous consacrons beaucoup de temps et d’énergie pour éviter la publication involontaire de documents visés par les exceptions mentionnées dans la Loi.
C’est important de protéger l’information sensible, mais BAC voulait que sa collection soit aussi ouverte que possible.
Pour atteindre son but, BAC a établi une politique claire.
La Politique pour rendre la collection disponible évite que l’accès aux documents gouvernementaux transmis à BAC soit restreint.
Cette politique d’ouverture par défaut constitue un changement de cap important.
Avant, les documents gouvernementaux étaient inaccessibles tant qu’ils n’avaient pas été examinés, généralement à la suite d’une demande d’accès à l’information.
Par conséquent, le public n’avait pas accès à la plupart des documents gouvernementaux conservés par BAC.
Notre nouvelle politique va avoir une incidence sur les autres institutions gouvernementales puisqu’elles devront maintenant remettre des documents librement accessibles à BAC.
Notre nouvelle position s’inscrit parfaitement dans l’initiative du Canada pour un gouvernement ouvert, ce qui n’est pas une mauvaise chose.
Nous avons d’ailleurs collaboré avec le Secrétariat du Conseil du Trésor pour harmoniser notre politique avec la Directive sur le gouvernement ouvert.
Nous travaillons maintenant avec d’autres ministères pour appliquer la nouvelle orientation.
La majorité du patrimoine documentaire du gouvernement fédéral qui fait déjà partie de notre collection sera à la disposition des Canadiens.
Par exemple, les documents de plus de 110 ans pourront être consultés immédiatement. Pour les autres, nous poursuivrons les examens en bloc, dont je vous parlerai bientôt.
Voilà donc les progrès que nous avons réalisés grâce à un changement fondamental de nos politiques.
Je pense que c’est une de nos plus grandes contributions au gouvernement ouvert.
Comme j’ai dit tantôt, BAC est à la fois une institution de mémoire et un organisme gouvernemental.
Rendre les documents gouvernementaux accessibles fait partie de nos grandes priorités et de notre mandat législatif.
Les documents transférés à BAC sont encore utilisés par des chercheurs, mais aussi, de plus en plus, par des particuliers qui s’intéressent à l’histoire, que ce soit la leur ou celle de leur patrie.
Par conséquent, le concept d’accessibilité peut aussi bien faire référence à une demande d’accès à l’information ponctuelle qu’à un projet de grande envergure, comme celui de la Commission de vérité et réconciliation, qui rassemble des milliers de documents témoignant des graves conséquences des pensionnats indiens sur les enfants autochtones au Canada.
Les moyens employés pour donner accès varient eux aussi, et nous abordons la question sur plusieurs fronts.
Par exemple, grâce à l’examen par bloc, nous donnons proactivement accès à des documents gouvernementaux sous le régime de la Loi sur l’accès à l’information.
Au début de novembre 2014, BAC a ouvert l’accès à plus de 10 millions de pages de documents gouvernementaux, notamment à des dossiers sur la participation du Canada aux deux guerres mondiales, sur les relations commerciales et sur les célébrations du centenaire de la Confédération en 1967.
Les partenariats sont un autre moyen de donner accès.
Par exemple, le partenariat entre BAC et Canadiana.org a permis de numériser 34,5 millions d’images provenant de 20 000 bobines de microfilm.
Et grâce à un partenariat avec Ancestry.ca, huit de nos collections comprenant plus de 700 000 images ont été numérisées et rendues accessibles sur leur site Web.
J’ai seulement décrit quelques-unes de nos solutions pour atteindre un équilibre entre les droits et les responsabilités, et permettre au public d’avoir accès plus facilement à la mémoire collective du gouvernement.
Je sais que d’autres approches, méthodes et idées ont été utilisées pour relever les défis qui se dressent devant nous.
Je m’intéresserai donc grandement aux fruits de votre conférence.
Merci