15 septembre 2015
Livrée de juillet à octobre 1940, la bataille d'Angleterre a opposé un petit groupe de pilotes de chasse alliés à la Luftwaffe allemande, une force aérienne bien plus imposante. La victoire de la Grande-Bretagne a donné espoir à sa population ainsi qu'à d’autres pays épris de liberté. La bataille d'Angleterre a immédiatement été reconnue pour son importance, pas seulement parce qu'il s'agissait de la bataille aérienne la plus gigantesque à ce jour, mais aussi parce que tous savaient qu'elle révélait une invasion possible et que son issue déterminerait en grande partie la concrétisation de cette invasion.
Prélude à la bataille d’Angleterre
En juin 1940, la France s'était inclinée, mais l'Angleterre refusait d'abandonner le combat. La soumission de la Grande-Bretagne est le prochain objectif des Nazis, ce qui leur donnerait les coudées franches en Europe. Les stratèges nazis comprennent qu'ils doivent vaincre la Royal Air Force (RAF) avant d'entreprendre une invasion (l'opération Lion de mer). Déjà affaiblie par les pertes subies en tentant de contrer les Nazis en France, la RAF devient le rempart qui aura pour tâche de contrecarrer l'invasion imminente.
Bien que de nombreux Canadiens se soient rendus outre-mer pour s'enrôler dans la RAF dans les années 1930, l'Aviation royale canadienne (ARC) compte moins de 5 000 membres quand la guerre est déclarée le 10 septembre 1939. Seul le 1er Escadron (chasse) est équipé de chasseurs modernes Hurricane, et il doit assurer la protection du Canada en cette époque incertaine. Toutefois, en juin 1940, comme la Grande-Bretagne est acculée au pied du mur, le Canada dépêche rapidement le 1er Escadron outre-mer, même si plusieurs mois vont passer avant qu'il soit déclaré opérationnel.
Première étape – la bataille de la Manche (Kanalkampf)
Bien que les affrontements entre la RAF et la Luftwaffe soient constants pendant toute cette période, on considère que la première étape de cette campagne – la bataille de la Manche (Kanalkampf) – débute officiellement le 10 juillet et qu'elle prend fin le 11 août. La Luftwaffe lance alors contre le transport côtier des attaques massives que la RAF soutient avec les forces défensives dont elle dispose, quelles qu’elles soient. Bien que des pilotes des deux camps perdent la vie tous les jours, les attaquants et les défenseurs mettent concrètement leurs forces sur pied en prévision du combat farouche qui va éclater. Pendant que le 1er Escadron poursuit son entraînement, les Canadiens participant à cette étape sont rattachés à des unités de la RAF, y compris le 242e Escadron « canadien », qui s'est déjà démarqué lors de la bataille de France.
Deuxième étape – l’attaque de l’aigle (Adlerangriff)
Le 12 août, la Luftwaffe entreprend pour de bon son assaut aérien en attaquant les aérodromes côtiers dans le but de détruire la RAF au sol. Les aérodromes subissent des assauts répétés, qui causent de lourdes pertes parmi les vaillantes équipes au sol et unités de soutien. Après les attaques, ces hommes et ces femmes consacrent bien peu de temps à panser les blessés et à regrouper les morts. Ils s'empressent de remplir les cratères creusés par les bombes, d'éteindre les incendies, de réparer à la hâte les aéronefs endommagés ainsi que de réarmer et de ravitailler les chasseurs qui rentrent à la base, en prévision de leur nouvel affrontement avec les Boches. La deuxième étape dure jusqu'au 23 août et, compte tenu du nombre des victimes qui augmente chaque jour au sein de la RAF, elle laisse présager ce que réserve l’avenir.
Le 20 août, au plus fort de l'opération Adlerangriff nazie, le premier ministre britannique Winston Churchill prononce un discours dans lequel il fait l’éloge des aviateurs combattants dans des mots qui trouvent encore un écho plusieurs décennies plus tard :
Il n’est pas de foyer dans notre île, ni dans notre empire, ni même dans le monde entier – si ce n’est chez les coupables – qui ne soit plein de reconnaissance envers ces vaillants aviateurs britanniques qui, sans se laisser intimider par le nombre, relevant sans cesse le défi, et affrontant sans cesse la mort, font basculer le sort du monde par leur dévouement.
« Jamais, dans l’histoire des conflits humains, une dette n’aura été si grande à l’endroit d’un si petit nombre. » Toutes nos pensées sont tournées vers les pilotes de chasse, dont nous voyons les actes héroïques jour après jour.
Troisième étape – les efforts de la Luftwaffe s'intensifient
La phase cruciale de la bataille commence le 24 août et dure jusqu'au 6 septembre. C'est alors que la Luftwaffe lance une campagne de grande envergure pour détruire la RAF au sol et dans les airs. Les Canadiens, notamment le 1er Escadron de l'ARC qui est maintenant parfaitement entraîné, sont dans le feu de l'action. Les appareils Hurricane et Spitfire, alertés par des radars et guidés par des centres de contrôle de secteur, affrontent plusieurs fois par jour les bombardiers allemands et les chasseurs Messerschmitt qui les escortent. Dans le ciel de l'Angleterre se dessinent des traînées blanches sifflantes dont la délicatesse éphémère est un leurre compte tenu de la brutalité du combat qui a lieu là-haut. La campagne est jonchée de débris d'aéronefs noircis par le feu et de corps de jeunes hommes.
Quatrième étape – le début du blitz
La RAF subit des attaques constantes, mais, bien qu'elle ait été mise à dure épreuve en tant qu'organisation, elle tient tête à la Luftwaffe. L'étape suivante de la bataille débute le 7 septembre, lorsque la Luftwaffe oriente ses attaques sur Londres et d'autres villes. Le « blitz » illustre la force morale et le courage des civils britanniques, sur lesquels s'abat, nuit et jour, une avalanche de bombes. Des formations massives d'aéronefs allemands sont accueillies par des nuées comparables de chasseurs britanniques. Le 15 septembre, les combats atteignent leur paroxysme quand la Luftwaffe lance une multitude d'attaques sur Londres. À la fin de la journée, plus de 1 500 appareils ont participé au combat et, pour chaque appareil allié détruit, l'ennemi en a perdu deux. Ce jour-là, le 1er Escadron participe deux fois au combat. Bien que deux de ses appareils Hurricanes soient été détruits et un de ses pilotes tués, l'escadron affirme avoir détruit trois appareils ennemis, vraisemblablement détruit trois autres et endommagé deux aéronefs.
Furieux de l'incapacité de sa force aérienne à détruire la RAF, Hitler repousse l'invasion de l'Angleterre au 17 septembre.
Fin de la bataille
Le 12 octobre, Hitler informe officiellement ses chefs d’armée que l’opération Lion de mer est remise au printemps 1941. En fait, son attention se porte déjà sur la Russie et le plan d'invasion de la Grande-Bretagne n'est plus jamais envisagé sérieusement. Comme l'a dit un historien, à la fin d'octobre, la bataille d'Angleterre s'essouffle graduellement.
Le blitz se poursuit dans l’espoir de détruire la volonté de combattre des Britanniques. Pendant 57 nuits consécutives, les bombes pleuvent sur Londres. En tout, les villes britanniques subissent des bombardements aériens pendant neuf mois.
Le bilan
Plus de 100 Canadiens prennent part à la bataille d'Angleterre, mais une seule unité canadienne y participe, à savoir le 1er Escadron de l'ARC (qui devient peu de temps après le 401e Escadron). En 53 jours de combat, ces jeunes Canadiens affirment avoir détruit 29 appareils ennemis, vraisemblablement détruit 8 autres et endommagé 35 aéronefs. Le bilan est toutefois élevé pour l'escadron. Seize aéronefs sont détruits, trois pilotes sont tués au combat et dix autres sont blessés.
La plupart des Canadiens qui ont participé à la bataille ont été intégrés à la RAF et à l'aéronavale britannique. Parmi eux, 20 ont péri. Ceux dont le corps a été retrouvé sont inhumés un peu partout dans le Sud de l'Angleterre. Quant aux autres, leur nom est inscrit sur le monument commémoratif de Runnymede, à Surrey, en Angleterre.
Ces pilotes canadiens ne sont pas les seuls à s'être distingués. Des équipages de 13 pays ont combattu au sein de la Fighter Command de la RAF. Aux Britanniques et aux Canadiens, s'ajoutent des pilotes de l'Australie, de la Belgique, de la Tchécoslovaquie, de la France, de l'Irlande, de la Jamaïque, de la Nouvelle-Zélande, de la Pologne, de l'Afrique du Sud, des États-Unis et du Zimbabwe (Rhodésie du Sud). Ils étaient soutenus par des milliers de personnes, c’est-à-dire les équipes au sol, le personnel de soutien, ainsi que les employés et les bénévoles civils qui, bien qu’on ne leur accorde pas souvent le même degré de reconnaissance, ont apporté des contributions essentielles à la victoire. Parmi ceux qui ont pris part à cet effort international visant à défendre la démocratie, peu nombreux sont ceux qui comprenaient l'importance de leurs gestes.
Bien que le rôle du Canada dans la bataille d'Angleterre n’ait pas été significatif, il témoigne d'un engagement national à participer à une défense collective face à une agression injustifiée. Le 1er Escadron, une petite formation déployée pour combattre aux côtés des meilleurs contre les meilleurs, est le premier d'une longue série d'exemples de la puissance aérienne du Canada au combat.
Renseignements supplémentaires
- Officiellement, la Bataille d’Angleterre va du 10 juillet au 31 octobre 1940.
- Les forces alliées utilisent des aéronefs Spitfire et Hurricane Mark I.
- C'est pendant la bataille d'Angleterre que le Canada déploie pour la première fois des ressources aériennes identifiables dans une mission de combat.
- Parmi les pilotes, 2 353 viennent de la Grande-Bretagne et 574, d'outre-mer.
- De ce nombre, 544 perdent la vie, notamment 23 Canadiens.
- Plus de 100 Canadiens font partie du 242e Escadron « canadien » de la RAF, du 1er Escadron de l'ARC ou d'autres unités de la RAF.
- Tous ceux qui ont effectué au moins une sortie opérationnelle autorisée avec une unité admissible de la Royal Air Force ou de l’aéronavale entre le 10 juillet et le 31 octobre reçoivent l’agrafe de la bataille d’Angleterre en plus de l’étoile 1939-1945.
- Trois membres du 1er Escadron reçoivent la Croix du service distingué dans l’Aviation en reconnaissance de leurs efforts au cours de la bataille d’Angleterre : le Commandant d’aviation Ernie McNab, son commandant adjoint, le Capitaine d’aviation Gordon Roy McGregor, et le Lieutenant d’aviation « Dal » Russel.
- La contribution à la bataille d'Angleterre de deux membres canadiens des équipes au sol a été soulignée : le Sergent de section John R. Burdes a reçu la Médaille de l'Empire britannique et le Sergent de section Cecil M. Gale a été cité à l’ordre du jour.
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