Le Théâtre Eglinton

Le Théâtre Eglinton de Toronto est l’un des plus beaux exemples encore existant du style Art déco dans la conception de salles de cinéma au Canada. Ouvert en 1936, ce théâtre aux formes aérodynamiques, avec son enseigne monumentale et ses néons colorés attirait les cinéphiles dans un décor sophistiqué dont les lignes épurées et les matériaux modernes évoquaient la vitesse futuriste. Ce bâtiment situé dans la nouvelle banlieue de Forest Hill s’inscrivait dans la tendance amorcée au milieu des années 1920 de construire des salles de cinéma de luxe dans ce qui étaient alors des banlieues des grandes villes canadiennes.

Cette œuvre des architectes torontois Kaplan et Sprachman rompait avec l’esthétique inspirée du théâtre en intégrant plutôt les dernières tendances de la pensée et de la pratique en architecture. L’enseigne au néon clinquante de ce soi-disant « haut lieu de Toronto » invitait les cinéphiles à sa billetterie au chrome étincelant. La marquise arborait les noms des vedettes de cinéma et les titres des dernières productions de l’âge d’or de Hollywood promettant le suspense, la romance et l’évasion. Au-dessus des lettres en néon, surmontant la tour distinctive de l’enseigne, un pylône à trois étages était coiffé d’une boule en néon flamboyant agissant tel un phare pour inviter les gens à découvrir le cinéma moderne.

Les cinémas des années 1930 étaient le lieu de la plus claire expression du style Art déco. Les lignes épurées des plafonds et des murs évoquaient le raffinement et la modernité. Les formes aérodynamiques soulignées par les néons évoquaient pour leur part le progrès rapide. Le toit à paliers en zigzag se chevauchant était un rappel des premières heures de l’Art déco, mais les statues classiques de nus féminins exprimaient la plus récente période du mouvement. À l’ère de la mécanisation, l’usage de matériaux synthétiques lisses se voulait un hommage à la précision de la production en usine. Pour les cinéphiles de Forest Hill, les portes du Théâtre Eglinton étaient l’entrée dans un monde de modernité et dans les histoires projetées sur grand écran.