Vidéo — Symposium sur les langues autochtones — le 27 janvier 2021

Sauf indication contraire, le contenu a été traduit de l'anglais au français.

Transcription

Transcription de Symposium sur les langues autochtones — Session du matin, le 27 janvier 2021

Durée : 1 :15 :35

Mathieu : Et avec tout ça, ce que j’aimerais faire, c’est inviter M. Kimura.

Larry Kimura (LK) : [Vœux en hawaïen]. Je vous salue tous, personnes autochtones du Canada et personnes non autochtones du Canada et du monde entier. C’est vraiment un moment extraordinaire, j’en suis convaincu, pour vous là-bas au Canada, et pour nous ici à Hawaï. Donc, je m’appelle Larry Kimura. Je suis professeur associé au Collège de la langue hawaïenne et je vais essayer de présenter un bref résumé de notre expérience de nos efforts afin de revitaliser la langue hawaïenne. J’ai comme surnommé cette présentation « L’argent ne peut pas tout acheter », comme on le sait tous, mais il ne fait aucun doute que l’argent peut aider! Pour notre expérience, ici à Hawaï, on a en fait commencé sans financement, sans argent et notre objectif ici à Hawaï était de redonner notre langue à nos enfants. Le plus jeune âge vers lequel on pouvait se tourner à ce moment-là c’était les enfants d’âge préscolaire – ce qui serait ici de deux ans et demi à trois ans, jusqu’à cinq ans – ce qui signifiait pour nous que nous utiliserions nos langues, le moyen de l’instruction parce que nous dirigerions une prématernelle – pas une garderie –, mais une prématernelle qui aurait un programme et du personnel qualifié, des enseignants diriger le programme. Cependant, l’objectif principal, bien sûr, était de redonner vie à notre langue et à nos familles. Une chose essentielle, une chose vraiment importante est de voir grand et, pour nous, ramener la langue là où elle revient de plein droit dans notre patrie signifiait que la langue doit vivre aujourd’hui. Il est bon, bien sûr, de reconnaître d’où viennent notre langue, nos traditions et notre culture. Mais comme la devise de notre université, notre Collège de la langue hawaïenne ici à l’Université, à Hilo - nous avons dix campus maintenant dans l’État d’Hawaï, mais ici à Hilo, c’est O Keʻelikōlani, ce qui signifie que la langue nous lie à notre identité et que les aspects de notre identité comprennent toutes sortes d’aspects qui doivent être ancrés dans notre bien-être. Et la langue joue un rôle majeur dans la plénitude de qui nous sommes. Alors, faisons, je crois, un peu d’histoire où les fonds n’étaient pas une préoccupation. Cependant, l’argent joue effectivement un rôle. Comme je le disais l’objectif principal ici pour l’instant – le tissu que nous utilisons pour la revitalisation de la langue hawaïenne – est cette institution officielle d’apprentissage, c’est-à-dire l’école. Ainsi, comme je l’ai mentionné, nous avons commencé avec nos écoles Pūnana Leo en 1983 et nous avons continué d’avancer jusqu’à aujourd’hui. Donc, pour lancer ce genre de programme, comme je l’ai dit, nous ne faisions pas attention à l’argent. Nous ne faisions attention qu’à ce que nous devions faire. Et donc, nous avions besoin d’un endroit; nous avions besoin de personnel; nous l’avons trouvé grâce à la générosité ou à la non-générosité des gens de nos communautés immédiates. Nous devons être très créatifs. Nous rencontrons des obstacles, mais nous ne laissons pas les obstacles nous arrêter, car notre objectif est toujours là; présent, toujours jusqu’à maintenant. Un objectif plus important, au-delà des murs institutionnels, serait d’aller directement dans la société, ce que nous appellerions la renormalisation – ou le fait de rendre notre langue normale à nouveau – dans les McDonald’s et les centres commerciaux, dans les rues de notre communauté. Voilà donc nos objectifs. Et nous n’avons toujours pas de budget permanent. Nous ne disposons pas d’un financement important destiné spécifiquement à ces efforts... En 1921, lorsque la langue hawaïenne a été autorisée à être utilisée comme l’une des langues de choix pour les études en sciences humaines, dans le Département des arts et des sciences, elle pouvait être utilisée. Cependant, il y a eu quelques problèmes à l’époque, en 1907, lorsque le territoire d’Hawaï – un gouvernement indépendant d’un royaume d’Hawaï qui a été renversé par les États-Unis – et, bien sûr, c’est à partir de ce moment-là que notre langue n’était plus permise comme langue d’enseignement. Cependant, pour en revenir à cette utilisation requise de... la langue hawaïenne était en fait classée comme une langue étrangère, donc un domaine des sciences humaines. Et en 1907, le gouvernement territorial a créé un collège d’agriculture et d’arts mécaniques. Ce n’est qu’en 1919 que l’intérêt pour les sciences humaines – ce que nous appelons aujourd’hui le Département des arts et des sciences – est devenu une priorité. Ainsi, dans le programme du Département des arts et des sciences, il y aurait l’exigence d’enseigner une langue étrangère. Lorsque la liste des choix de langues a été présentée à notre gouvernement territorial – l’assemblée législative –, elle comprenait l’allemand, le français, le grec et le latin. Comme notre gouvernement territorial était composé, en 1919, de membres qui avaient siégé à l’assemblée législative du royaume d’Hawaï, ils étaient préoccupés par l’hawaïen. Ils ont donc insisté pour que l’hawaïen figure parmi les choix de langues étrangères. En 1921, la langue hawaïenne a commencé à être enseignée à l’université d’Hawaï, dans le Département des arts et des sciences. C’était le début de, comment dire, l’enseignement officiel de l’hawaïen en tant que cours au niveau universitaire. Donc, peut-être – bien sûr – que c’était financé par le gouvernement territorial. Nous n’avons pas vu beaucoup d’inscriptions au cours des premières années jusqu’à peut-être 1950. Et là, nous voyons un début de – pas tout à fait 100, peut-être environ 60 à 70 élèves inscrits. Mais quand nous sommes entrés dans les années 60, les inscriptions ont augmenté. Et des années 60 aux années 70, il y a 100 % d’inscriptions doubles, figure illustrant les inscriptions. Et surtout à partir des années 70 jusqu’en 1976 environ, on constate une augmentation de plus de 500 % du nombre d’inscriptions. Maintenant, toute cette augmentation reflète ce qui se passe dans notre communauté. À cette époque, il y a ce concept de ce que nous appelons aujourd’hui un réveil culturel pour l’identité hawaïenne. De nombreux facteurs ont joué un rôle à cet égard. L’un d’entre eux était le son de ce que nous appelons à Hawaï – nous utilisions notre langue dans la musique hawaïenne, et les jeunes se sont impliqués dans ce domaine. C’est l’une des choses. Une autre chose est que l’État d’Hawaï a été créé en 1959, donc dix ans après, c’est-à-dire vers 1970, on s’est inquiété d’un certain développement urbain, en particulier sur notre île principale d’Oahu où se trouve la capitale Honolulu. Et les fermiers hawaïens, les agricultures, étaient expulsés des terres qui faisaient alors partie de l’étalement urbain. Ces éléments, ainsi que la musique, ont influencé de jeunes élèves qui disaient : « J’aimerais suivre des cours de langue hawaïenne à l’université d’Hawaï pendant que j’y étudie. » Tout d’abord, ils n’ont pas bénéficié de financement spécial, de bourse, pour s’inscrire à ces cours. Ils le faisaient parce qu’ils étaient intéressés, vraiment intéressés. Motiver un peuple à s’intéresser à sa propre culture est un processus en soi. L’argent ne peut pas acheter ce genre de motivation. Elle provient du peuple lui-même. C’est donc ce qui se passait à l’époque, ce réveil, cette renaissance telle que nous la connaissons aujourd’hui. À l’époque, il y avait des rumeurs, mais personne ne savait exactement... beaucoup de gens n’ont jamais remarqué que les inscriptions, par exemple, avaient augmenté de plus de 500 %. Personne ne remarquait ces petites choses qui se produisaient. Ainsi, lorsque le programme de langues a progressé au niveau universitaire, il fallait y attribuer un diplôme. Il n’y avait pas de diplôme parce que les élèves voulaient se spécialiser dans la culture hawaïenne et la langue hawaïenne. Ainsi, en 1980, un diplôme a été créé – un baccalauréat en études hawaïennes. Aujourd’hui, bien sûr, nous avons des diplômes d’études supérieures, des maîtrises et des doctorats. Nous avons également mis en place un programme de formation des enseignants afin de les qualifier pour être titulaire d’un cours immersif en langue hawaïenne ou pour enseigner la langue hawaïenne par le biais du programme du ministère de l’Éducation, depuis le lancement de ce programme en 1983 dans les écoles Pūnana Leo. Ainsi, en 1987, nous avons pu convaincre notre ministère de lancer un programme expérimental d’éducation pour nos enfants uniquement dans la langue hawaïenne. C’est de l’histoire ancienne. Ainsi, nous avons eu un total de 20 remises de diplômes d’études secondaires qui ont été enseignées entièrement en langue hawaïenne, de la maternelle à l’école secondaire. En ce qui concerne le tissu de la revitalisation de la langue hawaïenne par le biais de l’utilisation de notre propre langue pour éduquer nos enfants, afin que notre langue vive aujourd’hui et demain, nous devons être conscients de la priorité de produire de nouveaux locuteurs qui parlent couramment notre langue pour compenser les décès de nos aînés dont l’hawaïen est la langue maternelle. Et alors, en même temps, nous devons enregistrer nos aînés et créer une base de données qui puisse justifier et soutenir les efforts déployés pour créer le programme d’études que nous utiliserons et, bien sûr, protéger notre langue pour aujourd’hui et pour demain. Donc, pour résumer cette courte présentation, il est crucial que la motivation vienne des personnes elles-mêmes. Et comment cela se passe-t-il ici, selon notre expérience hawaïenne? C’est par les bébés d’une famille à la maison qui sont touchés directement et cela s’est répandu comme une traînée de poudre. Et quand je dis éduqué par la langue, je veux dire avec succès, car nous avons convaincu le ministère de continuer à payer pour cette éducation publique – à la financer, plutôt, – jusqu’à aujourd’hui. Cela représente donc plus de 37 ans d’éducation publique en langue hawaïenne. Nous fêtons donc notre 20e remise de diplômes d’études secondaires. Pour compléter un cycle réussi, l’objectif était d’aller à la verticale plutôt qu’à l’horizontale, car nous devions faire de cette histoire un succès et, du même coup, commencer à inciter nos familles à prêter attention, à se conscientiser et à vouloir participer. Des choses que l’argent ne peut acheter. J’ai déjà parlé de la renaissance hawaïenne, qui a eu lieu à la fin des années 60 et au début des années 70 et à cette époque, comme je l’ai dit, la musique hawaïenne a joué un rôle prépondérant. J’appelle donc cela le son de la renaissance hawaïenne – et je dis hawaïenne pour signifier que les paroles de nos chansons hawaïennes étaient dans cette langue. Et il se trouve que j’ai composé un mele ou un chant que j’aimerais vous faire entendre et qui, selon moi, résume le regain d’intérêt de notre peuple pour participer à ce nouveau – je suppose que vous dites mouvement, pour la vie de notre langue et pour notre identité. 'Ōlelo mahalo Merci beaucoup pour cette occasion de parler très brièvement d’un sujet majeur avec vous et j’espère que cela pourra vous inspirer et que nous aurons la chance de discuter encore de nombreuses fois de cette préoccupation pour notre langue, notre identité culturelle – afin qu’elle puisse vivre à jamais. Mahalo.

[Musique hawaïenne]

Mathieu : Merci, Larry! C’était un bon film – une bonne vidéo. Je suggère que nous utilisions cette musique de fond pour le reste de notre réunion. Alors, Larry, à vous la parole.

LK : Salut. [Vœux en Hawaiian]. Je vous dis bonjour de Hilo, à Hawaï. On dirait que la matinée est un peu plus ensoleillée aujourd’hui. Nous avons eu notre première grosse chute de neige sur notre grande montagne ici à Mauna Kea au cours des deux derniers jours. Quoi qu’il en soit, je suis heureux d’être ici avec vous aujourd’hui. Il doit être midi pour vous.

Mathieu : Nous allions nous lancer dans les questions et réponses. Je suis sûr que tous mes participants – la première chose à laquelle ils pensent quand ils pensent à Hawaï, ce ne sont pas les chutes de neige. Parce qu’ici, au Canada, nous sommes assis au milieu de chutes de neige. Ça doit être magnifique là-bas! Je pense aussi à changer de chandail parce que vous avez l’air beaucoup plus à l’aise que moi dans mon complet ici.

LK : On est certainement mieux dans ce genre de chandail, ici à Hawaï.

Mathieu : Oui, c’est magnifique. Magnifique. J’ai une question – je pense que c’est plutôt une demande de conseils. Quels conseils pourriez-vous donner pour faire avancer les modèles et trouver des fonds – si vous pouviez nous parler un peu de la façon dont vous avez lancé vos initiatives sans financement. C’était vraiment basé sur les personnes. Je me demande, en ce qui concerne le soutien efficace des peuples autochtones dans leurs efforts pour se réapproprier, revitaliser, renforcer et maintenir leurs connaissances autochtones, de quel type de modèle de financement serait-il question – quel type de financement fonctionnerait?

LK : Eh bien, vous savez, pour nous comme je l’ai dit, c’est que nous ne pensions pas à l’argent, nous pensions à ce que nous devions faire pour récupérer notre langue. Et cet argent serait, bien sûr, là, mais en d’autres termes, je suppose que l’essentiel est que l’argent n’oriente pas la manière dont nous aimerions effectuer notre travail. Et je dois dire que « nous » ne désigne qu’un petit groupe de personnes. Nous avons jugé, comme je l’ai dit dans ma présentation, que nous devions à ce moment-là inculquer notre langue à nos bébés afin de créer une nouvelle génération de locuteurs – car le déclin du nombre de locuteurs natifs de notre langue était rapide. Bien sûr, aujourd’hui, nous comptons peut-être une vingtaine de locuteurs natifs. Et ils sont vraiment la jeune génération – ils sont plus jeunes que mes grands-parents. Mon grand-père est né en 1873 et ma grand-mère, en 1896; cette génération de bons locuteurs natifs n’est plus parmi nous, bien sûr. Nous cherchons donc à nous régénérer et c’est l’effort que nous déployons auprès des enfants qui ont ce que nous appelons maintenant, bien sûr, l’âge préscolaire. Et nous voulions mettre en place un programme éducatif allant des bébés jusqu’à l’école secondaire – un effort vertical – en priorisant la réussite d’un cycle complet afin d’attirer les personnes que nous devions attirer, à savoir les parents des enfants. En fait, nous n’avons pas eu à – comment dire – faire une campagne pour attirer les familles, parce qu’au fur et à mesure que cela se passait et que les gens observaient ce qui se passait – et vous savez, parmi notre peuple hawaïen, le mot se passe assez vite. Nous avons donc attiré les personnes que nous voulions attirer, ce qui – bien sûr – ne veut pas dire que vous ne pouvez participer à notre programme que si vous êtes d’origine hawaïenne. Non. À Hawaï, c’est ouvert à toutes les nationalités, à tout le monde. Cependant, 95 % ou 96 % de nos enfants, de nos familles sont d’origine hawaïenne.

Mathieu : Je suppose donc que vous parlez en quelque sorte d’un réseau de soutien complet où l’on parle des enfants d’âge préscolaire, de l’interaction avec leurs parents et du soutien de cet environnement en matière de revitalisation ou d’utilisation de la langue, jusqu’à l’école secondaire. Tous ces types de soutien, j’imagine, nécessitent différentes sources et – comme vous l’avez dit dans votre présentation, ce n’est pas seulement une question d’argent – différentes sources de soutien, peut-être.

LK : Oui, et il se trouve que le soutien... J’ai maintenant plus de 70 ans. À l’époque, j’avais une vingtaine d’années. Lorsque j’ai commencé à enseigner à l’université, j’avais 26 ans, en 1971. C’est là que ce type de soutien – je parle de faire connaître Hawaï dans notre établissement d’enseignement supérieur qui devait soutenir ce que nous allions faire avec nos bébés. Et ce soutien se poursuit encore aujourd’hui, et c’est ainsi que nous pourrions créer un programme pour enseigner un baccalauréat en langue hawaïenne, une maîtrise en langue hawaïenne et un doctorat en langue hawaïenne pour soutenir ce qui se passe dans notre communauté, en particulier dans le milieu où nous le faisons, c’est-à-dire dans l’institution même où il était interdit d’utiliser notre langue comme moyen d’enseignement, et que nous devons prouver à notre peuple, à nos familles avant tout, que nous pouvons enseigner à nos enfants avec succès et peut-être même mieux que l’école traditionnelle qui utilise l’anglais. C’est donc le principal obstacle avec lequel nous avons été aux prises, et nous le faisions sans aucun financement.

Mathieu : C’est assez impressionnant. J’ai une question d’un participant : avez-vous observé des jeunes introduire de nouveaux mots liés aux avancées technologiques modernes à Hawaï?

LK : Quand nous avons commencé, nous avons dû apprendre de nouveaux mots, même avec nos bébés. Comment dit-on « cagibi »? Comment dit-on « maisonnette » et toutes ces choses? Bien sûr, nous avions toujours nos locuteurs natifs avec nous. Nous avons donc travaillé avec nos locuteurs natifs, mais il y a certains mots qui, au fur et à mesure que les enfants avançaient dans le contenu de cette éducation scolaire, en chimie, en physique, en mathématiques ou en géographie – quels que soient les sujets –, de nouveaux mots devaient être inventés. Donc, en 1988, ou en 1987, plutôt, nous avons formé une sorte de comité officiel du lexique pour créer de nouveaux mots hawaïens. Je suis toujours le président du comité aujourd’hui. L’un des problèmes, cependant, est que nous ne nous sommes pas réunis depuis trois ou quatre ans parce que nous faisons tout cela sur une base volontaire. Nous ne sommes pas payés pour ça. On a droit à un repas gratuit. Et bien sûr, nous volons entre les îles, donc quelqu’un doit payer pour ça. Mais c’est tout. C’est important. Je sais qu’il y aura des critiques sur notre identité – vous vous prenez pour l’Académie de la langue française de France? Vous créez des mots comme ils le font en France? Eh bien, nous n’avons pas de commission comme les Maoris en Nouvelle-Zélande. C’est l’une de leurs responsabilités au sein de la commission. Nous avons tenté à plusieurs reprises d’établir une commission à Hawaï, mais nous ne sommes pas prêts à le faire à ce stade, car nous nous disperserions ainsi. Et nous devons continuer à maintenir ce pilier fort pour l’instant, sans nous perdre dans ces grands rôles gouvernementaux pour ensuite laisser tout le reste s’effondrer. Nous devons maintenir le mouvement pour créer une bonne base.

Mathieu : D’accord, donc c’est là que se trouve la priorité – c’est ça que vous priorisez.

LK : Mais pour répondre à la question sur la création de nouveaux mots, oui. Nous avons un énorme retard à rattraper, car notre monde moderne a progressé dans de nombreux domaines de connaissances et d’informations pour lesquels nous devons avoir des mots.

Mathieu : Tout à fait. Bon, je ne vois pas d’autres questions de la part de nos participants, mais par curiosité, je me demandais ce que l’oiseau chantait dans votre vidéo. Connaissez-vous l’oiseau?

LK : Je n’ai pas entendu. Le quoi? Le mot?

Mathieu : C’était un oiseau qui chantait en arrière-plan pendant votre vidéo.

LK : [rit]. Malheureusement, nous avons beaucoup d’oiseaux étrangers et je n’arrive pas à comprendre ce qu’ils disent. Nos oiseaux indigènes sont en voie de disparition.

Mathieu : Oh...

LK : Je suis sûr qu’il gazouillait joyeusement en accord avec ce que je disais, j’espère.

Mathieu : C’est certain. Il était probablement heureux de votre message et chantait en approbation de votre message.

LK : En profitant de notre beau jardin.

Mathieu : Oui, c’est vrai. Magnifique paysage. Sur ce, je vous remercie beaucoup. Nous sommes extrêmement reconnaissants que vous ayez pris le temps de discuter avec nous.

LK : Merci beaucoup de nous avoir offert cette occasion de discuter et bonne chance dans vos projets à venir.

Mathieu : Meegwetch. Merci. Prenez soin de vous.

LK : Aloha.

Mathieu : Aloha. Alors, quelle excellente présentation. Merci beaucoup M. Kimura pour ça. Sur ce, passons à la présentation de notre panel. Notre animatrice est Julie Dabrusin, secrétaire parlementaire du ministre du Patrimoine canadien, et je vais passer la parole à Julie, qui va nous présenter notre panel. Julie, à vous la parole.

Julie Dabrusin (JD) : Merci, Mathieu! Eh bien, je suis vraiment heureuse d’être ici pour me joindre à vous et de pouvoir animer cette séance plénière d’introduction sur les modèles de financement des langues autochtones. J’aimerais prendre un moment pour présenter chacun des panélistes qui s’exprimeront aujourd’hui. La première personne que j’ai le plaisir de vous présenter est Mary Jane Norris, membre des Algonquins de la Première Nation de Pikwakanagan. Elle est une ancienne fonctionnaire fédérale et ses recherches sur les langues autochtones comprennent l’examen de la diversité et de l’état des langues autochtones, les perspectives générationnelles et communautaires sur le maintien, la perte et la revitalisation des langues et la cartographie des langues autochtones et de leurs communautés au Canada. Je vais également présenter les deux autres panélistes avant d’inviter Mary Jane à s’exprimer. Nous avons également avec nous Aluki Kotierk, la présidente sortante de l’organisme NTI. Aluki est un visage familier en tant que championne de l’inuktitut. Elle a travaillé dans de nombreux organismes autochtones et a occupé les fonctions de sous-ministre dans plusieurs ministères du gouvernement du Nunavut. Nous sommes également en compagnie de Marc Leclerc, conseiller principal et négociateur de la Nation métisse. Marc a plus de 35 ans d’expérience de travail avec les gouvernements et les organismes autochtones dans des domaines tels que le développement économique, la gestion du changement et le développement de la capacité. Je suis donc très impatiente d’entendre chacun d’entre vous, et pour commencer, je vais tout de suite passer la parole à Mary Jane. À vous, Mary Jane.

Mary Jane Norris (MJN) : Kwe-Kwe. Hello. Bonjour à tous. Je suis heureuse d’être ici et je vous remercie de m’avoir invitée. Pour ma présentation d’aujourd’hui, nous survolerons certains éléments démographiques importants sur la revitalisation et le maintien des langues autochtones au Canada. Ces faits saillants reflètent les conclusions d’une analyse que nous avons entreprise, mon coauteur, Robert Adcock, et moi-même sur les données de recensement des langues autochtones. Diapositive suivante, s’il vous plaît.

Statistique Canada recueille des données en utilisant le terme anglais « aboriginal » pour autochtone. Cependant, nous utilisons en anglais « indigenous » pour discuter de nos constations. Les indicateurs linguistiques sont construits à partir des variables des données du recensement sur la langue maternelle, sur la connaissance de la langue et sur son utilisation à la maison. Ils donnent un aperçu de la situation des langues autochtones au Canada et aident à définir les priorités de la recherche en matière de rétablissement, de revitalisation et de maintien des langues. La population déclarant avoir une langue autochtone comme langue maternelle fait référence à la première langue apprise dans l’enfance et encore comprise aujourd’hui. Les locuteurs de langue autochtone sont ceux qui peuvent parler une langue autochtone suffisamment bien pour mener une conversation telle que définie dans la variable de connaissance de la langue. Enfin, la mesure dans laquelle une langue autochtone est parlée à la maison, le plus souvent ou régulièrement, renvoie aux deux concepts de recensement de l’utilisation à la maison. Ces indicateurs sont abordés selon trois perspectives de situations linguistiques. L’approche commence par une vue d’ensemble de la situation et des tendances nationales pour les langues dans leur ensemble. Elle passe ensuite à une analyse plus détaillée basée sur des distinctions par groupes autochtones et leurs régions de résidence. Et ceci est suivi par des renseignements sur les données au niveau communautaire. Diapositive suivante, s’il vous plaît.

Les indicateurs linguistiques comprennent plusieurs mesures de l’état de la langue, de sa vitalité et de sa mise en danger. Leur valeur réside dans leur interprétation et, pour être mieux compris, ils doivent être interprétés en combinaison les uns avec les autres. La plupart emploient des nombres, des proportions et des âges moyens des populations déclarant avoir une langue autochtone comme langue maternelle; être en mesure de parler une langue autochtone; et employer une langue autochtone à la maison – une langue parlée le plus souvent correspond ici à la langue première à la maison, et une langue parlée régulièrement, correspond ici à la langue seconde. Les indices de continuité et d’acquisition d’une langue seconde sont construits sous forme de ratios. La continuité compare donc le nombre de personnes parlant une langue maternelle autochtone à la maison au nombre de personnes ayant une langue maternelle autochtone. De même, l’acquisition d’une langue seconde compare le nombre total de locuteurs de langue autochtone au nombre de ceux qui ont une langue maternelle autochtone. Diapositive suivante, s’il vous plaît.

Oui, pour commencer. Alors pour les faits saillants, pour commencer, le principal fait marquant en matière de maintien de la langue est le déclin à long terme de la transmission intergénérationnelle d’une langue maternelle autochtone au Canada. Ce chiffre montre que la population de langue maternelle vieillit, l’âge moyen augmentant régulièrement entre 1986 et 2016. Au cours de cette période de 30 ans, un déclin constant de l’utilisation d’une langue maternelle autochtone à la maison a contribué à la non-transmission et au vieillissement de la population de langue maternelle. Et comme nous le voyons ici, le nombre d’enfants et de jeunes dans la population de langue maternelle a diminué, passant de 41 % en 1986 à 27 % en 2016. À l’inverse, le nombre d’adultes âgés de 55 ans et plus n’a cessé d’augmenter. Diapositive suivante, s’il vous plaît.

Maintenant, pour les indicateurs du succès dans le domaine de la langue, de l’apprentissage et de la revitalisation, le déclin de la transmission de la langue maternelle contraste fortement avec l’augmentation continue des langues autochtones apprises comme langue seconde par les jeunes générations. Et comme on le voit ici, de 1991 à 2016, l’augmentation de l’indice d’acquisition d’une langue seconde indique une croissance des locuteurs de langue seconde par rapport à la population de langue maternelle. Ainsi, par rapport à une population de langue maternelle vieillissante, les locuteurs de langue seconde ont tendance à être plus jeunes. Selon Statistique Canada, depuis 1996, comme on peut le voir ici, la proportion de locuteurs de langue autochtone ayant appris leur langue en tant que langue seconde est passée d’environ 18 % à près de 26 % en 2016. Diapositive suivante, s’il vous plaît.

La croissance de l’utilisation de la langue à la maison est donc un autre indicateur de la revitalisation et la tendance la plus notable entre 2001 et 2016 est la croissance du nombre de personnes utilisant une langue autochtone comme langue maternelle ou seconde à la maison. Elle a dépassé les taux de croissance de la population de langue maternelle et de la population connaissant la langue. Et la majeure partie de cette augmentation de l’utilisation d’une langue autochtone à la maison est attribuable à l’importante croissance du nombre de personnes parlant cette langue comme langue seconde à la maison. Et malgré la diminution de la transmission de la langue maternelle, les deux périodes représentées ici montrent une augmentation du nombre de personnes parlant une langue autochtone en raison de l’afflux de jeunes locuteurs qui l’utilisent comme langue seconde. Depuis 2001, date à laquelle Statistique Canada a commencé à collecter des données sur la langue seconde employée à la maison, la population déclarant employer une langue autochtone comme langue seconde à la maison a nettement augmenté, atteignant 73 % en 2016. Diapositive suivante, s’il vous plaît.

Les changements actuels dans les modèles d’utilisation à la maison sont donc des signes dont il faut tenir compte à l’avenir en ce qui concerne le maintien de la langue. Les langues autochtones sont aujourd’hui parlées à la maison par plus de personnes que jamais. Cependant, le modèle d’utilisation passe maintenant d’une langue maternelle à une langue seconde à la maison. Comme on peut le voir ici, en 2001 et en 2006, environ 72 % des locuteurs de langues autochtones à la maison ont déclaré l’utiliser comme langue première, et les 28 % restants comme langue seconde. Depuis 2001, cette tendance est passée à 60 % de personnes parlant leur langue comme langue première et 40 % comme langue seconde. Diapositive suivante, s’il vous plaît.

Si l’on passe maintenant à une analyse fondée sur la distinction entre les groupes autochtones et leurs régions de résidence, un point essentiel est que les Premières Nations, les Inuits et les Métis ont des distributions résidentielles considérablement différentes. Et il s’agit d’une considération importante puisque les situations linguistiques sont en corrélation avec leurs régions de résidence. En effet, les communautés situées dans les régions rurales et dans les réserves s’en tirent mieux que celles situées dans les régions urbaines et les grandes villes. Comme on le voit ici, en 2016, une plus grande proportion de populations des Premières Nations et d’Indiens inscrits résident dans des réserves, soit environ 34 % et 40 % respectivement, tandis qu’environ 50 % des Inuits résident dans des régions rurales. Les Métis et les Indiens non-inscrits sont les groupes autochtones les plus urbanisés, environ trois quarts de leur population vit dans des régions urbaines, petites et grandes. Diapositive suivante, s’il vous plaît.

Pour en revenir aux habitudes d’utilisation à la maison, nous constatons ici des variations importantes entre les quatre régions de résidence. Cette figure montre que les utilisateurs d’une langue autochtone à la maison dans les communautés rurales et dans les réserves sont plus susceptibles de la déclarer comme une langue première à la maison, tandis que ceux des grandes régions urbaines sont plus susceptibles de la déclarer comme langue seconde. Et l’utilisation d’une langue maternelle autochtone à la maison est la plus élevée dans les régions rurales, avec 70 %, et la plus faible dans les grandes villes, avec seulement 40 %. Diapositive suivante, s’il vous plaît.

Nous pouvons également examiner les modèles d’utilisation des langues par les groupes autochtones à la maison, qui reflètent en partie l’incidence de leurs différences résidentielles. Ainsi, une langue autochtone parlée à la maison est plus souvent utilisée comme langue première que seconde parmi les populations inuites et des Premières Nations, et à peu près également parmi les Métis plus urbanisés. De même, la tendance générale que nous avons observée, à savoir que l’utilisation de la langue autochtone à la maison passe d’une langue première à une langue seconde, persiste pour les groupes autochtones. Comme on peut le voir ici, entre 2001 et 2006, l’utilisation principale d’une langue autochtone à la maison a diminué de 70 % à 58 % chez les Premières Nations, de 56 % à 50 % chez les Métis et de 83 % à 76 % chez les Inuits. Diapositive suivante, s’il vous plaît.

Une considération importante pour tous les groupes autochtones est le contraste entre le lieu où vit leur population totale et celui où vivent leurs locuteurs, essentiellement les régions rurales par rapport aux grandes villes. Par exemple, parmi les membres des Premières Nations, comme on peut le voir ici, les trois quarts de ceux qui déclarent une langue autochtone comme langue maternelle et 80 % de ceux qui parlent une langue autochtone comme langue première à la maison vivent dans une réserve. En revanche, un peu plus d’un tiers de la population totale des Premières Nations vit dans les réserves. Inversement, par rapport aux 30 % de tous les membres des Premières Nations qui résident dans les grandes villes, le nombre correspondant de leurs populations linguistiques est beaucoup plus faible, allant de 6 % à 12 %. Je voudrais juste souligner ici que les populations dont la langue autochtone est la langue maternelle ou la langue première à la maison ont moins tendance à résider dans les grandes villes que les populations de locuteurs totaux et dont la langue autochtone est la langue seconde à la maison. Diapositive suivante, s’il vous plaît.

En ce qui concerne les Métis, le contraste dans les distributions résidentielles entre la population totale et la population linguistique des Métis pour les régions rurales et les grandes villes est similaire à celui des Premières Nations, mais moins prononcé. Et parmi les Métis qui déclarent avoir une langue maternelle autochtone ou une langue première autochtone à la maison, un nombre disproportionnellement plus élevé réside dans les régions rurales, soit 59 % et 72 % respectivement, par rapport à seulement 30 % de la population totale des Métis. À l’instar des Premières Nations, une plus grande proportion de Métis qui utilisent leur langue autochtone comme langue seconde à la maison résident dans les grandes villes, comparativement aux Métis qui l’utilisent comme langue première à la maison. Et les contrastes dans les distributions résidentielles entre les populations totales et linguistiques des Inuits sont similaires, mais moins prononcés que ceux des Premières Nations et des Métis. Diapositive suivante, s’il vous plaît.

Passons maintenant aux âges moyens. L’âge moyen de la population de langue maternelle autochtone est un indicateur de transmission. C’est une autre mesure de la corrélation entre les situations linguistiques et la région de résidence. Dans les grandes villes, l’âge moyen de la population de langue maternelle est beaucoup plus élevé que celui de la population autochtone totale, comparativement à celui des réserves, des régions rurales et des petites villes. Par exemple, comme nous le voyons ici, l’âge moyen de la population des Premières Nations est assez constant dans toutes les régions de résidence, soit environ 30 ans. En revanche, la moyenne d’âge des langues maternelles des Premières Nations varie considérablement selon la résidence. Les populations de langue maternelle les plus jeunes se trouvent dans les réserves; les plus âgées se trouvent dans les grandes villes, et la différence d’âge entre l’âge total du groupe et l’âge moyen de la langue maternelle s’élève à 14 ans. Maintenant, aux Inuits. Les différences d’âge moyen entre la population inuite totale et la population de langue maternelle sont semblables à celles... Les différences d’âge moyennes entre la population inuite totale et celle de langue maternelle sont inférieures aux différences des Premières Nations et des Métis dans toutes les régions. Comme pour les autres groupes autochtones, l’écart entre l’âge moyen total et l’âge moyen de la population de langue maternelle chez les Inuits était plus important dans les grandes villes que dans les régions rurales et les petites villes. Cependant, l’érosion... Je pense – diapositive suivante, s’il vous plaît. Je suis désolée. Ça devrait être... Oui, merci.

Alors, ici, comme pour les Premières Nations et les Métis, l’écart entre l’âge moyen de la population de langue maternelle et celui de la population totale est plus important dans les grandes villes. Cependant, l’érosion de la transmission de la langue maternelle dans les grandes villes est beaucoup moins prononcée pour les Inuits étant donné leur période d’urbanisation plus courte. Diapositive suivante, s’il vous plaît.

Oui, merci. Cette analyse indique que les langues autochtones dans les grandes villes constituent une priorité croissante en ce qui concerne les programmes linguistiques, en particulier pour les jeunes. À mesure que les populations autochtones s’urbanisent, l’érosion de la langue pourrait s’accélérer, étant donné les difficultés de maintien et d’acquisition de la langue au sein des familles et des enfants dans les villes. Et cela pourrait aussi être un moment particulièrement important pour le maintien des langues inuites dans les régions urbaines, compte tenu de l’incidence de l’urbanisation croissante. En évaluant l’incidence de l’urbanisation pour les langues inuites, Marika Morris a fait remarquer, et je cite, que les compétences linguistiques des Inuits individuels sont en train de s’éroder et cela va probablement continuer d’une génération à l’autre, surtout avec la tendance à l’urbanisation. En outre, les chercheurs ont constaté qu’un programme de langue inuite à Ottawa, et je cite, « fonctionne dans un environnement politique plus large dans lequel les directives de financement et de programme pour le maintien et la promotion des langues autochtones sont pratiquement absentes ». Diapositive suivante, s’il vous plaît.

En ce qui concerne les indicateurs linguistiques propres à une communauté, il est essentiel de tenir compte de la langue en fonction de la communauté en question pour évaluer et comprendre la situation d’une langue autochtone. Si l’état des langues autochtones varie d’une langue à l’autre, il est important de souligner que les situations linguistiques des mêmes communautés linguistiques diffèrent aussi considérablement d’une communauté à l’autre. Ainsi, les données linguistiques communautaires pour les langues autochtones et les indicateurs linguistiques sont présentés en ligne sur le site Web de l’IRN [Institut de recherche du Nunavut] et elles comprennent un ensemble d’environ 90 langues sur quatre recensements avec des données détaillées pour environ 1 000 communautés autochtones et les quatre variables linguistiques. Diapositive suivante, s’il vous plaît.

À titre de référence, voici une capture d’écran du site Web. Elle montre le menu des tableaux de référence qui comprend des tableaux récapitulatifs à l’échelle nationale et des tableaux linguistiques par communauté. Et les données compilées sont accessibles sur le site Web sous forme de feuilles de calcul Excel téléchargeables. Dix secondes. Donc, en conclusion... Diapositive suivante, s’il vous plaît.

J’aimerais souligner le soutien de Patrimoine canadien qui a rendu cette recherche possible et j’aimerais remercier tout le monde d’être présent aujourd’hui. Meegwetch. Thank you. Merci.

JD : Merci, Mary Jane. C’était une très bonne façon de commencer cette conversation avec beaucoup d’information, en particulier pour moi qui écoute depuis Toronto, une grande région urbaine. C’était vraiment intéressant, alors merci. Maintenant, j’ai hâte d’écouter la présentation d’Aluki. Si je peux vous passer la parole, c’est à vous.

Aluki Kotierk (AK) : [Dit en Inuktut : Je m’imagine une époque où, en tant qu’Inuits, dans nos propres terres natales où nous sommes la majorité publique, où l’inuktitut est la langue majoritaire, où nous sommes en mesure d’utiliser librement et avec dignité l’inuktitut dans tous les aspects de notre vie, avec l’espoir de recevoir les services publics essentiels en inuktitut.] Je m’imagine une époque où, en tant qu’Inuits, dans nos propres terres natales où nous sommes la majorité publique, où l’inuktitut est la langue majoritaire, où nous sommes en mesure d’utiliser librement et avec dignité l’inuktitut dans tous les aspects de notre vie, avec l’espoir de recevoir les services publics essentiels en inuktitut. Wow! N’est-ce pas une image formidable? Malheureusement, même si les Inuits représentent 85 % de la population du Nunavut et que l’inuktitut est la langue publique majoritairement utilisée, les Inuits ne peuvent pas s’attendre à recevoir les services publics essentiels en inuktitut. Il s’agit véritablement d’un problème de sécurité publique dont tous les ordres de gouvernement doivent être conscients et auquel ils doivent s’attaquer. En fait, pas plus tard que la semaine dernière, un message sur les médias sociaux circulait dans nos communautés, exprimant une certaine indignation parce qu’un aîné unilingue parlant inuktitut s’était rendu dans la capitale de notre territoire avec un jeune enfant. À leur arrivée à l’aéroport, quelqu’un l’aîné a appelé son foyer pour demander qu’on vienne le chercher. La personne qui a répondu au téléphone était incapable de parler et de comprendre l’inuktitut. Sans parler de l’attitude de la personne à l’autre bout du fil, l’aîné a dû marcher de l’aéroport à son foyer avec un petit enfant à charge au milieu de l’hiver. Pensez à l’indignité qu’a dû ressentir l’aîné unilingue parlant l’inuktitut qui ne peut pas fonctionner et répondre à ses besoins de base dans sa vie quotidienne parce qu’il ne peut pas parler le français, ou l’anglais, même dans sa propre patrie! Il est essentiel que nous ayons une vision claire de nos aspirations en matière de langue. Quelles sont nos attentes? Qu’est-ce que nous envisageons? Nous devons garder cet objectif en tête, même si nous sommes occupés, parce que nous serons toujours occupés. Absolument tout le reste qui nous occupe tant – les comités, les groupes de travail, les conférences – sont des outils pour réaliser cette aspiration. Nous devons veiller à ce que nos activités contribuent aux éléments constitutifs de notre vision linguistique. Ces éléments de base comprennent les programmes de formation des enseignants, la création de programmes d’études, les ressources et le matériel nécessaires pour soutenir et atteindre nos objectifs. Les modèles de financement sont des outils; ils sont un moyen d’atteindre une fin. Comment allons-nous atteindre nos objectifs? Nous savons que le gouvernement fédéral sait déjà exactement comment assurer efficacement le financement nécessaire en ce qui concerne les langues, puisqu’il le fait pour les langues minoritaires reconnues au niveau fédéral. Nous savons qu’il ne peut pas être fondé sur un projet. Nous savons qu’il doit être complet. Nous savons qu’il doit être durable. Les lois sont des outils. Le 5 février 2019, lorsque le ministre Rodriguez a présenté le projet de loi C-91, je me tenais dans l’espace ouvert en le regardant lors de la conférence de presse. Mon corps bouillonnait. Mon corps bouillonnait parce que je ressentais comme un échec personnel le fait de ne pas avoir été capable d’articuler efficacement non seulement l’aspiration que nous avions en tant qu’Inuits, mais aussi les besoins. Je n’ai pas réussi à aider le gouvernement fédéral à comprendre que les Inuits veulent vivre dignement dans leur propre patrie. La première phrase du supplément spécial du magazine Inuktitut publié en mai 1976 indique : « Inuit Taparisat; la fraternité esquimaude a été lancée en août 1971 pour représenter le peuple inuit dans sa détermination à préserver et à promouvoir la langue et la culture inuit au milieu des changements et des pressions du progrès. » [traduction] Mon corps bouillonnait parce que je savais que le Canada valorisait deux langues coloniales au détriment de l’inuktut, même si l’inuktut est la langue publique majoritaire du Nunavut. Dans le recensement de 2016, les locuteurs de langue maternelle sont recensés. Pour le Nunavut, il y a une rubrique qui dit « Langues officielles »; 11 020 anglais; 595 français. Plus bas, il y a un autre titre qui dit « Langues non officielles » et si vous regardez cette liste, elle comprend 22 600 personnes pour les langues inuites. Mon corps bouillonnait parce que je savais que l’article 10.1 de la Loi sur les langues autochtones stipule : « Toute institution fédérale ou son mandataire peut, conformément aux règlements, donner accès à des services dans telle langue autochtone, si elle ou son mandataire a la capacité de le faire et si la demande visant l’accès à ces services dans cette langue est suffisante. » En comparaison, l’article 22 de la Loi sur les langues officielles du Canada stipule : « Il incombe aux institutions fédérales de veiller à ce que le public puisse communiquer avec leur siège ou leur administration centrale, et en recevoir les services, dans l’une ou l’autre des langues officielles. Cette obligation vaut également pour leurs bureaux – auxquels sont assimilés, pour l’application de la présente partie, tous autres lieux où ces institutions offrent des services – situés soit dans la région de la capitale nationale, soit – et je tiens à le préciser – là où, au Canada comme à l’étranger, l’emploi de cette langue fait l’objet d’une demande importante. » Mon corps bouillonnait parce que je savais que feu le premier ministre Lester B. Pearson a dit en 1966, un an avant la publication du premier volume du rapport de la Commission royale sur le bilinguisme et le biculturalisme, et je cite : « Dans un État fédéral diversifié comme le Canada, il est important que tous les citoyens jouissent d’occasions équitables et égales de participer à l’administration nationale et de pouvoir s’identifier à leur propre capitale nationale, s’y sentant chez eux. » Je me suis demandé pourquoi et comment les Inuits ne se sentent pas chez eux dans leur propre capitale territoriale. Comment se fait-il que les Inuits ne se sentent pas chez eux? Ce qui est vraiment bien dans tout ça, c’est que je suis née en Inuk. Même si je savais que mon corps bouillonnait, malgré mes frustrations sur la voie de la défense, du soutien et du renforcement de l’inuktitut, je trouve un grand réconfort et une grande paix dans le fait de savoir que, même si je ne suis pas en mesure d’apporter des changements positifs et proactifs et de soutenir l’inuktitut au cours de mon existence sur Terre, d’autres Inuits porteront mon nom et défendront les intérêts de l’inuktitut de manière plus efficace, plus audacieuse et plus articulée afin qu’un jour, les Inuits puissent vivre dignement dans leur propre patrie. Mes homonymes verront cela devenir une réalité. Cela me réconforte beaucoup. Cela me rassure énormément. Cela m’apaise quand tout autour de moi devient chaotique et que nous passons notre temps à parler de modèles de financement, de réglementations, de lois et de politiques qui ne vont pas assez loin. Je me rappelle qu’il faut se concentrer sur la grande aspiration linguistique que nous avons et travailler dans le cadre de la conformité actuelle de la loi qui ne va pas encore assez loin. En fait, au fil des ans, en examinant le libellé proposé pour les lois, et même en réfléchissant de manière générale aux modèles de financement potentiels, je me demande parfois : « Est-ce que ce serait acceptable pour les Canadiens français? » Peut-être qu’un jour, en tant qu’Inuits dans nos propres terres, nous pourrons commencer à nous attendre à une démonstration exagérée de soutien à l’inuktitut, similaire à la manière dont les 595 francophones du Nunavut sont soutenus. Plus récemment, le 9 novembre 2020, le gouvernement fédéral s’est engagé à verser 10 769 000 $ pour agrandir l’école française. La ministre Joly a déclaré : « Tous les Canadiens et les Canadiennes ont droit à une éducation de qualité dans leur langue maternelle et leur langue seconde, quelle que soit la communauté dont ils font partie. » La partie non dite de cette déclaration implique pour nous, les Inuits, qu’il en est ainsi uniquement pour les francophones et les anglophones. Peu importe que nous, les Inuits, soyons la majorité publique dans notre patrie et que ces deux langues soient minoritaires. Les Inuits sont des rêveurs pratiques. Rêveurs parce que nous entretenons des rêves linguistiques audacieux. Pratique parce que nous travaillons dur, malgré tous les obstacles qui nous sont imposés, pour continuer à construire notre rêve. Chaque fois que nous prononçons des mots dans notre langue, c’est un acte d’autodétermination. Nous affirmons nos droits à l’autodétermination. [Vœux et merci en Inuktut]. Merci.

JD : Merci beaucoup Aluki, et merci de vous exprimer avec autant d’éloquence et de force. C’était un plaisir d’entendre ce que vous aviez à dire et nous vous en remercions. Nous allons maintenant passer à Marc pour sa présentation. Marc, à vous la parole.

Marc Leclerc (ML) : Ok, bon. Tawnshi. Marcii. Je tiens à remercier les aînés d’avoir présenté leurs histoires cet après-midi. Je tiens à remercier Mary Jane pour sa présentation sur les données. C’était extrêmement fascinant. Et Aluki, qu’est-ce que je pourrais dire d’autre? Vous savez, nous, en tant que Nation métisse, nous soutenons le désir des Inuits de recevoir des services publics en langue inuktitut. Et je ne pense pas que ce combat soit terminé. Nous avons convenu avec l’ITK et l’APN de continuer à chercher des ressources supplémentaires pour soutenir la préservation des langues et nous poursuivrons ce combat avec vous. Bien sûr, nous ne serions pas ici si le premier ministre et la ministre Joly n’avaient pas pris certains engagements en 2015 pour préserver et promouvoir les langues autochtones. Cela a commencé plus exactement par l’engagement électoral libéral 168, et nous en sommes maintenant à avoir accepté de rédiger une nouvelle loi. Nous avons clairement indiqué dès le début que nous ne soutiendrions pas la loi à moins qu’il y ait un programme de financement et nous ayons vu ce à quoi le programme de financement ressemblait dans le Budget de 2019. Je vais juste passer à ma deuxième diapositive. Voici ici la comparaison entre des investissements sans précédent et les fonds qui ont été versés par les gouvernements précédents dans le passé. Bien sûr, ce programme a été lancé il y a cinq ans et nous essayons toujours de nous débarrasser de l’ancien modèle de financement, ce que nous faisons en tenant compte de ces engagements à long terme – en particulier de l’engagement de 115 millions de dollars par an. Nous sommes toujours soumis aux règles et aux directives du Conseil du Trésor. Nous sommes en train de transformer le système et cela prend un peu plus de temps que nous le souhaiterions. Maintenant, selon la loi, ils sont censés inclure les accords et les ententes. Nous allons venir parler de l’entente que nous proposons. Diapositive suivante, s’il vous plaît.

Et l’élément essentiel de cette nouvelle proposition de financement est l’adoption d’une approche fondée sur les distinctions, avec laquelle les Inuits et les Premières Nations sont d’accord. Cela a donc permis d’éliminer quelques bernacles, mais nous devons maintenant avancer avec le gouvernement pour transformer le système et je suis heureux de dire que Charles et Paul, qui ont parlé plus tôt, aident vraiment à faire avancer les choses. Diapositive suivante, s’il vous plaît.

La raison pour laquelle nous ne sommes pas très satisfaits du modèle de financement actuel est que, très franchement, il a échoué pour nous. Nous n’avons reçu qu’environ 2,25 % des ressources en 2018. Il s’est amélioré l’année dernière, mais c’est en partie parce que nous avons mis en place un nouveau comité d’examen qui comprenait des représentants des Métis qui examinaient les propositions. Diapositive suivante, s’il vous plaît. Et la suivante encore.

Nous avons donc entrepris des consultations internes et, sans surprise, nous avons convenu que le modèle actuel devait être remplacé. Cela doit se faire sur une base de nation à nation. Le modèle de financement devrait être fondé sur les distinctions. Il devrait s’agir d’une reconnaissance et nous ne voulions pas nous retrouver dans une situation où nous serions en concurrence avec les Premières Nations et les Inuits. Nous pensons que les fonds devraient être répartis théoriquement entre les trois peuples. Nous avons une population – une population autochtone – dont 25 % de la population autochtone représentait environ 400 000 personnes. Cela fait de nous la plus grande nation autochtone de la quasi Amérique du Nord. Nous sommes répartis sur un très grand territoire. Et donc, lorsque vous essayez de revitaliser la langue, vous parlez d’essayer de faire en sorte qu’au moins une partie des gens – une partie de ces 400 000 personnes – apprennent la langue.

C’est un gros travail et une partie de la difficulté – diapositive suivante, s’il vous plaît – est que la langue est si difficile que nous avons très peu de locuteurs. Ma famille parle la langue, pas moi. Mais mon cousin Normand est le principal enseignant de la langue du GDI et il a créé le dictionnaire. Mais comme nous avons une langue menacée, nous avons besoin d’investissements accrus et nous avons une population importante, et nous avons mis au point un modèle de financement. Notre modèle de financement, qui n’est pas sans rappeler celui de l’ITK, était coûteux, car il n’est pas facile d’effectuer ce travail. Il faut renforcer les capacités. Il faut constituer une liste de locuteurs, ce qui n’est pas très difficile pour l’inuktitut, mais ça l’est pour le michif et d’autres langues autochtones. Mais nous étions d’accord pour dire que ça ne devait pas être basé sur un projet. Le renforcement de ces langues prendra un certain nombre d’années. L’orateur hawaïen nous a dit ce matin qu’ils le font sur une base volontaire depuis quelques décennies. Et cela prend du temps. Diapositive suivante, s’il vous plaît. Ce que nous avions dit sur... diapositive suivante, s’il vous plaît.

Nous essayons de développer des outils pour prendre en charge nos langues depuis des décennies. Et l’Institut Gabriel Dumont en Saskatchewan et l’Institut Louis Riel au Manitoba ont joué un rôle important dans la promotion de nos langues. Nous voulons donc nous appuyer sur certaines des meilleures pratiques qu’ils ont établies. Ils ont créé des programmes d’études. Certaines de nos communautés ont mis en place des programmes d’études, à Pinehouse et dans d’autres endroits. Nous voulons donc nous inspirer de ces nouveaux modèles et apprendre des autres. Diapositive suivante, s’il vous plaît. Merci.

Alors quelle approche la nation métisse veut-elle adopter? En 2017, nous sommes entrés dans une nouvelle ère avec le gouvernement du Canada – en concluant l’Accord Canada-Nation métisse. L’accord est la pierre angulaire de notre relation avec le gouvernement du Canada. Grâce à cet accord dans le cadre du processus bilatéral permanent avec le premier ministre, nous avons développé des investissements sans précédent pour le peuple métis. Ces accords... Je changerais de diapositives encore deux fois. Quelqu’un m’a aidé à préparer ces diapositives et certaines ont été modifiées sans que je le sache. Donc c’est Celeste et Wei. Ainsi, ces accords décennaux sur le logement, l’éducation préscolaire et la garde d’enfants, l’itinérance, l’aide à l’éducation postsecondaire pour nos enfants et le réengagement en faveur de l’emploi et de la formation ont constitué des investissements considérables, représentant quelque 2 milliards de dollars sur une période de dix ans. Cela a vraiment permis de franchir un cap pour la Nation métisse. Il n’y a pas longtemps, la Cour suprême du Canada a déclaré que les Métis sont visés par l’article 91(24) de la Constitution, et ce gouvernement y a prêté attention. Nous avons négocié sur une base de codéveloppement tous ces nouveaux investissements. L’accord linguistique – et cela a conduit à des sous-accords décennaux dans tous les domaines que j’ai mentionnés. Dix ans parce que nous tirons les leçons de ce qui s’est passé à Kelowna, où le premier ministre de l’époque, M. Martin, s’était engagé à verser quelque 5 milliards de dollars, jusqu’à ce que le gouvernement suivant arrive en disant que c’était écrit au dos d’une serviette de table et l’a jeté. Nous avons donc convenu avec le gouvernement du Canada de conclure des accords décennaux juridiquement contraignants afin qu’un changement de gouvernement ne modifie pas le financement dans tous ces domaines. Le processus linguistique ne faisait pas partie de ce processus bilatéral permanent. Il s’agissait d’un domaine à part. Mais nous proposons maintenant un projet, que nous avons déposé devant le gouvernement du Canada, d’un accord décennal sur les langues afin de pouvoir engager l’argent. Nous savons qu’il y a des problèmes de transition avec la présentation au Conseil du Trésor et lorsque le Cabinet l’examinera à nouveau – mais nous espérons que dans le cadre du processus bilatéral permanent, nous pourrons signer des accords décennaux sur les langues afin de pouvoir nous mettre au travail pour faire les choses que nous devons faire. Maintenant, Mathieu, j’ai réussi à terminer en dix minutes. Je sais qu’on a un peu de retard sur l’horaire – ou Mathieu et Julie. Je reviens donc à la charge pour vous dire à quel point nous sommes reconnaissants, Monsieur le Secrétaire parlementaire, pour le leadership dont votre gouvernement a fait preuve. Je sais que nous avons encore beaucoup à faire et que, dans les domaines linguistiques, nous devrons vérifier si les fonds sont suffisants à long terme. Nous devons soutenir nos frères autochtones dans l’Arctique, et nous pensons que des services publics en inuktitut pour les Inuits sont une nécessité. Je vais donc m’arrêter là et vous remercier d’avoir pris le temps de m’écouter.

JD : Merveilleux. Merci beaucoup pour cela et merci d’avoir souligné l’importance du financement fiable à long terme dans ce contexte. J’apprécie beaucoup. Nous allons maintenant passer aux questions. Alors, mesdames et messieurs les panélistes, je vais vous poser des questions. Peut-être que si vous voulez indiquer lequel d’entre vous veut intervenir le plus, sinon je vous nommerai. La première question était donc la suivante : « Mary Jane peut-elle aborder les principaux problèmes liés aux données de recensement et expliquer comment les données ne sont souvent pas fiables en raison du manque de participation des communautés autochtones au recensement? » Pour cette question, Mary Jane, pourriez-vous s’il vous plaît intervenir à ce sujet. Je dois... elle demande un moment. Ce sont les joies de la technologie lorsqu’elle cesse de fonctionner... Si vous préférez, je peux aussi passer à une question suivante. Mary Jane, êtes-vous prête à intervenir? Parfait.

MJN : Il y a différents aspects, mais je pense que si nous parlons de dénombrement incomplet, je pense – et c’est juste de manière très générale – que cela a été moins problématique. C’est toujours présent. Par exemple, il est plus prononcé d’un recensement à l’autre. Cet aspect est – lorsque nous l’examinons dans le temps, nous en tenons compte. Mais je pense que dans l’ensemble, nous sommes toujours capables de travailler assez bien avec les données. Ce serait mon sentiment général. Aucune donnée n’est parfaite et je pense que nous avons beaucoup de chance avec les données que nous avons. Cela nous permet effectivement d’aller à l’échelle communautaire et oui, il y a certaines communautés pour lesquelles nous n’avons pas de données, mais tout ce que je peux dire, c’est que si vous regardez au fil du temps et c’est ce qu’il faut faire – vous tenez compte du fait que certaines langues ne seront pas aussi bien consignées, néanmoins je pense que c’est – quand je regarde d’autres pays, par exemple, nous sommes vraiment – nous sommes très chanceux dans le type de données linguistiques que nous avons et dans le fait que nous pouvons en tirer tellement sur les langues secondes. La question ne porte pas directement sur les locuteurs d’une langue seconde, mais on peut en déduire l’information en comparant les locuteurs et les personnes qui l’utilisent comme langue maternelle. Ça brosse un bon portrait et je reconnais, bien sûr, que j’ai beaucoup travaillé avec ces données, mais je dirais simplement qu’elles nous disent beaucoup de choses et je le reconnais, mais je dirais que ce n’est pas aussi – l’ENM 2011 était plus compliquée, néanmoins, dans l’ensemble, je dirais que c’est une source de données précieuse.

JD : Très bien, merci pour cette réponse. Je crois que nous avons le temps pour une dernière question. C’est peut-être ma chance de mettre Aluki et Marc sur la sellette maintenant que Mary Jane a répondu à une question. Il était intéressant d’entendre vos présentations lorsque nous parlions de la flexibilité du financement et, étant donné qu’une grande variété d’approches seront adoptées d’une langue à l’autre et d’une communauté à l’autre, étant donné cette diversité de besoins, quels types de critères devraient être pris en considération dans l’allocation des fonds? Je pense que vous avez tous les deux abordé un peu ce sujet, mais peut-être que si vous voulez approfondir la question des critères, vous pouvez le faire. Je ne peux pas voir Marc sur mon écran, alors peut-être que je peux passer la parole à Aluki d’abord.

AK : En ce qui concerne les critères de financement, je pense que la meilleure approche que le gouvernement fédéral puisse adopter pour s’assurer que l’inuktitut continue de prospérer est de s’inspirer du modèle qu’il a utilisé pour soutenir les langues officielles minoritaires du Canada. J’ai fait remarquer que les 595 francophones du Nunavut ont récemment reçu plus de 10 millions de dollars pour l’école française, qui est financée par le gouvernement fédéral sur notre territoire, même si la majorité de la population parle l’inuktitut à la maison et que le système scolaire, en grande majorité, est en anglais. Ainsi, le critère dans le contexte du Nunavut est que l’inuktitut doit être soutenu dans tous les aspects de notre vie. On ne peut pas se baser uniquement sur le fait que l’institution fédérale a ou non la capacité, de la même manière que les francophones s’attendent à ce que, s’il y a une demande, l’institution fédérale se mobilise et obtienne la capacité. En tant qu’Inuits, nous nous attendons à la même chose dans nos propres terres, à savoir pouvoir bénéficier des services publics essentiels en inuktitut. Les critères sont donc multiples et je pense qu’en fin de compte, c’est sur l’objectif qu’il faut se concentrer et qu’il ne faut pas se contenter de cocher des cases et de voir si l’on répond à un critère. C’est sur le résultat qu’il faut se concentrer.

JD : Merci de vos précisions. Peut-être... Marc, aviez-vous quelque chose à ajouter sur les critères relativement à l’élaboration de modèles de financement flexibles pour les différentes communautés?

ML : Comme je l’ai indiqué, nous aimerions passer à une allocation fondée sur les distinctions. Pour la communauté métisse elle-même, en se basant sur les meilleures pratiques et en s’en inspirant, qu’il s’agisse d’Hawaï ou des Maoris, c’est vraiment à la communauté de déterminer quelles sont les meilleures pratiques. Je ne vais pas dire aux Inuits comment préserver leur langue. Ils peuvent avoir quelque chose qui fonctionne pour eux, mais pas pour nous. Mais la clé est de s’éloigner des propositions – remplir toutes les cases. Cela n’a jamais fonctionné dans les temps. Nous voulons donc une approche durable à long terme et nous pensons que l’ajout du commissaire nous aide à déterminer quelles devraient être les pratiques. Donc, à l’avenir, il y a un engagement financier important pour le bureau du commissaire. Nous pensons qu’il s’agit d’une approche institutionnelle à long terme qui peut nous aider tous, mais nous ne voulons pas que ce soit eux qui donnent les fonds ou approuvent le financement. Je pense – nous sommes la Nation métisse – nous avons de très bons professionnels, nous avons beaucoup d’éducateurs. Nous laissons aux experts le soin de déterminer les critères d’admissibilité, mais ils devront se baser sur des distinctions.

JD : Merci. Je tiens à remercier nos trois panélistes parce que c’était vraiment intéressant et passionnant et j’ai vraiment beaucoup aimé entendre vos points de vue. Je suis sûr que c’est le cas de nos auditeurs aussi. Je vous remercie donc pour cela et pour tout le travail que vous avez accompli sur cette question de la préservation, de la revitalisation et du soutien des langues autochtones. Je veux remercier quelques autres personnes parce qu’elles travaillent dans l’ombre, mais nous avons une l’équipe technique qui fait un travail incroyable en arrière-plan pour que nous puissions être entendus et elle est sur le point de nous retirer tous de l’écran. Mais je tenais à leur dire merci avant de passer la parole à Mathieu. Alors Mathieu, à toi la parole.

Mathieu : Merci, Monsieur le Secrétaire parlementaire. Merci beaucoup aux panélistes d’avoir présenté leur point de vue. Je suis sûr que les participants ont pris des tonnes de notes sur tout ce qui a été dit.

[fin de la transcription]

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