On décrit Zita Cobb comme une cadre multimillionnaire du secteur de la technologie, qui s’est convertie en entrepreneure sociale, en mécène et en aubergiste. On célèbre le travail de cette femme originaire de l’île Fogo, qui a conduit à l’ouverture de la Fogo Island Inn, et le rôle qu’elle a joué pour stimuler l’économie de la petite île côtière.
On l’a présentée dans des publications nationales et internationales, intronisée au Newfoundland and Labrador Business Hall of Fame, et décorée de l’Ordre du Canada.
Mais il faut remonter beaucoup plus loin, bien avant que l’île Fogo devienne une destination touristique prisée, pour trouver le lien entre Zita Cobb et sa collectivité, et le fondement de sa réussite.
Selon Zita Cobb, sa jeunesse à l’île Fogo, à Terre-Neuve-et-Labrador l’a initiée à l’entrepreneuriat et au monde des affaires. La petite île (où vivent 2 244 personnes) abritait des pêcheurs qui travaillaient fort (dont son père) et leurs familles.
« Pouvez-vous vous imaginer sortir dans l’Atlantique Nord avec un petit bateau de bois, et mettre un hameçon à l’eau pour attraper un poisson et faire vivre votre famille?, demande Mme Cobb. Il fallait connaître les risques. Il fallait décider soi-même s’il convenait de sortir en mer, si oui, avec quel équipement, ou rester à la maison. Il n’y a rien de plus entrepreneurial que ces décisions-là. »
Étant la seule fille d’une famille de sept enfants, Zita a appris des leçons précieuses qui allaient la guider toute sa vie.
« J’ai grandi dans une toute petite maison remplie de garçons. Et j’ai appris que de naviguer au milieu de toute cette testostérone faisait partie de la vie d’une enfant qui grandit. J’ai compris comment travailler avec eux bien avant d’entreprendre ma carrière. »
Mais c’est le père de Zita (l’homme le plus intelligent qu’elle a connu, dit-elle), qui lui a inculqué le conseil clé qui l’a orientée pendant toute sa carrière. « Ce que les gens pensent ou sentent n’a d’importance que si cela a une incidence sur ce que nous faisons, disait-il. Ce qui compte, c’est ce que nous faisons. »
« L’entrepreneuriat n’est pas une question d’argent, affirme Mme Cobb. Il y a beaucoup de confusion à cet égard. L’entrepreneuriat, c’est une affaire d’action. Un entrepreneur est tout simplement une personne qui a une vision de ce que les choses pourraient être et qui s’engage à la concrétiser, même si elle n’a pas le contrôle sur toutes les ressources nécessaires. »
L’enfance de Zita Cobb l’a aussi marquée d’une autre façon. Elle a attrapé la tuberculose quand elle avait cinq ans et a passé un an dans un sanatorium, une expérience difficile et déterminante.
« On m’a laissée à la porte de cet immense établissement. J’avais cinq ans. C’était comme dans L’Île oubliée, car il n’y avait pas assez de personnel pour surveiller tous les enfants. J’ai donc dû apprendre sur le tas comment me tailler une place. »
Mme Cobb affirme que cet apprentissage précoce de l’indépendance l’a amenée à quitter l’île en 1975 pour étudier en administration des affaires à l’Université Carleton, à Ottawa.
Après avoir obtenu son diplôme, Zita est partie en voyage avec une autre personne dans le but de visiter l’Amérique du Nord. Malheureusement, leur vieille fourgonnette a rendu l’âme dans l’Ouest du Canada. Zita a donc trouvé un emploi et a commencé sa carrière en affaires. Dotée d’un amour du savoir, en travaillant fort, et en étant prête à faire à peu près tout sauf inventer les produits, elle a fini par devenir directrice des finances chez JDS Fitel, une entreprise de haute technologie, puis vice-présidente principale, Stratégie, chez le fabricant de fibre optique JDS Uniphase.
En 2001, à 42 ans, Mme Cobb a mis fin à cette carrière et a commencé à réfléchir à la façon dont elle pourrait aider l’île Fogo, aux prises avec des difficultés à la suite de l’effondrement de la pêche à la morue.
« Si une chose définit ma façon de voir le monde, c’est la collectivité, explique Zita. L’unité organisationnelle de base d’une vie humaine digne est une collectivité. Dans une collectivité saine, nous trouvons tout ce dont nous avons besoin pour subvenir à nos besoins. Et la base d’une collectivité saine, c’est une économie, et les gens de la collectivité ont besoin d’une agence pour orienter l’activité économique. »
Cette philosophie a conduit Zita et ses frères, Alan et Anthony, à lancer la Shorefast Foundation en 2004. Depuis lors, ils ont développé plusieurs entreprises différentes axées sur l’importance du lieu. L’organisation a créé des débouchés pour, entre autres, l’apprentissage universitaire, le géotourisme, le microfinancement, la construction navale et la création artistique. L’entreprise phare est l’auberge Fogo Island Inn, dont le développement fut un moteur économique et culturel pour la collectivité.
« Je veux aider les gens à comprendre que les affaires sont un outil qui nous appartient à tous, et qu’il n’est pas si compliqué de s’en servir, explique Zita Cobb. Nous avons eu l’idée de lancer sur l’île des entreprises qui étaient logiques compte tenu des atouts propres au lieu, des entreprises qui soutiendraient le patrimoine culturel de l’île. »
La Shorefast Foundation expose les jeunes au monde des affaires. Et Mme Cobb leur donne toujours le même conseil.
« Vous pouvez faire ce que vous voulez, et vous devez vous rappeler que personne n’envoie d’invitation. Il ne s’agit pas de faire la file. Il faut simplement commencer. Une fois que vous avez commencé, n’arrêtez jamais, et n’arrêtez pas de commencer. »