Un examen des pénuries de compétences et de main-d’oeuvre au Canada atlantique

Il est prévu que le taux de croissance économique du Canada atlantique sera d’environ 0,8 % de 2019 à 2040[1]. Ce taux est inférieur de un pour cent au taux de croissance économique national de 1,8 %. Il est inférieur à la moyenne nationale parce que le vieillissement de la population de la région s’est répercuté sur ses perspectives économiques à long terme.

À l’heure actuelle, la région produit des biens au niveau le plus élevé possible compte tenu de la capacité des usines existantes et des travailleurs disponibles. Pour faire croître son économie, la région de l’Atlantique nécessitera des investissements dans l’infrastructure des usines et le développement des compétences ainsi qu’une main-d’œuvre supplémentaire.

La population active du Canada atlantique a diminué au cours des dernières années

À mesure que la population du Canada atlantique vieillit et que les baby-boomers prennent leur retraite, la main-d’œuvre de la région diminue. Entre 2012 et 2018, la population active de la région de l’Atlantique a diminué de 31 000 personnes (ou 2,4 %), tandis que le reste du Canada a connu une augmentation régulière. Il est prévu2 qu’au cours de la prochaine décennie, 229 000 autres personnes pourraient prendre leur retraite.

Les jeunes travailleurs déménagent

Un autre facteur qui contribue au vieillissement et à la contraction de la main-d’œuvre du Canada atlantique est le fait que les travailleurs les plus jeunes déménagent dans d’autres provinces. En fait, la région a subi des pertes nettes au profit des autres provinces presque chaque année au cours de la dernière décennie. C’est Terre-Neuve-et-Labrador qui a connu les pertes les plus importantes depuis 2012[2] .

Le taux de chômage diminue, mais pas partout

Bien que le taux de chômage soit tombé à son plus bas niveau depuis 1976, la région présente toujours des taux supérieurs à la moyenne nationale. En 2018, le taux de chômage variait de 7,5 % en Nouvelle-Écosse à 13,8 % à Terre-Neuve-et-Labrador, comparativement à 5,8 % à l’échelle nationale. Ceci peut être attribué en partie à l’écart important entre les taux de chômage des régions rurales et ceux des régions urbaines.

Le taux de chômage dans les régions métropolitaines comme Halifax, Moncton et Saint John est comparable à celui des autres villes de l’est du Canada, comme Toronto et Montréal. En fait, St. John’s est la seule région métropolitaine où le taux de chômage est nettement plus élevé (probablement en raison du ralentissement de la construction associée au secteur pétrolier et gazier).

En 2018, le taux de chômage dans les régions urbaines du Canada atlantique était en moyenne de 7,5 %, soit 1,7 % de plus que la moyenne nationale seulement. Bien que le taux de chômage dans les régions rurales soit supérieur à 10 %, ce taux plus élevé est la conséquence des différences marquées entre les régions rurales, en particulier dans une poignée de collectivités où le taux de chômage est exceptionnellement élevé. Cela s’explique principalement par le fait que quatre des cinq régions du Canada qui ont le taux d’emplois temporaires le plus élevé par rapport au nombre total d’emplois se trouvent au Canada atlantique.

Une étude récente[3] a révélé que, chez les travailleurs âgés de 25 à 54 ans (les travailleurs dans la force de l’âge), la différence de taux d’emploi entre les provinces diminue, sauf à Terre-Neuve-et-Labrador.

L’étude a également porté sur la relation entre le taux d’emploi et la croissance de la population et a mis en évidence une forte corrélation qui indique que les personnes déménagent pour trouver des possibilités d’emploi.

Y a-t-il des emplois disponibles?

L’examen des emplois disponibles peut nous permettre de déterminer nos besoins du marché du travail. Il existe généralement un écart entre le taux de chômage et le taux de postes vacants : plus le taux de chômage est élevé, plus il est facile de pourvoir les postes (pourvu que les compétences requises soient disponibles), ce qui réduit le taux de postes vacants.

Comparativement au reste du Canada, toutes les provinces de l’Atlantique présentent des écarts plus élevés entre leurs taux de postes vacants et leurs taux de chômage. C’est à Terre-Neuve-et-Labrador que l’écart est le plus élevé.

Cependant, une analyse récente du Conseil économique des provinces de l’Atlantique a révélé que les taux de postes vacants ont augmenté partout au Canada au cours des deux dernières années et que les augmentations ont été particulièrement élevées dans les trois provinces des Maritimes (comparativement à Terre-Neuve-et-Labrador). Plus de la moitié des postes vacantes nécessitent moins de deux ans d’expérience, près de la moitié des postes vacants se trouvent dans les secteurs de la vente et des services, des métiers de la construction ou des transports, et les taux de postes vacants les plus élevés sont ceux des emplois liés aux soins de santé.

Un examen plus approfondi du rapport entre le taux chômage et le taux de postes vacants peut nous permettre de mieux comprendre l’offre et de la demande de main-d’œuvre. Un marché du travail restreint est un marché où il y a peu de chômeurs disponibles pour chaque poste vacant, tandis que dans un marché du travailà capacité excédentaire, il y a beaucoup de chômeurs et trop peu de postes vacants.

Ce rapport varie considérablement d’une région à l’autre au sein des provinces de l’Atlantique. Dans les régions où se trouvent les plus grandes villes, ce rapport est plus petit qu’ailleurs, ce qui signifie que le marché est plusrestreint. La presqu’île Avalon constitue une exception, car elle comprend St. John’s qui connaît à l’heure actuelle un ralentissement économique et des pertes d’emplois.

Les régions où les rapports sont les plus élevés (c’est-à-dire où les marchés ont plus de capacité excédentaire) ont certaines des populations les plus âgées du Canada atlantique – une partie importante de leur population a plus de 55 ans. De plus, dans les régions où le taux de chômage est le plus élevé, les emplois sont plus susceptibles qu’ailleurs d’être temporaires. En fait, la plupart des régions où les marchés ont le plus de capacité excédentaire présentent également les taux les plus élevés d’emplois temporaires / saisonniers au Canada.

Ces rapports varient également selon les professions. Par exemple, le rapport est très faible dans les professions de la santé ainsi que dans la vente et les services alors qu’il reste élevé dans certaines professions productrices de biens.

Quelles sont les compétences requises?

Selon les prévisions récentes[4] qui couvrent la période de 2018 à 2020, 92 % des emplois qui deviendront disponibles seront liés aux départs à la retraite et aux décès, tandis que 8 % résulteront de la croissance de l’emploi. Ces chiffres varient d’une province à l’autre.

De 2018 à 2020, un total de 84 725 travailleurs sera nécessaire au Canada atlantique dans les cinq catégories suivantes : :

Les travailleurs techniques sont les plus recherchés, en raison à la fois de l’attrition et de la croissance des activités liées à la construction et à la réparation / l’entretien. Ces emplois comprennent les électriciens industriels, les électromécaniciens, les entrepreneurs et les superviseurs, les conducteurs d’équipement lourd et les mécaniciens.

Bien que le besoin de travailleurs soit en baisse dans le secteur de la gestion, cette catégorie sera la plus touchée par les départs à la retraite. Beaucoup de ces postes seront pourvus par des travailleurs des catégories technique et professionnelle, y compris des superviseurs et des chefs d’équipe, ce qui augmentera les besoins dans ces catégories au-delà des chiffres fournis par ces prévisions.

Certaines tendances ont été observées dans toutes les provinces de l’Atlantique :

Ce sont là les tendances générales, mais certaines possibilités varient d’une province à l’autre :

Île-du-Prince-Édouard (8 070 emplois offerts)
Le plus grand nombre d’emplois offerts à l’Île-du-Prince-Édouard devrait l’être dans les professions techniques (2 640 emplois) et intermédiaires (2 305 emplois). Les secteurs de la construction et de la vente au détail seront à l’origine d’une grande partie de ce besoin.

Par exemple, les investissements dans les projets de la construction devraient rester importants au cours de la période visée par les prévisions, ce qui favorisera la création d’emplois dans ce secteur (notamment pour les chauffeurs de camion, les conducteurs d’équipement lourd et les charpentiers).

Une croissance de l’emploi est également prévue dans les professions des services alimentaires et de la vente au détail en raison du taux élevé de renouvellement du personnel et de l’attrition. De bonnes perspectives économiques, associées à une croissance démographique continue, devraient créer davantage d’emplois pour les préposés à la vente au détail et les superviseurs, les cuisiniers et les serveurs au comptoir de service alimentaire.

Nouvelle-Écosse (34 615 emplois offerts)
En Nouvelle-Écosse, c’est dans les professions techniques (11 660 emplois) et professionnelles (8 990 emplois) qu’il devrait y avoir le plus grand nombre de postes vacants.

Les professions techniques qui présentent de bonnes perspectives d’emploi comprennent les superviseurs de la vente au détail, les cuisiniers, les éducateurs de la petite enfance et leurs assistants, les techniciens comptables, les infirmiers auxiliaires autorisés et les techniciens de soutien aux utilisateurs.

Les professions libérales qui présentent de bonnes perspectives d’emploi comprennent les infirmiers autorisés, les médecins, les vérificateurs financiers et les programmeurs.

Des gestionnaires seront nécessaires dans les domaines de la santé et des finances, de l’informatique, des systèmes d’information et de l’ingénierie.

Certaines des catégories professionnelles les plus petites, telles que celles qui sont liées aux océans et aux technologies de l’information et des communications (TIC), connaîtront l’une des plus fortes croissances de l’emploi.

Nouveau-Brunswick (28 795 emplois offerts)
Au Nouveau-Brunswick, un nombre croissant d’emplois offerts exigent des compétences poussées : il y a 9 615 emplois offerts dans les professions techniques et 5 310 dans les professions libérales.

Il devrait y avoir environ 1 125 emplois offerts pour les infirmiers autorisés, les infirmiers psychiatriques, les aides-infirmiers, les préposés aux patients et les associés au service de soins aux patients.

L’attrition sera le principal facteur à l’origine des 5 000 offres d’emploi prévues pour les professions de la gestion, notamment les directeurs financiers, les directeurs des ressources humaines et les directeurs des achats.

La croissance de l’emploi créera près du tiers des 1 720 offres d’emploi prévues dans les domaines des sciences naturelles et appliquées, y compris des emplois en génie civil et mécanique, en conception de sites Web et en analyse informatique.

Terre-Neuve-et-Labrador (13 245 emplois offerts)
Dans l’ensemble, Terre-Neuve-et-Labrador prévoit une baisse de l’emploi de 1,2 % au cours de la période visée par les prévisions.

C’est dans les professions techniques qu’il y aura le plus grand nombre d’emplois offerts (4 155 postes), suivies par les professions de la gestion, intermédiaires et libérales qui offriront un total de 8 150 emplois.

Ces possibilités sont créées par les besoins dans les domaines des soins de santé, des services sociaux et du counseling, ainsi que des améliorations prévues dans le secteur pétrolier et gazier et une croissance des activités minières.

Les activités liées à la construction devraient ralentir, mais les emplois liés au transport, à la réparation et à l’entretien présentent de meilleures perspectives.
À long terme, plusieurs grands projets d’aquaculture de la province créeront un nombre important de possibilités d’emploi.

Y a-t-il des obstacles qui empêchent les gens de travailler?

Pour répondre aux besoins de main-d’œuvre dans la région de l’Atlantique, il faut entre autres éliminer les obstacles qui maintiennent la sous-représentation de certains groupes.

À l’heure actuelle, 57,8 % des femmes du Canada atlantique font partie de la population active, comparativement à 61,3 % à l’échelle nationale.

Les analystes ont noté que les taux d’emploi des femmes âgées de 25 à 54 ans au Québec s’étaient améliorés considérablement entre les années 1980 et 2018, probablement en raison du caractère proactif des politiques relatives aux services de garderie.

De plus, en 2016, 18,4 % des Autochtones du Canada atlantique étaient sans travail alors que la moyenne nationale était de 15,2 %.

Les immigrants peuvent jouer un rôle clé dans la satisfaction des besoins de main-d’œuvre et contribuent aussi à l’économie de différentes manières, notamment en faisant progresser les connaissances et en développant l’innovation. On attribue aux immigrants un accroissement de la diversité des idées et des partenariats avec des entreprises internationales, en particulier dans le secteur des TIC et d’autres secteurs axés sur les technologies.

L’Ontario, la province la plus performante du Canada dans le secteur des TIC, emploie une main d’œuvre composée à 57 % d’immigrants, comparativement à 37 % à l’échelle nationale. Le Canada atlantique, cependant, a une population active dans le secteur des TIC dont moins de 1 % est représentée par des immigrants. Des compétences liées aux TIC sont nécessaires pour renforcer les industries technologiques de la région, telles que la cybersécurité, la technologie océanique, l’aérospatiale et la défense. En outre, ces compétences sont nécessaires pour des secteurs plus traditionnels tandis qu’ils s’adaptent pour demeurer compétitifs dans un monde de plus en plus numérique.

Un autre avantage de l’introduction des immigrants dans la population active est l’amélioration des relations commerciales avec leurs pays d’origine. Une augmentation de 1 % du nombre d’immigrants au Canada augmenterait la valeur des importations de 0,21 % et la valeur des exportations de 0,11 %[5] .

Des programmes tels que le Volet des talents mondiaux et le Programme pilote d’immigration au Canada atlantique (PPICA) de la Stratégie de croissance pour l’Atlantique (SCA) contribuent à répondre aux besoins en main-d’œuvre qualifiée de la région. La SCA met également à l’essai un programme visant à jumeler les diplômés étrangers avec des employeurs et des offres d’emploi dans la région.

Comment le chômage et les postes vacants peuvent-ils coexister?

Un article récent de la CBC[6] a mis en garde contre le fait que les chiffres nationaux globaux peuvent masquer les différences sur le marché du travail qui prévalent en fonction de la situation géographique ou de l’âge.

L’article soulignait que :

Pourquoi certaines personnes ne cherchent-elles pas de travail?

Les deux principales raisons relevées dans les provinces des Maritimes étaient « une maladie ou une invalidité du travailleur » (23 %) et « les études » (19 %).

À Terre-Neuve-et-Labrador, toutefois, la réponse la plus fréquente était « ne croit pas qu’il y ait d’emplois disponibles (dans la région ou adaptés aux compétences du répondant) » (21 %), suivie de « est aux études » (19 %). [7]

Ces personnes ne font pas partie de la population active régionale et ne sont pas incluses dans le taux de chômage du Canada atlantique.

Chômage dans les industries saisonnières

La saisonnalité de l’emploi fait référence au degré d’augmentation et de diminution de l’emploi tout au long de l’année attribuable aux influences saisonnières (p. ex. le climat et les facteurs institutionnels).

Au cours des vingt dernières années, les fluctuations saisonnières de l’économie ont diminué à l’échelle nationale. Cela est attribuable à un certain nombre de facteurs, notamment le fait que l’économie devient de plus en plus axée sur les services (et crée ainsi plus de possibilités d’emploi tout au long de l’année) et les progrès technologiques qui permettent de faire toute l’année un travail qui était autrefois saisonnier (comme la construction en hiver).

Malgré une tendance à la baisse qui entraîne des déclins importants, les taux saisonniers au Canada atlantique demeurent bien au-dessus de la moyenne. Les données récentes portent également à croire que la tendance à la baisse a peut-être pris fin avec une légère augmentation de la saisonnalité dans chaque province entre 2012 et 2015.

L’Île-du-Prince-Édouard est la province où le taux de saisonnalité est le plus élevé au Canada, suivie de Terre-Neuve-et-Labrador, du Nouveau-Brunswick et de la Nouvelle-Écosse.

Salaires

Il peut y avoir une relation entre la croissance des salaires et le marché du travail. Sur un marché du travail restreint, les employeurs peuvent avoir de la difficulté à trouver des travailleurs pour pourvoir les postes, ce qui entraîne une hausse des salaires.

Au Canada atlantique, le salaire hebdomadaire moyen reste inférieur au niveau national. Cependant, entre 2007 et 2017, le salaire hebdomadaire moyen dans le secteur privé a augmenté à un rythme plus rapide (2,5 %) au Canada atlantique qu’en moyenne à l’échelle nationale (2,1 %), ce qui a réduit l’écart à 90 % du salaire hebdomadaire moyen national.

Cependant, dans l’ensemble, les salaires moyens par province peuvent masquer des différences géographiques importantes. Par exemple, la croissance entre 2007 et 2017 a été largement attribuable à de fortes augmentations à Terre-Neuve-et-Labrador (en particulier dans le secteur de la construction et de la transformation des fruits de mer). En comparaison, les trois provinces des Maritimes ont connu une croissance du salaire hebdomadaire comparable à la moyenne nationale.

Amener les travailleurs au travail et le travail aux travailleurs

Au cours des vingt dernières années, de plus en plus de jeunes ont déménagé à la recherche de possibilités économiques et préfèrent se tourner vers des débouchés dans leur province d’origine, ou voyager pour se rendre au travail ou faire du télétravail.

Dans certains cas, les entreprises apportent le travail à la main-d’œuvre. Par exemple, un centre financier situé à Dieppe, au Nouveau-Brunswick, a annoncé 440 emplois hautement spécialisés en comptabilité, dans le domaine des finances et dans d’autres domaines, pour un salaire annuel moyen de 65 000 $, en plus de 575 emplois à temps plein dans son centre d’appels.

De même, certaines entreprises du Canada atlantique doivent établir des bureaux satellites dans d’autres endroits pour avoir accès à une main-d’œuvre qualifiée.

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[1]Conference Board du Canada, Provincial outlook Long-term Economic Forecast, 2019.

[2]Conseil économique des provinces de l’Atlantique, bulletin de janvier 2019. Atlantic Canada’s Shrinking Labour Force.

[3]Amirault, D. et Rai, N., Banque du Canada. Canadian Labour market Dispersion: Minding the (Shrinking) Gap.

[4]Ces prévisions relatives aux professions sont publiées par EDSC / Service Canada et reposent sur un modèle de projection appelé modèle des perspectives régionales des professions pour le Canada (PRPC) qui prend en compte des facteurs tels que l’attrition et l’activité prévue de l’industrie.

[5]Immigrants as Innovators (Conference Board du Canada, 2010).

[6]If there’s a labour shortage, how come some people are still out of work? Article de CBC, Brandie Weikle – CBC News. Publié le 18 février 2019 à 4 h, HNE. https://www.cbc.ca/news/business/labour-market-explainer-1.5019331

[7]Statistique Canada. Raison pour ne pas chercher d’emploi par province et région économique, 2018.

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