Quelles sont les répercussions sur les entreprises?
Selon l’Enquête sur les problèmes de gestion menée par Manufacturiers et Exportateurs du Canada en 2018, la disponibilité de la main-d’œuvre qualifiée est l’un des problèmes les plus critiques auxquels sont confrontées les entreprises du Canada atlantique : 48 % d’entre elles sont confrontées à une pénurie immédiate et 62 % devraient être confrontées à une pénurie au cours des cinq prochaines années.
Dans une étude sur la pénurie de main d’œuvre menée en 2018 par la Banque de développement du Canada, 50 % des entreprises du Canada atlantique ont mentionné avoir eu de la difficulté à embaucher des employés au cours de la dernière année (plus haut pourcentage au pays). De même, 40 % des répondant à l’enquête de MEC ont indiqué que ce problème constitue le défi le plus pressant auquel leur entreprise est confrontée aujourd’hui. La pénurie de main d’œuvre a également été mentionnée par le plus grand nombre de répondants du Canada atlantique (49 %) comme étant le facteur le plus important pour décider où construire de nouvelles usines et de nouvelles installations.
Selon les entreprises interrogées, la disponibilité des travailleurs qualifiés a une incidence sur leur capacité à lancer de nouveaux produits et services et son manque constitue un obstacle important à l’investissement dans les technologies de fabrication de pointe.
Que disent les entreprises?
Un certain nombre d’entreprises et d’associations sectorielles du Canada Atlantique ont exprimé leurs préoccupations concernant le manque de main-d’œuvre et de compétences dans la région de l’Atlantique au personnel de l’APECA lors de de leur collaboration régulière avec l’Agence.
Ces groupes et compagnies ont mentionné un certain nombre de pénuries dans la région, mais ces commentaires ne comprennent toutefois pas ceux des secteurs qui ne sont pas admissibles en vertu des programmes de l’APECA, tels que les banques, le commerce de détail et certains secteurs des services.
Ces entreprises et associations ont principalement souligné le besoin de disposer de plus de :
- Travailleurs dans tous les secteurs manufacturiers, y compris la transformation des fruits de mer.
- Travailleurs dans l’ensemble du secteur du tourisme, tels que les travailleurs des services alimentaires et de l’hébergement et les chefs. Ceci est particulièrement important pour l’Île-du-Prince-Édouard et le Cap-Breton, où le tourisme est essentiel à l’économie régionale.
- Ingénieurs qualifiés et spécialistes techniques qui possèdent des compétences et une expérience pratiques en résolution de problèmes. Dans certains cas, ces compétences sont nécessaires pour soutenir l’intégration de la technologie dans les entreprises de fabrication.
- Travailleurs qui possèdent des compétences numériques, telles que la programmation pour les secteurs de la technologique tels que les TIC, l’aérospatiale et la défense, la cybersécurité et les technologies océaniques. Ces compétences peuvent également fournir un soutien à des technologies de fabrication avancées et à la numérisation des opérations.
Les sections qui suivent fournissent des exemples concrets des défis auxquels sont confrontées les entreprises du Canada atlantique.
Transformation des aliments et des produits de la mer
Bien que de nombreuses entreprises saisonnières de la région de l’Atlantique intègrent de plus en plus la technologie et automatisent leurs opérations afin de maintenir leur compétitivité et de remédier aux pénuries de main-d’œuvre, un certain nombre d’entre elles expriment encore un besoin de main d’œuvre peu spécialisée. En fait, de nombreuses entreprises rurales de transformation des aliments limitent leurs activités de production et leur croissance en raison du manque de travailleurs disponibles.
Selon un rapport récent de Food Processing Skills Canada[9], 62 % des répondants au sondage ne postuleraient pas des emplois dans la transformation des fruits de mer. Ce résultat est probablement attribuable à des facteurs tels que l’emplacement géographique, les exigences matérielles du travail, l’insuffisance des salaires, le besoin de limiter le nombre des heures de travail pour satisfaire aux exigences de l’assurance-emploi et la hausse des niveaux de scolarité.
Le rapport a également révélé que les travailleurs étrangers ne représentaient que 8,7 % de la main d’œuvre dans l’industrie de la transformation des fruits de mer du Canada atlantique, contre 62,8 % aux États-Unis.
Malgré ces défis, ce secteur reste vital pour la région et représente 15 670 employés (ou 55 % des emplois dans la fabrication de produits alimentaires), 550 entreprises et un marché d’exportation évalué à plus de 3,9 milliards de dollars.
Voici quelques-unes des incidences qui ont été signalées par des entreprises actives dans ce secteur :
- Les entreprises de homard de la Nouvelle-Écosse limitent parfois leurs produits au homard vivant, qui n’a pas besoin de transformation.
- Une entreprise de fruits de mer située en Nouvelle-Écosse continue à utiliser le Programme des travailleurs étrangers temporaires (PTET) pour compléter son effectif régulier, mais a eu du mal à répondre à ses besoins en main d’œuvre. En conséquence, la société a interrompu le développement et la diversification de ses produits.
- Une entreprise de homard située en Nouvelle-Écosse utilise également le PTET et un programme de recrutement et de rétention robuste qui comprend des services de soutien tels que le transport par autobus des employés jusqu’aux lieux de travail et des rendez-vous, la construction d’appartements, la formation linguistique sur place et l’utilisation de programmes pour immigrants.
- Deux grandes entreprises de transformation des aliments des régions rurales du Nouveau-Brunswick ont eu du mal à recruter des travailleurs supplémentaires et leurs activités sont limitées par des problèmes de logement.
- Une entreprise située au Nouveau-Brunswick a ciblé les travailleurs roumains par l’intermédiaire du PTET et a modifié ses cycles de production en réponse aux pénuries de main-d’œuvre. Cette entreprise déploie également des efforts pour renforcer l’automatisation et étudie des solutions en matière d’immigration permanente dans le cadre du Programme des candidats des provinces et du Programme pilote d’immigration au Canada atlantique (PPICA).
- L’un des nouveaux problèmes qui se posent est le manque de main-d’œuvre qualifiée disponible pour gérer des processus technologiques avancés (dont beaucoup ont été rendus possibles par les projets de l’APECA). Une entreprise de l’Île-du-Prince-Édouard cherche un ingénieur par l’intermédiaire du PPICA.
- L’Île-du-Prince-Édouard connaît une pénurie de travailleurs qualifiés en assurance de la qualité (AQ). Le Collège Holland étudie à l’heure actuelle la faisabilité d’un programme d’assurance de la qualité et de salubrité des aliments.
- Une entreprise d’élevage et de transformation des moules située à l’Île-du-Prince-Édouard connaît une pénurie de main-d’œuvre et de compétences depuis au moins dix ans étant donné que les travailleurs partent à la retraite. La société a organisé des salons de l’emploi et offre des salaires et des prestations de maladie compétitifs, mais l’automatisation et l’immigration demeureront essentielles pour répondre à ses besoins en matière de production.
- Les entreprises de transformation des fruits de mer de Terre-Neuve-et-Labrador satisfont à l’heure actuelle leurs besoins de main-d’œuvre en faisant appel à la main-d’œuvre locale et un peu au PTET. Cela est attribuable en partie à une réduction continue dans le temps des quotas des fruits de mer, à la réduction du nombre d’usines et à une augmentation de l’automatisation. Cependant, les départs à la retraite devraient représenter un défi pour les entreprises dans un avenir rapproché.
Aquaculture
Grâce aux investissements planifiés récents, le secteur de l’aquaculture à Terre-Neuve-et-Labrador devrait connaître une croissance importante au cours des trois à cinq prochaines années.
L’accès à une main-d’œuvre qualifiée devrait représenter un défi pour cette industrie, en particulier dans les régions de Burin et de la côte sud :
- Le développement de l’aquaculture nécessitera des travailleurs tels que des conducteurs/opérateurs de bateau, des travailleurs en mise au point de cages et des soudeurs de tuyauterie ainsi qu’un plus grand nombre de travailleurs pour l’écloserie et la transformation du saumon.
- Une entreprise prévoit de doubler ses effectifs pour construire des barges.
- La construction d’installations aquacoles nécessitera également d’autres professionnels, tels que des ingénieurs.
- Un chantier naval qui envisage de devenir un centre de services d’aquaculture pourrait avoir besoin de plusieurs centaines de travailleurs supplémentaires.
- L’intensification de l’activité de transformation du saumon entraînera une hausse de la demande de travailleurs dans les usines de transformation de la côte sud.
Ailleurs au Canada atlantique, une entreprise a eu de la difficulté à recruter de la main-d’œuvre qualifiée et non qualifiée. La société fait appel à l’heure actuelle au PTET et construit des logements pour ses travailleurs, mais a dû déplacer une partie de sa production aux États-Unis en raison du manque de travailleurs.
Au cours des trois prochaines années, la société investira beaucoup pour créer plus de 200 nouveaux postes. En termes de recrutement, la société propose des postes vacants au dessus du salaire minimum et a retenu les services d’un expert-conseil en gestion des talents pour faciliter l’accès au PPICA.
Aérospatiale et défense
Une entreprise située à Terre-Neuve-et-Labrador a dit avoir de la difficulté à trouver des ingénieurs en avionique qualifiés ainsi que des travailleurs en maintenance et en entretien structurel des aéronefs.
Pendant ce temps, une autre entreprise située à Terre-Neuve-et-Labrador forme à l’heure actuelle des étudiants dans la collectivité dans l’espoir d’améliorer le recrutement.
Compétences numériques
Une grande entreprise de technologie située à Terre-Neuve-et-Labrador a embauché toute une classe d’étudiants diplômés en informatique de l’Université Memorial, mais est toujours confrontée à une pénurie de main-d’œuvre.
La société prévoit embaucher plus de cent personnes cette année en s’appuyant sur des salaires élevés pour attirer des travailleurs d’autres entreprises, en recrutant dans d’autres universités de la région, en ouvrant un bureau à Toronto et en ciblant les immigrants des collectivités déjà établies de St. John’s. La société encourage de plus les universités et les collèges à augmenter le nombre de leurs diplômés en informatique.
Une autre entreprise située à Terre-Neuve-et-Labrador qui se concentre sur la création d’appareils pour les véhicules a été confrontée à un manque de programmeurs pour répondre à ses besoins, tandis qu’une entreprise en démarrage qui met au point des solutions d’alimentation sans fil a éprouvé des difficultés en ce qui concerne le recrutement et le financement des compétences spécialisées en TIC. En réponse à cela, l’entreprise emploie des télétravailleurs et a établi un bureau satellite dans une autre province.
Le problème n’est pas limité à Terre-Neuve-et-Labrador. Dans plusieurs provinces, tant de vieilles entreprises que des entreprises en démarrage ont du mal à trouver des talents. Certaines petites entreprises ont du mal à offrir des salaires compétitifs et de nombreux diplômés déménagent pour trouver des emplois mieux rémunérés.
Tourisme
La pénurie de main-d’œuvre dans le secteur du tourisme est un défi étudié tant à l’échelle nationale que provinciale. Parmi les problèmes qui se posent, mentionnons la saisonnalité, les échelles de salaire et la dynamique du choix de carrière.
Les programmes comme le PTET et le recours aux étudiants ne fonctionnent pas toujours dans le secteur du tourisme, d’autant plus que le secteur connaît une croissance en saison intermédiaire (la période qui sépare la haute saison et la saison hors pointe). La raison en est que le PTET limite la durée du travail et confine les travailleurs à une seule entreprise.
En Nouvelle-Écosse, un établissement emploie du personnel qui ne travaille que pendant la haute saison et travaille ailleurs pendant le reste de l’année. En fait, de nombreux membres du personnel du secteur du tourisme parcourent le monde pour travailler dans différentes entreprises et ne veulent pas rester toute l’année ou pendant les saisons intermédiaires. Le tourisme est si important pour l’économie de la Nouvelle-Écosse que de nombreuses entreprises essaient de répondre à leurs besoins en faisant appel à des étudiants ou à des travailleurs étrangers temporaires.
Dans les régions rurales de la Nouvelle-Écosse, les restaurants haut de gamme ont du mal à trouver des chefs, tandis que les exploitants d’entreprise touristique continuent d’avoir besoin de personnel saisonnier.
Au Nouveau-Brunswick, un programme pilote de subventions salariales vient de s’achever. Il avait pour but d’inciter les travailleurs âgés à travailler dans le secteur du tourisme.
À l’Île-du-Prince-Édouard, un café rural planifie la création d’un établissement à Charlottetown dans le but de former le personnel. Partout dans l’île, l’industrie a du mal à trouver des gouvernantes, des cuisiniers à la chaîne et des préposés à l’entretien, qui ne sont pas admissibles aux termes du PTET.
Fabrication et autres secteurs
Neuf entreprises manufacturières de la région d’Annapolis en Nouvelle-Écosse (qui emploient 2 492 personnes) ont été sondées. Ces entreprises prévoient éprouver des difficultés pour pourvoir 604 postes à temps plein (d’une valeur de 29 millions de dollars). Pour plus de la moitié des entreprises, ces postes ont uniquement pour but de maintenir leur niveau de production actuel.
Une entreprise située dans une région rurale du Nouveau-Brunswick a également eu du mal à recruter des travailleurs. La société a participé récemment à un projet pilote visant à recruter des prestataires de l’assurance-emploi dans le secteur de la transformation des fruits de mer afin de répondre à des besoins temporaires. En plus d’aider la société à répondre aux exigences de la production, les travailleurs ont déclaré avoir aimé le projet pilote et apprécier la disponibilité du travail supplémentaire.
Au Nouveau-Brunswick, des entreprises du secteur de la fabrication des métaux éprouvent des difficultés lorsqu’il s’agit de pourvoir des postes techniques tels que ceux des soudeurs et des machinistes. De plus, une entreprise de foresterie a été dans l’impossibilité de trouver des travailleurs et a recruté environ cinquante travailleurs étrangers (immigrants permanents et autres). La société souhaitait recruter cinquante travailleurs de plus, mais le manque de logements l’en a empêchée.
Les entreprises qui soutiennent la fabrication de pointe au Canada atlantique trouvent difficile de recruter des ingénieurs de conception.
À Terre-Neuve-et-Labrador, une grande entreprise de fabrication rurale répond à l’heure actuelle à ses besoins de main d’œuvre, mais trouve difficile de trouver les compétences plus avancées ou spécialisées dont elle a besoin.
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[9]Food Processing Skills Canada. 2019. Securing Canada’s Fish and Seafood Workforce. Faits saillants d’une étude sur le marché du travail de l’industrie canadienne de la transformation du poisson et des fruits de mer.
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