« Le rêve de Champlain » - Jean-Pierre Blais au Centre pour la défense de l'intérêt public

Discours

Ottawa (Ontario)
Le 24 novembre 2016

Jean-Pierre Blais, Président
Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes

À l’occasion du dîner annuel du Centre pour la défense de l’intérêt public

Priorité à l’allocution

Bonsoir.

Avant de commencer, je désire souligner que notre rencontre se déroule sur le territoire traditionnel des Premières Nations. Je tiens à remercier le peuple algonquin et rendre hommage à leurs aînés.

Depuis le début de mon mandat à titre de président du CRTC, il y a quatre ans, j’ai eu le plaisir d’entendre le CPIC [Centre pour la défense de l’intérêt public] maintes fois lors de nos instances. Vos conseils jouent un rôle important en vue de faire connaître les points de vue des citoyens à l’occasion de nos audiences, y compris celle que nous tiendrons la semaine prochaine à Gatineau.

Cela dit, aucun d’entre vous ici ne devrait interpréter ma présence ce soir comme un signe que l’intervention du CPIC lors de cette instance sur le renouvellement des licences — ou de fait, dans toute instance — pèse davantage que celle de tout autre intervenant. Comme nous le faisons toujours, mes collègues conseillers et moi-même nous appuierons sur l’ensemble du dossier public pour prendre notre décision. Il est fort possible que le CPIC ne soit pas d’accord avec certains volets de la décision. Si c’est le cas, ainsi soit-il.

La semaine dernière, j’ai pris la parole au congrès annuel de la section canadienne de l’Institut international des communications. J’ai parlé des changements de politiques que nous, au CRTC, avons mis en place au cours des quatre dernières années afin de regagner la confiance des Canadiens. J’ai indiqué que le public accorde sa confiance en raison du bon travail accompli. La confiance est un produit dérivé de bien faire les choses. Je vais revenir un peu sur ce thème aujourd’hui, mais sous un angle légèrement différent. La semaine dernière, j’ai parlé de ce que nous avons accompli. Aujourd’hui, je vais aborder la manière dont nous nous y sommes pris. Car bien faire les choses correctement est encore plus important que de bien faire les choses.

Le rêve de Champlain

Il y a quatre ans, j’ai eu le plaisir de prendre la parole lors de votre dîner annuel, peu de temps après le début de mon mandat à titre de président. À l’époque, j’avais parlé longuement de l’intérêt public. J’avais mentionné que la protection de l’intérêt public dépasse largement les besoins des consommateurs individuels. Il s’agit d’une proposition beaucoup plus complexe, nuancée et comportant de multiples aspects, une proposition qui doit aussi tenir compte des besoins des Canadiens en tant que citoyens de leur démocratie et cocréateurs de notre voix nationale.

Lorsque j’ai exprimé ces paroles, John Lawford a eu la gentillesse de m’offrir un cadeau rempli d’attention. Il s’agit d’un livre intitulé Le rêve de Champlain. Pour ceux qui l’ignorent, ce livre brosse un excellent portrait de la vie et du travail de Samuel de Champlain. Son auteur, l’Américain David Hackett Fischer, prend à partie l’idée voulant que Champlain était l’un des nombreux mercenaires européens qui cherchaient à s’emparer des terres et à exploiter les Autochtones. Plutôt, selon la thèse de Fischer, Champlain était beaucoup plus humaniste, accueillant et inclusif. L’explorateur avait une vision de la colonie où, et je cite, « les gens de cultures différentes pourraient vivre ensemble dans l’amitié et la concorde ».

Si, en effet, c’était la vision de Champlain — et je suis d’accord avec Fischer : je crois que c’était le cas — alors imaginez un instant comment cette approche était aux antipodes de la pensée du gouvernement français de l’époque. La France du 17e siècle, sous le règne des rois Henri IV et Louis XIII, n’était pas reconnue pour ses politiques d’inclusion. Les directives étaient appliquées du haut vers le bas.

Et pourtant, voici que Champlain, un fier Français qui avait navigué à travers ce nouveau territoire, l’avait exploré, en avait dressé la carte et écrit à son sujet, tout en rassemblant des gens de cultures très différentes — les Premières Nations, les Français et autres — se trouvait à partager et à présenter des idées où chacun y trouvait son compte. Quelle bravoure. Quelle confiance. Quelle vision! Voici un homme qui embrassait des idées du 21e siècle, 400 ans avant le temps. À cet égard, il n’y a pas de doute que Champlain saisissait la balle au bond.

John m’a aussi laissé une carte avec ce cadeau. À l’intérieur, il a écrit : « J’espère que le cadeau qui est joint sera pour vous une source d’inspiration en vue d’explorer le terrain inconnu que sont les intérêts des consommateurs canadiens sur le plan de la culture et des communications. »

Cela a été le cas, John, je vous l’assure. Permettez-moi de vous dire comment.

Réflexion nouvelle face à la régulation

L’un des plus grands défis que nous, au CRTC, devons maintenant gérer est celui-ci : la société n’est plus monolithique. Évidemment, elle ne l’a jamais vraiment été, mais les processus auxquels nous avions recours pour amasser des données lors de nos audiences publiques le faisaient penser. Plusieurs fois par année, des entités réglementées et des groupes d’intérêt de consommateurs et d’entreprises se présentaient à des audiences ternes pour faire valoir leurs préoccupations et leurs intérêts respectifs. Les règlements que publiait le CRTC reflétaient la portée limitée des opinions au dossier.

D’une certaine façon, avec cette approche, la régulation s’exerçait facilement, presque en mode binaire. Les résultats de notre travail étaient favorables soit aux abonnés, soit aux entreprises. A ou B. Ceci ou cela. Un ou zéro.

Heureusement, ce n’est plus le cas. Les médias de communications et la technologie ont créé une agora virtuelle — le marché traditionnel dans la Grèce antique — qui ont réactualisé le rôle du public dans le processus réglementaire. Ce faisant, ils ont ramené une multitude d’angles et de points de vue dans la discussion. Nos audiences ne représentent plus des tribunes que fréquentent seulement les experts des affaires réglementaires. Ce sont aussi des endroits où les Canadiens de partout au pays et de toutes les couches de la société — qu’il s’agisse de propriétaires de petites entreprises, d’universitaires, de politiciens locaux, de jeunes de la génération Y ou de personnes âgées — peuvent partager leurs opinions et leurs idées sur des sujets qui ont une incidence sur leur vie quotidienne : la télévision, Internet, le sans-fil, les services d’urgence, la protection des consommateurs, la sécurité en ligne et j’en passe.

Notre salle d’audience dans la région de la capitale nationale a été transformée en une agora grecque classique — un lieu de rencontre national pour débattre et échanger des idées.

Le monde a modifié notre manière de cerner l’intérêt public. La complexité et la multiplicité des points de vue et des angles qui sont présentés à nos audiences, semaine après semaine, ont créé pour nous, en tant qu’organisme de régulation, un fardeau bien plus grand à porter. Puisque les lois, les règlements et les politiques d’un pays doivent être le reflet des attentes d’une société, et puisque ces attentes peuvent maintenant être exprimées clairement et avec une force sans précédent, il incombe encore davantage au Conseil d’agir comme l’a fait Champlain. Nous devons entendre autant de voix que possible et trouver une solution qui atteindra le juste équilibre entre tous ces intérêts qui sont en concurrence. Nous devons saisir la balle au bond.

Ce n’est vraiment pas très original de prétendre qu’au cours des quatre dernières années, il s’est opéré un changement fondamental dans la façon dont communique la planète. Nous vivons maintenant dans une ère post-convergence où ce qui est communiqué est totalement dématérialisé. Tout tourne autour de la large bande. En conséquence, l’organisme de régulation que nous sommes doit changer sa façon de penser. Alors qu’auparavant, notre travail était axé sur les règles — par exemple, le nombre d’heures de contenu canadien qui devait être diffusé chaque jour — à présent, nous devons mettre l’accent sur les résultats. Notre rôle doit consister à nous assurer qu’une infrastructure solide est en place afin de répondre aux besoins des secteurs bancaires, des soins de santé, des services gouvernementaux, des médias, du divertissement, de la fiscalité et autres, et leur permettre de fonctionner.

Voici ce que nous ne pouvons pas faire : continuer à laisser des enjeux de nostalgie nous mettre des bâtons dans les roues. Cela constitue l’équivalent réglementaire de s’embourber. C’est faire fi du plus grand enjeu. Nous devons faire nôtre la connectivité de la large bande. Nous devons l’utiliser pour nous amener au centre de l’agora virtuelle afin d’entendre les citoyens et prendre des décisions qui engendrent des résultats qui ont de l’importance pour tous. Autrement dit, nous devons y avoir recours pour saisir la balle au bond.

L’architecte américain Buckminster Fuller a déjà dit : « Vous ne changez jamais les choses en vous battant contre ce qui existe. Pour changer quelque chose, construisez un nouveau modèle qui rendra le modèle en place obsolète. »

Il avait raison. (Il a également été le deuxième président mondial de Mensa, donc c’est difficile de prendre sa pensée trop à partie.) Le nouveau modèle de communication que nous a apporté la large bande a rendu désuètes nos vieilles façons de penser. Le CDIP ne fait pas la promotion des enjeux d’intérêt public aujourd’hui comme il le faisait dans les années 1980 et 1990. De la même façon, le CRTC ne mobilise pas les Canadiens comme il le faisait il y a encore à peine 10 ans. Les modèles que nos groupes respectifs utilisaient à l’époque sont dépassés. Le nouveau modèle les a rendus ainsi. Nous réussissons dans nos efforts respectifs car nous nous sommes adaptés à ce changement.

Je vais partager avec vous des exemples qui montrent la façon dont le CRTC a modifié ses processus réglementaires pour prendre une longueur d’avance, nous placer au centre de l’agora virtuelle et utiliser les renseignements que nous fournissent les Canadiens afin de favoriser de nouveaux résultats pour leur système de communication.

Servir les citoyens et donner des outils aux consommateurs

Au début de mon discours, j’ai indiqué que le travail de protection de l’intérêt public — pour vous au CDIP et pour nous au CRTC — signifie nettement plus que répondre aux besoins des consommateurs canadiens. Nos rôles respectifs sont beaucoup plus étendus, car l’agora virtuelle qu’a créée la large bande permet aux Canadiens de participer à leur système de communication de nouvelles façons, lesquelles ont toujours plus d’importance. Parfois, le travail que nous accomplissons porte aussi sur la protection des droits des citoyens.

Au cours des quatre dernières années, le CRTC a fait des percées importantes en vue d’attirer davantage de Canadiens au centre de l’agora virtuelle. Nous avons commencé par l’introduction de nouvelles façons de participer à nos audiences : des forums de discussion en ligne, des discussions sur Facebook et Reddit, des questionnaires, des cahiers de choix et même, des « conférences éclairs ». Nous avons agi ainsi car nous savions que des gens passionnés voudraient grandement exprimer leur souveraineté sur des enjeux tels que les contrats de services sans fil, les vitesses de connectivité Internet et l’avenir des télédiffusions.

De même, nous avons ouvert de nouvelles portes aux groupes qui étaient auparavant sous-représentés, afin qu’ils puissent participer aux débats sur la politique publique. Par exemple, lors de notre audience sur les services de relais vidéo, nous avons enregistré notre avis de consultation en langage ASL et dans la langue des signes québécoise, et avons affiché ces vidéos sur la chaîne YouTube du CRTC. Nous avons également accepté des présentations de Canadiens dans ces deux langues et, lors de notre audience publique, nous avons offert l’interprétation simultanée en anglais, en français, en langage ASL et dans la langue des signes québécoise.

Nous l’avons fait car les Canadiens qui sont sourds, malentendants ou qui souffrent d’un trouble de la parole n’ont pas toujours le même accès au marché des idées que les autres Canadiens. On ne pouvait considérer le dossier public relatif à ces enjeux, lesquels ont une incidence sur leur vie quotidienne, comme étant complet sans leur apport. L’adaptation de nos stratégies de mobilisation aux besoins de ces communautés particulières s’est avérée un moyen évident et efficace d’enrichir les données collectées lors de ce processus.

Pour nous, le travail de protection des droits des citoyens englobe aussi la protection de leur droit à l’information locale. Ce n’est pas un secret : les médias numériques menacent les modèles d’affaires des médias traditionnels que sont la télévision, la radio et l’imprimé. Les radiodiffuseurs et les propriétaires de journaux n’ont jamais eu autant de difficulté à joindre les deux bouts. Les coûts de production augmentent, alors que les revenus sont en baisse. Partout au pays, les entreprises mettent la clé sous la porte de stations de télévision et de journaux locaux au nom de l’intérêt des actionnaires.

Ce n’est pas acceptable. De plus, cela va tout à fait à l’encontre des idées que nous ont exprimées les Canadiens lors de nos audiences publiques. Ils nous ont dit valoriser leurs nouvelles locales. Ils font confiance aux journalistes de nouvelles locales pour parler de ce qui touche leurs vies au sein de leurs collectivités et pour présenter en primeur des nouvelles d’intérêt national.

Alors, dans notre décision sur la télévision locale, nous avons posé le geste audacieux de rééquilibrer l’argent qui se trouve déjà dans le système de télévision afin de donner aux grands radiodiffuseurs privés les ressources dont ils ont besoin pour maintenir en fonction les stations de télévision locale et financer la production d’émissions de nouvelles locales. De plus, nous avons mis sur pied le Fonds pour les nouvelles locales indépendantes qui permettra aux stations indépendantes d’accéder à de l’argent neuf qui les aidera à poursuivre la production de nouvelles locales.

De concert avec nos décisions Parlons télé, lesquelles ont également exigé que les stations de télévision locales occupent une place de premier plan dans les forfaits télé de base, ces décisions contribuent à maintenir les liens qu’entretiennent les Canadiens avec les bulletins de nouvelles et les émissions d’information à l’échelon local. Elles les gardent aussi engagés dans la vie démocratique, économique, culturelle et sociale du pays.

Bien outiller les citoyens fait partie intégrante dans la protection de leurs droits. À quoi servent ces droits si les gens n’ont pas les moyens de les exercer? La large bande a fait apparaître des technologies bouleversantes qui ont donné davantage de poids à la voix des Canadiens sur le marché des idées; cela étant, même une publication ou une vidéo partagée à l’échelle planétaire n’est pas toujours suffisant pour faire bouger les entreprises. Lorsque nous agissons au nom de l’intérêt public, nous devons nous en rappeler. Il faut donner aux consommateurs les outils nécessaires afin qu’ils puissent combattre à armes égales en cas de différend avec leurs fournisseurs de services.

Cette notion était primordiale à nos yeux lorsque nous avons élaboré des codes de conduite qui gouvernent les relations entre les fournisseurs de services de télévision et les consommateurs, et entre les fournisseurs de services sans fil et les consommateurs. Dans les deux cas, nous avons eu recours à des techniques que nous n’avions jamais mises à l’essai auparavant afin d’amener une multitude de voix dans notre salle d’audience virtuelle. Cela nous a aussi permis de produire des documents visant à outiller les gens pour qu’ils puissent faire des choix éclairés vis-à-vis les services auxquels ils s’apprêtent à s’abonner, et pour qu’ils puissent avoir des recours s’ils jugent qu’ils ne sont pas traités de manière équitable par les fournisseurs qu’ils ont retenus.

Nous avons poussé cette idée un cran plus loin lorsque nous avons interdit les politiques qui exigeaient un avis de 30 jours de la part des clients au moment d’annuler leurs forfaits de services de télévision, de téléphonie, Internet et sans fil.

Ces éléments et d’autres innovations — tels que d’exiger que les fournisseurs de services de télévision offrent un petit forfait de base qui pourra bientôt être complété par des chaînes choisies à la carte, et de réglementer les relations de gros entre les radiodiffuseurs et les fournisseurs de services de télévision et entre les grands et les petits fournisseurs de service Internet — sont des résultats nécessaires au niveau de la régulation, compte tenu du caractère bouleversant de la large bande.

Mais, soyons clairs : lorsqu’il s’agit de fournisseurs de médias d’information et de communications, les Canadiens n’ont jamais eu autant de choix à leur disposition. En tant qu’organisme de régulation, il était logique de faire nôtre cette abondance de choix — autrement dit, donner aux consommateurs les outils dont ils ont besoin pour établir un partenariat avec les fournisseurs offrant les produits et les services qui concordent avec leurs intérêts, leurs besoins et leurs budgets. L’autre option, soit ignorer le changement en cours et continuer de promouvoir des règles plutôt que des résultats, aurait été l’équivalent réglementaire d’errer en forêt sans carte ni boussole.

Plusieurs pages restent à écrire dans ce chapitre. Notre consultation sur les pratiques de différenciation des prix — la pratique des fournisseurs de services qui consiste à offrir des produits ou des services identiques ou similaires à des prix différents — est en cours. Les consommateurs nous ont communiqué leurs opinions sur ces pratiques, et nous tiendrons compte de ces idées et de l’information reçue lors de notre audience qui a eu lieu récemment.

S’adapter à la nature bouleversante de la large bande

Jusqu’à présent, j’ai abordé la large bande comme un catalyseur de tous ces changements à notre façon de consulter, à la façon dont les entreprises offrent et fournissent des services, et à la façon dont les Canadiens s’expriment en tant que consommateurs, créateurs et citoyens de l’univers numérique. J’ai peut-être mis la charrue devant les bœufs. Car pour parvenir à cette étape où le système de communication du Canada peut soutenir des changements aussi importants, au CRTC, nous avons dû examiner sérieusement les effets de la large bande et comment il fallait adapter les règles que nous avions fixées afin de tenir compte de cette transformation.

Nous ne pouvions tout de même pas dire aux gens de s’adapter aux changements découlant de la large bande si, nous-mêmes, nous ne changions pas notre façon de faire et de penser.

Ces quatre dernières années, ce que mes 16 collègues au Conseil et moi-même ainsi que les dizaines d’employés de la direction et les 450 employés dans les bureaux du CRTC à l’échelle du pays avons accompli, n’est rien de moins que la modernisation d’un ensemble de règlements et de politiques pour répondre à une ère tout à fait nouvelle. Ce changement intégral, c’est du jamais vu au CRTC. Et il était grandement temps.

Le monde évolue. Les plus grandes entreprises au sommet du monde aujourd’hui sont bien différentes de celles qui s’y trouvaient il y a à peine 10 ans. Des entreprises comme Apple, Google, Facebook, Amazon et Disney dominent le paysage médiatique à présent, et elles occupent cette place car elles ont accepté et adopté la large bande comme la voie de l’avenir.

Les règlements que nous avions établis ont dû être adaptés de la même façon. Les Canadiens consomment davantage de contenu qu’il y a à peine trois ans et avec des moyens nouveaux. En 2015, près de 80 p. 100 des gens étaient abonnés à des vitesses de téléchargement d’au moins 5 mégabits par seconde, et chaque mois, ils téléchargeaient un total impressionnant de 93 gigaoctets de données par mois. Ils ont utilisé cette bande passante pour se brancher à un plus grand nombre de médias de divertissement, pour faire des affaires de manière novatrice, et pour accéder à une variété de services liés, entre autres, au gouvernement, aux soins de santé, à l’éducation, ou encore aux services bancaires.

En conséquence, nous avons pris des décisions avec, en tête, une vision visant à redéfinir le système de communication du Canada afin de tenir compte de la large bande, ainsi que pour permettre aux Canadiens de se joindre à l’agora virtuelle de la politique publique et de participer encore davantage à l’économie numérique.

Nos décisions ont ouvert la voie afin que les installations de fibre optique soient accessibles à un plus grand nombre de fournisseurs de services, et ce faisant, à un plus grand nombre de consommateurs. Elles renforcent la prestation de services de communication de prochaine génération — la large bande et le sans-fil 4G — dans des centaines de collectivités canadiennes rurales et éloignées, y compris celles dans le Nord. Nos décisions remplacent les idées protectionnistes des créateurs et des producteurs de télévision du Canada au sujet des systèmes de points et de quotas par des notions progressistes visant à raconter à la planète les meilleures récits audio-visuels sur le Canada. De plus, elles redéfinissent les attentes à venir des Canadiens en ce qui concerne les normes minimales pour l’accès à Internet, les alertes publiques et les services d’urgence 9-1-1.

Nous avons accompli toutes ces choses non pas parce que c’est facile, mais justement parce que c’est difficile, pour paraphraser John F. Kennedy. Il fallait le faire. Nous ne pouvions continuer à favoriser un cadre où les règles priment dans la jungle réglementaire alors que le paysage a tellement évolué. Nous devions faire évoluer notre pensée pour tenir compte de la large bande et réfléchir en fonction de la création de résultats : des consommateurs outillés, des marchés dynamiques, un accès à une solide infrastructure de réseaux à la grandeur du pays.

Plusieurs se sont opposés aux changements que nous avons apportés. Ils se sont plaints des répercussions des changements sur les systèmes de quotas, des coûts liés aux contrats de service cellulaire de moins longue durée et de l’étendue de la transformation que nous avons opérée par rapport au secteur de la télévision. D’ailleurs, ils se sont plaints au sujet de bien d’autres choses.

Je demande à quiconque, que ces plaintes pourraient influencer, de se demander au nom de quels intérêts agissent ces personnes, ces groupes et ces entreprises. Qu’ont-ils à perdre s’ils critiquent ces changements? Il y a bien des chances qu’ils se plaignent aussi vivement car ils sont sur le point de perdre une partie ou la totalité des privilèges auxquels ils s’étaient habitués au cours des dernières années, voire des décennies. Fort probablement, ils s’expriment en ayant leurs propres intérêts en tête, plutôt que les intérêts du public.

Je peux vous affirmer que, si l’organisme de régulation que nous sommes devait toujours prendre parti pour ces voix, nous ferions bien plus que causer du tort en cette ère post-bouleversement. Nous ferions fi du mandat que nous a confié le Parlement en vue de réglementer l’industrie des communications dans l’intérêt public. Personnellement, je ne permettrai pas que cela se produise.

Regagner la confiance du public

Vous vous rappellerez peut-être qu’il y a quatre ans, la question de la confiance du public envers le CRTC était bien présente dans l’esprit de plusieurs gens. À l’époque, dans les études sur les institutions auxquelles les Canadiens témoignaient la plus grande confiance, le CRTC avait obtenu un si faible pourcentage que c’en était gênant. Pour nous, ces résultats ont été une gifle, mais avec le recul, je me dis que cela a été un mal pour un bien. Cela nous a poussés à faire mieux.

Plus tôt, j’ai mentionné que le fonctionnement du CRTC jusqu’à ce moment reposait grandement sur un mode binaire. En vue de nos audiences, nous préparions un dossier, lequel s’appuyait beaucoup sur l’apport des mêmes groupes, et nous prenions des décisions qui reflétaient ces points de vue limités. Je ne veux pas sous-estimer le travail réglementaire que nous faisions. Sans aucun doute, c’était complexe et aussi inclusif que possible. Mais depuis, l’évolution de la technologie — et un nouvel esprit créatif — nous a donné les outils pour faire fond sur les approches traditionnelles en vue de mobiliser les Canadiens.

Au cours des quatre dernières années, nous avons fait à peu près tout ce qui était en notre pouvoir afin d’amener le plus grand nombre de Canadiens à participer aux discussions sur la télévision, les services sans fil, Internet, les services d’urgence et plus encore.

Par exemple, lors de notre conversation Parlons télé, nous avons eu recours à des moyens jamais utilisés auparavant — un cahier de choix, des conférences éclairs, des vidéos sur Vine — en vue d’amener plus de 13 000 Canadiens au cœur de la discussion sur l’avenir de la télévision. Leurs commentaires ont éclairé plusieurs changements prospectifs apportés au système de télévision : la disponibilité et la composition du service de télévision de base, le choix de chaînes à la carte et les petits forfaits, un code pour les fournisseurs de services de télévision, la fin des politiques d’annulation de 30 jours de même que les conséquences plus lourdes pour les radiodiffuseurs et les entreprises de distribution qui commettent des erreurs de substitution simultanée.

Lors de nos audiences sur le Code sur les services sans fil, nous avons invité les Canadiens à nous aider à rédiger le document de consultation. Nous avons ensuite publié une ébauche du Code sur notre site Web et leur avons demandé de la commenter. Les idées présentées dans cette ébauche étaient-elles pertinentes? Allaient-elles assez loin? Que pouvions-nous ajouter ou modifier? Voilà le type de questions que nous avons soumises aux Canadiens, soit ceux qui seraient les plus touchés par le Code.

Lors de notre instance sur les services de télécommunications de base, nous avons invité les Canadiens à remplir un questionnaire examinant les services dont ils ont besoin pour participer à l’économie numérique. Nous avons trouvé écho. Plus de 30 000 personnes ont partagé leurs réflexions et leurs idées.

Enfin — ou peut-être d’abord, lors de notre audience sur la fusion Bell/Astral en 2012, nous avons posé le geste audacieux d’inviter le public au moment de nos discussions avec les témoins. J’ai lu à haute voix les observations des Canadiens et demandé aux dirigeants des entreprises d’y répondre. Au départ, cela les a renversés. Je ne suis même pas certain s’ils avaient lu les observations des Canadiens. C’est bien différent aujourd’hui. Ils citent les Canadiens directement dans leurs présentations. Voilà un gain pour le public. Ils se trouvent exactement à leur place : au cœur des discussions sur des enjeux qui les touchent le plus.

Nous avons poussé cette approche un cran plus loin l’année suivante, lors notre audience sur le Code sur les services sans fil. Alors que les interventions étaient présentées dans notre salle d’audience, les Canadiens étaient invités à partager leurs réflexions, en direct, au moyen d’un forum de discussion en ligne, et j’ai mis au défi les intervenants de répondre à ces commentaires lorsqu’ils prenaient la parole. Au départ, la technique a pris certains présentateurs par surprise. Ils ne s’attendaient pas à être interrogés par le public de cette façon, mais le public a saisi l’occasion de mettre ses préoccupations au cœur de la discussion.

En proposant aux Canadiens des moyens novateurs et créatifs pour participer à nos audiences, nous avons transformé notre approche vis-à-vis l’établissement du dossier public. Plus que jamais, il repose sur l’apport du public, comme toute bonne politique publique devrait le faire. Nous écoutons les gens alors qu’ils affirment leur souveraineté sur les idées qui ont une grande importance dans leur vie quotidienne. Nous entendons toutes ces voix et nous produisons des résultats pour répondre aux besoins du plus grand nombre, plutôt qu’en adaptant les règles existantes de manière progressive.

John, j’espère que tout cela vous réjouira. Nous avons pris à cœur Le rêve de Champlain.

J’ai toujours dit que les gens vous accordent leur confiance lorsqu’ils constatent que vous les écoutez et que vos actions concordent. Peut-être que cela n’a pas toujours été le cas pour le CRTC. Peut-être avions-nous échoué à susciter la confiance des Canadiens car nous ne faisions pas toujours la bonne chose pour eux. Car nous n’écoutions ou ne répondions pas de la bonne façon.

Ce n’est plus le cas. Nous formons une organisation très différente de celle que nous formions aussi récemment qu’en 2012. Nous sommes plus réceptifs, plus prospectifs et plus inclusifs. Il est vrai que la large bande nous a imposé une partie de ce changement. Même si nous avions voulu, nous n’aurions pu ignorer cette avalanche de voix qui se sont jointes à l’agora de la politique publique. Nous avons salué ces voix, et en avons invité d’autres à se joindre. Et de plus en plus, nous nous rendons là où se tiennent les discussions, comme cela a été le cas avec notre consultation sur Reddit.

Ces approches ont été bénéfiques pour les Canadiens et pour le système de communication. De manière égoïste, j’ajouterais que cela nous a également été bénéfique. Nous sommes maintenant meilleurs pour élaborer la politique publique. Nous sommes de meilleurs architectes du changement. Nous avons écouté le conseil de Fuller et créé un nouveau modèle d’inclusion publique et rendu désuet le modèle en place. Nous avons prouvé que nous sommes une organisation qui répond davantage aux besoins et aux souhaits du public et qui se montre plus compréhensif à cet égard.

Chose certaine, nos pairs au gouvernement nous disent que nous sommes sur la bonne voie. Depuis 2014, nous avons remporté 10 prix soulignant la qualité exceptionnelle de notre travail en politique publique : un prix de l’APEX, l’association qui compte 2300 cadres de la fonction publique comme membres, quatre prix de la Communauté des régulateurs fédéraux, et cinq prix d’excellence de la fonction publique pour : notre utilisation des langues officielles lors de nos consultations; la mobilisation des Canadiens au moment de produire l’ébauche de notre Code sur les services sans fil; notre engagement continu à intégrer en milieu de travail des personnes ayant des troubles de développement; et nos efforts en vue de moderniser le système de télévision et les télécommunications dans le Nord canadien. Mais la plus belle reconnaissance de nos innovations par nos pairs réside dans le fait qu’ils s’inspirent maintenant de nos méthodes.

Conclusion

Le contexte réseauté actuel a changé fondamentalement à peu près tous les aspects de nos vies. Pour l’organisme de régulation que nous sommes, cela a signifié plusieurs choses importantes, dont la plus importante est le transfert de souveraineté de l’État vers les individus.

La large bande a créé une nouvelle agora virtuelle où nous nous rassemblons quotidiennement. À cet endroit, nous lisons, écoutons et parlons de sujets qui vont au-delà du commerce, comme la politique, les soins de santé, le divertissement, la sécurité, les sports, la finance, la religion, les affaires internationales et j’en passe. Pour ceux qui agissent au nom du public — nous au CRTC, vous au CDIP et plusieurs autres — ce changement a entrainé la venue d’une multitude de voix dans nos conversations habituelles. Alors qu’il y a à peine 10 ans, quelques voix se faisaient entendre dans la foule, aujourd’hui, tout un chacun a une opinion et les moyens de faire connaître cette opinion directement auprès des influenceurs et des décideurs comme nous-mêmes. La foule doit jouer un rôle important dans l’élaboration de la politique publique. Pas les provocateurs, mais la foule. Ces Canadiens innovateurs, auxquels on réfère souvent comme les « citoyens ordinaires », sont de fait des messagers extraordinaires de la vérité.

Si vous retenez une seule leçon de mon discours aujourd’hui, que ce soit celle-ci : poursuivez le rêve de Champlain. On se souviendra toujours de l’explorateur du 17e siècle comme l’un des pionniers les plus importants que le Canada ait connu. Son approche inclusive vis-à-vis la consultation, ses valeurs humanistes et sa foi dans l’action collective étaient moins connues. Grâce à la capacité de la large bande de rassembler les gens dans l’agora virtuelle, les valeurs et les idées de Champlain rayonnent aujourd’hui comme jamais.

Merci.

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