Discours de l'honorable Jim Carr, ministre des Ressources naturelles, sur le projet de loi C-15
Discours
Chambre des communes
Le 5 mai 2016
Monsieur le Président, c’est avec humilité et gratitude que je prends la parole dans cette Chambre.
Je le fais avec humilité parce que je représente les 90 000 résidants de Winnipeg-Centre-Sud qui, dans un des moments les plus magiques de notre démocratie, m’ont investi de leur confiance pour les représenter au Parlement du Canada. Ils illustrent tout ce que le Canada a de grand, dans sa diversité omniprésente, avec ce sentiment d’appartenance et de grande fierté pour les lieux qu’on habite, sentiment que nous ressentons aussi à la Chambre. Nous élevons cette fierté du lieu à un niveau supérieur à celui de nos propres identités ou de nos propres lieux de vie pour le porter au niveau de notre grand pays.
Je prends la parole avec gratitude parce que, si je suis ici, c’est grâce au courage de mes grands-parents qui ont quitté la Russie en 1906 pour échapper aux pogroms du tzar. Ils appartenaient à ce peuple juif désigné non grata dans la Zone de Résidence, eux qui n’avaient aucune liberté, qui ne pouvaient rien posséder, qui n’entretenaient aucun espoir d’avenir pour leurs enfants ou leurs petits-enfants. Ils sont venus au Canada où ils ont été accueillis par un parent. Ils ne parlaient pas un mot d’anglais, n’avaient pas un sou et n’avaient rien à l’horizon. En revanche, ils étaient habités d’un sentiment d’espoir, ils entrevoyaient des possibilités dont celle d’être libres, libres d’être ce qu’ils voulaient être. Ils étaient donc des juifs déplacés d’un pays étranger. À leur arrivée au Canada, ils ont découvert des possibilités illimitées, si ce n’est pour eux du moins pour leurs enfants et, dans mon cas, pour leurs petits-enfants.
Dans la famille de ma mère, un seul des quatre enfants a pu aller à l’université. Les trois autres sont allés travailler pour que lui, David Golden, puisse étudier. Durant la guerre, David Golden a été fait prisonnier par les Japonais, à Hong Kong, le jour de Noël de 1941. Quand il est rentré au Canada, en août 1945, il pesait 120 livres. Il a obtenu une bourse de Rhodes puis, à 34 ans, est devenu le plus jeune sous-ministre de l’histoire du Canada. Son ministre était C.D. Howe.
Mon oncle a fait partie de cette poignée de fonctionnaires qui ont rebâti l’économie canadienne au lendemain de la guerre. Il a enseigné à ma famille qu’il n’y avait rien de plus noble que d’être citoyen d’un pays comme le Canada et de servir ce pays. C’est à mes grands-parents et à mes parents que je dois d’avoir compris ce que servir les Canadiens veut dire. Je suis reconnaissant d’avoir la possibilité de servir mon pays et j’en suis honoré.
Je viens d’une province très spéciale à de nombreux égards. Nous pensons certes tous que notre province est spéciale, mais permettez-moi de vous faire mention de certaines choses qui sont particulièrement appropriées au moment où nous débattons du budget. Nous sommes tous des immigrants, à l’exception des peuples autochtones qui sont ici depuis des milliers d’années.
Je me souviens, quand j’étais président du Business Council of Manitoba, que nous avions organisé une conférence intitulée Pioneers 2000. Histoire de briser la glace, nous avions demandé aux délégués de déterminer si leurs ancêtres auraient été admis au Canada dans les circonstances de l’heure. Ce qui est remarquable, c’est qu’un ancien premier ministre progressiste-conservateur du Manitoba, Duff Roblin, que je considère comme mon mentor, ne l’aurait pas été. Les ancêtres de Gary Doer, premier ministre du Manitoba à l’époque, n’auraient pas, non plus, été acceptés au Canada.
C’est pourquoi je suis si fier du geste de notre pays, qui a accepté 25 000 réfugiés syriens, avec la promesse d’en accueillir encore plus. Nous avons compris qu’en ouvrant nos portes aux personnes qui fuient la persécution chez elles, nous leur offrons une nouvelle chance dans la vie. La générosité du pays d’accueil est toujours récompensée en retour. En tant que Canadien, je me sens à la fois fier et honoré de faire partie d’une nation à l’esprit ouvert, une nation qui comprend l’importance de l’immigration dans l’édification d’un pays.
Les Canadiens ont une sensibilité et un sens de la générosité absolument uniques au monde. Ce matin, j’ai été frappé par les commentaires du député d’Outremont en réaction à la tragédie de Fort McMurray. Il traduisait sûrement la pensée de beaucoup d’entre nous quand il a demandé où, ailleurs qu’au Canada, aurait-on pu voir un tel déferlement de générosité, autant de compréhension et un sens aussi aigu de la responsabilité collective et de l’entraide.
En tant que Manitobain, j’ai grandi en voyant nos populations autochtones être marginalisées depuis des décennies, des générations. Je suis heureux des importants investissements annoncés dans le budget et grâce auxquels les enfants qui grandissent dans des communautés éloignées auront accès à la même qualité d’éducation que mes propres enfants; que là où ils vivent, ils n’auront pas à faire bouillir l’eau, parce qu’ils auront de l’eau propre; qu’ils vivront dans une collectivité où l’école va les préparer à gagner leur vie et à donner cours à leurs aspirations, tout comme mes enfants. L’histoire nous met au défi d’offrir aux communautés autochtones la possibilité d’aspirer, elles aussi, à ce à quoi nous aspirons tous, indépendamment de considérations ethniques et religieuses, de notre lieu de naissance et de notre groupe d’appartenance. Je me réjouis tout particulièrement de faire partie d’un gouvernement qui reconnaît ces principes pas seulement en paroles, mais en actes.
Je me réjouis à la pensée que, dans les premières semaines ayant suivi notre arrivée au pouvoir, nous avons réinstauré le questionnaire détaillé du recensement. Ainsi, nous avons réaffirmé l’importance de prendre des décisions appuyées sur des faits et des données scientifiques lorsque nous nous acquittons de notre mandat d’élaborer et d’étayer les politiques publiques.
Pour toutes ces raisons, qui pourra jamais oublier ce jour du 4 novembre où le Cabinet a été assermenté? Il faisait un temps magnifique, les feuilles colorées étaient resplendissantes, le ciel était bleu sans nuages et une légère brise murmurait. Nous avons marché du 24, rue Sussex à Rideau Hall. Et, lorsque le cabinet a été assermenté, nous y avons vu le miroir de notre nation. Nous étions nombreux à être particulièrement émus pendant l’assermentation de notre collègue, aujourd’hui ministre de la Justice. Le fait qu’une femme autochtone vienne tout juste d’être nommée ministre de la Justice du Canada est, à lui seul, un symbole des plus révélateurs du chemin que nous avons parcouru. Quand on songe que les peuples autochtones n’ont obtenu le droit de vote qu’en 1960. Autrement dit, du vivant de beaucoup d’entre nous qui siégeons à la Chambre — du mien, en tout cas. Tout cela pour dire que c’était vraiment émouvant de voir toute cette diversité, la fibre même de notre nation, se refléter dans le nouveau cabinet.
Peu après notre assermentation, le premier ministre nous a remis nos lettres de mandat. Dans mon cas, cette lettre n'a pas été communiquée qu'à moi, mais à vous aussi, monsieur le Président, ainsi qu'aux 36 millions de Canadiens. En fait, quiconque dans le monde a accès à un ordinateur peut savoir ce que le premier ministre nous a demandé de faire en tant que membres du Cabinet, ce qui représente un changement radical par rapport à tout autre gouvernement dans notre histoire.
Le premier ministre m'a demandé, en ma qualité de ministre des Ressources naturelles, de faire de nombreuses choses importantes. Une d'entre elles consiste à travailler avec les provinces afin d'élaborer une stratégie énergétique canadienne. Ce sujet m'intéresse tout particulièrement. En 2009, lorsque le président des États-Unis est venu à Ottawa pour discuter avec le premier ministre de l'époque d'une stratégie énergétique pour l'Amérique du Nord, certains d'entre nous sont restés perplexes. Ils trouvaient l'idée excellente, mais se demandaient en quoi consistait la stratégie énergétique canadienne. Il n'y en avait pas.
Nous avons décidé d'articuler le cadre autour de certains principes, ce qui a amené le Conseil de la fédération à publier une stratégie énergétique canadienne en juillet 2015, mais le gouvernement du Canada n'était pas au rendez-vous. C'est donc dire que le gouvernement du Canada n'a pas prêté attention à une initiative nationale de grande envergure.
Ce n'est pas le seul exemple qui montre comment, au cours des 10 dernières années, le pays a perdu sa volonté de dégager un consensus national au sujet de grands projets nationaux. En fait, l'ancien premier ministre n'a pas rencontré ses homologues provinciaux et territoriaux pendant six ans; c'est l'actuel premier ministre qui a fini par les convoquer à Ottawa, d'abord, pour se préparer à la COP21 de Paris et, ensuite, pour commencer à élaborer un cadre pancanadien sur les changements climatiques, qui représentent, comme en convient la majorité, un des grands enjeux actuels.
Pour édifier le pays, les dirigeants avaient l'habitude de se réunir afin de parler des questions qui étaient importantes pour tous les Canadiens; cet aspect a été perdu de vue. Eh bien, ce ne sera plus le cas. Aujourd'hui, nous sommes entièrement résolus à édifier le Canada, du haut vers le bas et du bas vers le haut, et c'est ce dont témoigne la façon de faire du gouvernement.
Depuis mon entrée en fonction, j'ai eu le plaisir de représenter le Canada à la réunion de l'Agence internationale de l'énergie, à Paris, et, pas plus tard que la semaine dernière, à la rencontre des ministres de l'Énergie du G7, au Japon. Ma collègue, la secrétaire parlementaire du ministre des Ressources naturelles, est allée en Chine pour représenter le gouvernement canadien dans le dossier de l'énergie et des bouleversements climatiques. Où que nous allions, le retour du Canada dans les forums mondiaux — pour parler de ce qui compte non seulement pour le Canada et les Canadiens, mais aussi pour nos partenaires étrangers — est extrêmement bien accueilli. Nous prenons ce devoir au sérieux, et je m'en acquitte avec beaucoup d'humilité parce que je sais que je parle alors au nom du gouvernement du Canada et des Canadiens.
Le gouvernement actuel adopte une attitude différente, un ton différent et des façons de faire différentes. En outre, comme on le constate dans le budget, il s'engage fermement à respecter ses promesses électorales, à suivre les orientations que le premier ministre a définies dans les lettres de mandat qu'il a envoyées aux ministres et à défendre les intérêts des Canadiens.
Je vais parler de quelques-uns des éléments du budget qui touchent directement le portefeuille des Ressources naturelles, plus particulièrement en ce qui a trait à notre engagement à nous attaquer au plus grand défi de notre temps, les changements climatiques. De bien des façons, les Canadiens nous indiquent la voie à suivre et je vais en donner quelques exemples à mes collègues.
À l'extrême nord d'Howe Sound, une entreprise canadienne extrait du dioxyde de carbone de l'air et le transforme en carburant pouvant remplacer l'essence. À Okotoks, juste au sud de Calgary, une localité chauffe ses maisons avec de l'énergie solaire, qu'elle stocke dans le sous-sol et l'en retire, au besoin. Dans le Nord de l'Ontario, la nation de Whitesand songe à utiliser la biomasse pour se fournir en électricité. Dans ma propre ville, Winnipeg, des entrepreneurs ont installé des bornes fonctionnant à l'énergie solaire le long des rues pour que les passants puissent recharger gratuitement leurs téléphones cellulaires et leurs ordinateurs.
Dans ces collectivités et dans des milliers d'autres comme elles au pays, des Canadiens usent d'ingéniosité pour régler des problèmes, pour améliorer leur qualité de vie et nous amener dans l'avenir. Ils savent que notre monde doit réduire progressivement sa dépendance aux carburants fossiles d'hier et embrasser l'énergie renouvelable de demain. Si la transition est longue, la trajectoire, elle, est claire.
Le gouvernement se réjouit de cette nouvelle orientation. Nous reconnaissons que, comme pays regorgeant de carburants fossiles, nous devons trouver de meilleures façons d'extraire ces ressources. Nous devons aussi accélérer le recours à des sources d'énergie renouvelables.
D'aucuns pourront juger ces deux impératifs incompatibles. On pourrait, par exemple, penser que tout investissement dans la prospection et les infrastructures pétrolières et gazières renforce le passé au lieu de bâtir l'avenir. Nous ne sommes pas d'accord. Nous voyons des possibilités dans toutes les formes d'énergie et, comme le premier ministre l'a dit, il est faux de croire que les pipelines et les éoliennes s'excluent mutuellement. Nous avons besoin des uns et des autres pour atteindre notre but. Voici pourquoi,
Il est certes emballant de penser à l'économie à faibles émissions de carbone de l'avenir, mais nous n'y sommes pas encore. En fait, malgré l'accord de Paris, la demande de combustibles fossiles augmentera encore pendant des décennies. Selon l'Agence internationale de l'énergie, les besoins en énergie de la planète augmenteront du tiers d'ici 2030, et les trois quarts de cette énergie proviendront des combustibles fossiles.
De plus, d'ici 2040, la classe moyenne, qui prend de plus en plus d'importance dans les pays développés, consommera 26 millions de barils de pétrole de plus chaque jour. Parallèlement, on pourrait recourir davantage au gaz naturel comme carburant de transition, car il est plus propre que le charbon et le pétrole et plus accessible que bien des ressources renouvelables. Bref, le pétrole et le gaz ne sont pas près de disparaître.
Nous, Canadiens, avons le choix. Nous pouvons mettre fin à l'exploitation des sables bitumineux et à la production de gaz naturel pour laisser d'autres pays répondre à la demande mondiale. D'autres que nous récolteront les emplois et les bénéfices. C'est certainement un choix que nous pouvons faire, mais nous pouvons aussi décider de tirer parti de la période de hausse de la demande. Nous pouvons bâtir l'infrastructure nécessaire pour transporter nos ressources naturelles sur les marchés étrangers, puis nous servir des revenus pour financer la transition du Canada vers des formes plus vertes d'énergie. Autrement dit, servons-nous des énergies fossiles que nous avons aujourd'hui pour nous doter d'une énergie verte demain.
Comment y arriver? Le gouvernement sait que, pour attirer les investisseurs et bâtir l'infrastructure de transport de l'énergie vers les marchés, nous devons mettre de l'ordre dans nos règles de protection de l'environnement et susciter l'adhésion des Canadiens. Nous avons du travail à faire.
Le premier ministre est allé à Paris avec nos collègues des provinces et des territoires pour faire savoir au monde que le Canada ne resterait plus les bras croisés et participerait à la lutte contre les changements climatiques. Puis, il a rencontré de nouveau les provinces et les territoires pour concevoir une nouvelle approche relativement aux changements climatiques, y compris la possibilité de fixer le prix du carbone. Le budget actuel va encore plus loin en prévoyant 50 millions de dollars pour réduire les émissions de gaz à effet de serre dans le secteur pétrolier et gazier.
Nous sommes en train de rétablir la crédibilité du système d'évaluation environnementale. Comme le grand chef Perry Bellegarde l'a si bien dit, « avant de bâtir quoi que ce soit [...] bâtissons des relations empreintes de respect ». Nous sommes d'accord. Toutes ces mesures ont pour but de faire en sorte que les évaluations environnementales suscitent la confiance des Canadiens et des investisseurs. C'est ce que le budget nous permettra de faire.
Le budget prévoit également un investissement de plus de 1 milliard de dollars dans l'innovation et les technologies propres, des technologies qui transformeront des secteurs traditionnels et ouvriront la porte à des industries complètement nouvelles, des technologies qui pourront renforcer notre économie, assurer la survie de notre planète et faire grandir la classe moyenne. Pour la seule année 2014, les investissements à l'échelle mondiale dans le secteur des technologies propres a augmenté de 16 %. En moins de cinq ans, nous aurons affaire à une industrie de 2 billions de dollars. Même en ne prenant que sa juste part de ce marché, le Canada aura créé une industrie de 50 milliards de dollars d'ici 2020.
Le budget va encore plus loin en annonçant des investissements de milliards de dollars dans l'innovation et les technologies propres, dans l'efficacité énergétique, dans des bornes de recharge pour les voitures électriques et des stations de ravitaillement pour les énergies de remplacement, ainsi que dans un fonds pour une économie à faibles émissions de carbone qui aura comme fonction de soutenir les initiatives provinciales et territoriales de réduction des gaz à effet de serre.
Toutes les mesures budgétaires dont j'ai parlé aujourd'hui nous rapprochent de la vision à long terme que nous avons pour le Canada.
J'estime que les Canadiens sont prêts à adhérer à cette vision. Après tout, notre histoire porte l'empreinte des générations qui se sont succédé avec leurs grands idéaux et leurs grandes réalisations. Nous avons vu cet esprit dans la construction d'un chemin de fer qui traversait tout un continent, dans la mise en oeuvre d'un système de radiodiffusion permettant de créer des liens à l'échelle d'un pays et dans la confection d'un bras qui s'est rendu jusque dans l'espace.
Aujourd'hui, c'est encore cet esprit qui habite les Canadiens de partout au pays. À l'instar de nos ancêtres, les Canadiens sont prêts à relever de grands défis avec de grandes idées afin de créer un avenir encore plus prometteur que ce que nous pouvons imaginer. Le budget nous rapproche de cet avenir.
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