Document de conseils sur l’échantillonnage et les mesures d’intervention pour le contrôle de la corrosion : Renseignements à l’appui
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- Principes de la corrosion dans les réseaux de distribution d’eau potable
- Défis en matière de mesure de la corrosion
- Méthodes de mesure de la corrosion
- Mesures de traitement et de contrôle mesure de contrôle ayant trait au plomb, au cuivre et au fer
- Justification des programmes de surveillance visant à évaluer la corrosion
Principes de la corrosion dans les réseaux de distribution d’eau potable
Le relargage de contaminants dans les réseaux de distribution d’eau potable peut être dû à la corrosion interne des matériaux de ces réseaux ou de la plomberie.
L’efficacité des mesures destinées à contrôler la corrosion et le relargage de contaminants dans un réseau donné peut être évaluée en mesurant les concentrations des contaminants dans l’eau du robinet au fil du temps et en établissant une corrélation entre ces concentrations et les activités de contrôle.
Le présent document met principalement l’accent sur la corrosion de matériaux à base de plomb, de cuivre et de fer et sur le relargage en résultant. Il aborde aussi brièvement le relargage à partir des conduites galvanisées et en ciment, mais n’inclut pas la biocorrosion.
La corrosion des matériaux métalliques est électrochimique par nature; elle se définit comme la destruction d’un métal par le biais de réactions de transfert d’électrons (Snoeyink et Wagner, 1996). Ce type de corrosion se produit uniquement en présence des quatre composantes typiques d’une cellule électrochimique, c’est-à-dire : 1) une anode, 2) une cathode; 3) une connexion entre l’anode et la cathode permettant le transfert des électrons et 4) une solution électrolytique qui conduira les ions entre l’anode et la cathode. Dans le cas de la corrosion interne des réseaux de distribution d’eau potable, l’anode et la cathode sont des sites à la surface du métal qui présentent un potentiel électrochimique différent; la connexion électrique est assurée par le métal, et l’eau sert d’électrolyte.
La réaction principale de la corrosion est l’oxydation ou la dissolution anodique du métal pour produire des ions métalliques et des électrons :
M → Mn+ + ne−
où :
- M est le métal
- e− est un électron
- n est la valence et le nombre correspondant d’électrons
Pour que cette réaction anodique se poursuive, il faut une seconde réaction utilisant les électrons produits. Les accepteurs d’électrons les plus communs dans l’eau potable sont l’oxygène dissous et les espèces chlorées en solution aqueuse.
Les ions issus de la réaction ci-dessus peuvent être libérés dans l’eau potable en tant que produits de corrosion, ou réagir avec les substances présentes dans l’eau pour former à la surface de la conduite une incrustation dont la nature peut varier de très soluble et friable à adhérente et protectrice. Les incrustations protectrices se forment habituellement lorsque le cation métallique se combine avec un hydroxyde, un oxyde, un carbonate, un phosphate ou un silicate pour former un précipité.
La concentration d’un métal donné dans l’eau potable dépend du taux de corrosion et des propriétés de dissolution et de précipitation des incrustations formées. Au départ, lorsque le métal est nu, le taux de corrosion dépasse de loin le taux de dissolution. À mesure que les produits de corrosion s’accumulent à la surface, le taux de corrosion diminue et se rapproche graduellement du taux de dissolution (Snoeyink et Wagner, 1996).
Principaux contaminants découlant de la corrosion dans les réseaux de distribution d’eau potable
Les matériaux présents dans le réseau de distribution déterminent la nature des contaminants qui aboutiront le plus vraisemblablement dans l’eau du robinet. Les contaminants les plus inquiétants qui peuvent être relargués du fait de la corrosion des matériaux dans les réseaux de distribution d’eau potable sont l’antimoine, le cadmium, le cuivre, le fer, le plomb et le zinc. Il est important de déterminer si ces contaminants sont présents à des concentrations supérieures à celles jugées sécuritaires pour la consommation humaine. Il est important de souligner que des épisodes d’eau colorée (eau rouge) pourraient vraisemblablement être accompagnés de la libération de contaminants accumulés, y compris de plomb. L’eau colorée ne doit pas être considérée comme propre à la consommation ou comme un simple problème d’ordre esthétique. Au contraire, la présence d’une eau colorée devrait déclencher un processus d’échantillonnage pour détecter la présence de métaux et, possiblement, une opération d’entretien supplémentaire pour supplémentaire du réseau de distribution (Friedman et coll., 2016).
Sources des contaminants dans les réseaux de distribution
Au Canada, le plomb a été largement utilisé dans les conduites jusqu’en 1975. En raison de la durabilité de ces conduites, elles sont souvent encore présentes aujourd’hui. Les tuyauteries en cuivre avec soudures plomb-étain (d’utilisation courante jusqu’en 1989) et les robinets et raccords en laiton sont prédominants dans les systèmes de plomberie résidentiels au Canada (Churchill et coll., 2000).
Historiquement, on a utilisé des tuyaux en fonte et en fonte ductile comme conduites principales au Canada. Le revêtement des tuyaux en fonte ductile et des conduites en fonte avec du mortier de ciment pour les protéger contre la corrosion demeure une pratique courante (AWWA, 2017a). L’acier galvanisé était couramment utilisé dans la fabrication des tuyaux de plomberie et des composants des puits pour les systèmes de plomberie jusqu’en 1980 (NRCC, 2015). Les matériaux à base de ciment sont également couramment utilisés pour la fabrication des tuyaux de diamètre plus grand. Dans les nouvelles installations, les tuyaux en polychlorure de vinyle (PVC) remplacent souvent les tuyaux en cuivre et les entrées de service et de distribution en plomb.
Tuyaux et soudures en plomb
L’eau potable peut être contaminée par le relargage du plomb présent dans les vieilles conduites principales, les entrées de service, la pâte à joints et les soudures, les raccords en laiton et en bronze, ainsi que dans les cols-de-cygne et les éléments de soupape ou les joints d’étanchéité utilisés dans les usines de traitement ou les conduites principales. Pendant de nombreuses années, le plomb a été une composante courante des réseaux de distribution d’eau.
Les entrées de service en plomb demeurent une source très élevée de plomb sur de nombreuses années et elles sont responsables de 50 % à 75 % du plomb total au robinet après des périodes de stagnation prolongées. Les entrées de service en plomb libèrent du plomb sous forme dissoute et particulaire dans diverses conditions (Santé Canada, 2019a). Un certain nombre d’études ont révélé qu’il y avait relargage de fer après le remplacement total ou partiel des entrées de service en plomb. Ces études ont permis d’établir une corrélation entre le plomb particulaire au robinet et des métaux comme le fer, le zinc, l’étain et le cuivre (Deshommes et coll., 2010a; McFadden et coll., 2011; Camara et coll., 2013). On trouvera des renseignements plus détaillés sur le relargage de plomb par les entrées de service en plomb auprès d’autres sources (Santé Canada, 2019a).
La réglementation de la plomberie de l’ensemble des provinces et des territoires se fonde sur le Code national de la plomberie – Canada (CNP). Le CNP a accepté jusqu’en 1975 l’utilisation du plomb dans la fabrication des tuyaux (entrées de service) (CNRC, 2015).
La version de 1990 du CNP interdit officiellement l’utilisation des soudures à base de plomb pour réaliser ou réparer des systèmes de plomberie servant à distribuer de l’eau potable (CNRC, 2015). Les produits de rechange les plus communément utilisés sont les soudures étain-antimoine, étain-cuivre et étain-argent. Selon le CNP, les composants (à savoir les raccords) utilisés dans les applications servant à l’eau potable doivent être conformes aux normes pertinentes qui s’appliquent aux raccords de plomberie (CNRC, 2015). Ces normes, soit la norme ASME A112.18.1/CSA B125.1 et la norme CSA B125.3 (CSA, 2018a, 2018b), limitent la teneur en plomb des soudures à 0,2 % et exigent la conformité aux normes NSF/ANSI/CAN 61 et NSF/ANSI/CAN 372 (NSF International, 2020a, 2020b).
Les appareils tels que les refroidisseurs d’eau et les fontaines à jet vertical couramment utilisés dans les écoles et les autres immeubles non résidentiels peuvent contenir du plomb. Certains composants des refroidisseurs d’eau, comme les joints soudés ou le revêtement du réservoir, peuvent contenir des alliages à base de plomb (U.S. EPA, 2006b). Certains de ces appareils sont encore utilisés au Canada et peuvent être à l’origine de concentrations élevées de plomb dans l’eau potable (McIlwain et coll., 2015).
Tuyaux en cuivre et raccords et appareils en laiton
Le cuivre est utilisé dans les tuyaux et les alliages des systèmes de plomberie résidentiels. Les alliages en cuivre utilisés dans les réseaux de distribution d’eau potable sont le laiton (pour les raccords) et le bronze (pour les robinets). Le laiton est essentiellement composé de cuivre et de zinc, auxquels s’ajoutent d’autres composants mineurs comme le plomb. Les raccords en laiton sont aussi souvent enduits d’un mélange de chrome et de nickel. Le bronze (appelé également laiton rouge) est un alliage de cuivre, d’étain et de zinc, avec ou sans plomb. Auparavant, le laiton contenait généralement entre 2 % et 8 % de plomb, mais il en contient actuellement moins de 4 % (NSF International, 2020a). Un aspect important dont il faut tenir compte pour réduire l’exposition au plomb est de régler ce problème de relargage en exigeant que ces matériaux soient conformes aux normes sanitaires et aux normes relatives à la plomberie. De nombreuses études ont démontré que l’utilisation de composants comme des robinets et d’autres raccords à faible teneur en plomb peut entraîner une réduction de la concentration de plomb au robinet (Santé Canada, 2019a; Pieper et coll., 2016). La norme NSF/ANSI/CAN 61 (Drinking Water System Components – Health Effects) limite le relargage du plomb dans l’eau potable. Pour être conformes à la norme NSF/ANSI/CAN 372 (Drinking Water System Components – Lead Content) (NSF International, 2020a, 2020b), les composants, comme les matériaux et les raccords de plomberie, doivent avoir une teneur moyenne pondérée en plomb ne dépassant pas 0,25 %.
Selon Pieper et coll. (2015), la corrosion peut être un problème important pour les propriétaires de puits, et les composants en laiton sont la source la plus probable de plomb. Une autre étude a révélé que le relargage de plomb à partir du laiton C36000 augmentait lorsque le pH et l’alcalinité diminuaient (Pieper et coll., 2016). On trouvera des renseignements plus détaillés sur le relargage de plomb à partir des composants en laiton auprès d’autres sources (Santé Canada, 2019a).
Tuyaux de fer
Les matériaux suivants constituent les principales sources de fer dans les réseaux de distribution d’eau potable : fonte, fonte ductile, fer et acier galvanisés. Le fer peut être libéré directement, à partir des matériaux à base de fer, ou indirectement, par les sous-produits de la corrosion du fer, ou tubercules de rouille, qui se forment pendant le processus de corrosion, ce qui cause les épisodes d'eau colorée (eau rouge). Comme on trouve souvent de la fonte et de la fonte ductile dans les réseaux canadiens de distribution d’eau potable, il n’est pas surprenant de constater que l’eau rouge soit le problème de corrosion le plus souvent signalé par les consommateurs. Lorsque la concentration de fer dépasse l’objectif esthétique, elle peut tacher la lessive et les raccords de plomberie, conférer un goût désagréable aux boissons et donner à l’eau une couleur qui va du jaune au rouge brunâtre.
Dans les réseaux de distribution, les contaminants peuvent s’accumuler sur ou dans les produits de corrosion du fer et du plomb et sur ou dans les dépôts d’incrustations (Lytle et coll., 2004; Schock, 2005; Schock et coll., 2008a, 2014; Friedman et coll., 2010). Ces incrustations peuvent ensuite se déloger et être relarguées dans l’eau des réseaux de distribution avec des contaminants accumulés, comme le plomb et l’arsenic (Schock, 2005; U.S. EPA, 2006; Lytle et coll., 2014). Le relargage de fer a également été corrélé au plomb particulaire au robinet (Deshommes et coll., 2010a; McFadden et coll., 2011; Camara et coll., 2013, Schock et coll., 2014; Trueman et Gagnon, 2016; Trueman et coll., 2017; Deshommes et coll., 2017; Deshommes et coll., 2018).
Tuyaux galvanisés
Les tuyaux galvanisés libèrent du zinc puisqu’ils sont fabriqués par trempage de tuyaux d’acier dans un bain de zinc en fusion. Ils peuvent aussi libérer du cadmium et du plomb, présents sous forme d’impuretés (Leroy et coll., 1996). Jusqu’en 1980, le CNP a accepté l’utilisation d’acier galvanisé dans la fabrication des tuyaux pour les systèmes de plomberie (CNRC, 2005). Le plomb et le cadmium sont corrélés au zinc lorsque le relargage de plomb est dû à des tuyaux en acier galvanisé (Clark et coll., 2015). Ainsi, la présence de cadmium peut indiquer que le plomb proviendrait de tuyaux en acier galvanisé. Dans une étude, on a exposé du laiton et de l’acier galvanisé à de l’eau plus agressive que les eaux souterraines. L’étude a permis de constater que l’acier galvanisé peut libérer des concentrations importantes de plomb en raison de la sorption du plomb sur la plomberie. Les auteurs ont conclu que l’acier galvanisé demeurerait un problème pour les systèmes sans contrôle de la corrosion et qu’il est important que les propriétaires de puits privés fassent faire une analyse du plomb (Pieper et coll., 2016). On trouvera des renseignements plus détaillés sur le relargage de plomb et de cadmium à partir des tuyaux galvanisés auprès d’autres sources (Santé Canada, 2019a, 2020a).
Tuyaux en ciment
Les matériaux à base de ciment utilisés pour la distribution de l’eau potable comprennent les tuyaux en béton armé, les revêtements en mortier de ciment et les tuyaux en amiante-ciment. Outre les agrégats (sable, gravier ou amiante) qui forment la structure de base du ciment, le liant, qui assure la cohésion du matériau et lui confère ses propriétés mécaniques, est constitué principalement de silicates de calcium et d’aluminates de calcium utilisés en diverses proportions (Leroy et coll., 1996). La dégradation des matériaux à base de ciment entraîne une dégradation importante de la qualité de l’eau, en particulier dans les longues conduites ou les zones à faible débit et dans le cas des eaux faiblement à moyennement tamponnées. Cette dégradation peut libérer de l’hydroxyde de calcium dans l’eau distribuée, ce qui risque d’augmenter le pH et l’alcalinité. La dégradation peut également entraîner la précipitation d’une variété de minéraux, ce qui rend l’eau trouble ou turbide et lui donne un mauvais goût. Dans des cas extrêmes, l’eau agressive peut réduire la résistance des tuyaux et provoquer une perte de charge accrue (Schock et Lytle, 2011). La dégradation des matériaux à base de ciment peut également libérer de l’aluminium et de l’amiante dans l’eau potable. On signale des cas où des revêtements en mortier de ciment nouvellement réalisés in situ auraient causé des problèmes de qualité de l’eau dans des conditions de débit d’eau faible ou des culs-de-sac, lorsque l’alcalinité est faible (Douglas et Merrill, 1991).
Tuyaux en plastique
Les tuyaux en PVC, en polyéthylène ou en PVC chloré utilisés dans les réseaux de distribution peuvent libérer des contaminants dans l’eau distribuée. On utilise des stabilisants pour protéger le PVC contre la décomposition lorsqu’il est exposé à une chaleur extrême pendant la production. Au Canada, les composés d’organoétain sont les stabilisants les plus couramment employés dans la production de tuyaux en PVC utilisés pour la distribution d’eau potable, et un relargage de ces composés dans l’eau potable est possible. On trouvera des renseignements plus détaillés sur le relargage de contaminants à partir des tuyaux en PVC auprès d’autres sources (Santé Canada, 2013). Les raccords conçus pour les tuyaux en PVC peuvent être faits de laiton, qui contient du plomb et en constitue une source potentielle en cas d’utilisation de tuyaux en PVC. Selon le CNP, tous les tuyaux en plastique doivent être conformes à la série de normes CSA B137 sur les tuyaux en plastique, ces normes exigeant que les tuyaux et leurs raccords soient conformes aux exigences de la norme NSF/ANSI/CAN 61 (NSF International, 2020a) concernant le relargage des contaminants.
Défis en matière de mesure de la corrosion
Il n’existe pas de méthode ou d’indice universel fiable pour mesurer la corrosivité de l’eau et évaluer ainsi le degré d’exposition des populations aux contaminants relargués dans les réseaux de distribution. Comme la corrosion des matériaux des réseaux de distribution et des systèmes de plomberie constitue une source importante de métaux dans l’eau potable, la mesure des contaminants dans l’eau du robinet constitue le meilleur moyen d’évaluer la corrosion et, par là, l’exposition de la population.
Concentrations de contaminants dans l’eau du robinet
La documentation scientifique indique que le plomb, le cuivre et le fer sont les contaminants dont les concentrations risquent le plus de dépasser les valeurs recommandées à cause de la corrosion des matériaux des réseaux de distribution d’eau potable. La CMA pour le plomb dans l’eau potable concerne la concentration totale en plomb et elle est fondée sur les effets de cet élément sur la santé de la population la plus sensible (c’est-à-dire les enfants). Cependant, la CMA est établie en fonction de la faisabilité plutôt qu’uniquement en fonction de la protection de la santé puisque les connaissances scientifiques dont on dispose à l’heure actuelle ne permettent pas de déterminer un seuil sous lequel le plomb ne serait plus associé à des effets néfastes sur la santé (Santé Canada, 2019a). La recommandation pour le cuivre est fondée sur les bébés nourris au biberon (Santé Canada, 2019b) et la recommandation pour le fer est fondée sur un objectif esthétique (Santé Canada, 1978). Le cuivre et le fer sont considérés comme des éléments essentiels pour la santé des humains. Étant donné ce qui précède, on a retenu la concentration de plomb au robinet comme déclencheur des programmes de contrôle de la corrosion.
Une étude a été réalisée afin d’évaluer les concentrations de cadmium, de calcium, de chrome, de cobalt, de cuivre, de plomb, de magnésium, de nickel et de zinc dans l’eau potable distribuée au Canada (Méranger et coll., 1981). En s’appuyant sur des échantillons représentatifs prélevés d’un robinet qui a coulé pendant 5 minutes au débit maximal, l’étude a conclu que seules les concentrations de cuivre augmentaient de façon importante dans l’eau potable du robinet, comparativement à l’eau brute.
Par ailleurs, diverses autres études ont montré que les concentrations de métaux-traces mesurées dans des échantillons d’eau du robinet prélevés après une période de stagnation pouvaient atteindre des valeurs supérieures à celles recommandées (Wong et Berrang, 1976; Lyon et Lenihan, 1977; Nielsen, 1983; Samuels et Méranger, 1984; Birden et coll., 1985; Neff et coll., 1987; Schock et Neff, 1988; Gardels et Sorg, 1989; Schock, 1990a; Singh et Mavinic, 1991; Lytle et coll., 1993; Viraraghavan et coll., 1996).
Un certain nombre de contaminants peuvent s’accumuler dans les réseaux de distribution d’eau et être relargués dans ces réseaux. Les incrustations qui se sont formées dans les tuyaux des réseaux de distribution et ont atteint un équilibre dynamique peuvent ensuite libérer des contaminants tels que l’aluminium, l’arsenic, d’autres métaux-traces et des radionucléides (Valentine et Stearns, 1994; Reiber et Dostal, 2000; Lytle et coll., 2004; Schock, 2005; Copeland et coll., 2007; Morris et Lytle, 2007; Schock et coll., 2008a; Friedman et coll., 2010; Wasserstrom et coll., 2017). Les effets des changements apportés aux processus de traitement, en particulier ceux qui ont une incidence sur les paramètres de la qualité de l’eau, comme le pH, l’alcalinité et le potentiel d’oxydoréduction (POR); le mélange; et le changement de la source d’approvisionnement en eau doivent être surveillés de près dans l’eau distribuée (Schock, 2005).
Entrées de service en plomb
Les entrées de service en plomb demeurent une source très élevée de plomb sur de nombreuses années et elles sont responsables de 50 % à 75 % du plomb total au robinet après des périodes de stagnation prolongées. La majeure partie du plomb libéré dans des conditions stagnantes est du plomb dissous, mais le débit de l’eau peut accroître la libération du plomb dissous et du plomb particulaire qui se trouvent dans les incrustations des tuyaux par un phénomène de transfert de masse et par le délogement physique de ces incrustations. La contribution relative du plomb sous les formes dissoute et particulaire n’est pas bien comprise et varie probablement selon la chimie de l’eau, la configuration de la plomberie, la durée de stagnation, le régime d’écoulement, l’âge des matériaux de plomberie contenant le plomb et les habitudes d’utilisation. La présence de plomb particulaire dans l’eau potable est sporadique, imprévisible et souvent associée à des perturbations mécaniques du réseau; on a découvert qu’elle était aussi causée par la corrosion galvanique (Santé Canada, 2019a) et qu’elle se poursuivait, voire s’aggravait, pendant de longues périodes (St. Clair et coll., 2015).
Le remplacement d’une entrée de service en plomb peut perturber ou déloger les incrustations de plomb existantes ou les sédiments contenant du plomb et entraîner une augmentation importante des concentrations de plomb au robinet. Cette augmentation peut durer trois mois ou plus après le remplacement de l’entrée de service en plomb (Santé Canada, 2019a). Del Toral et coll. (2013) ont constaté que les perturbations dans l’entrée de service en plomb augmentaient les concentrations de plomb dans l’eau. Ces perturbations englobaient notamment l’installation ou le remplacement de compteurs, l’installation de compteurs automatisés, les fuites d’entrées de service ou la réparation de robinets d’arrêt de la conduite externe, ainsi que d’importants travaux d’excavation dans la rue à proximité de la résidence.
Le plomb était fortement corrélé au fer en raison de l’adsorption du plomb dissous sur les dépôts de fer dans l’entrée de service en plomb et dans la plomberie en place (Santé Canada, 2019a; Trueman et Gagnon, 2016; Deshommes et coll., 2017; Pieper et coll., 2017; Trueman et coll., 2017; Pieper et coll., 2018; Bae et coll., 2020). La libération persistante du plomb après le remplacement complet des entrées de service en plomb pourrait être attribuable à l’adsorption du plomb sur des incrustations résultant de la corrosion du fer provenant de vieilles installations de plomberie en fer galvanisé (McFadden et coll., 2011). Le relargage de quantités importantes de plomb particulaire pendant quatre ans après le remplacement complet des entrées de service en plomb était lié à l’accumulation de manganèse et de fer sur les parois des tuyaux de la plomberie en place, qui agissait comme un puits pour le plomb. L’accumulation de manganèse sur les tuyaux en plomb peut empêcher la formation d’incrustations plus stables dues à la corrosion du Pb(IV), ce qui augmente le risque de relargage de plomb par des incrustations qui peuvent dissoudre aisément (Schock et coll., 2014).
Les revêtements de manganèse et de fer sont fréquents sur les tuyaux en plomb et les autres types de tuyaux; ils peuvent prolonger le temps nécessaire à la formation de films passivants avec des inhibiteurs de la corrosion. Ils ont également tendance à augmenter la probabilité de pics sporadiques de la concentration de plomb qui seraient dus au relargage de particules. L’accumulation de manganèse dans les conduites de distribution d’eau et les réservoirs est une situation probablement beaucoup plus courante que ce qui a été signalé (Schock et Lytle, 2011).
Des concentrations élevées de plomb ont été observées après le remplacement complet et partiel des entrées de service en plomb et ont été associées au relargage de fer dans l’eau fournie par une conduite principale faite en fer sans revêtement (Santé Canada, 2019c). Le plomb peut s’accumuler dans la tuyauterie en fer galvanisé ou les dépôts de fer formés dans la tuyauterie des bâtiments par adsorption et être relargué même après l’élimination de la source primaire de plomb (McFadden et coll., 2011; Schock et coll., 2014).
Soudures au plomb
Une étude sur le relargage du cuivre, du fer, du plomb et du zinc dans la plomberie de cuivre avec des soudures au plomb a été menée dans le district régional du Grand Vancouver (Singh et Mavinic, 1991). On a pu observer que, dans le cas d’une eau généralement corrosive (pH : 5,5-6,3; alcalinité : 0,6-3,7 mg/L de CaCO3), le premier litre d’eau prélevé au robinet après une période de stagnation de 8 heures dépassait les valeurs fixées par les Recommandations pour la qualité de l’eau potable au Canada concernant le plomb et le cuivre dans 43 % (plomb) et 62 % (cuivre) des échantillons prélevés dans les tours d’habitation, et dans 47 % (plomb) et 73 % (cuivre) des échantillons prélevés dans les maisons unifamiliales. Les échantillons prélevés dans les tours d’habitation après une période de purge prolongée de l’eau du robinet présentaient toujours des concentrations trop élevées dans 6 % des cas pour le plomb et dans 9 % des cas pour le cuivre. En ce qui concerne les maisons unifamiliales, il a été possible dans tous les cas de ramener les teneurs en plomb et en cuivre de l’eau du robinet à une concentration inférieure aux valeurs des recommandations en faisant couler l’eau froide pendant 5 minutes.
Subramanian et coll. (1991) ont étudié le relargage de l’antimoine, de l’argent, du cadmium, du cuivre, de l’étain, du plomb et du zinc à partir de tuyaux de cuivre neufs à soudures sans plomb exposés à l’eau du robinet. Les concentrations de cuivre étaient dans certains cas supérieures à 1 mg/L. Les chercheurs ont conclu que les soudures utilisées dans les tuyaux de cuivre ne provoquaient pas de relargage d’antimoine, d’argent, de cadmium, d’étain, de plomb ou de zinc dans l’eau potable (toutes les concentrations étaient inférieures aux limites de détection), même dans les échantillons d’eau qui avaient reposé dans les tuyaux pendant 90 jours.
Robinets et composants en laiton
Samuels et Méranger (1984) ont étudié le relargage des métaux-traces à partir des robinets de cuisine en contact avec l’eau de la Ville d’Ottawa. L’eau a été prélevée après une période de stagnation de 24 heures à partir de robinets neufs non rincés. En règle générale, les concentrations de cadmium, de chrome, de cuivre et de zinc relargués ne dépassaient pas les valeurs fixées à l’époque par les Recommandations pour la qualité de l’eau potable au Canada. Toutefois, les concentrations de plomb relarguées à partir des robinets contenant des joints en cuivre soudés au plomb étaient très supérieures à la valeur recommandée.
Une étude similaire de Schock et Neff (1988) a révélé que les robinets neufs en laiton chromé pouvaient libérer dans l’eau potable des quantités importantes de cuivre, de plomb et de zinc, notamment après une période de stagnation. Les chercheurs ont également conclu que les robinets et les raccords en laiton des plomberies résidentielles constituaient une source continue de plomb, même lorsque les tuyaux de cuivre étaient raccordés avec de la soudure et du flux sans plomb. Maas et coll. (1994) ont procédé à une analyse statistique des échantillons d’eau prélevés dans des immeubles non résidentiels après une période de stagnation nocturne à partir de plus de 12 000 fontaines, fontaines à jet vertical, refroidisseurs, robinets et machines à glaçons. L’analyse a révélé que plus de 17 % des échantillons avaient des concentrations de plomb supérieures à 15 µg/L. Plus particulièrement, plus de 25 % des échantillons d’eau potable provenant des fontaines à jet vertical, des refroidisseurs et des robinets avaient des concentrations de plomb supérieures à 15 µg/L. D’autres études ont révélé qu’entre 5 % et 21 % des fontaines ou des robinets d’eau potable présentaient des concentrations de plomb supérieures à 20 µg/L après une période de stagnation de plus de 8 heures (Gnaedinger, 1993; Bryant, 2004; Sathyanarayana et coll., 2006; Boyd et coll., 2008a).
Des études réalisées à Copenhague (Danemark) ont décelé un relargage de nickel à partir du laiton nickelé et chromé après une période de stagnation de l’eau (Anderson, 1983). Les concentrations de nickel mesurées dans les premiers 250 mL variaient de 8 à 115 µg/L, et n’étaient plus que de 9 à 19 µg/L après une purge de 5 minutes. D’autres études ont révélé la présence de concentrations élevées de nickel (jusqu’à 8 700 µg/L dans un cas) dans l’eau provenant d’installations nouvelles nickelées, en laiton nickelé et chromé ou en bronze industriel contenant du nickel au bout d’une période de stagnation de 12 heures (Nielsen et Andersen, 2001). Selon Kimbrough (2001), le laiton constitue une source possible de nickel dans l’eau du robinet. On a trouvé du nickel dans le premier litre d’eau prélevé après une période de stagnation (concentrations moyennes variant entre 4,5 et 9,2 µg/L, et concentrations maximales variant entre 48 et 102 µg/L). Les résultats ont aussi montré que le nickel se trouvait presque entièrement dans les 100 premiers millilitres prélevés.
Tuyaux de fer
Lorsque des tuyaux de fer sont exposés à de l’eau aérée ou chlorée, le fer métallique est oxydé et des produits de corrosion du fer se forment (p. ex. des tubercules). Bien que l’oxydant dominant dans la plupart des sources d’approvisionnement en eau soit l’oxygène dissous, le chlore accélère lui aussi la corrosion; toutefois, les concentrations de chlore sont généralement inférieures à celles de l’oxygène dissous. Le taux de corrosion du fer dépend de la concentration d’oxygène dissous et du taux de transport vers la surface du métal. Les ions ferreux produits par la réaction d’oxydation peuvent se dissoudre dans l’eau ou se déposer sur la surface de fer corrodée, sous la forme d’incrustations. En prenant de l’ampleur, ces incrustations diminuent le taux de corrosion du fer, mais la dissolution des sous-produits de la corrosion contribue au relargage de fer dans l’eau. L’ampleur de ce processus dépend de la qualité de l’eau et des conditions hydrauliques (Benjamin et coll., 1996; McNeill et Edwards, 2001). Le débit d’eau dans le tuyau, la température, ainsi que l’épaisseur et la porosité des incrustations accumulées à la surface du métal affectent tous le transport de l’oxygène. Les paramètres de qualité de l’eau, comme l’alcalinité, le pH et la concentration d’ions inorganiques, ont un effet minime sur le taux de corrosion; toutefois, ils peuvent avoir une incidence sur la formation d’incrustations de corrosion puis, à un stade ultérieur, sur le taux de corrosion (Benjamin et coll., 1996).
Selon de nombreux travaux de recherche, les incrustations constituées de fer peuvent servir de puits ou de source persistante de plomb dans l’eau potable (Friedman et coll., 2010; Schock et coll., 2014). Plus particulièrement, une corrélation a été observée entre les concentrations de fer au robinet et le plomb (Santé Canada, 2019a; Trueman et Gagnon, 2016; Deshommes et coll., 2017; Pieper et coll., 2017; Trueman et coll., 2017; Pieper et coll., 2018). Des concentrations élevées de plomb ont été observées après le remplacement complet et partiel des entrées de service en plomb et ont été associées au relargage de fer dans l’eau fournie par une conduite principale faite en fer sans revêtement (Santé Canada, 2019c). Le plomb peut s’accumuler dans la tuyauterie en fer galvanisé ou les dépôts de fer formés dans la tuyauterie des bâtiments par adsorption et être relargué même après l’élimination de la source primaire de plomb (McFadden et coll., 2011; Schock et coll., 2014).
Les hydroxydes de fer peuvent également provoquer l’adsorption et la concentration d’autres contaminants, comme le manganèse, l’arsenic et l’aluminium. La chloration de l’eau dans un réseau de distribution d’eau souterraine aux États-Unis a provoqué une hausse marquée des concentrations d’arsenic au robinet. La chloration a induit la formation d’hydroxyde ferrique solide, ce qui a provoqué la sorption et la concentration de l’arsenic qui se trouvait dans les eaux souterraines pourtant à des concentrations inférieures à 10 µg/L. La chloration a également entraîné la libération d’oxydes de cuivre, qui ont eux aussi provoqué la sorption et la concentration de l’arsenic. Les concentrations d’arsenic mesurées dans l’eau ont atteint jusqu’à 5 mg/L (Reiber et Dostal, 2000). De plus, les incrustations peuvent se déloger ultérieurement si la qualité de l’eau distribuée est modifiée (Reiber et Dostal, 2000; Lytle et coll., 2004) ou si les conditions hydrauliques sont modifiées (Santé Canada, 2019c). Triantafyllidou et coll. (2019) ont signalé des concentrations moyennes d’arsenic au robinet allant de 0,5 à 51 μg/L dans des réseaux où les concentrations élevées étaient attribuées en partie à une désorption à partir d’oxydes de fer, à la dissolution d’oxydes de fer ou à une remise en suspension avec des oxydes de fer. Du manganèse, du cadmium, du chrome, du baryum, du radium, du thorium, de l’uranium ainsi que du fer ont été détectés dans les solides évacués lors de la purge de bornes d’incendie. Les changements dans l’approvisionnement en eau peuvent également causer des épisodes d’eau rouge et une augmentation concomitante des concentrations de contaminants inorganiques. Le manganèse s’accumule dans les dépôts qui se forment dans les tuyaux de distribution et qui peuvent se détacher; dans les tuyaux de fer, le manganèse est associé aux tubercules (Santé Canada, 2019d). Le manganèse s’accumule moins dans les incrustations qui se forment sur la surface des tuyaux de fer que dans les tuyaux de PVC (Imran et coll., 2005; Friedman et coll., 2016). L’aluminium peut s’accumuler sur les tuyaux de fer et être libéré avec d’autres contaminants lorsque la qualité de l’eau change. Des perturbations physiques ou hydrauliques peuvent également provoquer le détachement des dépôts d’aluminium (Santé Canada, 2020b).
Les produits de la corrosion du fer dans le réseau de distribution favorisent la croissance microbienne, et les incrustations de corrosion constituent un habitat favorable pour les microorganismes, tout comme les produits de corrosion en suspension. La corrosion libère du fer ferreux, qui est oxydé par le chlore en fer ferrique, ce qui provoque l’épuisement des résidus de désinfectants et favorise la croissance microbienne. Le fer corrodé fournit un milieu propice à la croissance bactérienne, protégeant ainsi les bactéries du biofilm contre l’inactivation par le chlore libre. Même un faible taux de corrosion (p. ex. 1 mm/an) permet aux tuyaux de fer de soutenir une plus grande biomasse bactérienne que les tuyaux non corrodés. Un taux de corrosion élevé réduit par ailleurs la capacité de désinfection des monochloramines (Santé Canada, 2019c).
Tuyaux en ciment
Des concentrations élevées d’aluminium ont été détectées dans l’eau potable de Willemstad, à Curaçao (Antilles néerlandaises), après l’installation de 2,2 km de nouveaux tuyaux à revêtement de mortier de ciment ayant une teneur en aluminium élevée (18,7 % d’oxyde d’aluminium) (Berend et Trouwborst, 1999). Les concentrations d’aluminium dans l’eau distribuée sont passées de 5 à 690 µg/L dans les deux mois qui ont suivi cette installation, et elles étaient toujours supérieures à 100 µg/L deux ans plus tard. Ces concentrations anormalement élevées ont été attribuées à la faible dureté de l’eau (15 à 20 mg/L de CaCO3), à sa faible alcalinité (18 à 32 mg/L de CaCO3), à son pH élevé (8,5 à 9,5), au temps de contact prolongé (2,3 jours) de l’eau distribuée et à l’utilisation de polyphosphates en guise d’inhibiteurs de la corrosion.
Une série d’essais effectués sur le terrain dans diverses régions du Royaume-Uni où l’eau présentait des caractéristiques différentes (Conroy, 1991) a permis d’observer un relargage d’aluminium à partir de tuyaux à revêtement de ciment portland appliqué in situ. On a mesuré des concentrations d’aluminium supérieures à la concentration de 0,2 mg/L prévue par la norme de la Communauté européenne (CE) après l’installation de tuyaux dans une zone où l’eau présentait une très faible alcalinité (environ 10 mg/L de CaCO3) et un pH élevé (> 9,5), avec un temps de contact de 6 heures; les concentrations d’aluminium sont passées sous le seuil de 0,2 mg/L après deux mois d’utilisation. Par ailleurs, dans les zones où l’eau était légèrement plus alcaline (environ 50 mg/L de CaCO3), les concentrations d’aluminium ne dépassaient pas la valeur prévue par la norme de la CE. La recommandation canadienne pour l’aluminium dans l’eau potable est de 2,9 mg/L, et cette valeur est fondée sur des effets neurologiques (Santé Canada, 2020b).
On a observé la présence de fibres d’amiante dans l’eau distribuée par des tuyaux en amiante-ciment (Leroy et coll., 1996). Cependant, selon le document technique de la Recommandation pour la qualité de l’eau potable au Canada concernant l’amiante, « il n’existe pas d’ensemble cohérent de données convaincantes indiquant que l’ingestion d’amiante est dangereuse. Par conséquent, il n’est pas nécessaire de fixer une concentration maximale acceptable (CMA) pour l’amiante dans l’eau potable » (Santé Canada, 1989).
Facteurs influant sur les concentrations de contaminants dans l’eau du robinet
De nombreux facteurs contribuent à la corrosion et au relargage de contaminants dans les réseaux de distribution d’eau potable, mais les principaux sont le type de matériau utilisé, l’âge de la plomberie, la période de stagnation de l’eau et la qualité de l’eau dans le réseau. Les concentrations de toutes les matières corrosives ou solubles présentes dans le réseau de distribution dépendront de certains ou de l’ensemble des facteurs. Toutefois, l’incidence de ces facteurs sur chacun des contaminants variera d’un contaminant à l’autre.
La biocorrosion est le résultat d’une réaction entre le matériau des tuyaux et les organismes qui s’y trouvent, leurs sous-produits métaboliques, ou les deux (Schock et Lytle, 2011). L’activité microbienne peut influencer le pH, la solubilité du métal, le potentiel d’oxydoréduction et le microenvironnement. On trouvera des renseignements plus détaillés sur ce type de corrosion dans d’autres documents de référence [AWWA, 2017a; Santé Canada (2019)].
Les facteurs qui influent sur la corrosion et le relargage du plomb, du cuivre, du fer et du ciment sont examinés ci-après, puisque ces matériaux sont ceux qui risquent le plus de produire des contaminants en concentrations supérieures aux Recommandations pour la qualité de l’eau potable au Canada, de poser des risques pour la santé publique et d’être à l’origine de plaintes des consommateurs.
Âge de la plomberie
Les concentrations de plomb mesurées au robinet et provenant des soudures au plomb et des raccords en laiton diminuent avec le temps (Sharrett et coll., 1982; Birden et coll., 1985; Boffardi, 1988, 1990; Schock et Neff, 1988; Neuman, 1995). Les chercheurs ont conclu que les concentrations de plomb les plus élevées s’observent au cours de la première année qui suit l’installation des plomberies et qu’elles diminuent ensuite pour marquer un palier au bout d’un certain nombre d’années (Sharrett et coll., 1982; Boffardi, 1988). Toutefois, contrairement aux joints soudés au plomb et aux raccords en laiton, les tuyaux en plomb demeurent une source constante et importante de plomb même après plusieurs années d’utilisation (Britton et Richards, 1981; Schock et coll., 1996). L’analyse d’échantillons d’eau du robinet prélevés dans le cadre d’une étude sur le terrain (Maas et coll., 1991) a montré que les habitations de tous âges présentaient des risques importants de contamination par le plomb.
L’âge des matériaux, des raccords et des dispositifs de plomberie est particulièrement important en ce qui concerne le cuivre et le laiton (Schock et Lytle, 2011). La libération du cuivre dans l’eau potable dépend en grande partie du type d’incrustations formées par la corrosion dans le système de plomberie. On peut supposer qu’à un âge donné, un sous-produit de la corrosion déterminera les concentrations de cuivre libérées dans l’eau potable. La solubilité dépend de la nature des incrustations prédominantes et peut être classée par ordre décroissant comme suit : hydroxyde cuivreux [Cu(OH)2] > brochantite [Cu4(SO4)(OH)6] >> phosphate cuivrique [Cu3(PO4)2] > ténorite [CuO] et malachite [Cu2(OH)2CO3] (Schock et coll., 1995). Les concentrations de cuivre continuent de diminuer avec l’âge des matériaux de plomberie même après 10 ou 20 ans d’utilisation, lorsque les incrustations de ténorite ou de malachite tendent à prédominer (Sharrett et coll., 1982; Neuman, 1995; Edwards et McNeill, 2002). Dans certains cas, les sulfates et les phosphates peuvent d’abord réduire les concentrations de cuivre en formant de la brochantite et du phosphate cuivrique, mais ils risquent à plus long terme d’empêcher la formation d’incrustations de ténorite et de malachite plus stables (Edwards et coll., 2002).
L’âge des tuyaux en fer influe sur leur corrosion. En règle générale, la concentration de fer dans l’eau et le taux de corrosion augmentent avec le temps à partir de la première exposition à l’eau, et diminuent ensuite graduellement à mesure que les incrustations s’accumulent (McNeill et Edwards, 2001). Toutefois, la plupart des problèmes d’eau rouge actuels sont causés par de vieux tuyaux en fonte sans revêtement, à la surface recouverte de très nombreux tubercules, qui présentent une stagnation de l’eau dans les culs-de-sac. Sarin et coll. (2003) ont récupéré des tuyaux en fonte sans revêtement vieux de 90 à 100 ans dans des réseaux de distribution et ont constaté que l’accumulation d’incrustations dans ces tuyaux était telle qu’elle réduisait le diamètre interne des tuyaux dans une proportion qui pouvait atteindre 76 %. Les tuyaux dans cet état sont sujets à l’abrasion et présentent de grandes surfaces de contact qui favorisent la libération du fer.
Un matériau à base de ciment nouvellement installé libère d’ordinaire de l’hydroxyde de calcium qui contribue à augmenter le pH, l’alcalinité et la teneur en calcium de l’eau (Holtschulte et Schock, 1985; Douglas et Merrill, 1991; Conroy et coll., 1994; Douglas et coll., 1996; Leroy et coll., 1996).
Les expériences de Douglas et Merrill (1991) ont montré qu’après 1, 6 et 12 années d’exposition à un débit peu élevé d’eau faiblement alcaline, le relargage d’hydroxyde de calcium à partir du revêtement de mortier de ciment persistait, mais diminuait toutefois de façon importante dans les tuyaux de 6 et de 12 ans comparativement aux tuyaux d’un an. Le relargage d’hydroxyde de calcium diminue naturellement avec l’épuisement du calcium de la surface des tuyaux, et les dépôts formés au fil du temps protègent le mortier contre un relargage supplémentaire.
Temps de stagnation, âge de l’eau et débit
Plomb
Les concentrations de plomb et de cuivre mesurées dans l’eau potable provenant de diverses sources de plomb, notamment les entrées de service en plomb, les soudures au plomb et les raccords en laiton, peuvent augmenter de façon importante après quelques heures de stagnation de l’eau dans les réseaux de distribution. De nombreux facteurs, comme la qualité de l’eau et l’âge, la composition, le diamètre et la longueur des tuyaux de plomb, ont des répercussions sur la forme des courbes de stagnation et sur le temps requis pour atteindre un état d’équilibre (Lytle et Schock, 2000).
À l’examen des courbes de stagnation établies par divers auteurs, Schock et coll. (1996) ont conclu que les concentrations de plomb augmentaient de façon exponentielle lorsqu’il y avait stagnation, mais qu’elles atteignaient une valeur d’équilibre assez constante au bout d’une nuit de stagnation. Lytle et Schock (2000) ont montré que les concentrations de plomb augmentaient rapidement avec la stagnation de l’eau, et que les 20 à 24 premières heures constituaient une période critique pour les tuyaux de plomb et les raccords en laiton. Ils ont constaté que l’augmentation de la concentration de plomb était plus rapide au cours des 10 premières heures, atteignant environ 50 % à 70 % de la valeur maximale observée. La concentration du plomb continuait ensuite d’augmenter légèrement, même jusqu’à une période de 90 heures de stagnation.
Kuch et Wagner (1983) ont représenté graphiquement les concentrations de plomb par rapport à la durée de stagnation pour deux qualités d’eau et deux diamètres de tuyaux en plomb. Les concentrations de plomb dans un tuyau de 1/2 po (1,3 cm), dont l’eau présentait un pH de 6,8 et une alcalinité de 10 mg/L (carbonate de calcium [CaCO3]), étaient sensiblement plus élevées que celles mesurées dans un tuyau de 3/8 po (0,95 cm), dont l’eau présentait un pH de 7,2 et une alcalinité de 213 mg/L (CaCO3). D’autres données produites par Kuch et Wagner (1983) indiquent que les concentrations de plomb atteignent un niveau presque maximal ou d’équilibre après une période de stagnation de plus de 300 minutes (5 heures) dans un tuyau de 1/2 po (entrée de service en plomb de 1,3 cm) et de plus de 400 minutes (6,7 heures) dans un tuyau de 3/8 po (1,0 cm). Le diamètre des tuyaux ou des entrées de service en plomb au Canada varie de 1/2 po (1,3 cm) à 3/4 po (1,9 cm), mais se situe le plus souvent entre 5/8 po (1,6 cm) et 3/4 po (1,9 cm). En outre, on a démontré que les concentrations de plomb sont très sensibles à la durée de stagnation durant les trois premières heures de repos de l’eau dans des tuyaux dont le diamètre se situe entre 1/2 po (1,3 cm) et 3/4 po (1,9 cm). Selon les caractéristiques de la qualité de l’eau et le diamètre des tuyaux, des différences dans la durée de stagnation aussi peu importantes que 30 ou 60 minutes ont permis d’observer des écarts dans les concentrations de plomb allant de 10 % à 30 % (Kuch et Wagner, 1983; Schock, 1990a). Les tuyaux de plomb et les tuyaux de cuivre longs et de faible diamètre produisent respectivement les plus fortes concentrations de plomb et de cuivre sous l’effet de la stagnation (Kuch et Wagner, 1983; Ferguson et coll., 1996).
Le plomb est également libéré à partir des joints soudés et des raccords en laiton pendant les périodes de stagnation (Birden et coll., 1985; Neff et coll., 1987; Schock et Neff, 1988). Wong et Berrang (1976) ont conclu que les concentrations de plomb de l’eau prélevée dans un système de plomberie résidentiel installé depuis un an et constitué de tuyaux de cuivre avec soudures étain-plomb pouvait dépasser 0,05 mg/L après une période de stagnation de 4 à 20 heures, et que l’eau en contact avec des tuyaux de plomb pouvait dépasser cette valeur en 10 à 100 minutes. Dans une étude sur les effets de la durée de stagnation sur la libération de plomb à partir de coupons en laiton, Schock et coll. (1995) ont observé que les concentrations de plomb issues de coupons en laiton contenant 6 % de plomb ont augmenté lentement pendant la première heure pour atteindre finalement une concentration maximale de 0,08 mg/L après 15 heures de stagnation. Après 6 heures de stagnation, la concentration de plomb était supérieure à 0,04 mg/L. De plus, les auteurs de l’étude ont observé que la quantité de plomb libérée des raccords en laiton variait selon la composition de l’alliage et la durée de stagnation.
On sait que la période de stagnation, le régime d’écoulement et la chimie de l’eau influent sur la libération du plomb particulaire provenant des incrustations formées dans les entrées de service en plomb. On a observé que la teneur en plomb particulaire augmentait dans des conditions d’eau en mouvement et d’eau stagnante, de même que dans des conditions de faible débit; en présence d’orthophosphate, en présence d’orthophosphate avec une période de stagnation croissante, et à un pH élevé dans des conditions d’eau en mouvement. Fait particulièrement intéressant, ces études ont invariablement montré que les débits modérés à élevés typiques d’un écoulement turbulent ou de perturbations d’écoulement peuvent accroître la mobilisation du plomb et entraîner des contributions importantes du plomb particulaire à la concentration totale de plomb (Santé Canada, 2019a).
Cuivre
Le cuivre affiche un comportement plus complexe que le plomb en eau stagnante. Les concentrations de cet élément augmentent au début de la stagnation, mais elles peuvent ensuite diminuer ou continuer d’augmenter selon les teneurs de l’eau en oxydant. Lytle et Schock (2000) ont montré que les concentrations de cuivre augmentent rapidement avec la stagnation de l’eau dans les tuyaux, mais qu’elles retombent rapidement dès que la concentration d’oxygène dissous passe sous le seuil de 1 mg/L. Ce comportement est également démontré dans une étude sur les effets de la stagnation et de la température sur la qualité de l’eau dans les réseaux de distribution (Zlatanovic et coll., 2017). Les auteurs ont constaté que les concentrations de cuivre augmentaient avec le temps de stagnation en hiver et en été. Des échantillons prélevés au robinet ont permis de constater que les concentrations de cuivre culminaient à 1 370 mg/L après 48 h de stagnation en hiver et à 1 140 mg/L après 24 h de stagnation en été. Les concentrations de cuivre ont diminué après le pic dans les deux saisons (données sur le pH et l’alcalinité non fournies). Sorg et coll. (1999) ont également observé que lorsque l’eau est adoucie, les concentrations de cuivre augmentent jusqu’à atteindre des valeurs maximales de 4,4 et de 6,8 mg/L après environ 20 à 25 heures de stagnation, et qu’elles retombent ensuite à 0,5 mg/L après 72 à 92 heures. Les concentrations maximales correspondent au moment où la teneur en oxygène dissous est réduite à 1 mg/L ou moins. Dans l’eau non adoucie, la concentration maximale est atteinte en moins de 8 heures, puisque la concentration d’oxygène dissous diminue plus rapidement dans les tuyaux en boucle exposés à ces conditions. Les vitesses d’écoulement élevées peuvent parfois être associées à la corrosion par érosion ou au retrait mécanique de l’incrustation protectrice dans les tuyaux en cuivre. Une vitesse d’écoulement élevée, combinée à des propriétés corrosives de l’eau, peut rapidement altérer les matériaux des tuyaux (Santé Canada, 2019b).
Fer
La plupart des épisodes d’eau rouge sont causés par de vieux tuyaux en fonte sans revêtement, à la surface recouverte de très nombreux tubercules, qui présentent une stagnation de l’eau dans les culs-de-sac. On a indiqué que les périodes cycliques d’écoulement et de stagnation de l’eau constituaient la principale cause des problèmes d’eau rouge découlant de la corrosion du fer dans les réseaux de distribution (Benjamin et coll., 1996). On a également montré que la concentration du fer augmentait pendant les périodes plus longues de stagnation qui caractérisent les culs-de-sac (Beckett et coll., 1998; Sarin et coll., 2000). Le fer peut également se corroder dans un réseau de distribution d’eau lorsque la concentration d’oxygène dissous est limitée (eau stagnante). Pendant la stagnation, la concentration d’oxygène dissous est réduite près de la surface du métal, et les oxydes ferriques présents dans les incrustations de corrosion peuvent agir comme oxydant. Le fer ferrique sert ainsi d’oxydant, ce qui entraîne la production de fer ferreux. Le fer ferreux peut se précipiter ou se diffuser dans l’eau libre et être ensuite oxydé en fer ferrique (insoluble) par l’oxygène dissous, conférant ainsi à l’eau une coloration rouge (Benjamin et coll., 1996; Sarin, 2004). Il peut y avoir des plaintes au sujet d’épisodes d’eau rouge lorsque des périodes d’écoulement et de stagnation de l’eau se succèdent de façon cyclique (Santé Canada, 2019c).
Ciment
On a établi une corrélation entre la période de contact de l’eau distribuée avec les matériaux en ciment et la détérioration de la qualité de l’eau, qui augmente avec un contact prolongé (Holtschulte et Schock, 1985; Conroy, 1991; Douglas et Merrill, 1991; Conroy et coll., 1994; Douglas et coll., 1996; Berend et Trouwborst, 1999). À l’issue d’une étude effectuée aux États-Unis sur 33 réseaux de distribution dotés de nouveaux tuyaux à revêtement de mortier de ciment in situ et qui transportaient de l’eau de faible alcalinité, Douglas et Merrill (1991) ont conclu que la dégradation de la qualité de l’eau était plus évidente dans les culs-de-sac ou dans les sections à débit faible ou intermittent. De façon analogue, Conroy (1991) et Conroy et coll. (1994) ont constaté que plus l’eau restait en contact avec le revêtement en mortier, plus les hydroxydes relargués s’accumulaient et, par conséquent, plus le pH était élevé.
pH
L’effet du pH sur la solubilité des sous-produits de la corrosion est souvent un facteur clé permettant de comprendre la concentration des métaux dans l’eau du robinet. Il est important de souligner à cet égard que la solubilité des sous-produits de la corrosion formés dans les réseaux de distribution diminue habituellement lorsque le pH de l’eau augmente. La libération de métaux à partir des matériaux utilisés dans les réseaux de distribution et la plomberie des bâtiments est influencé par le pH, mais aussi par l’alcalinité et la concentration de carbone inorganique dissous (CID) de l’eau, puisque ces derniers influent sur la formation d’incrustations à la surface des matériaux. La présence d’incrustations sur la surface interne des tuyaux aide à prévenir la libération de plomb ou de cuivre dans l’eau (Schock et Lytle, 2011).
Plomb
La passivation du plomb résulte généralement de la formation d’un film de surface composé de particules d’hydroxycarbonate ou d’orthophosphate de Pb(II). La solubilité des principaux sous-produits bivalents de la corrosion du plomb (cérusite [PbCO3], hydrocérusite [Pb3(CO3)2(OH)2] et hydroxyde de plomb [Pb(OH)2]) a un effet déterminant sur les concentrations de plomb dans l’eau du robinet (Schock, 1980, 1990b; Sheiham et Jackson, 1981; De Mora et Harrison, 1984; Boffardi, 1988, 1990; U.S. EPA, 1992; Leroy, 1993; Peters et coll., 1999).
Pour des raisons ayant trait à la thermodynamique, la solubilité des sous-produits de la corrosion du plomb dans les réseaux de distribution diminue à mesure que le pH augmente (Britton et Richards, 1981; Schock et Gardels, 1983; De Mora et Harrison, 1984; Boffardi, 1988; Schock, 1989; U.S. EPA, 1992; Singley, 1994; Schock et coll., 1996). Les modèles de solubilité montrent que les concentrations de plomb sont au plus bas lorsque le pH se situe autour de 9,8. Toutefois, ces relations avec le pH de l’eau risquent de ne pas se vérifier dans le cas du dioxyde de plomb tétravalent insoluble solide (PbO2), découvert dans les dépôts de tuyaux en plomb de plusieurs réseaux de distribution où le potentiel d’oxydoréduction est élevé (conditions hautement oxydantes) (Schock et coll., 1996, 2001; Schock et Lytle, 2011). Selon le pH et l’alcalinité de l’eau, les incrustations des tuyaux peuvent comprendre de l’hydrocérusite [(Pb3CO3)2(OH)2] (faible pH, faible alcalinité), de la cérusite (PbCO3) et du massicot (PbO) (alcalinité élevée) (McNeill et Edwards, 2004).
Du dioxyde de plomb a aussi été trouvé dans des eaux à pH faible, et souvent dans des eaux à forte alcalinité (Schock et coll., 2001, 2005b). Selon une compilation de données thermodynamiques, la relation observée entre le pH et le PbO2 pourrait être l’inverse de celle observée avec les solides du plomb bivalent (p. ex. cérusite, hydrocérusite) (Schock et coll., 2001; Schock et Giani, 2004). Lytle et Schock (2005) ont démontré que le PbO2 se formait facilement à un pH de 6 à 6,5 dans de l’eau contenant de chlore libre résiduel persistant, en quelques semaines à quelques mois.
Le relargage de plomb à partir des soudures au plomb est principalement contrôlé par la corrosion galvanique, et l’augmentation du pH est associée à une diminution de la corrosion des soudures au plomb (Oliphant, 1983a; Schock et Lytle, 2011).
On a constaté par expérience dans les systèmes d'approvisionnement en eau potable que les concentrations les plus faibles de plomb dans l’eau du robinet étaient associées à un pH supérieur à 8 (Karalekas et coll., 1983; Lee et coll., 1989; Dodrill et Edwards, 1995; Douglas et coll., 2004). En se fondant sur des expériences menées en laboratoire et des expériences pilotes, ainsi que sur l’analyse d’un certain nombre de critères, la Ville d’Ottawa a choisi d’utiliser de l’hydroxyde de sodium et du dioxyde de carbone pour maintenir un pH de 9,2 et une alcalinité minimale cible de 35 mg/L de CaCO3 afin de contrôler la corrosion. Pendant la phase initiale du passage à l’hydroxyde de sodium, le pH a été maintenu à 8,5. Toutefois, en mesurant la concentration de plomb, on a découvert une zone de la ville où la teneur en plomb de l’eau du robinet était élevée (de 10 à 15 µg/L dans les échantillons prélevés après une période de purge). Le problème a été attribué à un phénomène de nitrification dans le réseau de distribution, qui a réduit le pH de 8,5 à 7,8-8,2, et a entraîné le relargage du plomb à partir des entrées de service en plomb. On a augmenté le pH de l’eau à 9,2, et cette hausse a presque immédiatement réduit les concentrations de plomb à 6 à 8 µg/L dans les échantillons prélevés après une période de purge. Une surveillance continue a montré que, après l’augmentation du pH, les concentrations de plomb dans l’eau du robinet étaient systématiquement inférieures à la norme de 10 µg/L (soit 1,3 à 6,8 µg/L) (Douglas et coll., 2007).
L’étude de données fournies par 365 systèmes d'approvisionnement en eau potable a révélé que les teneurs moyennes en plomb de l’eau du robinet au 90e centile dépendaient à la fois du pH et de l’alcalinité de l’eau (Dodrill et Edwards, 1995). Dans la catégorie du niveau le plus bas de pH (pH < 7,4) et d’alcalinité (< 30 mg/L de CaCO3), la probabilité pour les systèmes d'approvisionnement en eau potable de dépasser le niveau d’intervention prescrit par la Lead and Copper Rule (LCR) de la U.S. EPA pour le plomb, soit 0,015 mg/L, s’établissait à 80 %. Dans cette catégorie de faible alcalinité, seul un pH supérieur à 8,4 semblait capable de réduire les concentrations de plomb dans l’eau du robinet. Toutefois, lorsqu’on combine une alcalinité supérieure à 30 mg/L de CaCO3 et un pH supérieur à 7,4, l’eau distribuée peut dans certains cas satisfaire au niveau d’intervention relatif au plomb.
Une enquête a été menée auprès de 94 systèmes d'approvisionnement en eau potable, dans le cadre de laquelle on a échantillonné 1 484 sites comportant des entrées de service en plomb et des entrées de service sans plomb après une période de stagnation d’au moins 6 heures pendant la nuit, afin d’évaluer les facteurs qui influent sur les concentrations de plomb au robinet du consommateurs (Lee et coll., 1989). Les chercheurs ont démontré que le maintien d’un pH d’au moins 8,0 permettait de contrôler efficacement les concentrations de plomb (< 10 µg/L) dans le premier litre d’eau recueilli au robinet.
Une étude de 5 ans a été menée pour réduire les concentrations de plomb dans le réseau de distribution d’eau potable de la région métropolitaine de Boston, au Massachusetts (Karalekas et coll., 1983). Les chercheurs ont surveillé les concentrations de plomb dans l’eau du robinet, dans les entrées de service en plomb et dans le réseau de distribution connexe de quatorze ménages. Les concentrations moyennes ont été calculées en combinant des échantillons prélevés au robinet 1) après une nuit de stagnation; 2) après avoir laissé couler l’eau jusqu’à ce qu’elle devienne froide; 3) après une purge du réseau pendant trois minutes supplémentaires. Même si l’alcalinité est toujours restée très faible (12 mg/L de CaCO3 en moyenne), l’élévation du pH de 6,7 à 8,5 a réduit les concentrations moyennes de plomb de 0,128 à 0,035 mg/L.
Cuivre
Même si l’ion hydrogène ne joue pas un rôle de réduction direct sur les surfaces de cuivre, le pH peut influer sur la corrosion du cuivre en modifiant le potentiel d’équilibre de la demi-réaction de réduction de l’oxygène, ainsi que l’espèce de cuivre en solution (Reiber, 1989). La libération de cuivre dépend en grande partie du pH. Lorsque le cuivre se corrode, il est oxydé en espèces de cuivre Cu(I) (cuivreux) et Cu(II) (cuivrique) qui peuvent former des incrustations protectrices à base de carbonate de cuivre (passivation) à la surface des matériaux de plomberie en cuivre, en fonction du pH et des concentrations de CID et d’agents oxydants dans l’eau (Atlas et coll., 1982; Pisigan et Singley, 1987; Schock et coll., 1995; Ferguson et coll., 1996). La corrosion du cuivre augmente rapidement lorsque le pH est inférieur à 6, et les taux de corrosion uniformes peuvent être élevés lorsque le pH est faible (inférieur à 7, environ), ce qui provoque un amincissement du métal. À des valeurs de pH plus élevées (supérieures à 8, environ), les problèmes de corrosion du cuivre se manifestent presque toujours par des piqûres de corrosion ou par une corrosion inégale (Edwards et coll., 1994a; Ferguson et coll., 1996). Edwards et coll.(1994b) ont observé que, dans le cas de surfaces de cuivre neuves exposées à des solutions simples contenant du bicarbonate, du chlorure, du nitrate, du perchlorate ou du sulfate, l’augmentation du pH de 5,5 à 7,0 réduisait environ de moitié le taux de corrosion, mais que des hausses additionnelles du pH n’entraînaient que des changements mineurs.
Pour prévoir les concentrations de cuivre dans l’eau potable, on s’appuie sur la solubilité et les propriétés physiques de l’oxyde et de l’hydroxyde cuivriques ainsi que des carbonates solides dont sont constituées les incrustations dans la plupart des réseaux de distribution d’eau faits de cuivre (Schock et coll., 1995). Le modèle à l’hydroxyde cuivrique de Schock et coll. (1995) montre clairement qu’une augmentation du pH entraîne une réduction de la solubilité du cuivre. Lorsque le pH atteint une valeur supérieure à environ 9,5, le modèle prédit une augmentation de la solubilité de l’hydroxyde cuivrique causée par les complexes de carbonates et d’hydroxydes. L’examen des données sur les concentrations de cuivre dans l’eau potable communiquées par 361 systèmes d'approvisionnement en eau potable révèle que les valeurs moyennes du 90e centile sont plus élevées dans l’eau dont le pH est inférieur à 7,4, et qu’aucun des services dont l’eau présentait un pH supérieur à 7,8 n’a dépassé le niveau d’intervention de 1,3 mg de cuivre par litre d’eau prescrit par la U.S. EPA (Dodrill et Edwards, 1995). On a toutefois signalé que les problèmes liés à la solubilité du cuivre persistaient jusqu’à un pH d’environ 7,9 lorsqu’on utilise de l’eau souterraine froide, très alcaline et riche en sulfates (Edwards et coll., 1994a).
En général, la solubilité du cuivre augmente (c.-à-d. que la concentration du cuivre augmente) à mesure que la concentration de CID augmente et que le pH diminue (Ferguson et coll., 1996; Schock et coll., 1995). Il est possible de contrôler les concentrations de cuivre aux faibles pH. Toutefois, les eaux souterraines qui sont très alcalines et qui ont une forte concentration de CID entraînent généralement des problèmes de corrosion du cuivre, et il peut être impossible d’ajuster le pH en raison du potentiel de précipitation du CaCO3.
Fer
La libération de fer à partir des matériaux à base de fer utilisés dans les réseaux de distribution d’eau potable, comme la fonte, l’acier et la fonte ductile, a été modélisé à partir de la formation d’incrustations protectrices composées de solides ferreux (FeCO3). À l’intérieur de la plage de pH de 7 à 9, le taux de corrosion et le degré de formation de tubercules dans les réseaux de distribution en fer augmentent généralement avec la valeur du pH (Larson et Skold, 1958; Stumm, 1960; Hatch, 1969; Pisigan et Singley, 1987). Toutefois, la solubilité des sous-produits de la corrosion du fer et, donc, la concentration de fer diminuent à mesure que le pH augmente (Karalekas et coll., 1983; Kashinkunti et coll., 1999; Broo et coll., 2001; Sarin et coll., 2003). Dans une étude à l’échelle de banc d’essai de tuyaux en boucle fabriqué à l’aide de tuyaux en fonte sans revêtement vieux de 90 à 100 ans récupérés d’un réseau de distribution d’eau de Boston, les concentrations de fer ont diminué de façon constante lorsqu’on a augmenté le pH de 7,6 à 9,5 (Sarin et coll., 2003). De même, on a constaté une nette tendance à la baisse des concentrations de fer mesurées sur deux ans dans un réseau de distribution où le pH de l’eau avait été augmenté de 6,7 à 8,5 (Karalekas et coll., 1983). Le taux d’oxydation du fer ferreux augmente avec le pH et, en général, tant la solubilité que les taux de dissolution des oxydes de fer – et des autres composés du fer – diminuent à mesure que le pH augmente (Schwertmann, 1991; Silva et coll., 2002; Sarin et coll., 2003; Duckworth et Martin, 2004). Le pH de l’eau traitée a été abaissé de 10,3 à 9,7, ce qui a permis de réduire le relargage de plomb soluble. Cependant, les concentrations de fer ont augmenté à un pH de 9,7, et il y avait une corrélation avec une augmentation du relargage de plomb particulaire (Masters et Edwards, 2015).
Les eaux dont le pouvoir tampon est élevé atténuent les changements de pH. Un pH relativement stable favorise la formation de solides à base de fer, ce qui a un effet protecteur et diminue le relargage de fer. Le maintien d’un pH stable peut être important pour empêcher la désorption des contaminants inorganiques associés aux oxydes de fer.
Ciment
L’eau acide, faiblement alcaline et à faible teneur en calcium est particulièrement corrosive pour les matériaux en ciment. Les problèmes de qualité de l’eau qui peuvent se présenter sont liés à la chimie du ciment. La chaux du ciment libère dans l’eau potable des ions calcium et hydroxyles qui peuvent entraîner une hausse importante du pH, selon le pouvoir tampon de l’eau (Leroy et coll., 1996). Des essais à l’échelle pilote ont été réalisés pour simuler des conditions de faible débit dans des tuyaux récemment revêtus de mortier de ciment distribuant une eau de faible alcalinité (Douglas et coll., 1996). Dans une eau dont le pH initial était de 7,2, l’alcalinité était de 14 mg/L (CaCO3) et la teneur en calcium était de 13 mg/L (CaCO3), le pH mesuré pouvait être aussi élevé que 12,5. De même, dans une eau dont le pH initial était de 7,8, l’alcalinité était de 71 mg/L (CaCO3) et la teneur en calcium était de 39 mg/L (CaCO3), le pH mesuré pouvait être aussi élevé que 12. Les augmentations les plus importantes du pH ont été observées pendant la première semaine de l’expérience, et le pH a ensuite diminué lentement avec le vieillissement du revêtement. Dans une série d’essais sur le terrain et de montages à l’échelle de banc d’essai visant à déterminer l’incidence du revêtement de mortier de ciment in situ sur la qualité de l’eau, Conroy et coll. (1994) ont observé que, dans des conditions de faible débit et de faible alcalinité de l’eau (environ 10 mg/L de CaCO3), le pH pouvait rester supérieur à 9,5 plus de deux ans après la pose du revêtement. Les tuyaux en amiante-ciment sont particulièrement sensibles aux eaux à faible pH (inférieur à 7,5-8,0) ayant une forte alcalinité calcique et des concentrations élevées de silicate (Schock et Lytle, 2011).
Des expériences réalisées sur le terrain dans des régions du Royaume-Uni ayant diverses qualités d’eau ont permis de conclure qu’un pH élevé de l’eau dans les tuyaux en ciment pouvait rendre le plomb soluble. On a observé une hausse importante des concentrations de plomb avec l’augmentation du pH, lorsque celui-ci était supérieur à 10,5. Les concentrations de plomb variaient d’un peu moins de 100 µg/L à un pH de 11 à plus de 1 000 µg/L à un pH supérieur à 12 (Conroy, 1991). Ce résultat nous incite à nous interroger sur l’exactitude des modèles de solubilité dans des conditions de pH élevé et sur le niveau à partir duquel un ajustement du pH risque de devenir préjudiciable. Les valeurs de pH élevées provoquées par le relargage du ciment risquent aussi de favoriser le relargage d’aluminium à partir des matériaux en ciment, puisque le pH élevé risque d’augmenter la solubilité de l’aluminium (Berend et Trouwborst, 1999). L’aluminium peut perturber la passivation des orthophosphates utilisée pour le contrôle de la corrosion en empêchant la formation d’incrustations protectrices (AWWA, 2017a; Wasserstrom et coll., 2017).
Zinc
Les revêtements de zinc sur l’acier galvanisé se corrodent de façon semblable au fer, mais les réactions de corrosion sont habituellement plus lentes. La corrosion des tuyaux galvanisés peut provoquer le relargage de métaux à l’état de traces, comme le cadmium et le plomb, dans les réseaux de distribution d’eau potable. Si les tuyaux sont neufs, la corrosion dépend fortement du pH. Pisigan et Singley (1985) ont trouvé qu’à un pH inférieur à 7,5, la présence du zinc augmente dans l’eau potable (concentration de CID de 50 mg de carbone par litre [C/L]). À des pH de 7,5 à 10,4, l’hydrozincite, le sous-produit de corrosion le plus stable, prédomine. Les eaux dont le pH est supérieur à 10,4 peuvent être agressives pour le zinc et vont souvent éliminer les revêtements galvanisés (les hydroxydes de zinc dominent).
Alcalinité
L’alcalinité sert à contrôler l’intensité du pouvoir tampon dans la plupart des réseaux de distribution d’eau. Il convient donc de maintenir une valeur minimale d’alcalinité pour stabiliser le pH afin de contrôler la corrosion du plomb, du cuivre et du fer et d’assurer la stabilité des revêtements et des tuyaux à base de ciment.
Plomb
Selon les modèles thermodynamiques, la solubilité minimale du plomb s’observe à un pH relativement élevé (9,8) et à une alcalinité faible (30 à 50 mg/L de CaCO3) (Schock, 1980, 1989; Schock et Gardels, 1983; U.S. EPA, 1992; Leroy, 1993; Schock et coll., 1996). Ces modèles montrent que le niveau à partir duquel l’alcalinité influe sur la solubilité du plomb dépend de la forme de carbonate de plomb présente à la surface du tuyau. Ces modèles s’appliquent à des incrustations uniformes de minéraux de plomb, mais pas à des phases minérales de dépôts mixtes, et ils ne sont pas de bons prédicteurs des incrustations formées dans les entrées de service en plomb utilisées pour transporter de l’eau potable dans des conditions réelles (Tully et coll., 2019). Lorsque la cérusite est stable, une augmentation de l’alcalinité réduit la solubilité du plomb; lorsque l’hydrocérusite est stable, une augmentation de l’alcalinité augmente la solubilité du plomb (Sheiham et Jackson, 1981; Boffardi, 1988, 1990). La cérusite est moins stable aux valeurs du pH auxquelles l’hydrocérusite est stable et peut se former. L’hydrocérusite est au final convertie en cérusite, substance que l’on trouve dans beaucoup de dépôts qui se forment dans les tuyaux de plomb. On a observé une libération élevée du plomb dans des tuyaux où la cérusite était censée être stable compte tenu des conditions de pH et d’alcalinité. Toutefois, lorsque ces conditions sont ajustées pour permettre la stabilité thermodynamique de l’hydrocérusite, la libération du plomb devient moins élevée que dans tous les endroits où la cérusite est stable (Schock, 1990a).
Des expériences en laboratoire ont également révélé qu’à un pH variant de 7 à 9,5, l’alcalinité optimale pour le contrôle de la corrosion du plomb se situait entre 30 et 45 mg/L de CaCO3, et que des ajustements visant à augmenter l’alcalinité au-delà de cette plage de valeurs ne procuraient que peu d’avantages supplémentaires (Schock, 1980; Sheiham et Jackson, 1981; Schock et Gardels, 1983; Edwards et McNeill, 2002) et pouvaient même être nuisibles dans certains cas (Sheiham et Jackson, 1981).
Schock et coll.(1996) ont fait état de l’existence de quantités importantes de dioxyde de plomb tétravalent insoluble dans les dépôts de tuyaux de plomb de plusieurs réseaux de distribution d’eau. Toutefois, on ignore s’il existe un rapport entre l’alcalinité de l’eau et la solubilité du dioxyde de plomb, puisqu’on n’a signalé la présence d’aucun complexe ni d’aucun carbonate solide. L’existence de quantités importantes de dioxyde de plomb insoluble dans les dépôts des tuyaux en plomb pourrait expliquer la variabilité de la libération du plomb dans l’eau des entrées de service en plomb et le rapport médiocre entre la concentration totale de plomb et l’alcalinité (Lytle et Schock, 2005).
Cuivre
L’alcalinité ne devrait pas influer sur la libération du plomb à partir des soudures au plomb, puisque cette libération dépend surtout de la corrosion galvanique des soudures, par opposition à la solubilité des sous-produits de la corrosion qui sont formés (Oliphant, 1983b). Toutefois, Dudi et Edwards (2004) ont avancé que l’alcalinité pourrait jouer un rôle dans le relargage du plomb à partir des connexions galvaniques entre les éléments de plomberie contenant du plomb et ceux contenant du cuivre. Aucun lien net n’a encore été établi, d’après l’expérience des systèmes d'approvisionnement en eau potable, entre l’alcalinité de l’eau et la solubilité du plomb. Des données recueillies dans 47 municipalités des États-Unis ont donné à penser que les cibles les plus prometteuses en matière de chimie de l’eau pour le contrôle de la corrosion du plomb étaient un pH variant entre 8 et 10, et une alcalinité de 30 à 150 mg/L de CaCO3 (Schock et coll.,1996). Une étude ultérieure réalisée aux États-Unis auprès de 94 sociétés et districts d’approvisionnement en eau n’a révélé aucun lien entre la solubilité du plomb et l’alcalinité (Lee et coll., 1989). Une étude menée auprès de 365 systèmes d'approvisionnement en eau potable visés par la LCR de la U.S. EPA a permis de constater que la libération du plomb était beaucoup moins élevée lorsque l’alcalinité était maintenue entre 30 et 74 mg/L de CaCO3 que lorsqu’elle était inférieure à 30 mg/L de CaCO3. On a également relevé des teneurs en plomb inférieures dans les réseaux des services dont l’eau présentait une alcalinité située entre 74 et 174 mg/L, ou supérieure à 174 mg/L, lorsque le pH était de 8,4 ou moins (Dodrill et Edwards, 1995). Des expériences effectuées en laboratoire et sur le terrain ont démontré que le relargage du cuivre est plus important lorsque l’alcalinité est plus élevée (Edwards et coll., 1994b, 1996; Schock et coll., 1995; Ferguson et coll., 1996; Broo et coll., 1998) et que cette hausse est vraisemblablement due à la formation de complexes de bicarbonates et de carbonates de cuivre solubles (Schock et coll., 1995; Edwards et coll., 1996). L’examen des données recueillies auprès de 361 systèmes d'approvisionnement en eau potable a également montré que les effets de l’alcalinité évoluaient d’une manière à peu près linéaire et qu’ils étaient plus importants à un pH peu élevé : la combinaison d’un pH faible (< 7,8) et d’une alcalinité élevée (> 74 mg/L de CaCO3) a donné les concentrations de cuivre les plus élevées du 90e centile (Edwards et coll., 1999). Toutefois, une faible alcalinité (< 25 mg/L de CaCO3) peut elle aussi causer des problèmes selon le pH (Schock et coll., 1995). Dans le cas d’eaux fortement alcalines, la seule solution pratique pour réduire la solubilité du cuivre consiste à adoucir l’eau à la chaux, à éliminer le bicarbonate ou à ajouter des quantités relativement élevées d’orthophosphate (U.S. EPA, 2003).
Des concentrations de cuivre peu élevées peuvent cependant être observées avec une alcalinité élevée lorsque les conditions favorisent la formation de malachite et de ténorite moins solubles (Schock et coll., 1995). Une expérience réalisée en laboratoire par Edwards et coll. (2002) a permis d’observer que, dans le cas des tuyaux relativement neufs, à un pH de 7,2, il y avait un rapport pratiquement linéaire entre la concentration maximale du cuivre libéré et l’alcalinité. Toutefois, à mesure que les tuyaux vieillissaient, la concentration de cuivre libéré dans l’eau était moins élevée à une alcalinité de 300 mg/L de CaCO3, favorisant la formation de malachite, qu’à une alcalinité de 15 et 45 mg/L de CaCO3, qui favorisait plutôt la formation d’hydroxyde cuivrique relativement soluble.
Fer
On a attribué des taux de corrosion du fer plus faibles (Stumm, 1960; Pisigan et Singley, 1987; Hedberg et Johansson, 1987; Kashinkunti et coll., 1999) et des concentrations de fer plus faibles (Horsley et coll., 1998; Sarin et coll., 2003) à l’alcalinité élevée de l’eau dans les réseaux de distribution.
Des études réalisées à l’échelle de banc d’essai de tuyaux en boucle fabriqué à l’aide de tuyaux en fonte sans revêtement vieux de 90 à 100 ans récupérés d’un réseau de distribution d’eau de Boston ont démontré qu’une réduction de l’alcalinité de 30-35 mg/L à 10-15 mg/L de CaCO3 à un pH constant provoquait une augmentation immédiate de 50 % à 250 % de la libération du fer dans l’eau. En augmentant l’alcalinité de l’eau de 30-35 mg/L à 58-60 mg/L de CaCO3 et en la ramenant ensuite à 30-35 mg/L, on a aussi démontré que l’augmentation de l’alcalinité réduisait la libération de fer, mais que le changement n’était pas aussi important que les changements observés dans la plage inférieure des valeurs de l’alcalinité (Sarin et coll., 2003). On a réalisé une analyse des paramètres de la qualité de l’eau traitée (pH, alcalinité, dureté, température et teneurs en chlorures et en sulfates) et des plaintes des consommateurs ayant trait à des épisodes d’eau rouge en utilisant des données allant de 1989 à 1998. La plupart des épisodes d’eau rouge étaient liés à l’utilisation de tuyaux en fonte sans revêtement âgés de 50 à 70 ans. Pendant cette période, le pH annuel moyen de l’eau distribuée a varié entre 9,1 et 9,7; son alcalinité a varié de 47 à 76 mg/L de CaCO3, et sa dureté totale a varié de 118 à 158 mg/L de CaCO3. Les chercheurs ont conclu que le rapport entre l’alcalinité de l’eau et sa coloration rouge était le plus net, et que l’on pouvait réduire de façon importante le nombre de plaintes des consommateurs en maintenant l’alcalinité de l’eau traitée à un niveau supérieur à 60 mg/L de CaCO3 (Horsley et coll., 1998).
Ciment
L’alcalinité est un des principaux paramètres influant sur la détérioration de la qualité de l’eau due aux matériaux à base de ciment. Lorsque de l’eau faiblement tamponnée entre en contact avec du ciment, les substances alcalines solubles du ciment passent rapidement dans l’eau potable. Conroy et coll.(1994) ont observé que l’alcalinité jouait un rôle important dans la détérioration de la qualité de l’eau prélevée dans les culs-de-sac de conduites principales à revêtement de mortier in situ où le débit d’eau est faible. Lorsque l’alcalinité se maintient aux alentours de 10 mg/L de CaCO3, les valeurs du pH restent au-dessus de 9,5 pendant une période pouvant aller jusqu’à deux ans, et les concentrations d’aluminium demeurent supérieures à 0,2 mg/L pendant un mois ou deux après l’installation du revêtement. Par contre, lorsque l’alcalinité atteint environ 35 mg/L de CaCO3, les problèmes de qualité de l’eau se limitent à une hausse du pH à un niveau supérieur à 9,5 pendant un mois ou deux après l’installation du revêtement. Lorsque l’alcalinité est supérieure à 55 mg/L de CaCO3, on ne relève aucun problème de qualité de l’eau.
La nature du film de passivation formé sur le tuyau d’acier galvanisé change en fonction de divers facteurs. Les eaux dont la concentration de CID est modérée et dont le pouvoir tampon est élevé semblent produire de bons films de passivation (Crittenden et coll., 2012).
Température et variations saisonnières
Il n’existe pas de rapport simple entre la température et les processus de corrosion, puisque la température influe sur plusieurs paramètres de la qualité de l’eau, comme la solubilité de l’oxygène dissous, la viscosité, les taux de diffusion, les coefficients d’activité, l’enthalpie des réactions, la solubilité des composés, les taux d’oxydation et l’activité biologique (McNeill et Edwards, 2002).
Ces paramètres influent à leur tour sur le taux de corrosion, les propriétés des incrustations formées et le relargage des substances dans les réseaux de distribution. On s’attend à ce que le taux de corrosion du plomb et du fer augmente en fonction de la température. L’eau chaude est souvent plus corrosive que l’eau froide (Schock et Lytle, 2011). Ainsi, il y a un effet plus direct sur la solubilité du plomb au robinet lorsque la température est élevée. La solubilité de plusieurs sous-produits de la corrosion diminue à mesure que la température augmente (Schock, 1990a; Edwards et coll., 1996; McNeill et Edwards, 2001, 2002).
On a établi une corrélation entre les variations saisonnières (été-hiver) de la température et les concentrations de plomb dans l’eau, ces dernières étant plus élevées en été (Britton et Richards, 1981; Karalekas et coll., 1983; Colling et coll., 1987, 1992; Douglas et coll., 2004; Ngueta et coll., 2014). Douglas et coll. (2004) ont fait état d’une importante variation saisonnière des concentrations de plomb, les valeurs les plus élevées s’observant de mai à novembre. Dans une étude sur l’exposition au plomb à partir de l’eau potable, Jarvis et coll. (2018) ont observé que les concentrations de plomb étaient considérablement plus élevées en été qu’en hiver, à la fois dans les propriétés qui avaient une entrée de service en plomb et dans celles qui n’en avaient pas, et avec ou sans ajout d’orthophosphate. Dans presque tous les cas, la concentration moyenne de plomb dans l’eau pour chaque participant était plus élevée en été qu’en hiver. Masters et coll. (2016) ont également constaté que les concentrations de plomb étaient trois fois plus élevées en été qu’en hiver dans 50 % des foyers échantillonnés. En général, dans les réseaux de distribution et les entrées de service, les fluctuations de température sont limitées à de courtes périodes, de sorte que tout effet serait faussé par d’autres facteurs. Les changements saisonniers de température s’accompagnent souvent de changements importants d’autres paramètres (p. ex. la matière organique naturelle [MON]) (Masters et coll., 2016).
Masters et coll. (2016) ont constaté que les concentrations de cuivre étaient 2,5 à 15 fois plus élevées en hiver par rapport à l’été dans cinq des huit foyers échantillonnés. Dans une étude portant sur la libération de cuivre dans des tours d’habitation et des maisons unifamiliales, Singh et Mavinic (1991) ont observé que les concentrations de cuivre mesurées au robinet d’eau froide n’atteignaient généralement que le tiers de celles mesurées au robinet d’eau chaude. On a comparé en laboratoire la teneur en cuivre d’une eau douce et de faible alcalinité à des températures de 4 °C, 20 °C, 24 °C et 60 °C. L’eau à 60 °C contenait plus de cuivre, mais la différence observée entre 4 °C et 24 °C était minime (Boulay et Edwards, 2001). On a toutefois indiqué que la solubilité de l’hydroxyde de cuivre diminuait à mesure que la température augmentait (Edwards et coll., 1996; Hidmi et Edwards, 1999). Une étude réalisée auprès de 365 systèmes d'approvisionnement en eau potable n’a révélé aucune tendance significative entre la température et les concentrations mesurées de plomb et de cuivre (Dodrill et Edwards, 1995).
Horsley et coll. (1998) ont analysé le nombre de plaintes relatives à des épisodes d’eau rouge en fonction de la température de l’eau. Ils n’ont observé aucune corrélation directe entre la température et le nombre de plaintes enregistrées, mais ils ont constaté que ce nombre était plus élevé en été. Par ailleurs, une corrélation très étroite a été relevée entre les taux de corrosion mesurés dans des réacteurs annulaires faits de tuyaux de fonte neufs et les variations saisonnières de la température (Volk et coll., 2000). Les taux de corrosion mesurés au début de l’étude (mars) s’établissaient à environ 2,5 millièmes de pouce par an (0,064 mm par an) à une température inférieure à 13 °C. Ils ont commencé à augmenter en mai et ont enregistré leurs valeurs les plus élevées de juillet à septembre (5 à 7 millièmes de pouce par an [0,13 à 0,18 mm par an] et > 20 °C).
Aucune information n’a été trouvée dans la littérature scientifique sur la relation entre la température et la dégradation des tuyaux en ciment.
Calcium
On croyait par le passé que le calcium entravait la corrosion des métaux en formant à leur surface un film de carbonate de calcium (également appelé couche de passivation). Toutefois, de nombreux auteurs ont réfuté cette idée (Stumm, 1960; Nielsen, 1983; Lee et coll., 1989; Schock, 1989, 1990b; Leroy, 1993; Dodrill et Edwards, 1995; Lyons et coll., 1995; Neuman, 1995; Reda et Alhajji, 1996; Rezania et Anderl, 1997; Sorg et coll., 1999). Aucune étude publiée n’a réussi à démontrer, en utilisant des techniques d’analyse propres au composé, la formation d’une couche protectrice de carbonate de calcium dans les tuyaux de plomb, de cuivre ou de fer (Schock, 1989). Leroy (1993) a démontré que, dans certains cas, le calcium pouvait augmenter légèrement la solubilité du plomb. Enfin, des études réalisées auprès de sociétés et districts d’approvisionnement en eau aux États-Unis n’ont laissé constater aucun lien entre les concentrations de plomb ou de cuivre et les concentrations de calcium (Lee et coll., 1989; Dodrill et Edwards, 1995).
S’agissant du fer, de nombreux auteurs ont fait état de l’importance du calcium dans diverses situations, y compris la formation d’incrustations de carbonate de calcium ou de mélanges solides de carbonate de fer et de carbonate de calcium, et la formation d’une couche de passivation sur les sites cathodiques (Larson et Skold, 1958; Stumm, 1960; Merill et Sanks, 1978; Benjamin et coll., 1996; Schock et Fox, 2001). Toutefois, le carbonate de calcium ne forme pas en soi d’incrustations protectrices sur les matériaux en fer (Benjamin et coll., 1996).
Le calcium constitue le principal composé chimique des matériaux en ciment. Les types primaires de ciment utilisés pour la distribution d’eau potable renferment de 38 % à 65 % d’oxyde de calcium (Leroy et coll., 1996). Tant que l’état d’équilibre n’est pas atteint entre la teneur en calcium du ciment et celle de l’eau distribuée, on présume qu’il y aura relargage du ciment dans l’eau, ou précipitation du calcium de l’eau dans les pores du ciment, selon le potentiel de précipitation du carbonate de calcium présent dans l’eau.
Chlore libre résiduel
L’acide hypochloreux est un agent oxydant fort utilisé pour la désinfection de l’eau potable; il s’agit de la forme prédominante de chlore libre à un pH inférieur à 7,5. Les espèces de chlore libre (acide hypochloreux et ion hypochlorite) peuvent également servir d’oxydants primaires du plomb et donc en augmenter la corrosion (Boffardi, 1988, 1990; Schock et coll., 1996; Lin et coll., 1997). Le chlore gazeux peut abaisser le pH de l’eau en réagissant avec l’eau pour former de l’acide hypochloreux, des ions hydrogène et des ions chlorure. Dans les eaux faiblement tamponnées, le chlore peut augmenter la corrosivité en réduisant le pH et, en général, en augmentant le taux de corrosion et le POR (Schock et Lytle, 2011). Une étude des effets du chlore sur la corrosion réalisée à l’échelle de banc d’essai de tuyaux en boucle a démontré que l’ajout de chlore libre (0,2 mg/L) n’augmentait pas les concentrations de plomb (Cantor et coll., 2003). Une étude réalisée auprès de 94 sociétés et districts d’approvisionnement en eau aux États-Unis n’a pas non plus décelé de lien entre les concentrations de plomb et les concentrations résiduelles de chlore libre (entre 0 et 0,5 mg/L) (Lee et coll., 1989).
La présence de dépôts importants de dioxyde de plomb dans les incrustations de corrosion a été signalée pour la première fois par Schock et coll. (1996), dans les tuyaux de différents réseaux de distribution d’eau potable. Les chercheurs ont formulé des suggestions concernant les conditions chimiques qui favoriseraient les dépôts de plomb tétravalent (dioxyde de plomb – PbO2) ainsi que les modifications des conditions de traitement (notamment de la désinfection) qui pourraient rendre les incrustations de PbO2 plus vulnérables à une déstabilisation. Schock et coll. (2001) ont trouvé dans des tuyaux en plomb des dépôts dont la phase solide protectrice principale était constituée de dioxyde de plomb. À la suite de ces résultats, ils ont également examiné diverses caractéristiques de la chimie de la solubilité théorique du dioxyde de plomb, notamment son association avec un chlore libre résiduel élevé et une faible demande en oxydants. Les faibles concentrations de plomb observées dans la majeure partie de ce réseau de distribution se sont avérées être le résultat de films de passivation en PbO2 presque pur (Schock et coll., 2001). Les concentrations élevées de plomb à Washington (DC) ont été liées à un changement de désinfectant secondaire (remplacement du chlore par la chloramination) et à des travaux réalisés antérieurement en lien avec la formation de PbO2 (Schock et coll., 2001; Renner, 2004). Les résultats de l’analyse des solides présents dans les incrustations des tuyaux à Washington (DC) ont confirmé que la dégradation du PbO2 se fait par dissolution réductrice (Schock et coll., 2001). De nombreuses études ont exploré divers aspects de la cinétique de la formation et de la dégradation du PbO2 (Lytle et Schock, 2005; Switzer et coll., 2006; Lin et Valentine, 2008a,b; Liu et coll., 2008; DeSantis et coll., 2020). D’autres études ont montré que la réaction est réversible en l’espace de quelques semaines seulement (Giani et coll., 2005; Lytle et Schock, 2005). Edwards et Dudi (2004) et Lytle et Schock (2005) ont confirmé que les dépôts de dioxyde de plomb pouvaient se former facilement et être par la suite déstabilisés en quelques semaines ou en quelques mois dans des conditions réalistes de pH, de POR et d’alcalinité du réseau de distribution.
Lorsqu’on ajoute de l’acide hypochloreux dans un approvisionnement en eau, il devient l’oxydant dominant des surfaces en cuivre (Atlas et coll., 1982; Reiber, 1987, 1989; Hong et Macauley, 1998). On a démontré que la présence de chlore libre résiduel favorisait la corrosion du cuivre à un pH moins élevé (Atlas et coll., 1982; Reiber, 1989). Par contre, il réduisait le taux de corrosion du cuivre à un pH de 9,3 (Edwards et Ferguson, 1993; Edwards et coll., 1999). Toutefois, Schock et coll. (1995) ont conclu que le chlore libre affecte le produit de solubilité du cuivre en stabilisant les phases solides du Cu(II), ce qui a pour effet d’augmenter la libération de cuivre. Les auteurs n’ont observé aucun effet direct du chlore libre sur la solubilité du cuivre(II), si ce n’est le changement de valence et son effet indirect sur le potentiel de solubilité du cuivre.
Lors de l’exposition au désinfectant pendant le traitement et la distribution de l’eau, le Fe(II) est oxydé en Fe(III), un état d’oxydation relativement insoluble qui est responsable de la coloration de l’eau. Plusieurs auteurs ont fait état d’une augmentation du taux de corrosion du fer en présence de chlore libre (Pisigan et Singley, 1987; Cantor et coll., 2003). Toutefois, la consommation rapide du chlore libre résiduel par les sous-produits de la corrosion du fer est plus inquiétante (Frateur et coll., 1999). De plus, lorsque la corrosion du fer subit l’effet de microorganismes, la présence d’une concentration plus élevée de chlore libre résiduel peut en fait réduire les problèmes de corrosion (LeChevallier et coll., 1993). Aucune information établissant une corrélation entre les concentrations de fer et la présence de chlore libre résiduel n’a été trouvée dans la littérature scientifique.
La documentation scientifique consultée n’établit par ailleurs aucune corrélation entre la présence de chlore libre résiduel et la dégradation des tuyaux en ciment.
Chloramines
Des rapports ont fait état de l’incidence des chloramines sur les concentrations de plomb dans les réseaux de distribution d’eau potable. Comme mentionné plus tôt, la Water and Sewer Authority de Washington (DC) a commencé à utiliser des chloramines au lieu du chlore pour la désinfection secondaire. Or, par la suite, on a détecté dans plus de 1 000 foyers de Washington (DC) des concentrations de plomb supérieures au niveau d’intervention de 0,015 mg/L prescrit par l’U.S. EPA, et mesuré dans plus de 157 foyers des concentrations de plomb supérieures à 300 µg/L dans l’eau du robinet (Renner, 2004; U.S. EPA, 2007). Le chlore est un oxydant puissant, et les incrustations d’oxyde de plomb qui s’étaient formées dans les tuyaux au fil des années étaient parvenues à un état d’équilibre dynamique dans le réseau de distribution. Le passage du chlore aux chloramines a réduit le potentiel d’oxydation de l’eau distribuée et a déstabilisé les incrustations d’oxyde de plomb, augmentant ainsi le relargage du plomb (Schock et Giani, 2004; Lytle et Schock, 2005; DeSantis et coll., 2020). Les travaux de Edwards et Dudi (2004) ont également montré que les chloramines ne formaient pas de solides de faible solubilité sur les surfaces de plomb. Le POR de l’eau traitée par chloramination favorise la formation de solides du plomb bivalent, plus solubles. Une étude de Treweek et coll. (1985) indique également que, dans certaines conditions, l’eau chloraminée a un pouvoir de solubilisation plus grand que l’eau chlorée, même si la corrosion apparente du plomb est plus lente.
La documentation scientifique renseigne peu sur les effets des chloramines sur le cuivre ou sur le fer. Certains auteurs indiquent que les chloramines sont moins corrosives pour le fer que le chlore libre (Treweek et coll., 1985; Cantor et coll., 2003). Hoyt et coll. (1979) font par ailleurs état d’une hausse des plaintes concernant des épisodes d’eau rouge à la suite du remplacement des chloramines par du chlore libre résiduel pour le traitement de l’eau.
Aucune information n’a été trouvée dans la documentation scientifique examinée sur l’existence d’un lien possible entre l’utilisation des chloramines et la dégradation des tuyaux en ciment.
Chlorure et sulfate
Des études ont montré que les effets du chlorure sur la corrosion du plomb dans les réseaux de distribution d’eau potable étaient négligeables (Schock, 1990b). Le chlorure ne devrait pas non plus avoir d’effet appréciable sur la solubilité du plomb (Schock et coll., 1996). Toutefois, Oliphant (1993) a constaté que cette substance augmentait la corrosion galvanique des soudures à base de plomb dans les systèmes de plomberie en cuivre.
Le chlorure a toujours été considéré comme étant corrosif pour le cuivre (Edwards et coll., 1994b). Toutefois, des chercheurs ont démontré que des concentrations élevées de chlorure (71 mg/L) réduisaient en fait le taux de corrosion du cuivre à un pH de 7 à 8 (Edwards et coll., 1994a, b, 1996; Broo et coll., 1997, 1999). Edwards et McNeill (2002) avancent que cette dichotomie peut s’expliquer si on prend en compte les effets à long terme au lieu des effets à court terme : le chlorure augmente le taux de corrosion du cuivre à court terme, mais les sous- produits de cette corrosion protègent la surface de cuivre à plus long terme.
Des études ont démontré que les effets du sulfate sur la corrosion du plomb dans l’eau potable sont généralement négligeables (Boffardi, 1988; Schock, 1990b; Schock et coll., 1996). Le sulfate réduirait en fait la corrosion galvanique des soudures à base de plomb (Oliphant, 1993). En effet, il modifie la forme physique du produit normal de la corrosion, qui se transforme en plaques cristallines plus protectrices.
Le sulfate est un puissant catalyseur de la corrosion qui participe à la piqûration du cuivre (Schock, 1990b; Edwards et coll., 1994b; Ferguson et coll., 1996; Berghult et coll., 1999). On a montré qu’il réduisait les concentrations de cuivre dans les matériaux de cuivre neufs. Toutefois, lorsque ces matériaux vieillissent, des concentrations élevées de sulfate font augmenter les concentrations de cuivre dans l’eau (Edwards et coll., 2002). Les auteurs ont conclu que ce phénomène était dû à la propriété du sulfate de prévenir la formation d’incrustations de malachite et de ténorite, plus stables et moins solubles. Toutefois, Schock et coll. (1995) signalent que les complexes de sulfate aqueux n’auront vraisemblablement pas d’effet notable sur la solubilité du cuivre dans l’eau potable.
Une étude des concentrations de plomb signalées par 365 systèmes d'approvisionnement en eau potable a révélé que des ratios chlorure/sulfate (RCS) plus élevés entraînaient des valeurs plus élevées des concentrations de plomb dans l’eau du robinet au 90e centile. Cette étude a montré que 100 % des systèmes d'approvisionnement en eau potable qui fournissent une eau potable dont le RCS est inférieur à 0,58 satisfont au niveau d’intervention de 0,015 mg/L prescrit par la U.S. EPA pour le plomb. Toutefois, seuls 36 % des systèmes d'approvisionnement en eau potable fournissant une eau dont le RCS est supérieur à 0,58 satisfont à ce critère (Edwards et coll., 1999). Dudi et Edwards (2004) démontrent également d’une manière concluante que des RCS plus élevés augmentent le relargage du plomb à partir du laiton à cause des connexions galvaniques. Des études ont permis de déterminer que les concentrations élevées de plomb dans l’eau potable de Durham, en Caroline du Nord, étaient dues à un changement de coagulant (remplacement du sulfate d’aluminium par du chlorure ferrique), ce qui avait entraîné une augmentation du RCS et provoqué le relargage de plomb à partir de la plomberie (Renner, 2006; Edwards et Triantafyllidou, 2007).
Il s’est avéré impossible d’établir un rapport clair entre les teneurs en chlorure ou en sulfate et la corrosion du fer. Larson et Skold (1958) ont démontré que le ratio entre la somme du chlorure et du sulfate et le bicarbonate (que l’on a par la suite appelé l’indice de Larson) jouait un rôle important (un ratio élevé indiquant une eau plus corrosive). Des chercheurs ont signalé que le chlorure (Hedberg et Johansson, 1987; Velveva, 1998) et le sulfate (Velveva, 1998) favorisaient la corrosion du fer. L’exposition en laboratoire de sections de tuyaux de fonte de 90 ans à de l’eau contenant 100 mg de chlorure par litre a provoqué une augmentation immédiate des concentrations de fer dans l’eau (de 1,8 à 2,5 mg/L). Par contre, on a constaté que le sulfate inhibait la dissolution des oxydes de fer et réduisait ainsi les concentrations de fer dans l’eau (Bondietti et coll., 1993). Les résultats d’autres études ont constaté que la présence de sulfate ou de chlorure favorisait la formation d’incrustations protectrices (Feigenbaum et coll., 1978; Lytle et coll., 2003). Dans une autre étude, ni le sulfate ni le chlorure ne semblaient avoir d’effet sur la corrosion du fer (Van Der Merwe, 1988).
Lytle et coll. (2020) ont évalué les effets du chlorure, du sulfate et de la concentration de CID sur la libération du fer dans une section d’un tuyau en fonte de 90 ans dans une eau à pH 8,0 dans des conditions de stagnation. Les résultats ont révélé que l’ajout de 150 mg/L de sulfate dans l’eau a provoqué une augmentation de la concentration moyenne de fer total, qui est passée de 0,54-0,79 mg/L dans de l’eau avec 10 mg C/L de CID, à 1,13-2,68 mg/L. Des résultats similaires ont été observés lorsque le chlorure était ajouté seul et lorsque le sulfate et le chlorure étaient ajoutés ensemble. En revanche, les concentrations moyennes de fer total ont été réduites de 53 % à 80 % dans les eaux présentant des concentrations de CID plus élevées (50 mg C/L).
Des concentrations élevées de sulfate peuvent dans certains cas provoquer une dégradation rapide des matériaux à base de ciment. Il est possible que le sulfate réagisse avec les aluminates de calcium présents dans le ciment hydraté, produisant ainsi des sulfoaluminates de calcium fortement hydratés, ce qui peut provoquer l’apparition de fissures et réduire la résistance mécanique des matériaux. Cet effet du sulfate pourrait être atténué en présence de concentrations élevées de chlorure (Leroy et coll., 1996).
Matière organique naturelle
La matière organique naturelle (MON) peut affecter la corrosion de diverses façons. Certaines matières organiques peuvent recouvrir les tuyaux et réduire la corrosion, tandis que d’autres matières organiques peuvent favoriser la corrosion. Il est généralement recommandé d’éliminer les MON pour réduire au minimum les concentrations de plomb et de cuivre.
Certaines MON réagissent avec la surface des métaux et forment un film protecteur qui réduit la corrosion sur de longues périodes (Campbell, 1971). D’autres réagissent avec les produits de corrosion et augmentent la corrosion du plomb (Korshin et coll., 1996, 1999, 2000, 2005; Dryer et Korshin, 2007; Liu et coll., 2009; Masters et Lin, 2009; Zhou et coll., 2015; Masters et coll., 2016). Au Royaume-Uni, la MON est l’une des principales difficultés du contrôle de la dissolution du plomb à l’aide d’orthophosphate (Colling et coll., 1987; Hayes et coll., 2008). La MON peut former des complexes avec des ions calcium et les empêcher de former une couche protectrice de CaCO3. Lors de simulations du remplacement partiel d’entrées de service en plomb, Zhou et coll. (2015) ont observé qu’une augmentation de la MON entraînait une augmentation importante du relargage de plomb. Dans des essais au banc, Trueman et coll. (2017) ont observé un relargage accru de plomb à partir de coupons en raison d’une corrosion uniforme et galvanique en présence d’acide humique. L’ajout d’orthophosphate a permis de réduire le relargage de plomb, mais les substances humiques ont eu une incidence sur l’efficacité de cette mesure. Zhao et coll. (2018) ont constaté que la MON retardait l’agrégation des particules de phosphate de plomb après la déstabilisation du PbO2.
Des études portant sur la piqûration de la plomberie de cuivre ont donné à conclure que certaines MON pourraient prévenir ce type de corrosion (Campbell, 1954a, b, 1971; Campbell et Turner, 1983; Edwards et coll., 1994a; Korshin et coll., 1996; Edwards et Sprague, 2001). Toutefois, les MON contiennent des groupes complexants puissants et elles peuvent augmenter la solubilité des produits de la corrosion du cuivre (Korshin et coll., 1996; Rehring et Edwards, 1996; Broo et coll., 1998, 1999; Berghult et coll., 1999, 2001; Edwards et coll., 1999; Boulay et Edwards, 2001; Edwards et Sprague, 2001). Néanmoins, on n’a pas démontré de façon concluante l’importance des MON dans la solubilité du cuivre par rapport à celle des ligands concurrents (Schock et coll., 1995; Ferguson et coll., 1996). Un relargage de cuivre supérieur à 6 mg/L et de l’eau bleue ont été observés dans un nouveau système de plomberie en cuivre. L’élimination des MON a augmenté la concentration d’oxygène dissous et, par conséquent, la formation d’incrustations. Les auteurs ont avancé qu’en l’absence de MON, le taux de corrosion diminue, ce qui accélère le processus de vieillissement naturel (Arnold et coll., 2012). On trouvera des renseignements plus détaillés sur les MON, le plomb et le cuivre auprès d’autres sources (Santé Canada, 2019a,b, 2020c).
Plusieurs auteurs ont démontré que les MON diminuaient le taux de corrosion du fer dans les tuyaux d’acier galvanisé et de fonte (Larson, 1966; Sontheimer et coll., 1981; Broo et coll., 1999). Toutefois, des expériences réalisées par Broo et coll. (2001) ont révélé que les MON favorisaient la corrosion à un pH faible, mais la réduisaient à un pH élevé. Cet effet opposé a été attribué aux différents complexes qui se forment à la surface sous différentes conditions de pH. On a également constaté que les MON stimulaient la formation d’incrustations protectrices dans les tuyaux en fer en réduisant les colloïdes ferriques en fer ferreux soluble (Campbell et Turner, 1983). Toutefois, elles ont la faculté de complexer les ions métalliques (Benjamin et coll., 1996), ce qui pourrait conduire à une augmentation des concentrations de fer dans l’eau. Peng et coll. (2013) ont observé que la libération de fer augmentait en présence de MON et d’autres matières inorganiques.
Dans certains cas, les matières organiques peuvent servir de nourriture aux organismes qui se développent dans le réseau de distribution ou sur la surface des tuyaux. Ainsi, le taux de corrosion peut augmenter lorsque ces organismes attaquent la surface. La documentation scientifique examinée contenait peu d’information sur le lien entre les MON et la dégradation des tuyaux en ciment.
Méthodes de mesure de la corrosion
Comme nous l’avons indiqué plus haut, il n’existe pas de méthode de mesure simple et directe de la corrosion interne des réseaux de distribution d’eau potable. Au fil des ans, diverses méthodes ont été proposées pour évaluer indirectement cette corrosion. L’indice de Langelier a servi par le passé à déterminer la corrosivité de l’eau distribuée pour les métaux. Des méthodes utilisant des études à l’échelle de banc d’essai de tuyaux et des coupons ont été mises au point pour comparer diverses méthodes de contrôle de la corrosion. Lorsque les effets du relargage de métaux dans les réseaux de distribution sur la santé des consommateurs ont commencé à susciter des préoccupations, mesurer la concentration des métaux dans l’eau du robinet est devenue la méthode la plus appropriée pour évaluer l’exposition de la population aux métaux et les résultats du contrôle de la corrosion.
Indices de corrosion
Les indices de corrosion ne devraient pas être utilisés pour évaluer l’efficacité des programmes de contrôle de la corrosion puisqu’ils ne donnent qu’un aperçu de la tendance du carbonate de calcium à se dissoudre ou à précipiter. Ces indices ont servi historiquement à évaluer la corrosivité de l’eau distribuée pour les métaux et à contrôler la corrosion. Ils étaient fondés sur l’hypothèse selon laquelle la formation d’une mince couche de carbonate de calcium à la surface d’un tuyau métallique protégeait contre la corrosion. Un certain nombre de ratios semi-empiriques et empiriques comme l’indice de Langelier, l’indice de Ryzner, l’indice d’agressivité, l’excès momentané et le potentiel de précipitation du carbonate de calcium ont été élaborés pour évaluer l’équilibre carbonate-bicarbonate de calcium. Toutefois, un dépôt de carbonate de calcium ne forme pas un film protecteur adhérent à la surface du métal. D’importantes preuves empiriques viennent contredire l’existence présumée d’un lien entre la corrosion et l’indice de Langelier, de sorte qu’il ne faudrait pas utiliser les indices de corrosion à des fins de contrôle de la corrosion (Benjamin et coll., 1996). Les travaux d’Edwards et coll. (1996) ont démontré que, dans certaines conditions, l’utilisation des indices de corrosion pouvait conduire à la prise de mesures susceptibles d’augmenter la libération de sous-produits de la corrosion.
Coupons et études à l’échelle de banc d’essai
Pour obtenir une approximation raisonnablement fiable des conditions réelles étudiées, il est primordial de porter la plus grande attention au choix des matériaux des essais. L’utilisation de matériaux neufs dans les simulateurs (p. ex. études à l’échelle de banc d’essai de tuyaux) doit convenir à l’étude du problème de corrosion en question. Ainsi, le recours à des tuyaux neufs en cuivre sera approprié si le réseau à l’étude approvisionne des bâtiments neufs qui utilisent ce type de tuyaux. Les robinets en laiton au plomb conviennent lorsque leur utilisation est autorisée par la réglementation en vigueur et qu’ils sont disponibles sur le marché. Par contre, l’utilisation de tuyaux en plomb neufs ne convient pas lorsqu’il s’agit de reproduire les conditions d’un réseau comportant de vieilles entrées de service en plomb ou des raccords en queue de cochon et cols-de-cygne ou dont l’intérieur est recouvert d’incrustations contenant ou non du plomb. En fait, la prédiction de la réaction de ces matériaux à divers traitements ou changements de la qualité de l’eau risque d’être erronée si le choix des matériaux utilisés pour la simulation n’est pas approprié.
Les coupons et les études à l’échelle de banc d’essai de tuyaux constituent des outils utiles pour comparer les diverses techniques de contrôle de la corrosion avant de mettre en place des programmes de contrôle de la corrosion à l’échelle du réseau. Ils permettent de simuler efficacement les conditions des réseaux de distribution sans modifier l’intégrité de ceux-ci à la grande échelle. Les études à l’échelle de banc d’essai de tuyaux peuvent être utiles dans le cadre d’une stratégie globale d’optimisation du contrôle de la corrosion, en tenant compte de la qualité de l’eau, de la formation d’incrustations et de la surveillance du traitement de la corrosion. L’efficacité de cette approche intégrée a été démontrée dans plusieurs réseaux de distribution d’eau (Cantor, 2009). Le système de tuyauterie en boucle à faible coût décrit par Lytle et coll. (2012) pourrait servir d’instrument évaluatif aux responsables de systèmes de distribution d’eau potable. Toutefois, même lorsqu’on a recours à de longues périodes d’exposition des matériaux à l’eau des réseaux à l’étude, les coupons testés sur le terrain ou en laboratoire et les bancs d’essai de tuyaux ne fournissent pas une évaluation exacte de la corrosion qui peut survenir à plus grande échelle. Ces essais ne reflètent pas d’une manière fiable l’exposition des populations aux contaminants présents dans les réseaux de distribution, vu le nombre considérable de facteurs pouvant influer sur la concentration des contaminants dans l’eau du robinet. On utilise habituellement des coupons insérés dans les réseaux de distribution pour déterminer le taux de corrosion correspondant à un métal particulier. Ces coupons fournissent une bonne estimation du taux de corrosion ainsi que des informations visuelles sur la morphologie des incrustations.
Il n’existe actuellement aucune norme universelle régissant la géométrie des coupons, les matériaux les composant ou les protocoles d’exposition dans les réseaux de distribution d’eau potable (Reiber et coll., 1996). Les coupons utilisés doivent être représentatifs des matériaux dont sont faits les tuyaux à l’étude. Ils sont généralement insérés dans le réseau de distribution pour une période donnée, et le taux de corrosion est déterminé par une mesure de la perte de masse par unité de surface. La durée du test doit permettre la formation d’incrustations de corrosion, et peut donc varier de 3 à 24 mois selon le type de métal testé (Reiber et coll., 1996).
La piètre reproductibilité des résultats (haut degré de variation entre les mesures effectuées sur différents coupons) constitue le principal inconvénient de la méthode. Ce manque de précision est dû à la fois à la séquence complexe des procédures de manipulation, de préparation et de restauration de la surface, qui comporte un risque d’erreurs induites par l’analyse, et au haut degré de variabilité qui caractérise les propriétés métallurgiques ou les conditions chimiques de la surface du coupon pendant la période d’exposition (Reiber et coll., 1996).
Les études à l’échelle de banc d’essai de tuyaux sont plus complexes que les coupons et peuvent être conçus de manière à reproduire diverses conditions de qualité de l’eau. Ils peuvent également servir à évaluer la corrosion des métaux en laboratoire. En plus de servir à mesurer la perte de masse par unité de surface, les techniques électrochimiques permettent de mesurer le taux de corrosion. Les bancs d’essai peuvent enfin simuler un réseau de distribution ou un système de plomberie et permettre ainsi de mesurer le relargage des contaminants en fonction de la stratégie de contrôle de la corrosion utilisée. Les bancs d’essai de tuyaux, qui peuvent être faits de matériaux neufs ou de sections de tuyaux usagés, sont exposés à des conditions propices à la formation d’incrustations de corrosion ou de couches de passivation qui influeront à la fois sur le taux de corrosion et sur la libération du métal sous-jacent. La période de préparation doit permettre la formation d’incrustations de corrosion et peut donc durer de 3 à 24 mois selon le type de métal étudié. Étant donné cette variabilité, on recommande de prévoir au moins six mois pour la réalisation de ce type d’études (Eisnor et Gagnon, 2003).
Comme dans le cas des tests sur coupons, il n’existe actuellement aucune norme universelle régissant l’utilisation des études à l’échelle de banc d’essai de tuyaux pour évaluer la corrosion dans les réseaux de distribution d’eau potable. Cependant, diverses publications peuvent renseigner les chercheurs sur les concepts et les facteurs opérationnels à prendre en compte lorsqu’ils entreprennent ce type d’études (AwwaRF, 1990, 1994). Eisnor et Gagnon (2003) ont élaboré un cadre pour concevoir et utiliser des réseaux pilotes de distribution d’eau afin de combler cette lacune. Ce cadre définit huit facteurs importants à prendre en considération pour la conception des bancs d’essai de tuyaux : 1) catégorie de la section d’essai (installation permanente ou amovible), 2) matériau de la section d’essai, 3) diamètre de la section d’essai, 4) longueur de la section d’essai, 5) configuration de l’écoulement, 6) temps de rétention, 7) vitesse d’écoulement et 8) période de stagnation.
Surveillance au robinet
L’exposition des consommateurs à des contaminants provenant de la corrosion interne des réseaux d’eau potable peut provenir de la corrosion du réseau de distribution aussi bien que de la plomberie. La mesure des contaminants au robinet, et en particulier du plomb, demeure le meilleur moyen de déterminer l’exposition de la population à ces contaminants. On peut également évaluer l’efficacité du programme de contrôle de la corrosion en mesurant les concentrations du contaminant étudié dans l’eau du robinet au fil du temps et en établissant une corrélation entre ces concentrations et les activités de contrôle de corrosion.
Mesures de traitement et de contrôle mesure de contrôle ayant trait au plomb, au cuivre et au fer
Dans le cadre du présent document, les concentrations de plomb dans l’eau du robinet constituent la seule mesure pour mettre en place ou optimiser un programme de contrôle de la corrosion. Des mesures de contrôle ayant du cuivre et du fer sont cependant examinées dans ce qui suit, vu que la corrosion et les concentrations de ces métaux dépendent étroitement des méthodes de contrôle de la corrosion choisies.
La corrosion des réseaux d’eau potable et la libération de contaminants dans l’eau distribuée dépendent à la fois des matériaux exposés à la corrosion et de l’eau qui entre en contact avec ces derniers. La durée du contact de l’eau avec les matériaux a une incidence considérable sur les concentrations de métaux dans l’eau potable. Par conséquent, le fait de purger les matériaux de plomberie après une période de stagnation et avant de consommer de l’eau aide à réduire l’exposition au plomb. On peut également réduire l’exposition des consommateurs aux métaux lourds en utilisant, comme mesure provisoire, des dispositifs de traitement de l’eau potable certifiés.
On peut également réduire la corrosivité de l’eau potable en ajustant son pH ou son alcalinité ou en y ajoutant des inhibiteurs de corrosion. Les ajustements du pH ou de l’alcalinité ou l’utilisation d’inhibiteurs de corrosion pour contrôler les concentrations de plomb, de cuivre ou de fer dans l’eau potable doivent être effectués avec prudence. Des études pilotes devraient être effectuées pour déterminer l’efficacité de la méthode de contrôle de la corrosion retenue, compte tenu des conditions particulières prévalant dans le réseau de distribution. Même si une méthode permet de réduire efficacement les concentrations de plomb, de cuivre ou de fer lors d’essais pilotes, elle ne donnera pas nécessairement les mêmes résultats en conditions réelles, dans le réseau de distribution. Il convient donc de procéder à une surveillance rigoureuse à la grande échelle avant, pendant et après la mise en œuvre ou l’optimisation d’un programme de contrôle de la corrosion.
Le recours à certains procédés de traitement peut modifier la qualité de l’eau et entraîner une augmentation de la concentration de plomb.
Mesures d’intervention ciblant les réseaux de distribution d’eau potable
Un choix judicieux des matériaux (contenant peu de plomb, comme les soudures sans plomb, les raccords et éléments de plomberie en ligne à faible teneur en plomb) constitue un des moyens de réduire l’exposition de la population aux contaminants inquiétants. Par exemple, l’utilisation de soudures sans plomb et de raccords en laiton à faible teneur en plomb réduit la concentration de plomb dans l’eau potable causée par la corrosion des soudures.
Remplacement des entrées de service en plomb
Le remplacement complet des entrées de service en plomb (c.-à-d. la portion appartenant aux services publics et celle appartenant au propriétaire de la résidence) peut réduire considérablement les concentrations de plomb dans l’eau du robinet du consommateur. En règle générale, les responsables de systèmes de distribution d’eau potable devraient encourager les consommateurs à remplacer leur portion de l’entrée de service de service en plomb lorsque les responsables de systèmes de distribution d’eau potable entreprennent de remplacer la portion publique. De cette façon, on se trouve à réaliser un remplacement complet de l’entrée de service en plomb et on réduit au minimum l’exposition au plomb du consommateur. Le remplacement partiel de ces conduites (c.-à-d. la portion des services publics ou celle du consommateur peut également réduire les concentrations de plomb, mais cette réduction n’est pas proportionnelle si on la compare à la réduction observée après un remplacement complet (Santé Canada, 2019a).
Le remplacement (complet ou partiel) d’une entrée de service en plomb peut perturber ou déloger les incrustations de plomb existantes ou les sédiments contenant du plomb et entraîner une augmentation importante des concentrations de plomb au robinet. Cette augmentation peut durer trois mois ou plus après le remplacement de l’entrée de service en plomb (Trueman et Gagnon, 2016; Deshommes et coll., 2017; Pieper et coll., 2017; Trueman et coll., 2017; Pieper et coll., 2018; Doré et coll., 2019; Santé Canada, 2019a). Doré et coll. (2019) ont constaté que le traitement optimal de contrôle de la corrosion varie selon que le remplacement de l’entrée de service en plomb est complet ou partiel. Les responsables de systèmes de distribution d’eau potable devraient donc déterminer quel traitement de contrôle de la corrosion serait efficace pour toutes les configurations d’entrées de service en plomb. De façon générale, dans le cas d’un remplacement complet, le meilleur traitement contre la corrosion s’est avéré être l’ajout d’orthophosphate, tandis que dans le cas d’un remplacement partiel, c’est la diminution du RCS qui a donné les meilleurs résultats.
Lorsqu’on entreprend le remplacement d’une entrée de service en plomb, il faut procéder à une purge appropriée après le remplacement, puis nettoyer les débris des grilles ou des aérateurs des sorties d’eau (Santé Canada, 2019a). Il faut encourager le consommateur à faire une purge initiale complète, et les responsables de systèmes de distribution d’eau potable devraient envisager d’autres mesures de réduction du plomb, comme la filtration au point d’utilisation, l’éducation du public et un échantillonnage une ou deux fois par semaine jusqu’à ce que les concentrations de plomb se stabilisent. La qualité de l’eau au robinet du consommateur doit être étroitement surveillée à la suite d’un remplacement complet ou partiel, et ce, pendant plusieurs mois. Les consommateurs doivent être informés de l’importance de procéder à un nettoyage régulier des aérateurs de sorties d’eau pour s’assurer que l’on élimine les particules de plomb dans le cadre de l’entretien continu (Santé Canada, 2019a). L’on trouvera une série de procédures et de meilleures pratiques concernant le remplacement complet ou partiel des entrées de service en plomb (notamment en ce qui concerne les outils à utiliser, les purges à réaliser, les renseignements à fournir aux clients et les vérifications à entreprendre) dans la norme C-810-17 de l’AWWA (AWWA, 2017b).
Mesures d’intervention visant la corrosion galvanique
Un remplacement partiel peut également provoquer une corrosion galvanique à l’endroit où la nouvelle tuyauterie en cuivre est rattachée à la tuyauterie en plomb. Lors du raccordement de deux métaux dissemblables, il convient d’utiliser un raccord diélectrique pour éviter la corrosion galvanique (Wang et coll., 2012; Clark et coll., 2014; AWWA, 2017b). De la même manière, on suppose que le branchement d’une conduite en PVC à l’entrée de service en plomb lors d’un remplacement partiel empêcherait également la corrosion galvanique. La consignation de tous les travaux de remplacement des entrées de service en plomb est une étape importante permettant aux les responsables de systèmes de distribution d’eau potable d’avoir des dossiers complets sur les programmes de remplacement des entrées de service en plomb et sur l’évolution des travaux (AWWA, 2017b).
Mesures d’intervention visant la corrosion du cuivre
Étant donné la variation des conditions relatives à la qualité de l’eau, aux microorganismes et à l’écoulement qui peuvent causer une corrosion par piqûres, les responsables de systèmes de distribution d’eau potable devraient envisager l’utilisation d’outils comme ceux figurant dans l’étude de Sarver et coll. (2011). Ces outils aident les responsables de systèmes de distribution d’eau potable à adopter d’importants changements de qualité de l’eau, notamment le retrait des MON, des phosphates et du silicate, de même que le traitement des eaux contenant du chlorure ou présentant un pH élevé ou une faible alcalinité, afin d’éviter ou d’atténuer la corrosion du cuivre par piqûres. Le système de tuyauterie en boucle à faible coût décrit par Lytle et coll. (2012) pourrait servir d’instrument évaluatif aux responsables de systèmes de distribution d’eau potable. Toutefois, une eau à faible concentration de chlorure et à forte alcalinité est associée à une diminution de la dézincification (Sarver et coll., 2011). Lytle et Schock (1996) ont découvert que l’orthophosphate ne présentait pas d’avantages clairs à un pH de 7 et de 8,5, mais ils ont laissé entendre que l’orthophosphate pourrait être plus efficace pour prévenir le relargage du cuivre provenant du laiton.
Utilisation de produits certifiés
Santé Canada recommande aux consommateurs et aux responsables de systèmes de distribution d’eau potable d’utiliser, autant que possible, des produits certifiés conformes aux normes applicables de NSF et de l’ANSI en matière de santé et de teneur en plomb (NSF International, 2020a,b) (voir Tuyaux et soudures en plomb). Ces normes visent à préserver la qualité de l’eau potable en aidant à assurer l’innocuité des matériaux et l’efficacité des produits qui entrent en contact avec elle.
Stratégie d’intervention pour les réseaux de distribution
Des épisodes d’eau colorée (eau rouge) seront probablement accompagnés par le relargage de contaminants accumulés, notamment de plomb, parce que le plomb dissous est adsorbé sur les dépôts de fer dans les conduites en plomb. Par conséquent, de tels épisodes devraient déclencher des mesures d’entretien du réseau de distribution, comme le rinçage unidirectionnel systématique du réseau de distribution, pour s’assurer que toutes les particules sont éliminées avant que l’eau ne parvienne au consommateur (Vreeburg, 2010; Friedman et coll., 2016). Friedman et coll. (2010) ont recensé plusieurs conditions essentielles de la qualité de l’eau qui devraient être contrôlées afin de maintenir la stabilité de l’eau et ne pas remobiliser les dépôts de matières inorganiques, notamment le pH, le POR et les mesures de contrôle de la corrosion, et afin d’éviter le mélange non contrôlé des eaux de surface avec les eaux souterraines et de l’eau chlorée avec de l’eau chloraminée. Les responsables de systèmes de distribution d’eau potable peuvent déterminer les paramètres de base d’une eau de qualité de façon à fixer des limites à l’extérieur desquelles il y aurait un événement de relargage (Friedman et coll., 2016). Par ailleurs, des stratégies visant à réduire au minimum les perturbations physiques et hydrauliques devraient être élaborées.
Les autres mesures qui contribuent à maintenir des conditions stables dans le réseau de distribution comprennent le nettoyage des conduites (p. ex. rinçage unidirectionnel, ramonage des conduites), le remplacement des conduites et l’exécution d’un traitement conçu pour réduire au minimum la charge des autres puits de contaminants (p. ex. fer, manganèse) et la diminution des concentrations de contaminants entrant dans le réseau (p. ex. arsenic, baryum, chrome et manganèse) (Friedman et coll., 2010; Cantor, 2017).
Dans les réseaux utilisant l’orthophosphate pour contrôler la corrosion, on devrait appliquer l’inhibiteur à tous les points d’entrée du réseau, et une concentration résiduelle devrait être maintenue dans tout le réseau de distribution pour favoriser la stabilité des incrustations contenant des phosphates (Friedman et coll. 2010).
La biostabilité du réseau de distribution est une autre importante condition à surveiller pour réduire au minimum l’accumulation et le relargage de contaminants, en particulier ceux qui découlent de l’activité microbienne. Il est possible de maintenir la biostabilité en réduisant au minimum la présence d’éléments nutritifs dans l’eau (p. ex. carbone organique, ammoniac, nitrate/nitrite, phosphore total), en surveillant la durée de séjour de l’eau dans le réseau et en maintenant une concentration suffisante de désinfectant résiduel (Cantor, 2017; Santé Canada, 2020d).
Atténuation des répercussions découlant des traitements
Certaines techniques de traitement peuvent augmenter les concentrations de plomb dans l’eau potable en changeant les caractéristiques de l’eau qui affectent le relargage de plomb. Dans le processus d’échange d’anions, utilisé pour l’enlèvement de contaminants comme l’uranium, la résine échangeuse d’ions récemment régénérée enlève les ions bicarbonate, ce qui diminue le pH et l’alcalinité totale pendant les 100 premiers volumes de lit (VL) d’un cycle. Il peut être nécessaire d’augmenter le pH de l’eau traitée au début d’un cycle (100 à 400 VL) afin d’éviter la corrosion (Clifford, 1999; Wang et coll., 2010; Clifford et coll., 2011). La régénération fréquente d’une résine échangeuse d’ions peut aussi avoir un impact sur la corrosion. Dans une étude de cas effectuée dans l’État du Maine, on a effectué des régénérations fréquentes de la résine échangeuse d’ions afin de diminuer les concentrations d’uranium dans les flux de déchets (résidus). Ces actions ont entraîné une diminution importante et continue du pH suivie d’une libération de cuivre et de plomb dans l’eau potable (Lowry, 2009, 2010). Puisque l’osmose inverse (OI) enlève continuellement et complètement l’alcalinité de l’eau, elle entraînera sans cesse une diminution du pH et une augmentation de la corrosivité de l’eau traitée. Par conséquent, le pH de l’eau produite doit être ajusté pour éviter les problèmes de corrosion, comme la libération de plomb et de cuivre, dans le réseau de distribution (Schock et Lytle, 2011; U.S. EPA, 2012).
Ajustement du pH et de l’alcalinité
L’ajustement du pH à l’usine de traitement de l’eau est la méthode la plus communément employée pour réduire la corrosion et le relargage des contaminants dans les réseaux de distribution d’eau potable. L’augmentation du pH demeure l’une des méthodes les plus efficaces pour réduire la corrosion du plomb et du cuivre et limiter les concentrations de plomb, de cuivre et de fer dans l’eau potable. L’expérience a montré que le pH optimal pour le plomb et le cuivre se situe entre 7,5 et 9,5. Les valeurs les plus élevées de cette plage peuvent permettre de réduire les concentrations de fer, mais elles pourraient également favoriser la corrosion de ce métal et la formation de tubercules. Même si on a eu tendance par le passé à recommander d’augmenter l’alcalinité de l’eau pour lutter contre la corrosion, il n’est pas certain que cette méthode soit la meilleure pour réduire les concentrations de plomb et de cuivre dans l’eau potable. La documentation scientifique semble indiquer que l’alcalinité optimale pour limiter le relargage du plomb et du cuivre se situe entre 30 et 75 mg/L de CaCO3. Une alcalinité plus élevée (> 60 mg/L de CaCO3) est également préférable pour réduire la corrosion et le relargage du fer et limiter les problèmes d’eau rouge. De plus, l’alcalinité sert à réguler l’intensité du pouvoir tampon de la plupart des réseaux de distribution d’eau et il est donc nécessaire de maintenir une alcalinité suffisante pour assurer la stabilité du pH à travers du réseau de distribution afin de contrôler la corrosion du plomb, du cuivre et du fer et stabiliser les revêtements et tuyaux à base de ciment.
Inhibiteurs de corrosion
Il existe deux principaux types d’inhibiteurs de la corrosion pour le traitement de l’eau potable : les composés à base de phosphate et ceux à base de silicate. Les produits les plus communément utilisés sont des orthophosphates, des polyphosphates (généralement, des polyphosphates mélangés) et le silicate de sodium, tous disponibles avec ou sans zinc.
L’utilisation des inhibiteurs de corrosion est un processus par essais successifs et son efficacité dépend à la fois de la qualité de l’eau et des conditions qui caractérisent le réseau de distribution. L’efficacité dépend aussi largement du maintien d’une concentration résiduelle de ces produits à travers du réseau de distribution, ainsi que du pH et de l’alcalinité de l’eau.
La mesure de la concentration d’inhibiteurs présents dans le réseau de distribution fait partie des bonnes pratiques de contrôle de la corrosion. D’une manière générale, il est impossible d’établir une corrélation directe entre la concentration d’inhibiteur résiduel présente dans le réseau de distribution et les concentrations de plomb, de cuivre ou de fer dans l’eau du robinet.
Santé Canada recommande aux consommateurs et responsables de systèmes de distribution d’eau potable d’utiliser, autant que possible, des additifs, tels que les inhibiteurs de corrosion, certifiés comme étant conformes à la norme de santé NSF/ANSI appropriée ou à une norme équivalente. Les inhibiteurs à base de phosphate et de silicate sont inclus dans la norme NSF/ANSI/CAN 60 intitulée Produits chimiques de traitement de l’eau potable – Effets sur la santé (NSF International, 2020c). Ces normes ont été conçues pour préserver la qualité de l’eau potable en assurant que les additifs respectent les exigences minimales quant à leurs effets sur la santé et leur innocuité dans l’eau potable. Le chlorure stanneux a été utilisé comme inhibiteur de corrosion, mais il existe très peu de données expérimentales sur cet inhibiteur. Sous certaines conditions, cet inhibiteur réagit avec le métal à la surface du tuyau ou avec les sous-produits de la corrosion déjà présents pour former un dépôt moins soluble sur la paroi interne des tuyaux. Cette réduction de la solubilité des dépôts conduit à une diminution de la concentration des métaux dans l’eau du robinet. Plusieurs études ont été menées sur le chlorure stanneux, mais elles n’ont pas réussi à démontrer que l’utilisation de cette substance était un traitement viable de contrôle de la corrosion. Le chlorure stanneux peut stabiliser le pH dans le réseau de distribution en inhibant la croissance du biofilm, ce qui contribue à réduire les concentrations de plomb. Le chlorure stanneux ne s’est pas révélé efficace pour contrôler la corrosion du cuivre dans un système d’eau souterraine où les concentrations de CID et la dureté de l’eau étaient élevées (AWWA, 2017b).
Inhibiteurs à base de phosphate
L’orthophosphate et l’orthophosphate de zinc sont les inhibiteurs dont on signale le plus souvent l’efficacité dans la documentation scientifique pour la réduction des concentrations de plomb et de cuivre dans l’eau potable (Santé Canada, 2019a,b; Cantor et coll., 2017). Dans des conditions chimiques appropriées, les formulations d’orthophosphate contenant du zinc peuvent diminuer le taux de dézincification du laiton et provoquer le dépôt d’une couche protectrice de zinc (probablement du silicate de zinc ou du carbonate de zinc basique) à la surface des tuyaux en ciment ou en amiante-ciment. Les travaux de recherche ont généralement montré qu’il n’est pas nécessaire que la formulation utilisée pour contrôler la corrosion dans les tuyaux en plomb contienne du zinc (Schock et Lytle, 2011).
Des essais sur le terrain et en laboratoire ont montré que l’orthophosphate réduit considérablement la solubilité du plomb par la formation de Pb(II). L’orthophosphate réagit avec le métal du tuyau lui-même (notamment avec le plomb, le fer et l’acier galvanisé) dans des plages de pH et de doses restreintes. L’efficacité de l’orthophosphate dépend d’un contrôle adéquat du pH et de la concentration de CID, de l’ajout d’une quantité suffisante d’orthophosphate, et de la présence de concentrations résiduelles d’orthophosphate suffisamment élevées dans le réseau de distribution et la plomberie en place. En raison de la solubilité, des doses beaucoup plus élevées d’orthophosphate sont nécessaires dans les eaux à forte teneur en carbonate (Schock et Lytle, 2011).
Au Royaume-Uni, les doses d’orthophosphate qui se sont avérées très efficaces pour contrôler la solubilité du plomb sont généralement de 2 à 4 fois supérieures aux doses couramment utilisées aux États-Unis (Hayes et coll., 2008; Cardew, 2009). Cardew (2009) a fait état du succès à long terme de l’utilisation de doses élevées d’orthophosphate pour atténuer à la fois la libération de plomb particulaire et la solubilité du plomb dans les eaux difficiles.
Dans les réseaux de distribution dont l’eau présente de faibles concentrations de CID, il s’est avéré difficile de bien contrôler le relargage de plomb en utilisant du phosphate à un pH supérieur à 8. Ce phénomène a également été observé dans des expériences en laboratoire menées avec de l’eau présentant de faibles concentrations de CID et environ 1 mg PO4/L d’orthophosphate (Schock, 1989; Schock et coll., 1996, 2008b). Le taux de formation des couches de passivation d’orthophosphate de plomb semble être plus lent que le taux de formation des couches de carbonate ou d’hydroxycarbonate. Il faut prévoir un temps considérable pour que les réactions aient lieu. Selon certaines études, plusieurs mois voire plusieurs années sont nécessaires pour ramener le taux de relargage de plomb à des concentrations essentiellement constantes (Lyons et coll., 1995; Cook, 1997). Le taux et le degré de réduction semblent être proportionnels à la dose d’orthophosphate utilisée.
Les modèles de solubilité du plomb et du cuivre indiquent que le pH optimal pour la formation d’un film d’orthophosphate se situe entre 6,5 et 7,5 sur les surfaces de cuivre (Schock et coll., 1995) et entre 7 et 8 sur les surfaces de plomb (Schock, 1989). Une étude portant sur 365 systèmes d'approvisionnement en eau potable visés par la LCR de la U.S. EPA a également révélé que les services utilisant de l’orthophosphate avaient des concentrations de cuivre sensiblement réduites seulement lorsque le pH était inférieur à 7,8, et des concentrations réduites de plomb seulement lorsque le pH était inférieur à 7,4 et que l’alcalinité était inférieure à 74 mg/L de CaCO3 (Dodrill et Edwards, 1995). Il a été signalé que l’orthophosphate peut toujours réduire le plomb dans la plage de pH de 7,0 à 8,0 (AWWA, 2017a). Schock et Fox (2001) ont obtenu une réduction concluante de la corrosion du cuivre dans de l’eau très alcaline en utilisant de l’orthophosphate dans des conditions où les ajustements du pH et de l’alcalinité ne donnaient pas de bons résultats. Les teneurs résiduelles typiques d’orthophosphate varient entre 0,5 et 3,0 mg/L (équivalent d’acide phosphorique) (Vik et coll., 1996). Plusieurs auteurs ont signalé que l’orthophosphate réduisait les concentrations de fer (Benjamin et coll., 1996; Lytle et Snoeyink, 2002; Sarin et coll., 2003), les taux de corrosion du fer (Benjamin et coll., 1996; Cordonnier, 1997) et la fréquence des épisodes d’eau rouge (Shull, 1980; Cordonnier, 1997). Reiber (2006) a constaté que l’orthophosphate était efficace pour durcir les incrustations de fer existantes à un pH de 7,4 à 7,8, réduisant ainsi la fréquence des épisodes d’eau rouge. Lytle et coll. (2003) ont observé que le fer total libéré demeurait faible après l’arrêt de l’ajout d’orthophosphate en raison de la formation de solides fer-phosphore dans les incrustations, ce qui réduisait la solubilité du fer ferreux et/ou diminuait la perméabilité des incrustations.
Les inhibiteurs à base de phosphate, en particulier l’orthophosphate, peuvent également réduire les populations de bactéries hétérotrophes évaluées par numération sur plaque ainsi que le nombre de coliformes dans les réseaux de distribution en fonte en réduisant la corrosion. Dans le cadre d’une étude de 18 mois réalisée sur 31 réseaux de distribution d’eau en Amérique du Nord, on a observé que les réseaux de distribution utilisant des inhibiteurs à base de phosphate contenaient moins de coliformes que ceux qui n’utilisaient aucune méthode de contrôle de la corrosion (LeChevallier et coll., 1996). De même, l’ajout d’orthophosphate à raison de 1 mg/L dans un réacteur de fonte très corrodé a immédiatement réduit la libération d’oxyde de fer et le nombre de bactéries présentes dans l’eau (Appenzeller et coll., 2001). L’ajout d’orthophosphate en recourant à des mélanges de phosphates pose le problème de la forme chimique précise du composant polyphosphate et de sa capacité à former des complexes ou à séquestrer des substances. Par conséquent, bien que la plupart des études montrent un certain avantage à ce que le rapport orthophosphate/polyphosphate soit élevé, il n’y a pas toujours un avantage si le composant polyphosphate est un agent complexant fort et stable contre une éventuelle réversion. Les caractéristiques chimiques générales de l’eau, notamment les concentrations de fer, de calcium et de magnésium, jouent également un rôle important dans l’efficacité des mélanges de phosphates.
Les polyphosphates ont été fréquemment utilisés pour contrer la formation de tubercules et restaurer l’efficacité hydraulique des conduites principales. Les polyphosphates peuvent parfois modifier le type de corrosion. Par exemple, au lieu d’une corrosion par piqûres ou par cellules de concentration, on obtient un type de corrosion plus uniforme, ce qui réduit les fuites et les plaintes liées à l’esthétique. Les parois des tuyaux sont généralement suffisamment épaisses pour que l’augmentation du taux de dissolution n’ait aucune incidence pratique. Les polyphosphates jouent un rôle important dans la séquestration du manganèse et du fer dans les sources d’eau, dans l’atténuation des épisodes d’eau colorée et dans la réduction de la formation de certains types d’incrustations dans les eaux dures ou adoucies à la chaux. Bien que la séquestration réduise la coloration de l’eau due à la présence de métaux, elle ne les élimine pas. Ainsi, l’on serait exposé aux métaux séquestrés si l’on consommait l’eau. Plusieurs auteurs ont indiqué que l’utilisation du polyphosphate pouvait prévenir la corrosion du fer et réduire les concentrations de fer dans l’eau (McCauley, 1960; Williams, 1990; Facey et Smith, 1995; Cordonnier, 1997; Maddison et Gagnon, 1999). Toutefois, le polyphosphate n’agit pas comme un inhibiteur de la corrosion, mais plutôt comme un agent qui séquestre le fer et réduit la coloration rouge de l’eau (Lytle et Snoeyink, 2002). Selon McNeill et Edwards (2001), un tel effet a conduit de nombreux chercheurs à conclure à une réduction des concentrations de sous-produits du fer alors qu’en fait, les concentrations de fer et les taux de corrosion du fer pourraient avoir augmenté.
Certaines études ont conclu à l’utilité du polyphosphate pour réduire les concentrations de plomb dans l’eau (Boffardi, 1988, 1990, 1993; Lee et coll., 1989; Hulsmann, 1990; Boffardi et Sherbondy, 1991). Par contre, d’autres ont conclu qu’il était inefficace et pouvait même dans certains cas aggraver le problème du plomb (Holm et coll., 1989; Schock, 1989; Holm et Schock, 1991; Maas et coll., 1991; Boireau et coll., 1997; Cantor et coll., 2000; Edwards et McNeill, 2002). McNeill et Edwards (2002) ont montré que le polyphosphate pouvait conduire à une augmentation importante de la concentration de plomb dans des tuyaux de trois ans après une période de stagnation de 8 et de 72 heures. Ils ont mesuré des augmentations des concentrations de plomb atteignant jusqu’à 591 %, comparativement à celles mesurées dans les mêmes conditions sans inhibiteur. Ils ont donc déconseillé l’utilisation du polyphosphate pour le contrôle de la corrosion du plomb. Les données concernant l’incidence du polyphosphate sur la solubilité du cuivre sont limitées. Cantor et coll. (2000) indiquent que l’utilisation du polyphosphate augmente la concentration de cuivre dans l’eau du robinet. Une autre étude réalisée sur banc d’essai de tuyaux de cuivre (Edwards et coll., 2002) montre par ailleurs que, même si le polyphosphate réduit généralement les concentrations de cuivre soluble, les concentrations de cuivre augmentent de façon importante à un pH de 7,2 et à une alcalinité de 300 mg/L de CaCO3, puisque le polyphosphate nuit à la formation d’incrustations de malachite, plus stables.
Inhibiteurs à base de silicate
Les données disponibles concernant l’effet du silicate de sodium sur la solubilité du plomb et du cuivre sont limitées. Comme il s’agit d’un composé basique, sa présence est toujours associée à une augmentation du pH, et il est donc difficile de mesurer l’effet qu’il produit à lui seul en matière de réduction des concentrations de plomb et de cuivre puisque l’augmentation du pH pourrait donner le même résultat.
Une étude de Schock et coll. (2005a) portant sur un système de taille moyenne portait sur un problème de fer dans la source d’approvisionnement en eau et sur un problème de relargage de plomb et de cuivre dans le système de plomberie. Les problèmes ont été résolus simultanément par l’ajout de silicate de sodium dans les trois puits qui présentaient des concentrations élevées de fer et de manganèse et qui approvisionnaient des habitations équipées d’entrées de service en plomb. Un quatrième puits n’avait besoin que d’une chloration et d’un ajustement du pH à l’aide d’hydroxyde de sodium. Dans les trois premiers puits, une dose initiale de silicate de 25 à 30 mg/L a causé l’augmentation du pH de 6,3 à 7,5 et entraîné une réduction immédiate de 55 % et de 87 % des concentrations de plomb et de cuivre, respectivement. L’augmentation de la dose de silicate à 45-55 mg/L a fait monter le pH à 7,5 et a entraîné une nouvelle réduction des concentrations de plomb et de cuivre (0,002 mg/L et 0,27 mg/L, respectivement). La qualité de l’eau traitée sur le plan de la couleur et de la teneur en fer était égale ou supérieure à celle mesurée avant le traitement. Toutefois, selon la littérature scientifique, l’utilisation du silicate de sodium ne réduit pas à elle seule de manière concluante les concentrations de plomb et de cuivre.
Entre 1920 et 1960, plusieurs auteurs ont indiqué que l’utilisation de silicate de sodium permettait de réduire les épisodes de coloration rouge de l’eau (Tresh, 1922; Texter, 1923; Stericker, 1938, 1945; Loschiavo, 1948; Lehrman et Shuldener, 1951; Shuldener et Sussman, 1960). Toutefois, selon une étude réalisée sur le terrain dans un réseau de distribution canadien, l’utilisation de silicate de sodium (4 à 8 mg/L; pH de 7,5 à 8,8) pour réduire les concentrations de fer dans de vieux tuyaux de fonte ou de fonte ductile n’a eu aucun effet bénéfique. Une inspection visuelle au moyen d’une caméra insérée dans un tuyau de fonte avant l’injection de silicate de sodium, puis immédiatement après l’élimination mécanique des tubercules, et enfin après 5 mois de traitement au silicate de sodium, a permis de conclure que ces faibles concentrations ne permettaient pas de réduire la formation de tubercules ni d’en prévenir la formation (Benard, 1998). Très peu d’études ont prouvé l’efficacité du silicate de sodium dans l’inhibition de la corrosion ou ont réussi à en élucider le véritable mode d’action.
Les expériences qui ont porté sur les effets de concentrations élevées de silice à différentes valeurs de pH ont révélé qu’à un pH de 8, cette substance pouvait jouer un rôle dans le processus de stabilisation de la matrice de ciment des tuyaux, en intervenant dans la formation de couches protectrices de fer ferrique qui ralentissent le relargage du calcium (Holtschulte et Schock, 1985). Li et coll. (2021) ont constaté qu’en comparaison avec de l’orthophosphate (avec zinc et sans zinc) à une concentration de 0,3 mg/L de phosphate, l’utilisation de 20 mg/L de silicate de sodium ne permettait pas de contrôler la corrosion du plomb dans des entrées de service partiellement ou entièrement en plomb, dans une eau de faible alcalinité à un pH constant de 7,4. Une dose de 48 mg/L de silicate de sodium s’est avérée disperser les incrustations de corrosion dans les sections en fonte des tuyaux et dans les entrées de service en plomb, ce qui a considérablement accru le relargage de plomb et de fer. Les auteurs ont conclu que l’inhibition de la corrosion due à des interactions directes entre le plomb et le silicate était peu probable. Aghasadeghi et coll. (2021) ont comparé les silicates de sodium, l’orthophosphate et l’ajustement du pH dans des conditions de pH identiques avec une eau dont l’alcalinité était de 79 mg/L de CaCO3. Les auteurs ont constaté que le traitement à raison de 20 mg/L de silicate de sodium était moins efficace pour réduire le relargage de plomb que l’ajustement du pH (à 7,9), et que l’augmentation de la dose de silicate à 25 mg/L provoquait en fait un relargage accru de plomb et une déstabilisation des incrustations de corrosion. Les auteurs ont conclu que les silicates n’offraient aucun avantage autre que l’augmentation du pH pour réduire le relargage de plomb à partir des ESP.
Lintereur et coll. (2011) ont comparé trois doses de silicate de sodium (3 mg/L, 6 mg/L et 12 mg/L) et ont découvert que le silicate de sodium entraînait effectivement une réduction de la libération de cuivre comparativement aux témoins (aucun traitement et augmentation du pH). La réduction semblait dépendre de la dose : les libérations de cuivre les plus faibles ont été observées avec les doses de silicate de sodium les plus élevées. L’analyse des incrustations a révélé la présence d’incrustations de silicate-cuivre, ce qui indique que des incrustations de silicate peuvent être en partie responsables de l’action inhibitrice. Woszczynski et coll. (2015) ont constaté que les silicates de sodium (18 mg Si/L, pH 7,3 et pH 6,3) ne permettaient pas de contrôler les concentrations de cuivre, comparativement au phosphate (0,8 mg PO4/L, pH 7,3). Les auteurs ont constaté que le pH avait une incidence sur l’efficacité des silicates et que les conditions de qualité de l’eau pouvaient également avoir une incidence.
Purge et entretien
Comme les concentrations des métaux-traces augmentent avec la stagnation de l’eau, la purge de la plomberie peut réduire de façon importante les concentrations de plomb et de cuivre dans l’eau potable. Cette pratique peut être assimilée à une mesure de contrôle de l’exposition. Gardels et Sorg (1989) ont démontré que de 60 % à 75 % du plomb relargué des robinets de cuisine se trouvaient dans les 125 premiers millilitres recueillis au robinet. Ils ont en outre conclu qu’en laissant couler de 200 à 250 mL d’eau, on évacuait 95 % ou plus du plomb relargué dans l’eau (en supposant l’absence d’autres sources de plomb en amont du robinet). Dans des études canadiennes au cours desquelles les robinets d’eau froide étaient purgés pendant 5 minutes, aucune des concentrations mesurées des métaux-traces ne dépassait les recommandations correspondantes pour la qualité de l’eau potable en vigueur à ce moment-là (Méranger et coll., 1981; Singh et Mavinic, 1991). Toutefois, la purge des robinets d’eau froide dans les immeubles, en particulier dans les grands bâtiments ou établissements, risque de ne pas suffire pour abaisser les teneurs de l’eau en plomb et en cuivre sous les seuils prescrits (Singh et Mavinic, 1991; Murphy, 1993; Deshommes et coll., 2012; McIlwain et coll., 2016; Miller-Schulze et coll., 2019).
Murphy (1993) a démontré que la concentration médiane de plomb contenue dans des échantillons prélevés aux fontaines et aux robinets d’eau potable dans des écoles avait augmenté sensiblement à l’heure du dîner après une purge de 10 minutes le matin. Les auteurs en ont conclu à la nécessité de procéder à des purges périodiques durant la journée afin de réduire les concentrations de plomb. Les purges sont considérées comme une approche qui permet de réduire les concentrations de plomb à court terme (Deshommes et coll., 2012; McIlwain et coll., 2016; Doré et coll., 2018; Katner et coll., 2018; Miller-Schulze et coll., 2019). Doré et coll. (2018) ont observé qu’une purge partielle (30 sec) et une purge complète (5 min) permettaient de réduire les concentrations de plomb de 88 % et de 92 %, respectivement. Cependant, après seulement 30 min de stagnation, les concentrations médianes de plomb ont augmenté à > 45 % des concentrations observées après une stagnation prolongée (> 8 h). Les auteurs ont recommandé de purger les robinets en laissant couler les 250 premiers millilitres d’eau stagnante avant la consommation, même après une courte période de stagnation. D’après les auteurs, il faudrait de 2 à 20 sec pour éliminer ce volume d’eau avec la plupart des fontaines.
Lorsque le plomb relargué dans l’eau provient des entrées de service en plomb, il ne suffit pas de laisser couler l’eau jusqu’à ce qu’elle devienne froide, puisque c’est généralement à ce point que l’eau qui reposait dans l’entrée de service atteint le robinet. L’échantillonnage séquentiel de plusieurs litres peut aider à déterminer si la purge suffira à elle seule à réduire les concentrations de plomb, ainsi que la durée de purge requise. À Washington (DC), les concentrations de plomb atteignaient parfois leur maximum dans des échantillons prélevés après une purge d’une minute. En effet, des concentrations de plomb aussi élevées que 48 mg/L ont été observées après une purge. Dans certains cas, les concentrations de plomb étaient encore élevées après 10 min de purge (Edwards et Dudi, 2004).
Les activités de remplacement (complet ou partiel) ou de construction des entrées de service en plomb (Sandvig et coll., 2008; Cartier et coll., 2013; Del Toral et coll., 2013) peuvent perturber ou déloger les incrustations de plomb existantes ou des sédiments contenant du plomb, ce qui entraîne une augmentation importante des concentrations de plomb au robinet. Il faut encourager le consommateur à effectuer une purge initiale élaborée, et les responsables de systèmes de distribution d’eau potable doivent suivre les meilleures pratiques en matière de purge (AWWA, 2017b). Dans certains cas, la purge ne peut suffire à réduire les concentrations de plomb dans l’eau du robinet. Par conséquent, les responsables de systèmes de distribution d’eau potable doivent procéder à une surveillance appropriée pour s’assurer que la purge constitue une mesure adéquate avant de la recommander aux consommateurs. Les responsables de systèmes de distribution d’eau potable devraient également veiller à ce que des purges adéquates soient effectuées et communiquer les limites pratiques de ces purges (Katner et coll., 2018).
Des activités d’entretien, comme un nettoyage régulier des aérateurs et des grilles des robinets pour en déloger les débris, peuvent également jouer un rôle important dans la réduction des concentrations de plomb dans l’eau du robinet. Parmi les débris des aérateurs ou des grilles, on trouve parfois des particules de plomb, qui peuvent être abrasées et franchir les grilles pendant les périodes de consommation d’eau. Ceci peut entraîner une augmentation notable, de façon variable et sporadique, du plomb particulaire dans l’eau du robinet. Il est important de veiller à ce que l’échantillonnage soit réalisé avec l’aérateur ou la grille en place afin de détecter toute contribution possible du plomb particulaire. Les meilleures pratiques prévoient aussi que l’on procède régulièrement à la purge des réseaux de distribution de grande envergure, et notamment des culs-de-sac, pour évacuer les sous-produits de la corrosion qui se détachent des parois et les microorganismes qu’ils pourraient contenir.
Filtres pour le traitement de l’eau potable
Il est possible de réduire provisoirement l’exposition au plomb en utilisant des dispositifs de traitement de l’eau potable. Il importe cependant de signaler que, dans les situations où le remplacement d’entrées de service peut entraîner des concentrations élevées de plomb, la capacité des dispositifs de traitement est susceptible de diminuer, et il faut parfois remplacer ces dispositifs plus fréquemment. Comme l’exposition au plomb par l’eau potable ne devient inquiétante qu’en cas d’ingestion du contaminant, on juge que l’installation aux robinets de dispositifs de traitement certifiés pour l’élimination du plomb constitue le meilleur moyen de réduire les concentrations à des niveaux sûrs immédiatement avant la consommation. Des études ont démontré que l’installation de dispositifs de filtration au point d’utilisation peut constituer une mesure provisoire efficace pour réduire l’exposition au plomb soluble et au plomb particulaire (Deshommes et coll., 2010, 2012; Bosscher et coll., 2019; CDM Smith, 2019; Pan et coll., 2020; Purchase et coll., 2020). Deshommes et coll. (2012) ont montré que l’installation de dispositifs de filtration au point d’utilisation dans un complexe pénitentiaire fédéral a considérablement diminué les concentrations de plomb dissous et de plomb particulaire, même lorsque la fraction particulaire était deux fois plus importante que la fraction soluble. Certains dispositifs de filtration au point d’utilisation éliminaient le plomb pendant une période pouvant aller jusqu’à 6 mois sans qu’il soit nécessaire de remplacer la matière filtrante (Mulhern et Macdonald Gibson, 2020).
Santé Canada ne recommande pas de marques particulières de dispositifs de traitement de l’eau potable, mais conseille vivement aux consommateurs de n’acheter que des dispositifs certifiés par un organisme de certification accrédité comme étant conformes aux normes appropriées de NSF International (NSF) et de l’American National Standards Institute (ANSI). Ces normes visent à préserver la qualité de l’eau potable en aidant à assurer l’innocuité des matériaux et l’efficacité des produits qui entrent en contact avec elle. Les organismes de certification accrédités par le Conseil canadien des normes testent les dispositifs de traitement destinés à réduire les concentrations de plomb (et d’autres contaminants) et certifient qu’ils sont conformes aux normes NSF/ANSI pertinentes. Au Canada, le Conseil canadien des normes (www.scc.ca/fr) a accrédité les organismes suivants, qu’il autorise ainsi à homologuer les dispositifs de traitement de l’eau potable qui satisfont aux normes NSF/ANSI susmentionnées :
- CSA International (www.csa-international.org)
- NSF International (www.nsf.org) (en anglais seulement)
- Water Quality Association (www.wqa.org) (en anglais seulement)
- Underwriters Laboratories Inc. (canada.ul.com/fr/)
- Quality Auditing Institute (qai.org/fr/accueil/)
- International Association of Plumbing and Mechanical Officials (www.iapmo.org) (en anglais seulement)
- Truesdail Laboratories Inc. (www.truesdail.com) (en anglais seulement)
L’adsorption (c.-à-d. charbon en bloc/résine), l’osmose inverse et la distillation sont des techniques de traitement efficaces à l’échelle résidentielle pour éliminer le plomb au robinet. Il existe à l’heure actuelle des dispositifs résidentiels certifiés pour la réduction du plomb (dissous et particulaire) dans l’eau potable par un traitement d’adsorption et d’osmose inverse. Par contre, il n’y a aucun système de distillation certifié.
Pour qu’un dispositif de traitement de l’eau potable soit certifié pour l’élimination du plomb, il doit être en mesure de réduire une concentration de plomb de 150 µg/L (particulaire et dissous) dans l’influent à une concentration finale maximale (effluent) de moins de 5 µg/L (NSF International, 2020d,e,f).
Autres approches
Les revêtements, enduits et peintures sont généralement appliqués mécaniquement lors de la fabrication des tuyaux, ou sur le terrain avant l’installation. Certains revêtements peuvent être appliqués après l’installation des tuyaux. Les revêtements les plus courants sont la peinture époxy, le mortier de ciment et le polyéthylène. L’utilisation de revêtements doit faire l’objet d’une surveillance attentive, car ils peuvent être à l’origine de plusieurs problèmes relatifs à la qualité de l’eau (Schock et Lytle, 2011). Les revêtements doivent répondre aux exigences de la norme NSF/ANSI/CAN 61 et des normes pertinentes de l’AWWA.
On a mis au point des produits de revêtement pouvant être appliqués in situ, constitués de tubes affaissés insérés dans des tuyaux de petit diamètre, qui prennent de l’expansion sous l’effet de la chaleur et de la pression et rendent la surface intérieure des tuyaux étanche à l’eau. De même, on envisage aussi d’utiliser des revêtements époxydiques pour les entrées de service en plomb. Peu d’articles scientifiques ont été publiés sur l’utilisation de ces revêtements, mais s’ils sont efficaces, ils pourraient contribuer à réduire les perturbations et les temps d’arrêt (UK WIR, 2012). Cependant, on dispose de peu de données pour étayer leur durabilité à long terme et leur efficacité dans des tuyaux très déformés ou endommagés ou dans des raccords en ligne (p. ex. vannes, raccords en T) (UK WIR, 1997; Tarbet et coll., 1999). Il convient donc d’être prudent au moment d’envisager de tels revêtements, car tout problème risque d’exposer involontairement le consommateur à du plomb.
Justification des programmes de surveillance visant à évaluer la corrosion
Les protocoles d’échantillonnage et les objectifs liés aux protocoles de surveillance ci-dessous tiennent compte de la variabilité des concentrations de plomb mesurées au robinet, qui dépendent de la période de stagnation, de l’âge et de la source du plomb, ainsi que d’autres facteurs. La surveillance du plomb au robinet peut se faire au moyen de différents protocoles d’échantillonnage, mais le protocole choisi doit tenir compte de l’objectif souhaité. Ces protocoles peuvent servir à repérer les sources de plomb, à contrôler efficacement la corrosion ou à estimer l’exposition au plomb. Ils varieront selon divers facteurs, comme la durée de stagnation souhaitée, le volume à prélever, les sites d’échantillonnage choisis et la fréquence d’échantillonnage (Schock, 1990a; van den Hoven et Slaats, 2006; Schock et Lemieux, 2010). Le choix de la période de stagnation dépend de considérations d’ordre pratique et de la volonté de générer des concentrations accrues de plomb pour faciliter l’évaluation des éventuels changements (Jackson et Ellis, 2003).
Programmes de surveillance résidentielle
Des programmes de surveillance résidentielle mis en œuvre dans le passé aux États-Unis et en Europe ont permis de démontrer que les concentrations de plomb au robinet varient de façon importante à travers du système et d’un même site d’échantillonnage (Karalekas et coll., 1978; Bailey et Russell, 1981; AwwaRF, 1990; Schock, 1990a, b; U.S. EPA, 1991). La concentration de plomb dans l’eau du robinet dépend d’un éventail de facteurs physiques et chimiques, notamment la qualité de l’eau (le pH, l’alcalinité, la température, le chlore résiduel, etc.), la durée de stagnation ainsi que l’âge, le type, la taille et l’étendue des matériaux à base de plomb. Le mode d’utilisation de l’eau et le volume prélevé sont également des facteurs ayant une importante influence sur la concentration de plomb au robinet (Deshommes et coll., 2016; Doré et coll., 2018). Sur le plan statistique, plus le degré de variation est important, plus le nombre de sites d’échantillonnage doit être grand pour que les résultats soient représentatifs du réseau de distribution. En outre, lorsqu’on effectue un échantillonnage dans le but d’évaluer l’efficacité de modifications apportées à une méthode de traitement de la corrosion, il est important de réduire le degré de variabilité des concentrations de plomb mesurées dans l’eau du robinet (AwwaRF, 1990). Pour obtenir des résultats représentatifs et reproductibles, il est donc essentiel d’intégrer à tout programme de surveillance des mesures destinées à contrôler les facteurs qui causent la variation (Schock, 1990a; AwwaRF, 2004; Commission européenne, 1999).
En ce qui concerne les programmes de surveillance résidentielle, il faut veiller à ce que les échantillons soient prélevés à partir du robinet de la cuisine, en gardant l’aérateur ou la grille en place, et en respectant un débit correspondant à celui normalement utilisé (environ de 4 à 5 L/min) par les consommateurs (van den Hoven et Slaats, 2006). Ces précautions contribuent à garantir que les échantillons prélevés sont représentatifs des concentrations de plomb habituelles dans l’eau du robinet.
L’approche retenue prévoit un échantillonnage aléatoire de jour (RDT) qui serait assorti d’un seuil à partir duquel une enquête serait déclenchée. L’approche, fondée sur la CMA de plomb, orienterait les mesures devant être prises par le consommateur et réduirait ainsi les risques pour les personnes vulnérables (c.-à-d. les nourrissons, les enfants et les personnes enceintes). Cette approche est complémentaire au protocole décrit dans la recommandation concernant le plomb. Elle est facile à mettre en œuvre, elle est informative et elle constitue une solution de rechange éprouvée qui peut également être utilisée dans les grands immeubles et les habitations à logements multiples (Cardew, 2003). S’il est permis de le faire, la surveillance dans le cadre de cette approche peut porter sur des échantillons prélevés par le consommateur ou les responsables de systèmes de distribution d’eau potable.
Si un problème est lié à un échantillon prélevé à partir d’un robinet dans un domicile ou dans autre type d’immeuble non public, il n’est pas nécessaire de prélever d’autres échantillons; il faut alors mener une enquête approfondie pour déterminer si le plomb est présent dans la tuyauterie appartenant au propriétaire. Les protocoles d’échantillonnage RDT et 30 MS peuvent tous deux être utilisés dans les sites résidentiels, car ils permettent d’identifier les endroits prioritaires où réduire les concentrations de plomb et évaluer la conformité. Bien que ces deux protocoles conviennent à l’évaluation de l’efficacité des stratégies de contrôle de la corrosion, l’échantillonnage RDT peut être utilisé dans l’ensemble du système alors que l’échantillonnage 30 MS est normalement utilisé dans les sites sentinelles (Hayes, 2010). En raison du caractère aléatoire de l’échantillonnage RDT, il faut prélever de 2 à 5 fois plus d’échantillons que dans le cas de l’échantillonnage 30 MS pour que la robustesse statistique soit suffisante. Alors que l’échantillonnage RDT est relativement peu coûteux, plus pratique à mettre en application et généralement mieux accepté par le consommateur que l’échantillonnage 30 MS, cette dernière méthode d’échantillonnage peut également être utilisée pour déterminer la cause des dépassements et pour identifier des mesures d’intervention appropriées.
L’échantillonnage devrait être effectué tout au long de l’année pour tenir compte de la variabilité du plomb en fonction des effets saisonniers. L’échantillonnage devrait être effectué au robinet d’eau froide de la cuisine ou d’un autre endroit approprié où l’eau est utilisée pour la boisson ou la cuisine. Quel que soit le protocole utilisé, tous les échantillons doivent être prélevés dans des flacons à échantillons à grande ouverture sans retirer l’aérateur.
Détermination des protocoles d’échantillonnage pour un programme de surveillance résidentielle
L’option 1 (RDT + stagnation) du programme de surveillance résidentielle (protocole en deux volets) a pour objectifs : d’identifier les systèmes présentant de corrosion du plomb provenant de divers matériaux et d’établir la cause du problème; d’estimer le risque d’une exposition des consommateurs à des concentrations élevées de plomb; et d’évaluer la qualité et l’efficacité des programmes de contrôle de la corrosion. Le choix de l’option 1 du programme de surveillance résidentielle a tenu compte des protocoles d’échantillonnage utilisés dans différentes études sur les concentrations de plomb au robinet et sur les facteurs de variation de ces concentrations. Une approche en deux volets constitue une méthode efficace pour évaluer la corrosion dans l’ensemble d’un réseau de distribution et pour déterminer les concentrations de plomb potentiellement élevées. Elle permet également de recueillir de façon efficace les renseignements nécessaires pour décider des meilleures mesures correctives à prendre et pour évaluer l’efficacité du contrôle de la corrosion dans les réseaux résidentiels au Canada.
Dans certains cas, l’autorité responsable peut juger souhaitable de prélever les échantillons pour les deux volets à l’occasion d’une même visite sur un site. Elle élimine ainsi le besoin de retourner dans une résidence au cas où les concentrations mesurées dépassent l’objectif du réseau fixé pour le volet 1. Les analyses à faire dans le cadre du volet 2 se limiteront aux échantillons appropriés, déterminés d’après les résultats du volet 1.
Échantillonnage RDT pour le volet 1 (option 1)
L’échantillonnage effectué lors du volet 1 sert à déterminer la contribution de la plomberie interne à la concentration de plomb au robinet, à la suite d’une période de stagnation et du contact transitoire de l’eau avec l’entrée de service en plomb. Un échantillon de 1 L est recueilli à n’importe quel moment de la journée d’un robinet d’eau potable de chacune des résidences. Les échantillons doivent être prélevés directement au robinet du consommateur sans purge préalable; aucune période de stagnation n’est prescrite afin de mieux correspondre à l’utilisation des consommateurs (sans retirer l’aérateur ou la grille). Lorsque plus de 10 % des sites (90e centile) présentent une concentration de plomb supérieure à 0,005 mg/L (CMA/objectif), il est recommandé que les responsables de systèmes de distribution d’eau potable prennent des mesures correctives, notamment le prélèvement d’échantillons supplémentaires selon les indications du protocole d’échantillonnage établi pour le volet 2. Largement utilisé pour évaluer les concentrations de plomb à l’échelle du réseau, le protocole d’échantillonnage du volet 1 s’est révélé être une méthode efficace pour identifier les réseaux munis ou non d’entrées de service en plomb qui nécessitent un contrôle de la corrosion. Au Royaume-Uni, on a documenté l’efficacité d’un programme d’échantillonnage RDT effectué à l’échelle du réseau pour surveiller la conformité et pour évaluer la performance et l’optimisation du contrôle de la corrosion (Jackson, 2000; Santé Canada, 2019a). L’échantillonnage à des fins de conformité se fait par la collecte d’un certain nombre d’échantillons, selon une fréquence donnée, en fonction de la population desservie dans une zone d’approvisionnement définie (zone). Cette fréquence peut être réduite s’il ne survient aucun problème pendant la période définie. Toutefois, un échantillonnage accru peut être nécessaire lorsqu’un problème de plomb est important. Une telle situation s’est produite dans le nord-ouest de l’Angleterre, où il fallait prélever 50 échantillons par année dans chaque zone d’approvisionnement en eau (Cardew, 2003). Cardew (2009) a analysé les répercussions de la taille d’échantillon et du nombre de sites ayant des entrées de service en plomb. Selon le chercheur, de manière générale, 25 échantillons avaient été prélevés par zone desservant moins de 50 000 personnes à des fins de vérification de la conformité. Le chercheur était en mesure de distinguer les résidences n’ayant pas de problème de plomb lié à leur entrée de service des résidences qui étaient touchées par un problème de plomb (soluble ou particulaire) en évaluant les données de conformité recueillies sur une période de six ans dans trois zones d’approvisionnement en eau. Les variations de la qualité de l’eau ont une incidence sur la variabilité des concentrations de plomb, car certains effets sont de nature saisonnière (p. ex. température, alcalinité, matière organique). D’autres facteurs contribuent également à la variabilité des concentrations de plomb, notamment le type de logement, le mode d’utilisation de l’eau et le comportement du consommateur comme l’ouverture complète des robinets, ainsi que le protocole d’échantillonnage utilisé pour vérifier la conformité (Cardew, 2003). Il est important de concevoir un programme d’échantillonnage qui tient compte des effets saisonniers, afin que les programmes de contrôle de la corrosion tiennent compte de la variabilité qui en découle (Cardew, 2000, 2003).
Le Royaume-Uni a maintenant réduit le nombre d’échantillons à prélever par année pour chaque zone d’approvisionnement en eau (voir le tableau 2) (Cardew, 2003; DWI, 2010). Cependant, l’utilisation des données de conformité pour prioriser des interventions peut nécessiter une taille d’échantillon accrue lorsque le nombre de sites ayant une entrée de service en plomb diminue dans une zone précise, étant donné la réduction de la signification statistique des résultats. Il est possible d’augmenter la taille de l’échantillon soit en prélevant davantage d’échantillons soit en regroupant les données recueillies sur plusieurs années. Dans ces cas, l’utilisation d’approches complémentaires (p. ex. des sites sentinelles pour les ESP) fournira une estimation plus fiable de l’exposition du public ainsi que de l’efficacité du contrôle de la corrosion (Cardew, 2003). Selon Baron (2001), il faut jusqu’à 60 échantillons pour obtenir une évaluation exacte et statistiquement valide des concentrations de plomb dans une zone d’approvisionnement (population > 500). Dans une zone d’approvisionnement dont l’eau présente des caractéristiques de qualité similaires, le nombre minimal d’échantillons est de 20. Il convient d’augmenter le nombre d’échantillons lorsque le degré de conformité est élevé (c.-à-d. 90 %), pour s’assurer que la zone est bien caractérisée.
Dans un certain nombre d’études, on a comparé l’échantillonnage RDT à l’échantillonnage après une purge complète (PC) et après une période de stagnation fixe de 30 minutes (30 MS) pour trouver des méthodes qui permettraient d’estimer la concentration hebdomadaire moyenne de plomb au robinet du consommateur (en comparaison avec un échantillonnage proportionnel composite) (Baron, 1997, 2001; Commission européenne, 1999; van den Hoven et Slaats, 2006). L’étude de la Commission européenne (1999) visait à déterminer lequel de ces trois protocoles d’échantillonnage courants était le plus représentatif de la quantité hebdomadaire moyenne de plomb ingéré par les consommateurs. Cette étude à grande échelle a été menée dans cinq pays membres et a porté sur de l’eau de divers degrés de qualité. Chaque pays a effectué un échantillonnage à au moins deux endroits, où au moins 50 % des sites d’échantillonnage devaient être dans des résidences équipées d’une entrée de service en plomb. Selon cette étude, mesurer la concentration moyenne de plomb dans deux échantillons de 1 L prélevés après une purge complète de 5 minutes (soit l’équivalent de trois volumes de plomberie selon les auteurs) suivie d’une période de stagnation de 30 minutes constitue une méthode efficace pour estimer la concentration moyenne de plomb au robinet du consommateur.
Baron (2001) a confirmé ces résultats lors d’une étude menée en France qui comparait les trois types d’échantillonnage, mais sans échantillonnage proportionnel composite. L’auteur a constaté qu’à l’échelle des zones (la taille de la population n’était pas définie), l’échantillonnage RDT et l’échantillonnage 30 MS donnaient des résultats très similaires lorsque le nombre de ménages était suffisant. Il a été établi que la sélection aléatoire des propriétés semblait être une bonne solution pour évaluer la situation dans une zone et pour pouvoir déterminer et hiérarchiser les types de mesures à mettre en place. L’échantillonnage RDT a été jugé plus pratique et plus acceptable pour les consommateurs, tandis que l’échantillonnage 30 MS s’est avéré davantage reproductible et tout aussi représentatif. Toutefois, il a été déterminé que l’échantillonnage PC n’était pas représentatif des concentrations moyennes et qu’il ne fournissait qu’une indication des teneurs minimales en plomb au robinet (Baron, 2001; van den Hoven et Slaats, 2006).
Il a été déterminé que l’échantillonnage RDT était représentatif et permettait de déceler une grande proportion des sites ayant des problèmes de plomb. De plus, l’échantillonnage RDT était relativement peu coûteux, pratique à mettre en œuvre et acceptable du point de vue du consommateur. L’échantillonnage RDT s’est avéré moins reproductible que l’échantillonnage 30 MS et était généralement associé à une surestimation de l’exposition au plomb (Union européenne, 1999; Jackson, 2000; Cardew, 2003; van den Hoven et Slaats, 2006).
Cardew (2003) a constaté que l’efficacité du TCC pouvait être évaluée à l’aide des données de conformité obtenues par échantillonnage RDT. Il a par ailleurs établi que l’optimisation pourrait être modélisée pour permettre l’évaluation du point de décroissance en ce qui concerne l’effet des concentrations de phosphate sur les taux de plomb, et il a entrepris de comparer les protocoles d’échantillonnage RDT et 30 MS dans des conditions précises.
Échantillonnage 30 MS pour le volet 1 (option 2)
Selon les études mentionnées en Échantillonnage RDT pour le volet 1 (option 1), le protocole d’échantillonnage 30 MS est à la fois reproductible et représentatif des expositions typiques, et il est également représentatif du temps moyen de stagnation entre deux utilisations dans un contexte résidentiel (Bailey et coll., 1986; van den Hoven et Slaats, 2006). Il a été déterminé que l’on pouvait prendre la concentration moyenne de plomb de deux échantillons de 1 L prélevés selon le protocole 30 MS pour refléter l’exposition typique. La reproductibilité de l’échantillonnage 30 MS en fait un bon outil pour surveiller les changements dans la teneur en plomb au fil du temps et pour évaluer l’efficacité d’un traitement correctif aux sites sentinelles (Jackson, 2000). On sait qu’une purge effectuée avant une période de stagnation permet d’éliminer les particules accumulées (van den Hoven et Slaats, 2006; Deshommes et coll., 2010a, 2012). Toutefois, l’écoulement turbulent observé à des débits élevés est associé à la présence de plomb particulaire (Cartier et coll., 2012a; Clark et coll., 2014). À la lumière de ces observations, l’échantillonnage 30 MS devrait être réalisé à un débit moyen à élevé (> 5 L/minute) pour qu’il soit possible de capter la libération de plomb particulaire. Cependant, ce protocole d’échantillonnage s’avère plus coûteux, plus difficile à mettre en application et moins acceptable pour du consommateur que l’échantillonnage RDT. Cela étant, le protocole d’échantillonnage 30 MS est considéré comme étant moins variable et plus reproductible que le protocole RDT en raison du temps de stagnation fixe (Union européenne, 1999; Jackson, 2000; Cardew, 2003).
Il est important de noter que la méthode d’échantillonnage peut contribuer à la variabilité des concentrations de plomb. De nombreux facteurs contribuent à cette variabilité, et ceux-ci ont été étudiés à l’aide d’une simulation de Monte Carlo évaluant les fluctuations de la qualité de l’eau et leur incidence sur la variabilité globale des concentrations de plomb. Cardew (2003) a constaté que le coefficient de variation (CV) associé aux protocoles 30 MS et RDT dans différentes conditions d’échantillonnage et de qualité de l’eau augmentait en raison des fluctuations de la qualité de l’eau. Les fluctuations de la qualité de l’eau entraînent une augmentation considérable du nombre d’échantillons nécessaires pour le protocole 30 MS, de sorte qu’il serait suffisant de prélever deux fois plus d’échantillons pour le protocole RDT que pour le protocole 30 MS. De même, Jackson (2000) a déterminé qu’il faudrait prélever de 3 à 5 fois plus d’échantillons dans le cas du protocole d’échantillonnage RDT que dans le cas du protocole 30 MS pour obtenir des données équivalentes. Par conséquent, l’avantage réel associé à l’échantillonnage selon le protocole 30 MS est moins important que ce à quoi l’on pourrait s’attendre.
On sait qu’une purge effectuée avant une période de stagnation permet d’éliminer les particules accumulées (van den Hoven et Slaats, 2006; Deshommes et coll., 2010a, 2012). Toutefois, l’écoulement turbulent observé à des débits élevés est associé à la présence de plomb particulaire (Cartier et coll., 2012a; Clark et coll., 2014). À la lumière de ces observations, l’échantillonnage devrait être réalisé à un débit moyen à élevé (> 5 L/minute) afin qu’il soit possible de capter la libération de plomb particulaire pour le protocole d’échantillonnage 30 MS auquel on a habituellement recours dans les sites sentinelles. Le protocole d’échantillonnage 30 MS peut également être utilisé pour déterminer la cause des dépassements et pour identifier des mesures d’intervention appropriées.
Le choix de ce protocole en tant que méthode de rechange pour la surveillance résidentielle s’appuie sur une adaptation d’un protocole d’échantillonnage utilisé par diverses études européennes dans le but d’estimer l’exposition hebdomadaire moyenne du consommateur au plomb par l’eau du robinet (Baron, 1997, 2001; Commission européenne, 1999). Bien qu’il ait servi dans ces études à estimer l’exposition hebdomadaire moyenne, ce protocole peut se révéler utile pour obtenir de l’information sur la corrosivité de l’eau pour les tuyaux en plomb. Il peut donc être utilisé afin d’identifier les sites résidentiels équipés d’une entrée de service en plomb qui pourraient présenter des concentrations élevées de plomb. Lorsqu’il est associé au prélèvement d’échantillons séquentiels, le protocole d’échantillonnage 30MS peut être utilisé à des fins d’investigation dans des résidences (Cartier et coll., 2011). Comme nous l’expliquons en détail ci-dessous, le protocole a été adapté afin de pouvoir également être utilisé comme outil pour déterminer la cause de la corrosion.
Volet 2 a) échantillonnage 30 MS (options 1 et 2)
Ce protocole vise à mesurer la concentration de plomb de l’eau qui a été en contact avec l’entrée de service en plomb et la plomberie interne (p. ex. les soudures au plomb, les raccords en laiton au plomb) durant une courte période transitoire (30 min). On prélève consécutivement quatre échantillons de 1 L d’eau potable au robinet d’eau froide du consommateur (sans retirer l’aérateur ou la grille) après une purge de 5 minutes suivie de 30 minutes de stagnation. Chaque échantillon de 1 L est ensuite analysé séparément afin d’obtenir un profil des contributions du robinet, de la plomberie (plomb présent dans les soudures, les raccords en laiton ou en bronze, les compteurs d’eau en laiton, etc.) et d’une portion ou de l’ensemble de l’entrée de service en plomb.
L’objectif du réseau pour le volet 1 est le seuil à partir duquel des mesures correctives doivent être prises, notamment le prélèvement d’échantillons supplémentaires. Si les concentrations de plomb dépassent 0,005 mg/L dans moins de 10 % des sites (correspondant au 90e centile), les responsables de systèmes de distribution d’eau potable doivent fournir aux occupants des résidences des renseignements sur les moyens de réduire leur exposition au plomb. Ces moyens peuvent comprendre la purge d’un volume donné d’eau avant d’en consommer après une période de stagnation, la vérification des grilles et des aérateurs afin de déterminer s’il s’y trouve des débris pouvant contenir du plomb, comme des soudures au plomb, et le remplacement de la portion des entrées de service en plomb qui appartient aux consommateurs. On recommande également aux responsables de systèmes de distribution d’eau potable d’effectuer un échantillonnage de suivi dans ces sites afin d’évaluer l’efficacité des mesures correctives prises par les consommateurs.
Ce protocole d’échantillonnage permettra aux responsables de systèmes de distribution d’eau potable d’obtenir l’information nécessaire sur la qualité de l’eau pour déterminer s’il faut inciter les consommateurs à purger leur réseau d’eau potable après des périodes de stagnation, afin de protéger les populations les plus sensibles contre les concentrations dangereuses de plomb. Les échantillons prélevés servent également, sur le plan opérationnel, à déterminer si l’eau distribuée a tendance ou non à être corrosive pour le plomb et, dans l’affirmative, à établir les prochaines étapes à entreprendre pour mettre en œuvre un programme de contrôle de la corrosion.
On estime que la méthode d’échantillonnage préconisée pour le volet 1 renseigne davantage sur les concentrations de plomb que les autres méthodes d’échantillonnage courantes. Elle devrait par conséquent être utilisée afin d’accroître les chances de déceler correctement les problèmes de contamination par le plomb à l’échelle d’un réseau de distribution, notamment la présence de concentrations élevées de plomb attribuables au contact de l’eau avec divers matériaux contenant du plomb durant une période de stagnation de 30 minutes.
On préconise le prélèvement de quatre échantillons de 1 L à analyser séparément, car une telle démarche permettra d’établir le profil des contributions du robinet, de la plomberie du foyer et, dans de nombreux cas, d’une portion ou de l’ensemble de l’entrée de service en plomb, aux concentrations de plomb. Des études antérieures ont montré que 95 % du plomb provenant du robinet est évacué avec les premiers 200 à 250 mL d’eau. En outre, le plomb provenant des soudures au plomb se trouve généralement dans les deux premiers litres d’eau évacués des tuyaux de plomberie. Le prélèvement de quatre échantillons de 1 L à analyser séparément permettra donc aux fournisseurs d’eau d’obtenir des renseignements à la fois sur les concentrations de plomb au robinet potentiellement les plus élevées et sur la source de la contamination par le plomb. Ces renseignements pourront ensuite servir à déterminer les meilleures mesures correctives à prendre pour le réseau et fourniront des données qui faciliteront l’évaluation visant à déterminer si le contrôle de la corrosion a été optimisé.
Volet 2 b) stagnation de 6 h (options 1 et 2)
L’échantillonnage du volet 2 est nécessaire uniquement si le volet 1 révèle la présence, dans plus de 10 % des sites (90e centile), de concentrations de plomb supérieures à 0,005 mg/L (SG). Les prélèvements sont effectués dans 10 % des sites échantillonnés dans le cadre du volet 1, plus précisément dans les sites où on a observé les concentrations les plus élevées. Dans le cas d’un réseau de petite taille (desservant 500 personnes ou moins), il faut prélever des échantillons dans au moins deux sites afin d’obtenir des données suffisantes pour dresser le profil des concentrations de plomb de l’eau de ce réseau.
On prélève quatre échantillons consécutifs de 1 L au robinet d’eau froide du consommateur (sans retirer l’aérateur ou la grille) après une période de stagnation d’au moins 6 h. Chaque échantillon de 1 L est ensuite analysé séparément afin d’obtenir un profil des contributions du robinet, de la plomberie (plomb présent dans les soudures, les raccords en laiton ou en bronze, les compteurs d’eau en laiton, etc.) et d’une portion ou de l’ensemble de l’entrée de service en plomb.
L’échantillonnage du volet 2 a pour objectif de fournir des renseignements sur la source de la contamination au plomb et sur les concentrations de plomb potentiellement les plus élevées, afin d’aider les responsables de systèmes de distribution d’eau potable à déterminer les meilleures mesures correctives à prendre. Il permet également d’obtenir les meilleures informations pour évaluer l’efficacité et l’optimisation du programme de contrôle de la corrosion.
Pour obtenir des renseignements sur les concentrations potentiellement les plus élevées, il est important de réaliser l’échantillonnage après une période de stagnation. Le protocole d’échantillonnage du volet 2 vise notamment à prélever des échantillons de l’eau qui a reposé non seulement dans la plomberie de la résidence, mais également dans une portion ou dans l’ensemble de l’entrée de service en plomb, s’il y a présence d’une telle conduite. Les concentrations de plomb dans l’eau ayant reposé dans des tuyaux de plomb augmentent de façon considérable avec le temps, durant une période pouvant aller jusqu’à 8 heures, semblables aux concentrations provenant d’autres matériaux à base de plomb (soudures au plomb et raccords en laiton). Plusieurs facteurs influent sur la pente des courbes de stagnation de l’eau potable dans un tuyau de plomb. Généralement, la concentration de plomb augmente rapidement durant les 300 premières minutes. La pente de la courbe de stagnation pour un tuyau de plomb est habituellement très abrupte pour les périodes de stagnation inférieures à 6 heures. Par conséquent, de petites différences dans la durée de stagnation de l’eau peuvent entraîner des variations importantes dans les concentrations de plomb mesurées (Kuch et Wagner, 1983; AwwaRF, 1990, 2004; Schock, 1990a).
Le volume d’eau qui a été en contact avec l’entrée de service en plomb après une période de stagnation constitue un autre facteur important qui influe sur les concentrations de plomb au robinet. Des études établissant les profils des concentrations de plomb de réseaux de distribution au Canada et aux États-Unis ont indiqué que parmi les échantillons prélevés au robinet de résidences équipées d’une entrée de service en plomb, ce sont les échantillons correspondant à l’eau ayant reposé dans une telle conduite qui présentent la concentration de plomb la plus élevée (Campbell et Douglas, 2007; Huggins, 2007; Kwan, 2007; U.S. EPA, 2007; Craik et coll., 2008). Selon les résultats de ces études, lorsque l’eau a reposé dans une entrée de service en plomb durant 6 heures, la concentration maximale de plomb peut être mesurée dans les échantillons se situant entre le quatrième et le douzième litre du volume d’eau recueilli. Dans de nombreuses études, on a souvent mesuré des concentrations de plomb très élevées dans le quatrième, le cinquième ou le sixième litre du volume d’échantillon (Campbell et Douglas, 2007; Douglas et coll., 2007; Sandvig, 2007; Craik et coll., 2008). L’établissement de profils complets des concentrations de plomb dans l’eau de résidences de Washington (DC) équipées d’une entrée de service en plomb, effectué après le remplacement de l’ancienne méthode de traitement par un traitement aux chloramines, a montré que la quantité moyenne de plomb libéré dans l’eau (concentration ajustée au volume réel) attribuée à l’entrée de service était de 470 µg (73 µg/L), comparativement à 26 µg (26 µg/L) dans le premier litre d’échantillon et à 72 µg (31 µg/L) dans les échantillons provenant des autres éléments de tuyauterie des résidences et des composantes en amont de l’entrée de service en plomb (U.S. EPA, 2007).
Déterminer la possibilité de concentrations élevées de plomb dans l’eau ayant reposé dans une entrée de service en plomb constitue donc un élément essentiel de tout protocole d’échantillonnage servant à évaluer la corrosion interne des réseaux de distribution résidentiels et l’optimisation consécutive du contrôle de la corrosion. Une comparaison des échantillons présentant les concentrations de plomb les plus élevées avant et après la mise en œuvre de mesures de contrôle de la corrosion permettra aux responsables de systèmes de distribution d’eau potable d’obtenir les données nécessaires pour déterminer si la méthode de traitement utilisée a été optimisée. Cette comparaison contribuera en dernier ressort à démontrer que les concentrations les plus élevées ont été réduites le plus possible. Au Canada, on estime que le prélèvement d’au moins quatre échantillons de 1 L après une période de stagnation de 6 heures accroîtra les chances de détection des concentrations de plomb les plus élevées. Étant donné que le volume d’échantillon requis pour recueillir de l’eau ayant reposé dans l’entrée de service en plomb dépendra de la configuration propre à la plomberie de chaque site, les responsables de systèmes de distribution d’eau potable devraient effectuer une caractérisation générale des différents types de sites à haut risque dans le but de déterminer si le prélèvement de quatre échantillons de 1 L sera suffisant.
On préconise le prélèvement de quatre échantillons de 1 L à analyser séparément, car une telle démarche permettra d’établir le profil des contributions du robinet, de la plomberie du foyer et, dans de nombreux cas, d’une portion ou de l’ensemble de l’entrée de service en plomb, aux concentrations de plomb. Des études antérieures ont montré que 95 % du plomb provenant du robinet est évacué avec les premiers 200 à 250 mL d’eau. En outre, le plomb provenant des soudures au plomb se trouve généralement dans les deux premiers litres d’eau évacués des tuyaux de plomberie. Le prélèvement de quatre échantillons de 1 L à analyser séparément permettra donc aux fournisseurs d’eau d’obtenir des renseignements à la fois sur les concentrations de plomb au robinet potentiellement les plus élevées et sur la source de la contamination par le plomb. Ces renseignements pourront ensuite servir à déterminer les meilleures mesures correctives à prendre pour le réseau et fourniront des données qui faciliteront l’évaluation visant à déterminer si le contrôle de la corrosion a été optimisé.
Limites
En général, un programme de surveillance résidentielle a pour objectifs d’identifier les systèmes dans lesquels la corrosion du plomb provenant de divers matériaux constitue un problème et de déterminer la cause du problème; d’estimer la possibilité d’une exposition des consommateurs à des concentrations élevées de plomb; et d’évaluer la qualité et l’efficacité des programmes de contrôle de la corrosion. Destinée aux résidences équipées d’une entrée de service en plomb, la deuxième option du programme de surveillance résidentielle n’a pas été évaluée en fonction de ces objectifs. Elle est plutôt destinée à déceler les concentrations élevées de plomb dans l’eau des résidences équipées d’une entrée de service en plomb. Il est également important de signaler que ce protocole n’a fait l’objet d’aucune évaluation visant à déterminer s’il est efficace pour déceler la corrosion d’autres matériaux utilisés en plomberie, et qu’il ne permet pas de mesurer les concentrations potentiellement plus élevées qui pourraient être présentes dans l’eau ayant reposé durant une période prolongée dans les entrées de service en plomb et les systèmes de plomberie des résidences.
Selon une étude de Kuch et Wagner (1983), les concentrations de plomb atteignent une valeur d’équilibre assez constante après 5 à 7 heures de stagnation, selon le diamètre des tuyaux (correspondant à 1/2 po et à 3/8 po [1,3 cm et 1,0 cm]). De plus, la concentration de plomb augmente de façon exponentielle durant les 300 premières minutes de stagnation dans un tuyau en plomb. On a également constaté que la contribution à la concentration de plomb des autres matériaux, comme les raccords en laiton au plomb et les soudures à base de plomb, augmente de façon considérable après 4 à 20 heures de stagnation. Il existe peu de données de terrain comparant les différentes concentrations de plomb dans l’eau du robinet après diverses périodes de stagnation. Il est par conséquent difficile de déterminer si une période de stagnation de 30 minutes est suffisante pour évaluer la corrosion. Un petit nombre d’études avancent que, pour des volumes d’échantillon équivalents prélevés à un même robinet, les concentrations de plomb mesurées après une période de stagnation de 30 minutes sont beaucoup moins importantes que celles mesurées après une période de stagnation de 6 heures (AwwaRF, 1990; Douglas et coll., 2007; Craik et coll., 2008). Il semble donc y avoir un risque notable de sous-estimer la concentration maximale de plomb au robinet lorsqu’on utilise une période de stagnation de 30 minutes.
Détermination des protocoles d’échantillonnage pour les immeubles non résidentiels et les immeubles résidentiels
Les objectifs des protocoles d’échantillonnage pour les sites non résidentiels et les sites résidentiels, comme les services de garde, les écoles, les immeubles résidentiels et les immeubles à bureaux, sont de localiser les problèmes particuliers de relargage de plomb dans les bâtiments et de déterminer les endroits où il doit intervenir ainsi que les mesures correctives à prendre. L’objectif est de réduire le plus possible les concentrations de plomb aux sorties d’eau froide (p. ex. raccords ou appareils comme les robinets et les fontaines) utilisées pour la boisson et la cuisine et de protéger ainsi la santé des occupants contre une exposition au plomb. Les protocoles d’échantillonnage se fondent sur les variations observées dans les concentrations de plomb aux sorties d’eau des immeubles non résidentiels, variations qui dépendent des sources de plomb dans la plomberie ainsi que des modes d’utilisation de l’eau (Deshommes et coll., 2012; McIlwain et coll., 2016; Katner et coll., 2018; Miller-Schulze et coll., 2019).
Dans certains cas, les autorités responsables peuvent juger souhaitable de prélever les échantillons pour les volets 1 et 2 en même temps afin de ne pas avoir à retourner sur un site. Il faut cependant savoir que le niveau de confiance dans les résultats de l’analyse de certains échantillons sera moindre, puisque le fait de purger une sortie d’eau peut influer sur les échantillons prélevés après la purge à d’autres sorties situées à proximité.
Protocole d’échantillonnage pour le volet 1
On prélève un échantillon de premier jet de 250 mL aux endroits désignés dans le plan d’échantillonnage, après stagnation de l’eau pendant au moins 8 heures, mais généralement pas plus de 24 heures. Pour que les échantillons recueillis soient représentatifs, l’aérateur ou la grille de la sortie d’eau ne doivent pas être retirés avant le prélèvement. Si la concentration de plomb est supérieure à 0,005 mg/L (CMA pour le plomb) à l’un des endroits surveillés, des mesures correctives doivent être prises.
Le protocole d’échantillonnage du volet 1 a été utilisé dans des cadres non résidentiels pour localiser les problèmes particuliers de relargage de plomb, pour déterminer les méthodes d’intervention requises et pour démontrer l’efficacité de mesures correctives. Il existe de nombreuses études publiées portant sur la mise en œuvre de programmes complets d’échantillonnage visant à mesurer les concentrations de plomb au robinet dans des écoles et d’autres immeubles non résidentiels. Ces études démontrent que le prélèvement d’échantillons de 250 mL après une période de stagnation d’au moins 8 heures, mais généralement pas plus de 24 heures, constitue un moyen efficace pour identifier les sorties d’eau qui présentent des concentrations élevées de plomb (Gnaedinger, 1993; Murphy, 1993; Maas et coll., 1994; Bryant, 2004; Boyd et coll., 2008a, b). Les auteurs de nombreuses études sont arrivés à déterminer au moyen de cette méthode d’échantillonnage la source du plomb dans les écoles et à élaborer des plans d’intervention (Boyd et coll., 2008a,b).
Tout comme dans le cadre d’un programme de surveillance résidentielle, chacun des éléments d’un protocole d’échantillonnage en milieu non résidentiel, comme la période de stagnation, le volume d’eau prélevé et le SG, a une incidence importante sur l’utilité des données recueillies. Étant donné que les objectifs du prélèvement d’échantillons dans des immeubles non résidentiels sont distincts de ceux du prélèvement d’échantillons dans un cadre résidentiel, les volumes d’eau prélevés sont également différents.
Les protocoles d’échantillonnage en milieu non résidentiel des volets 1 et 2 sont établis en function d’un prélèvement d’un volume d’échantillon de 250 mL. Des études ont démontré que lors de l’évaluation de la quantité de plomb relarguée à partir de sorties d’eau comme les robinets de cuisine, plus de 95 % du plomb présent peut être mesuré dans les premiers 200 à 250 mL d’eau provenant d’un robinet (Gardels et Sorg, 1989). On a également constaté que les concentrations de plomb dans les immeubles non résidentiels diminuent généralement de façon importante après une purge de 30 secondes. Cette diminution laisse supposer que les fontaines et les robinets d’un immeuble non résidentiel, de même que les éléments de plomberie qui y sont raccordés, peuvent contribuer de façon importante aux concentrations élevées de plomb observées (Bryant, 2004; Boyd et coll., 2008a,b; Pieper et coll., 2015). Le prélèvement d’un volume plus important d’eau, un litre par exemple, toucherait ainsi une portion plus grande des éléments de plomberie en amont des sorties d’eau. Ces éléments de plomberie peuvent comprendre des vannes, des raccords en T et des joints soudés pouvant contribuer à la concentration de plomb de l’échantillon de 1 L. Il ne serait cependant pas possible de déterminer le matériau responsable de la libération du plomb. En outre, on suppose que le prélèvement d’une telle quantité d’eau à partir d’une fontaine d’eau potable pourrait diluer la concentration initialement mesurée à la sortie d’eau. Cette situation n’est pas souhaitable, car l’eau prélevée des sections de la plomberie situées plus loin de la sortie d’eau présente généralement des concentrations moins élevées (U.S. EPA, 2004). On considère donc qu’il est important lors de la prise d’échantillons dans un immeuble non résidentiel de prélever des volumes d’eau moins grands (250 mL) que ceux normalement utilisés pour évaluer la corrosion interne des réseaux résidentiels (un litre ou plus). On préconise ainsi, pour l’échantillonnage dans les immeubles non résidentiels, un volume d’échantillon de 250 mL, puisqu’un tel volume correspond à l’eau provenant à la fois de l’appareil de plomberie (la fontaine ou le robinet) et d’une section plus courte de la plomberie, et qu’il permet par conséquent d’identifier avec une plus grande efficacité la source du plomb présent à la sortie d’eau (U.S. EPA, 1994, 2006).
Comme mentionné à la section Temps de stagnation, âge de l’eau et débit, des études cherchant à déterminer les sources du plomb dans l’eau du robinet ont montré que les soudures au plomb et les raccords en laiton contribuent de façon notable aux concentrations élevées de plomb mesurées après une période de stagnation (Lee et coll., 1989; Singh et Mavinic, 1991; AwwaRF, 2004; U.S. EPA, 2007). Ces études indiquent que, selon l’âge et le type des matériaux, les concentrations de plomb augmentent de façon importante après des périodes de stagnation de 4 à 20 heures (Lytle et Schock, 2000). Le mode d’utilisation de l’eau dans un immeuble constitue donc un facteur important dans la détermination des concentrations de plomb au robinet. Étant donné que l’utilisation de l’eau est généralement intermittente dans les bâtiments non résidentiels, comme les services de garde, les écoles et les immeubles à bureaux, il est important d’effectuer un prélèvement d’échantillons après une période de stagnation. La période de stagnation la plus prudente avant la prise d’échantillons se situe entre 8 et 18 heures, puisqu’il s’agit de la période la plus susceptible de permettre la mesure des concentrations maximales de plomb dans l’eau. Les échantillons précédés d’une première purge devraient donc être prélevés à la suite d’une période de stagnation de 8 heures au moins, et de 24 heures au plus, pour qu’ils soient représentatifs des périodes les plus longues durant lesquelles, au cours de la plupart des jours de la semaine, les robinets et les fontaines d’un immeuble non résidentiel ne sont pas utilisés pour boire.
Lorsqu’on observe des concentrations supérieures au SG de 0,005 mg/L, des mesures correctives provisoires doivent être prises afin de protéger la santé des populations qui sont sensibles dans des conditions d’exposition comme celles qu’on retrouve dans les immeubles non résidentiels. Les occupants du bâtiment ainsi que toute autre partie intéressée, comme les parents, devraient être informés des résultats des échantillonnages effectués dans ce bâtiment.
Protocole d’échantillonnage pour le volet 2
Afin de faciliter l’identification de la source du plomb aux sorties d’eau qui présentent des concentrations de plomb supérieures à 0,005 mg/L pour le volet 1, on prélève des échantillons de suivi de l’eau qui a reposé dans la plomberie en amont et non de l’eau présente dans la sortie d’eau elle-même. Les résultats peuvent ensuite être comparés afin d’évaluer les sources des concentrations élevées de plomb et de déterminer les mesures correctives qui s’imposent. Dans le but d’effectuer une comparaison des résultats, un deuxième échantillon de 250 mL est prélevé après une période de stagnation équivalente. L’eau qui a reposé dans la plomberie en amont d’une sortie d’eau peut être recueillie en prenant un échantillon de 250 mL après une période de stagnation minimale de 8 heures, mais ne dépassant généralement pas 24 heures, suivie d’une purge de 30 secondes. Les fontaines d’eau et les robinets d’eau froide qui présentent des concentrations dépassant le SG du volet 1 sont échantillonnés de nouveau à la même saison durant la même année. On préconise une purge de 30 secondes, puisqu’une telle purge devrait normalement permettre l’évacuation de l’eau présente dans la sortie d’eau.
Si la concentration de plomb du deuxième échantillon de 250 mL est inférieure à 0,005 mg/L, on pourra conclure que le plomb provient de la fontaine d’eau, du robinet d’eau potable froide ou de la plomberie à proximité. Si des concentrations de plomb supérieures à 0,005 mg/L sont mesurées dans les échantillons prélevés dans le cadre du volet 2, les sources du plomb peuvent inclure la plomberie qui se trouve derrière le mur, la sortie d’eau et la plomberie de l’immeuble combinées, ou l’entrée de service. Lorsque les concentrations de plomb dépassent 0,005 mg/L dans les échantillons prélevés dans le cadre du volet 2, il faut prendre des mesures correctives immédiates, déterminer les sources du plomb et mettre en œuvre les mesures visant à remédier au problème.
Les résultats de l’échantillonnage effectué dans le cadre des volets 1 et 2 doivent être interprétés en fonction du profil de la plomberie, de manière à ce qu’il soit possible de déterminer les sources du plomb et de prendre les mesures correctives provisoires et à long terme qui s’imposent. Les autorités compétentes peuvent dresser le profil de la plomberie d’un bâtiment à l’aide des questions présentées dans le guide technique 2006 de l'EPA des États-Unis sur le plomb dans l'eau potable (U.S. EPA, 2006). Il est possible de consulter une autre source de référence pour obtenir de l’information sur un type différent d’échantillonnage permettant d’établir la source du plomb, si elle n’a pas été déterminée, ainsi que des renseignements détaillés sur la façon d’interpréter les résultats de l’échantillonnage réalisé dans le cadre des volets 1 et 2 (U.S. EPA, 2006).
Détermination des sites de surveillance non résidentiels et résidentiels
La teneur en plomb de l’eau potable acheminée aux immeubles non résidentiels par un réseau de distribution est généralement faible. On recommande de prélever lors de chaque visite de surveillance des échantillons à une sortie d’eau située près du point d’entrée de l’eau dans le bâtiment non résidentiel. Ces échantillons permettront de déterminer la concentration de plomb attribuable à l’entrée de service ou au réseau de distribution (conduite principale). Idéalement, les échantillons devraient être prélevés après un temps de purge suffisant pour qu’ils soient représentatifs de l’eau provenant de l’entrée de service et de la conduite principale. Le volume d’eau à purger dépendra des caractéristiques de la plomberie du bâtiment, à savoir la distance entre l’entrée de service et la conduite principale. Dans certains cas, par exemple lorsque le bâtiment est équipé d’une entrée de service en plomb, il peut être difficile d’obtenir un échantillon représentatif de l’eau arrivant de la conduite principale en raison de l’apport de plomb provenant de l’entrée de service. Dans une telle situation, il faut choisir un emplacement de rechange pour effectuer l’échantillonnage.
La présence de concentrations élevées de plomb dans l’eau de bâtiments comme les écoles est habituellement attribuable à un relargage du plomb à partir des matériaux et des raccords de plomberie ainsi qu’aux modes d’utilisation de l’eau (U.S. EPA, 2006; Boyd et coll., 2007; Pinney et coll., 2007). Diverses études évaluant les concentrations de plomb dans l’eau potable des fontaines et des robinets d’écoles au Canada et aux États-Unis ont démontré que les concentrations mesurées dans un même bâtiment peuvent varier de façon importante et présenter une distribution aléatoire (Boyd et coll., 2007; Pinney et coll., 2007). Une évaluation des concentrations de plomb dans l’eau d’écoles de Seattle (Washington) a montré que les échantillons de premier jet de 250 mL de 19 % des fontaines d’eau potable présentaient des concentrations supérieures à 0,015 mg/L (objectif du réseau) (Boyd et coll., 2008a). La contamination au plomb était attribuable à la présence de tuyaux en acier galvanisé, de soudures plomb-étain (50/50) et de pièces en laiton, comme des têtes de fontaine, des vannes, des bagues d’extrémité et des raccords flexibles. Il est donc important de mesurer les concentrations de plomb de l’eau des fontaines et des autres sorties d’eau destinée à la consommation dans les immeubles non résidentiels afin de déterminer s’il y a des concentrations élevées et de localiser les endroits où des mesures correctives s’imposent pour protéger la santé des occupants.
Bien qu’il existe peu de données sur la variabilité des teneurs en plomb dans l’eau des fontaines et des robinets des immeubles non résidentiels, des études ont montré qu’il est impossible de prédire la présence de concentrations élevées. Le nombre de sites à échantillonner dans un immeuble non résidentiel doit être établi dans le cadre de l’élaboration d’un plan d’échantillonnage. Un profil de la plomberie du bâtiment doit également être effectué afin d’estimer le potentiel de contamination par le plomb pour chaque fontaine et robinet d’eau potable froide, ainsi que chaque robinet utilisé pour la cuisine. Les autorités compétentes peuvent dresser le profil de la plomberie d’un bâtiment à l’aide des questions présentées dans le document d’orientation 3Ts de l’U.S. EPA (U.S. EPA, 2006). Les renseignements sur le profil de la plomberie d’un bâtiment pourront ensuite servir à l’élaboration d’un plan d’échantillonnage approprié pour le type de bâtiment évalué (p. ex. un service de garde, une école ou un immeuble à bureaux).
Les autorités responsables de l’entretien de la qualité de l’eau dans des immeubles non résidentiels devront faire un échantillonnage plus poussé aux sorties d’eau individuelles, en se basant sur le plan d’échantillonnage élaboré pour ces immeubles. Le plan d’échantillonnage doit accorder la priorité aux fontaines à eau et aux robinets d’eau froide utilisés pour la boisson et la cuisine en fonction des renseignements obtenus dans le profil de plomberie concernant notamment les zones comprenant des tuyaux de plomb, des soudures au plomb ou encore des raccords ou des appareils de plomberie en laiton, les zones de stagnation et les zones d’approvisionnement en eau qui desservent des consommateurs, dont des bébés, des enfants et des personnes enceintes.
Lorsqu’on prélève des échantillons aux robinets d’une cuisine d’un immeuble non résidentiel, il faut laisser les aérateurs et les grilles en place, et le débit de l’eau doit correspondre à celui normalement utilisé (environ 4 à 5 L/min). Toutefois, dans le cas des autres sorties d’eau, comme les fontaines, le débit est habituellement moins grand et doit par conséquent être également moins grand durant l’échantillonnage. Ces précautions contribuent à garantir que chaque échantillon est représentatif de la qualité moyenne de l’eau provenant de la fontaine ou du robinet où il a été prélevé. Il est également important de signaler qu’une étude a permis de montrer que l’ouverture et la fermeture des robinets d’arrêt associés aux raccords et aux appareils de plomberie (robinets et fontaines) avant le prélèvement des échantillons contribuent à accroître les concentrations de plomb de façon notable (Seattle Public Schools, 2005). Après l’ouverture d’un robinet d’arrêt, les sorties d’eau doivent être complètement purgées avant qu’on puisse laisser reposer l’eau dans les tuyaux pour la période de stagnation requise.
L’apport moyen en plomb chez une personne varie considérablement en raison de plusieurs facteurs, notamment le comportement du consommateur, la configuration de la plomberie (p. ex. habitation unifamiliale, immeuble à logements, immeuble de bureaux, école), les profils d’utilisation de l’eau (c.-à-d. le régime d’écoulement), le temps de contact de l’eau avec la plomberie, les effets saisonniers et la chimie de l’eau (Cardew, 2000, 2003; van den Hoven et Slaats, 2006; Schock et Lytle, 2011; Deshommes et coll., 2016). Les méthodes d’échantillonnage servant à évaluer l’exposition devraient idéalement tenir compte de ces variations. Des études ont montré que la méthode d’échantillonnage proportionnel composite permet de saisir la variabilité inhérente de l’exposition au plomb provenant de l’eau potable et qu’elle est représentative de cette exposition (Anjou Recherche, 1994; van den Hoven et Slaats, 2006; Schock et Lytle, 2011). L’échantillonnage proportionnel composite est réalisé au moyen d’un dispositif actionné par le consommateur qui est raccordé au robinet d’eau potable et qui détourne une petite proportion constante de chaque volume d’eau prélevé, généralement pendant une semaine. Ce type d’échantillonnage requiert un équipement qui est peu pratique pour la surveillance courante et qui convient mieux à l’échantillonnage à long terme.
Il est impossible d’établir un site d’échantillonnage qui soit représentatif de la majorité des écoles, de sorte qu’il devient nécessaire d’échantillonner chaque point d’eau potable pour évaluer l’exposition des enfants dans les écoles. Selon le site d’échantillonnage (école ou immeuble à logements multiples), il peut s’avérer nécessaire de prélever de plus petits échantillons et des volumes totaux plus faibles (Santé Canada, 2009b; Schock et Lytle, 2011; U.S. EPA, 2018).
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