Analyse des limites recommandées d'exposition humaine localisée aux champs de radiofréquences dans la gamme de fréquences de 6 GHz à 300 GHz

Santé Canada a développé un sommaire de son analyse des limites recommandées d'exposition humaine localisée aux champs de radiofréquences dans la gamme de fréquences de 6 GHz à 300 GHz. Le sommaire décrit la méthodologie et les résultats de l'approche adoptée par Santé Canada pour élaborer les recommandations qui ont été publiées en janvier 2021.

Sommaire

Afin de protéger la santé et la sécurité des Canadiens contre les champs électromagnétiques de radiofréquences (CEM-RF), Santé Canada surveille et évalue continuellement la documentation scientifique, mène des travaux de recherche et formule des recommandations sur les niveaux d'exposition humaine sécuritaires dans sa publication intitulée Code de sécurité 6 – Limites d'exposition humaine à l'énergie électromagnétique radioélectrique dans la gamme de fréquences de 3 kHz à 300 GHz. Le Code est révisé périodiquement pour tenir compte des nouvelles connaissances publiées dans la littérature scientifique. La version actuelle du Code de sécurité 6 comprend des limites d'exposition applicables aux champs de radiofréquences supérieures à 6 GHz fondées sur un scénario d'exposition du corps entier (c.-à-d. le corps entier est exposé au champ de RF). Dans la mesure où les technologies à venir commenceront à utiliser des fréquences supérieures à 6 GHz dans des dispositifs susceptibles d'être tenus près du corps, Santé Canada a jugé nécessaire de formuler des recommandations sur les limites d'exposition humaine localisée dans la gamme de fréquences concernée. Les limites d'exposition humaine localisée reposent sur des scénarios d'exposition où la source des radiofréquences est tenue près du corps et où seulement une petite zone du corps est exposée. Deux organismes internationaux, la Commission internationale de protection contre les rayonnements non ionisants (International Commission on Non-Ionizing Radiation Protection—ICNIRP) et l'Institute of Electrical and Electronics Engineers (IEEE) ont récemment publié des lignes directrices prévoyant de nouvelles limites d'exposition localisée dans la gamme de fréquences de 6 GHz à 300 GHz (ICNIRP, 2020; IEEE, 2019). Santé Canada a évalué ces nouvelles limites de sécurité dans le cadre de son processus d'élaboration d'une recommandation officielle relative aux expositions localisées dans cette gamme de fréquences.

Dans le présent rapport, nous résumons les fondements scientifiques des lignes directrices de l'ICNIRP (2020) sur les limites d'exposition localisée dans la gamme de fréquences de 6 GHz à 300 GHz à titre de mise en contexte. Les lignes directrices comprennent de nouvelles quantités pour évaluer les expositions localisées à des fréquences supérieures à 6 GHz au titre des restrictions de base, à savoir la densité de puissance absorbée applicable aux expositions continues et la densité d'énergie absorbée pour les expositions pulsées. L'ICNIRP (2020) prescrit également une nouvelle zone de moyenne spatiale de 4 cm2 pour les expositions localisées à des fréquences supérieures à 6 GHz et une zone de moyenne spatiale supplémentaire de 1 cm2 pour les fréquences supérieures à 30 GHz afin de prendre en compte les petits diamètres de faisceau susceptibles d'être produits par les dispositifs émettant des fréquences élevées pour satisfaire aux technologies émergentes. La norme de l'IEEE (2019) a introduit une nouvelle quantité – la « densité de puissance épithéliale » – aux fins d'évaluation par rapport à des niveaux de référence dosimétriques (analogues aux restrictions de base) et prescrit le même modèle spatial de moyenne que l'ICNIRP (2020) et les mêmes limites d'exposition localisée pour les expositions continues. Toutefois, la norme IEEE (2019) prescrit des exigences différentes de celles de l'ICNIRP (2020) pour les expositions pulsées. L'IEEE (2019) prescrit une limite de densité de puissance crête pour une fenêtre de référence de 100 ms et une limite de fluence (limite de densité d'énergie par impulsion) qui est applicable au-dessus de 30 GHz. Cette dernière limite semble excessivement restrictive et a été rejetée parce qu'elle ne respecte pas le modèle de transfert de chaleur biologique de Pennes accepté. Outre la limite de fluence, l'ICNIRP (2020) définit des limites de sécurité plus prudentes que l'IEEE (2019). C'est la raison pour laquelle nous concentrons notre analyse détaillée dans le présent rapport sur les lignes directrices de l'ICNIRP (2020).

En utilisant une approche d'examen systématique, Santé Canada a déterminé deux effets nocifs sur la santé en lien avec une exposition localisée à des CEM-RF à ondes millimétriques. Ces effets correspondent à une sensation de douleur due à la chaleur qui indique une température seuil absolue d'environ 42 °C - 43 °C et à des lésions tissulaires qui peuvent survenir lorsque la peau ou la cornée sont échauffées et maintenues à des températures égales ou supérieures à 43 °C. D'autres effets nocifs sur la santé sont possibles en théorie, si l'exposition localisée aux CEM-RF à ondes millimétriques fait monter la température corporelle centrale de plus de 1 °C. Toutefois, il est peu probable que les CEM-RF à ondes millimétriques produisent de tels effets sans que le seuil de température de la sensation de douleur due à la chaleur dans les tissus de type 1 soit dépassé, dans la mesure où la majeure partie de l'énergie est déposée dans les tissus superficiels en raison de la profondeur de pénétration limitée des CEM-RF à ondes millimétriques. Par conséquent, Santé Canada s'accorde avec l'ICNIRP pour dire que les principaux effets nocifs sur la santé à éviter lorsque l'intensité des CEM-RF à ondes millimétriques augmente sont une sensation de douleur due à la chaleur et des dommages thermiques aux tissus de type 1 (p. ex. peau/cornée).

À partir d'une analyse d'études sur les CEM-RF à ondes millimétriques et de recherches complémentaires (p. ex. hyperthermie et échauffement des tissus non liés aux CEM-RF) sur les seuils de température pour éprouver une sensation de douleur due à la chaleur et voir apparaitre des lésions thermiques tissulaires (section 4.2), Santé Canada conclut que le « seuil susceptible d'entraîner des effets avérés nocifs effectifs sur la santé » (OAHET, ou Operational Adverse Health Effect Threshold) de l'ICNIRP de 41 °C est une estimation prudente de la température minimale à laquelle des effets nocifs sur la santé (douleur due à la chaleur ou lésions thermiques tissulaires) peuvent se produire. D'après une analyse de preuves complémentaires sur les températures des tissus de type 1 au repos (normothermiques), Santé Canada considère que la température normothermique de la peau et de la cornée se situe entre 33 °C et 36 °C. Par conséquent, Santé Canada considère que le seuil OAHET de l'ICNIRP de 41 °C se situe au moins 5 °C au-dessus des températures normothermiques des tissus de type 1. Avec l'application d'un facteur de réduction de 10 et de 2 pour les limites d'exposition localisée de l'ICNIRP (2020) pour l'environnement non contrôlé et l'environnement contrôlé, l'ICNIRP entend limiter l'augmentation maximale de température localisée tissulaire aux limites maximales d'exposition autorisées de 0,5 °C et de 2,5 °C respectivement. Ces augmentations de température sont bien inférieures au seuil susceptible d'entraîner tous les effets nocifs sur la santé connus des CEM-RF à ondes millimétriques. Il est important de noter que nous subissons de modestes augmentations de température (1°C à 2°C) des tissus de type 1 dans notre vie quotidienne, qui sont provoquées par des sources de chaleur variées. De petits écarts par rapport aux augmentations de température tissulaire ciblées dans le cadre de scénarios d'expositions uniques/exotiques maintiendront toujours les augmentations de température des tissus de type 1 sous le seuil susceptible d'entraîner des effets nocifs.

Pour évaluer si les limites d'exposition localisée recommandées à des fréquences supérieures à 6 GHz fixées par l'ICNIRP (2020) se traduisent en des températures tissulaires localisées inférieures au seuil OAHET et respectent le principe de prudence voulu (c.-à-d. offrent les facteurs de réduction visés), nous avons effectué une modélisation numérique en utilisant un modèle de faisceau gaussien approximatif. Le modèle peut être utilisé pour estimer les augmentations de température dans les tissus humains en : i) déterminant la propagation de l'onde à travers plusieurs couches de tissus en supposant que le CEM incident est une onde plane, à partir de laquelle le CEM absorbé est calculé en fonction de sa profondeur dans le tissu; ii) prenant en compte l'effet du diamètre fini d'un faisceau en multipliant la distribution de la profondeur du CEM absorbé par une distribution transversale gaussienne; iii) résolvant l'équation de transfert de chaleur biologique de Pennes dans toutes les couches en tenant compte de l'effet de la diffusion thermique, du transport de la chaleur par perfusion sanguine et de la perte thermique par convection à la frontière air-peau. Comme représentation des tissus superficiels humains, un modèle à 3 couches composé de peau, de tissu adipeux sous-cutané et de muscle a été examiné pour les fréquences comprises entre 6 GHz et 60 GHz, et un modèle à 4 couches composé d'épiderme, de derme, de tissu adipeux sous-cutané et de muscle a été examiné pour les fréquences supérieures à 60 GHz et allant jusqu'à 200 GHz. Le modèle numérique a permis d'évaluer l'impact des moyennes temporelle et spatiale, tant pour les expositions continues que pour les expositions pulsées.

Grâce à l'application du modèle numérique, les estimations de température indiquant une augmentation supérieure au seuil OAHET de l'ICNIRP ont été jugées non prudentes; pour le reste, les limites ont été jugées prudentes. Cette analyse a été effectuée avec une variété de diamètres de faisceau, de fréquences et de durées d'exposition. Les résultats ont démontré que les limites d'exposition localisée de l'ICNIRP dans la gamme de fréquences de 6 GHz à 300 GHz n'étaient pas suffisamment prudentes pour tous les scénarios d'exposition. Le manque de prudence est particulièrement marqué pour les expositions de courtes impulsions à des fréquences de 30 GHz ou plus et avec de petits diamètres de faisceau. Dans les pires conditions d'exposition, nous avons estimé que les augmentations de température des tissus pouvaient atteindre un niveau 3,57 fois supérieur aux augmentations cibles de température de l'ICNIRP de 0,5 °C et de 2,5 °C dans des environnements non contrôlé et contrôlé, respectivement. Ces valeurs se traduisent en une augmentation de température localisée des tissus d'environ 1,79 °C pour les expositions dans un environnement non contrôlé et d'environ 8,93 °C pour les expositions dans un environnement contrôlé. De plus, dans l'environnement contrôlé (p. ex. professionnel), les températures pourraient dépasser le seuil OAHET de 41 °C et entraîner une sensation de douleur due à la chaleur ou des lésions tissulaires. Il est important de noter que les pires conditions d'exposition qui ont donné lieu à ces augmentations de température peuvent être corrigées en modifiant les limites d'exposition localisée de l'ICNIRP (2020).

Compte tenu du manque de prudence observé dans les limites d'exposition localisée de l'ICNIRP (2020) dans certains scénarios d'exposition, Santé Canada recommande d'appliquer les limites d'exposition localisée de l'ICNIRP (2020) avec quelques modifications. Ces modifications visent à assurer que les augmentations de température localisée des tissus découlant de l'exposition aux CEM-RF soient maintenues à des niveaux bien inférieurs aux seuils susceptibles d'entraîner des effets sur la santé scientifiquement établis. Si les modifications aux limites d'exposition localisée de l'ICNIRP recommandées par Santé Canada sont appliquées, les augmentations maximales de température des tissus (pire cas) associées seraient d'environ 0,77 °C pour un environnement non contrôlé et d'environ 3,85 °C pour un environnement contrôlé, des valeurs qui sont inférieures au seuil susceptible d'entraîner tous les effets nocifs pour la santé établis en cas d'exposition localisée à des champs de radiofréquences dans la gamme de fréquences de 6 GHz à 300 GHz.

Recommandations :

En matière d'exposition localisée aux CEM-RF dans la gamme de fréquences de 6 GHz à 300 GHz, Santé Canada recommande d'utiliser :

Les recommandations ci-dessus peuvent être reproduites dans un tableau simplifié dans lequel l'information de l'ICNIRP concernant les fréquences inférieures à 6 GHz peut être retirée puisque ces fréquences n'ont pas été traitées dans la présente évaluation :

Tableau 1 : Restrictions de base pour l'exposition locale aux champs électromagnétiques de > 6 GHz à 300 GHz
Scénario d'exposition Durée d'exposition
(t)
Densité d'énergie
absorbée locale
[kJ/m2]
Densité de puissance
absorbée locale
[W/m2]
Environnement contrôlé 0 s < t < 360 s 36 [0,05+0,95(t/360)0,5] S. O.
t ≥ 6 min S. O. 100
Environnement non contrôlé 0 s < t < 360 s 7,2 [0,05+0,95(t/360)0,5] S. O.
t ≥ 6 min S. O. 20

Notes :

  1. « S.O. » signifie « sans objet » et n'a pas besoin d'être pris en compte lors de la détermination de la conformité.
  2. « t » correspond au temps exprimé en secondes et les restrictions doivent être respectées pour toutes les valeurs de t comprises entre > 0 s et < 360 s, quelles que soient les caractéristiques temporelles de l'exposition elle-même.
  3. Les expositions à la densité de puissance absorbée locale doivent être moyennées sur 6 minutes.
  4. La moyenne de la densité de puissance absorbée locale doit être calculée sur une surface carrée de 4 cm2 du corps. Au-delà de 30 GHz, une contrainte supplémentaire est imposée, de sorte que l'exposition spatiale crête est limitée à deux fois celle de la restriction de 4 cm2.
  5. La moyenne de la densité d'énergie absorbée locale doit être calculée sur une surface carrée de 4 cm2 du corps. Au-delà de 30 GHz, une contrainte supplémentaire est imposée, de sorte que l'exposition spatiale crête est limitée à 72[0,025+0,975(t/360)0,5] kJ/m2 pour un environnement contrôlé et à 14,4[0,025+0,975(t/360)0,5] kJ/m2 pour un environnement non contrôlé.
  6. L'exposition provenant de toute impulsion, groupe d'impulsions ou sous-groupe d'impulsions dans un train, ainsi que de la somme d'expositions (incluant les CEM non pulsés), délivrées en t secondes, où t est la somme de toutes les périodes pendant lesquelles l'exposition est non nulle, ne doit pas dépasser ces niveaux.
Tableau 2 : Niveaux de référence pour l'exposition locale aux champs électromagnétiques de > 6 GHz à 300 GHz
Scénario d'exposition Durée d'exposition
(t)
Densité d'énergie
incidente locale
[kJ/m2]
Densité de puissance
incidente locale
[W/m2]
Environnement contrôlé 0 s < t < 360 s 275/fG0,177 X 0,36[0,05+0,95(t/360)0,5] S. O.
t ≥ 6 min S. O. 275/fG0,177
Environnement non contrôlé 0 s < t < 360 s 55/fG0,177 X 0,36[0,05+0,95(t/360)0,5] S. O.
t ≥ 6 min S. O. 55/fG0,177

Notes :

  1. « S.O. » signifie « sans objet » et n'a pas besoin d'être pris en compte lors de la détermination de la conformité.
  2. fG est la fréquence en GHz; t est l'intervalle temporel exprimé en secondes, de sorte que l'exposition à toute impulsion, groupe d'impulsions ou sous-groupe d'impulsions dans un train, ainsi que de la somme d'expositions (incluant les CEM non pulsés), délivrés en t secondes, où t est la somme de toutes les périodes pendant lesquelles l'exposition est non nulle, ne doit pas dépasser ces niveaux.
  3. La densité d'énergie incidente doit être calculée sur une période t.
  4. La moyenne de la densité de puissance incidente doit être calculée sur une période de 6 minutes.
  5. Pour les fréquences de > 6 GHz à 300 GHz : (a) dans la zone de champ lointain, la conformité est démontrée si le calcul de la moyenne de la densité de puissance incidente projetée sur une surface carrée du corps de 4 cm2 ne dépasse pas les valeurs des niveaux de référence ci-dessus; la densité de puissance incidente équivalente en ondes planes peut remplacer la densité de puissance incidente; (b) dans la zone de champ proche rayonnant, la conformité est démontrée si le calcul de la moyenne de la densité de puissance incidente projetée sur une surface carrée du corps de 4 cm2 ne dépasse pas les valeurs des niveaux de référence ci-dessus; (c) dans la zone de champ proche réactif, les niveaux de référence ne peuvent pas être utilisés pour déterminer la conformité, et par conséquent les restrictions de base doivent être évaluées.
  6. Pour les fréquences de > 6 GHz à 300 GHz : (a) dans la zone de champ lointain ou de champ proche rayonnant, la conformité est démontrée si le calcul de la moyenne de la densité d'énergie incidente projetée sur une surface carrée du corps de 4 cm2 ne dépasse pas les valeurs des niveaux de référence ci-dessus; (b) dans la zone de champ proche réactif, les niveaux de référence ne peuvent être utilisés pour déterminer la conformité, et par conséquent les restrictions de base doivent être évaluées.
  7. Pour les fréquences de > 30 GHz à 300 GHz, l'exposition spatiale crête de la densité de puissance incidente ne doit pas dépasser deux fois celle de la restriction de 4 cm2.
  8. Pour les fréquences de > 30 GHz à 300 GHz, l'exposition spatiale crête de la densité d'énergie incidente ne doit pas dépasser 275/fG0,177 X 0,72[0,025+0,975(t/360)0,5] kJ/m2 pour un environnement contrôlé et 55/fG0,177 X 0,72[0,025+0,975(t/360)0,5] kJ/m2 pour un environnement non contrôlé.

Détails de la page

Date de modification :