ARCHIVÉ - Éclosion de gastro-entérite chez les militaires des forces canadiennes en Bosnie-Herzégovine (août 2003)

 

Volume 31-13
1er juillet 2005


Les Forces canadiennes (FC) et autres forces de l'OTAN effectuent des opérations de maintien de la paix en Bosnie-Herzégovine depuis 10 ans, sous les auspices du Conseil de sécurité des Nations Unies. En août 2003, on comptait environ 1 192 militaires des FC en poste dans cinq camps canadiens (Velika Kladusa, Zgon, Bihac, Glamoc et Drvar), trois camps multinationaux (Banja Luka, Sipovo, Sarajevo) et deux postes de retransmission automatique (Gos Peak et mont Gola). Environ 449 militaires des FC vivaient au camp de Zgon.

Dans chaque camp, le personnel du poste sanitaire d'unité (PSU) des FC offrait aux militaires des FC en déploiement des soins courants en clinique externe, des soins médicaux d'urgence et des soins de courte durée en établissement. Il offrait également des soins d'urgence aux sous-traitants du ministère de la Défense nationale.

Le 20 août 2003, le PSU du camp de Zgon a avisé le médecin-chef de la Force opérationnelle du fait que, depuis le 1er août 2003, 38 personnes avaient signalé souffrir de gastro-entérite. Dix-neuf de ces personnes s'étaient présentées au PSU le 19 août 2003. D'autres militaires étaient apparemment malades, mais n'avaient pas signalé leur état au PSU. Par le passé, on observait habituellement un ou deux cas de gastro-entérite par mois. Le PSU a fait savoir qu'il avait épuisé ses réserves d'antidiarrhéiques. Aucun des malades n'a dû être hospitalisé; seul un patient a dû être gardé en observation pendant la nuit afin de subir une réhydratation intraveineuse. Le 20 août 2003, le médecin-chef de la Force opérationnelle a demandé l'aide de la Direction de la protection de la santé de la Force du ministère de la Défense nationale (MDN) du Canada.

Conditions de vie

Les militaires des FC étaient hébergés dans des tentes en toile (weather havens) pouvant loger plusieurs personnes, des casernes ordinaires et des conteneurs maritimesmodifiés, dotés de lits; les camps étaient dotés d'installations sanitaires collectives. Au cours des exercices en campagne, lesmilitaires dormaient à plusieurs dans des tentes en toile, leurs lits de camp n'étant séparés que de quelques centimètres, et utilisaient des latrines extérieures.

Dans les camps, les membres prenaient leurs repas dans une salle commune (le mess), où les aliments étaient présentés comme dans une cafétéria, c'est-à-dire que les militaires pouvaient se servir eux-mêmes (p. ex., buffet à salade, distributrices de boissons, buffet de fruits, buffet de pain, etc.).

Dans tous les camps, l'eau embouteillée était rationnée. Dans les camps de grandes dimensions, l'eau était tirée de puits municipaux et/ou de rivières de la région. L'eau des puits municipaux était traitée au chlore, mais n'était pas considérée potable en raison de sa teneur fluctuante en résidus de chlore; on s'en servait dans les installations sanitaires, pour les toilettes, les douches et les lavabos.

À Zgon, les eaux fluviales étaient contaminées par le ruissellement des égouts et par l'eau servant au bain des humains ou à l'abreuvement du bétail. Pour obtenir de l'eau potable, on utilisait un système de purification de l'eau par osmose inverse (SPEOI). On faisait passer l'eau, puisée à l'aide d'un boyau d'entrée situé à environ un mètre de la rive, à travers un filtre de 2 000 µm; ensuite, on la pompait vers un centre d'épuration en vue de la filtrer davantage, à l'aide de filtres de 100 µm à 1,0 µm. Dans les petits camps non dotés de systèmes de purification, de l'eau potable traitée par SPEOI était livrée à l'aide de camions et de remorques-citernes « water buffalo ». Les véhicules étaient sous surveillance et protégés.

Méthodologie

Le médecin-chef de la Force opérationnelle a formé et dirigé une équipe multidisciplinaire qui a été chargée de mener l'enquête. À l'aide du registre des patients ayant obtenu des soins en clinique externe, l'équipe a retracé les personnes ayant présenté des symptômes gastro-intestinaux et a réalisé un examen rétrospectif des dossiers médicaux du PSU; elle a noté l'âge des patients, leur sexe, la date de la consultation, la date d'apparition des symptômes et la durée de ces derniers, ainsi que les traitements. L'équipe a ensuite élaboré une définition de cas clinique.

L'équipe a communiqué avec les autres camps des FC (Drvar, Bihac, Gos Peak, mont Gola, Velika Kladusa, Banja Luka) dont les militaires pouvaient avoir travaillé avec ceux du camp de Zgon, avoir été en congé/permission en même temps que ces derniers ou avoir utilisé les mêmes sources d'eau; on voulait déterminer s'il y avait eu aussi une augmentation du nombre de cas de maladie gastro-intestinale dans ces camps. Une telle augmentation a été signalée au camp de Drvar, et des données semblables ont été obtenues relativement aux personnes atteintes. Le camp de Zgon partageait également une source d'eau secondaire avec la localité avoisinante; l'équipe a donc communiqué avec l'hôpital civil de la région pour vérifier s'il y avait eu une augmentation du nombre de consultations pour des symptômes gastro-intestinaux.

Le 21 août 2003, on a mis en place des mesures de surveillance accrue, comprenant la déclaration quotidienne des cas au médecin-chef de la Force opérationnelle, dans tous les camps des FC. À Zgon, on a procédé à la recherche active des cas. Toutes les personnes atteintes d'une maladie gastroinstestinale aiguë devaient se présenter au PSU à des fins d'évaluation. On avait élaboré un questionnaire standard afin de recueillir des données démographiques sur ces personnes ainsi que des données sur les symptômes, l'emploi, les conditions d'hébergement pendant la nuit, la consommation d'eau et d'aliments et les antécédents de voyage. On a obtenu une copie du menu du mess pour les mois de juillet et d'août, ce qui a facilité l'anamnèse alimentaire. On a interrogé les personnes qui correspondaient à la définition de cas afin de formuler des hypothèses étiologiques.

Des échantillons de selles ont été obtenus de plusieurs personnes gravement malades et envoyés au laboratoire de microbiologie de Zagreb (Croatie) afin qu'on y cherche la présence d'oeufs et de parasites et qu'on y effectue des mises en culture, des épreuves de sensibilité aux antibiotiques et des analyses virologiques. En ce qui concerne les analyses virologiques, le laboratoire était en mesure de dépister les adénovirus et les rotavirus, mais non les norovirus.

Les analyses environnementales réalisées dans la cuisine englobaient l'inspection de la propreté des lieux, du lavage de la vaisselle et desméthodes de conservation, de préparation et de présentation des aliments. On a demandé aux employés de la cuisine s'ils avaient présenté récemment des symptômes gastrointestinaux. Des échantillons ont été prélevés de l'eau des éviers de la cuisine du mess (SPEOI), des citernes « water buffalo » (SPEOI) et des lavabos des toilettes (eau municipale non potable). On a également échantillonné les distributrices d'eau et de jus dumess en raison des problèmes déjà posés par ces machines. À l'aide d'un filtre àmembrane de la société Millipore (Billerica, Massachusetts), le technicien en médecine préventive a cherché àmettre en évidence la présence ou l'absence de coliformes fécaux et à réaliser une numération des bactéries hétérotrophes. Une inspection du centre d'épuration des eaux par SPEOI a été effectuée à la recherche d'une éventuelle défaillance; on a également examiné les registres du centre afin de vérifier les taux de chlore et les résultats des numérations bactériennes des 6mois précédents.

Résultats

Définition de cas

Militaire des FC ou employé civil des camps de Zgon ou de Drvar qui avait souffert de vomissements et/ou de diarrhée (trois selles liquides ou plus en 24 heures) et s'était présenté au PSU après le 1er août 2003.

Épidémiologie descriptive

Entre le 1er août 2003 et le 1er septembre 2003, on a dénombré 139 cas de maladie gastro-intestinale dans l'ensemble des camps des FC. De ce nombre, 115 ont été enregistrés dans les camps de Zgon (96) et de Drvar (19), où les taux d'atteinte étaient de 21 % (96/449) et de 11 % (19/170), respectivement. L'hôpital civil de la région, situé près du camp de Zgon, n'a fait état d'aucune augmentation du nombre de cas de maladie gastrointestinale au cours de cette période. La courbe épidémique (figure 1) montre une tendance irrégulière, caractérisée par de faibles pics tous les 2 ou 3 jours et un pic important le 19 août 2003, vers le milieu de l'éclosion. La courbe épidémique donne à penser que la transmission se faisait principalement de personne à personne.


Figure 1. Courbe épidémique des cas de gastro-entérite : camps de Zgon et de Drvar (Bosnie-Herzégovine) du 1er août au 1er septembre, 2003 (n = 115)

figure 1

Au camp de Zgon, le taux d'atteinte selon le sexe était plus faible chez les hommes, soit 21 % (84/409), que chez les femmes, soit 30 % (12/40). Au camp de Drvar, on comptait très peu de femmes (n = 9), et aucune d'entre elles n'était atteinte. Les hommes étaient les seuls touchés; le taux d'atteinte chez ces derniers était de 12 % (19/161). Dans les deux camps, l'âge moyen des cas était de 28 ans (intervalle : 19 à 43 ans).

La durée de la maladie était connue pour 20 cas et s'établissait à 4,5 jours en moyenne (intervalle : 2 à 9 jours). Au nombre des symptômes le plus souvent signalés, citons une diarrhée, des crampes abdominales, des nausées, des céphalées, des frissons et des vomissements (tableau 1). Au camp de Zgon, 16,7 % (16/96) des cas ont été pris de vomissements et de diarrhée, tandis qu'au camp de Drvar, seul un cas présentait ces deux symptômes. Une personne a signalé avoir eu des selles sanglantes, vraisemblablement attribuables à la présence de symptômes graves et prolongés, et une autre a dû être gardée en observation pendant la nuit au PSU, afin de subir une réhydratation intraveineuse. Il n'y a eu aucune hospitalisation ni aucun décès.

On a dressé une cartographie des cas du camp de Zgon selon le lieu d'hébergement pendant la nuit et la date d'apparition des symptômes. Les cas étaient concentrés dans quatre tentes « weather haven » où étaient logés des membres du personnel affecté au transport, des membres du groupe des véhicules blindés et des membres du régiment du Génie. Soixante-douze pour cent des cas (69/96) ont indiqué avoir été en contact étroit avec des personnesmalades (p. ex., contacts au travail ou dans les lieux d'hébergement). Au camp de Drvar, 52,6 % (10/19) des cas étaient logés dans des casernes ordinaires.

Les militaires des FC des camps de Zgon et de Drvar travaillaient et se déplaçaient souvent ensemble. Cinquante-deux cas sur 94 (53,1 %) du camp de Zgon et 7 cas sur 19 (56,8 %) du camp de Drvar avaient effectué des voyages dans le cadre d'une permission en juillet et en août. Les principales destinations de ces personnes étaient les villes de Split et de Maribor (Croatie), l'Italie, l'Espagne et le Canada.

En ce qui concerne les cas du camp de Zgon, l'eau utilisée pour boire et se brosser les dents était principalement de l'eau embouteillée (96,5 %) et de l'eau traitée par SPEOI (47,4 %). Chez les cas du camp de Zgon, l'anamnèse alimentaire sur 3 jours n'a fait ressortir aucun aliment suspect; on n'a donc prélevé aucun échantillon d'aliments.

Tableau 1. Symptômes cliniques des cas de gastro-entérite par camp des Forces canadiennes
Symptômes
Zgon, n=96
Drvar, n=19
Total*
Oui n (%)
Non n (%)
Oui n (%)
Non (%)
Taux n (%)
Diarrhée 95 (99.0%) 1 (1.0%) 19 (100%) 0% 114/115 (99.1%)
Crampes 82 (85.4%) 12 (12.5%) 10 (52.6%) 2 (10.5%) 92/106 (86.8%)
Céphalées 46 (47.9%) 36 (37.5%) 3 (15.8%) 9 (47.4%) 49/94
Nausées 45 (46.9%) 47 (49.0%) 11 (57.9%) 1 (5.3%) 56/104 (53.9%)
Frissons 28 (29.0%) 48 (50.0%) 1 (5.3%) 11 (57.9%) 29/88 (33.0%)
Douleurs musculaire 23 (24.0%) 31 (32.3%) N/A n/d N/A n/d 23/54 (43.0%)
Vomissements 17 (17.7%) 72 (75.0%) 1 (5.3%) 11 (57.9%) 18/101 (17.8%)
Diarrhée et vomissements ** 16 (16.7%) 72 (76.6%) 1 (5.3%) 11 (57.9%) 17/100 (17.0%)
Selles sanglantes 1 (1.0%) 95 (99.0%) 0 (0.0%) 19 (100%) 1/115 (0.8%)
* Les dénominateurs varient en raison de la non-disponibilité de certaines données sur les symptômes.
** Non mutuellement exclusifs

Parmi les échantillons de selles obtenues chez 18 cas présentant une atteinte aiguë, 94,4 % (17/18) se sont avérés négatifs pour les oeufs, les parasites et les adénovirus/rotavirus. L'unique cas positif pour les adénovirus/rotavirus présentait des symptômes gastro-intestinaux récurrents depuis 2 mois. Les mises en culture et les épreuves de sensibilité aux antibiotiques ont donné des résultats négatifs, sauf dans le cas d'un échantillon, positif à l'égard de Salmonella.

Évaluation environnementale

Cuisine/aliments : Vers le début de l'enquête, un employé de la cuisine a subi un examen médical périodique en fin de rotation. Un échantillon de selles qu'il avait fourni a donné des résultats positifs à l'égard de Giardia lamblia. L'employé a continué de travailler malgré les symptômes gastrointestinaux aigus dont il souffrait. Le 22 août 2003, l'employé a été temporairement relevé de ses fonctions jusqu'à ce qu'il ait reçu des traitements et que les analyses de selles ultérieures aient donné des résultats négatifs. Aucun autre membre du personnel n'a fait état d'une quelconque affection.

On n'a découvert aucun manquement aux mesures d'hygiène ou aux mesures de conservation, de préparation et de présentation des aliments. Des aliments locaux n'étaient achetés ou consommés qu'en des circonstances exceptionnelles. Tous les aliments utilisés dans la cuisine étaient achetés auprès d'un grossiste européen réputé.

Traitement de l'eau : Le 23 août 2003, on a vérifié le processus utilisé pour traiter l'eau par SPEOI, afin d'exclure la possibilité d'une quelconque défaillance du système. Les filtres fonctionnaient normalement et étaient bien entretenus. Le conductimètre utilisé pour mesurer le degré d'élimination des particules après filtration de l'eau brute venait tout juste d'être étalonné et fonctionnait dans les limites normales.

Des analyses bactériologiques de routine ont été réalisées hebdomadairement sur l'eau des éviers de la cuisine, des lavabos des installations sanitaires, des camions de transport et des citernes « water buffalo ». Les taux de chlore étaient mesurés quotidiennement et faisaient l'objet d'un rapport mensuel. Toutes les concentrations de résidus de chlore étaient dans les limites normales ( = 0,2 ppm), et les mises en culture n'ont révélé la présence d'aucune bactérie au cours des mois de juillet et d'août 2003.

Les taux résiduels de chlore dans l'eau traitée par SPEOI et transportée par quatre camions aux camps de Drvar, de Gos Peak et de mont Gola étaient systématiquement mesurés avant que les camions ne quittent le camp de Zgon. On a vérifié les registres faisant état de ces analyses et constaté que les taux étaient dans les limites normales ( = 0,4 ppm).

Analyses de laboratoire : Le 22 août 2003, des échantillons ont été prélevés dans quatre distributrices d'eau et de jus du mess et soumis à des analyses bactériologiques. On a noté la présence de coliformes dans la distributrice de jus d'orange et ce, malgré plusieurs nettoyages et malgré le fait que le personnel ait été informé des bonnes mesures d'hygiène. On a cessé d'utiliser la distributrice tant que les résultats n'ont pas été négatifs à l'égard des coliformes totaux.

Le 24 août 2003, les échantillons d'eau prélevés des éviers de la cuisine du mess (SPEOI), des citernes « water buffalo » (SPEOI) et des lavabos des toilettes (eau municipale non potable) ont tous donné des résultats négatifs à l'égard de bactéries (coliformes fécaux ou Escherichia coli).

Mesures de prévention et de lutte

Le 22 août 2003, on a émis un avis d'ébullition de l'eau en raison de l'incertitude entourant les taux de chlore et l'efficacité du système de filtration de l'eau, et en raison du fait que l'échantillon de selles d'un employé dela cuisine avait donné des résultats positifs à l'égard de Giardia lamblia. Les autres mesures de prévention et de lutte comprenaient les suivantes :

  • les personnes atteintes ont été relevées temporairement de leurs fonctions jusqu'à ce qu'elles ne présentent aucun symptôme depuis 48 heures;
  • les personnes atteintes devaient dormir dans les quartiers de nuit;
  • les repas étaient servis dans les quartiers;
  • des installations sanitaires ont été réservées à l'usage exclusif des personnes atteintes;
  • on a intensifié les mesures de nettoyage dans les aires communes (p. ex., installations sanitaires, salles d'ordinateurs, téléphones publics, mess, gymnase);
  • on a amélioré les installations de lavage des mains et les affiches indiquant de se laver les mains;
  • on a demandé que tous les militaires des FC entrant dans le mess se lavent les mains;
  • on a expliqué de nouveau au personnel de la cuisine la bonne façon de manipuler les aliments;on a diminué le nombre de buffets et cessé de servir des aliments qui se mangent avec les doigts.

L'éclosion a été maîtrisée 2 semaines après la mise en place des mesures de prévention et de lutte.

Analyse

Un taux élevé de cas de maladie gastro-intestinale a été signalé dans les camps de Zgon et de Drvar en août 2003. On a réalisé une enquête épidémiologique et une évaluation environnementale sans toutefois pouvoirmettre le doigt sur la source de l'infection ni sur l'agent pathogène qui en était responsable. La nature des symptômes, la courte durée de la maladie et le fait que la maladie se transmettait par contact personnel donnaient à penser qu'il s'agissait d'une infection virale. Les résultats négatifs aux diverses épreuves (recherche d'oeufs et de parasites, mises en culture, épreuves de sensibilité aux antibiotiques) tendent à confirmer cette hypothèse. Les caractéristiques cliniques et épidémiologiques de l'éclosion étaient compatibles avec une infection par un norovirus, mais on ne disposait pas des ressources nécessaires pour détecter cet organisme à Zagreb. Bien que certains échantillons aient donné des résultats positifs à l'égard de Giardia lamblia, d'adénovirus/rotavirus ou des espèces du genre Salmonella, il semblait s'agir de cas sporadiques.

Une des limites de notre enquête était le fait que l'eau embouteillée n'a pas été analysée. Cependant, les résultats épidémiologiques évoquaient une transmission interhumaine et non l'existence d'une source ponctuelle ou commune responsable de l'éclosion. Une autre limite était liée à l'utilisation d'une approche descriptive. Une étude cas/témoins aurait pu mettre en lumière certains facteurs de risque associés à la transmission,mais nous n'avons pas adopté une telle approche pour les raisons suivantes : les résultats de l'étude d'épidémiologie descriptive, des analyses de laboratoire et des évaluations environnementales semblaient indiquer que l'agent causal probable était un norovirus; nous avons dû faire face à des obstacles d'ordre logistique pendant la conduite de l'enquête; lesmesures de prévention et de lutte mises en place ont eu un effet rapide. Les obstacles d'ordre logistique nous ont également empêché de quantifier la durée de la maladie et l'impact global sur la force des troupes (p. ex., nombre de jours de travail perdus).

Les éclosions à norovirus sont courantes dans bien des milieux (collectivités, hôpitaux, paquebots), et il est reconnu qu'elles sont difficiles à prévenir et à maîtriser(1-3). C'est particulièrement vrai dans un contexte militaire(4). Des études menées par le Royaume-Uni et les États-Unis ont indiqué que l'insuffisance des mesures d'hygiène appliquées lors des entraînements militaires et des opérations de déploiement(4), l'exiguïté des lieux d'hébergement (4-7), la prise des repas dans une salle commune et la consommation des mêmes aliments(8), et la contamination de l'eau de boisson(9) contribuent à l'apparition d'éclosions et de maladies gastro-intestinales sporadiques.

Au cours de notre enquête, nombre de personnes atteintes ont indiqué avoir été en contact étroit avec d'autres malades. La nature dynamique du déploiement en Bosnie-Herzégovine, le fait que lesmilitaires dormaient dans des lieux bondés et que lesmembres de divers camps travaillaient et étaient en permission ensemble ont vraisemblablement contribué à la propagation de la maladie dans les camps et d'un camp à l'autre. Il faut renforcer lesmesures de sensibilisation à l'égard des bonnesmesures d'hygiène personnelle et des méthodes d'hygiène publique avant et pendant les déploiements.

Bien qu'il ait été impossible de calculer le nombre de jours de travail perdus, les taux d'atteinte (21 % au camp de Zgon et 11 % au camp de Drvar), comme dans le cas d'autres enquêtes, montrent les répercussions que peuvent avoir les maladies gastro-intestinales sur la force des troupes, sur les opérations militaires courantes et sur les ressources en matière de santé(4,7,10). Les professionnels de la santé militaires doivent comprendre et utiliser les systèmes de surveillance de la santé pour contrôler les phénomènes de santé qui surviennent dans la population qu'ils desservent. Ils devraient ainsi être à même de détecter plus tôt les éclosions de maladie gastro-intestinale, ce qui pourrait faciliter la détection et l'élimination des sources et favoriser la prise rapide de mesures de prévention et de lutte en vue de réduire le nombre de militaires malades.

Conclusion

En août 2003, une éclosion de gastro-entérite a été signalée chez les militaires des FC déployés en Bosnie-Herzégovine. Aucun agent causal n'a été isolé, mais on soupçonne que l'éclosion était due à un agent viral, probablement un norovirus. Avec l'aide de la chaîne de commandement opérationnel, la mise en place rapide de mesures de prévention et de lutte a permis de maîtriser l'éclosion en deux semaines. Pendant les déploiements, les militaires sont appelés à vivre dans des lieux bondés, ce qui facilite la transmission de maladies contagieuses. Il convient donc de mettre l'accent, au scours de la formation préparatoire au déploiement et pendant les opérations, sur l'importance de renforcer les mesures d'hygiène personnelle, d'accorder une attention particulière aux bonnes pratiques sanitaires et de surveiller étroitement les tendances des maladies afin d'éviter les éclosions de maladies infectieuses ou de les circonscrire.

Remerciements

Les auteurs tiennent à remercier les personnes suivantes pour leur contribution à l'enquête : le Capt D. Scott, MD, BFC Winnipeg (Man.); l'Adj D. Hort, Centre des services de santé des Forces canadiennes (A) Halifax (N.-É.); l'Adj S. Cunningham, École du Service de santé des Forces canadiennes, BFC Borden (Ont.); l'Adj M. Boucher, BFCWinnipeg (Man.); le Sdt G. Turcott, BFC Edmonton (Alb.); le personnel du PSU de la ROTO 12 de la Force opérationnelle en Bosnie-Herzégovine des camps de Zgon et de Drvar; le laboratoire de microbiologie de Zagreb (Croatie); le Dr M. Carew, Direction de la protection de la santé de la Force, MDN, Ottawa (Ont.); ainsi que les Dres L. Panaro et L. Lior, Programme canadien d'épidémiologie de terrain, Agence de la santé publique du Canada, Ottawa (Ont.).

Références

  1. Lawrence DN. Outbreaks of gastrointestinal diseases on cruise ships: Lessons from three decades of progress. Curr Infect Dis Rep 2004;6(2):115-23.
  2. McCall J, Smithson R. Rapid response and strict control measures can contain a hospital outbreak of Norwalk-like virus. Commun Dis Public Health 2002;5(3):243-6.
  3. Kaplan JE, Goodman RA, Schonberger LB et coll. Clinical manifestation of norovirus gastroenteritis in health care settings. Clin Infect Dis 2004;39(3):318-24.
  4. Arness MK, Feighner BH, Canham ML et coll. Norwalk-like virus gastroenteritis outbreak in U.S. Army trainees. Emerg Infect Dis 2000;6(2):204-7.
  5. Sharp TW, Thornton SA, Wallace MR et coll. Diarrheal disease among military personnel during operation Restore Hope, Somalia, 1992-1993. AmJ TropMed Hyg 1995;52(2):188-93.
  6. McCarthy M, Estes MK, Hyams KC. Norwalk-like virus infection in military forces: Epidemic potential, sporadic disease, and the future direction of prevention and control efforts. J Infect Dis 2000;181(Suppl 2):S387-91.
  7. Thornton S, Davies D, Chapman F et coll. Detection of Norwalk-like virus infection aboard two US Navy ships. Mil Med 2002;167(10):826-30.
  8. Centers for Disease Control and Prevention. Outbreak of acute gastroenteritis associated with Norwalk-like viruses among British military personnel - Afghanistan, May 2002. JAMA 2002;287(24):3202-4.
  9. Warner RD, Carr RW, McCleskey FK et coll. A large nontypical outbreak of Norwalk virus: Gastroenteritis associated with exposing celery to nonpotable water and with Citrobacter fereundii. Arch Intern Med 1991;151(2):2419-24.
  10. Sharp TW, Hyams KC, Watts D et coll. Epidemiology of Norwalk virus during an outbreak of acute gastroenteritis aboard a US aircraft carrier. J Med Virol 1995;45(91):61-7.

Source : J Wilson, BScN, MHSc, Programme canadien d'épidémiologie de terrain, Agence de la santé publique du Canada; B Strauss, IA, MSc, et le Captf I Fleming, MD, MHSc, Direction de la protection de la santé de la Force, MDN; le Sgt T Schulz, BFC Shilo (Man.); et Dr M Tepper, FRCPC, Direction de la protection de la santé de la Force, MDN.


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